Vous êtes sur le carnet de guerre d’Edouard Guillouard et photos de Fernand Leglaive au 84° RIT et il y a beaucoup de pages dont table des matières Edouard Guillouard (carnet de guerre) Fernand Leglaive (appareil photo)
JOURNAL D’AIMÉE GUILLOT, BELLE MÈRE D’EDOUARD GUILLOUARD
à la grâce de Dieu !
que nos chers disparus nous obtiennent force et résignation à accepter vaillamment ce qui arrive !
[J’ai eu l’immense bonheur de pouvoir consulter ce journal chez mon défunt cousin Alain Guillouard. Aimée Guillot, mon arrière grand mère occupe son temps en prières, lessive, jardin, raccomodage, prières, etc… et mauvaises nouvelles…. Entre crochets et en italique, c’est moi, Odile Halbert, qui vous commente le journal de mes grands parents]
Clisson, 2 octobre 1917 Aujourd’hui jour anniversaire de mon pauvre Charles voilà 8 ans ce jour qu’il nous a quitté pour toujours. La messe était à son intention. Que les Saints anges gardiens dont aujourd’hui la fête, le conduisent auprès du bon Bieu s’il n’y est déjà et qu’il prie pour nous qui sommes de reste sur cette terre pendant cette terrible guerre qui ne finit pas et peut être une révolution qui se prépare. [effectivement, c’est la révolution Russe le 17 octobren donc les journaux Français en parlait]
[photo 1917, devant la vitrine de la quincaillerie rue Saint-Jacques à Nantes. Les femmes, voutées avant l’âge, portent le deuil, habillées de noir, y compris le voile noir. A gauche Aimée Guillot, belle-mère d’Edouard Guillouard. Elle a seulement 70 ans ! Elle écrit alors le cahier que vous lisez. Elles gardent leurs petits enfants. Celui du milieu, Robert, porte casquette militaire et fusil. Cette photo est la plus impressionnante que je possède. Elle impressionnait même ma maman, décédée à 83 ans encore jolie femme, surtout pas ratatinée et voutée et couverte de voiles noirs. Et aujourd’hui, en 2022 je vais avoir 84 ans, et je ne ressemble en rien à ces vieilles voutées, mes 2 arrière grand mères, même si je loin d’être belle ! NOUS VIEILLISSONS AUJOURD’HUI MIEUX QU’AUTREFOIS !!!]
Que la vie est loin d’être gaie comme en temps de paix où nous étions plus tranquilles. Que de disparus hélas ! La vie est en ce moment un tourment continuel.
[portrait chez le photographe Pervez rue Contrescarpe voisin des parents d’Aimée Audineau l’épouse d’Edouard Guillouard – Cette photo de 1912 était manifestement sur Edouard Guillouard avec les suivantes durant ses années au front]
L’anxiété de nos pauvres soldats, l’attente si désirée de la victoire.
La France est bien coupable mais elle est bien punie aussi. Prions les âmes du purgatoire de venir à notre secours, que nos chers disparus nous obtiennent force et résignation à accepter vaillamment ce qui arrive. Qui m’aurait dit que je serais venue demeurer ici. J’étais bien loin de m’y attendre. Je vois que le doigt de Dieu est partout.
Aimée est avec moi et ses enfants, nous nous réunissons pendant cette triste guerre et marchons à la grâce de Dieu. Il n’arrivera que ce qu’il voudra, je me mets à sa sainte volonté. Odette et Robert ont repris leur classe très heureux d’y aller et petite Thérèse toujours mignonne vient du jardin avec moi et Flavie de ramasser nos poires et nos pommes de Reinette pour cet hiver que nous serons contents d’avoir.
Le jardin est une grande occupation avec nos petits lapins. J’ai fait planter des artichauts. S’ils pouvaient réussir et ne pas geler cette année ce serait une ressource pour plus tard. Nous avons peu de chose à manger en ce moment. Il faut s’en contenter du peu qu’il y a.
3 octobre 1917 J’arrive du jardin, de rammaser l’herbe aux lapins et ensuite j’ai téléphoné à Alfred qui est absent. Jeanne était là, j’ai eu de bonnes nouvelles de nos soldats. Petite Jeannette va en classe enchantée d’y aller. Ils viendront nous voir un de ces dimanches.
[en permission, Sur ses genoux, ma maman, née en novembre 1914]
6 octobre 1917 Aujourd’hui premier vendredi du mois. J’ai assisté à la messe ce matin à la bénédiction et ensuite vaqué à mes occupatins ordinaires au jardin ramasser les fruits et conduire Robert en classe qui est heureux d’y aller chez les Messieurs. Il va bientôt savoir lire ce qui l’amuse beaucoup et surtout le dessin. Odette va chez les demoiselles aussi elle est contente de trouver des petites amies. Le mois d’octobre va être vite passé et la perspective de l’hiver n’est guère amusante et redoutable pour les enfants qui sont si fragiles comme sont les nôtres.
Dimanche 14 Je suis allée à la messe à 8 heures et à la gare chercher Jeanne et petite Jeannette heureuse de venir voir grand’mère, nous ont donné des nouvelles de Tonton Alfred et de Charles qui est en ce moment dans un gourbi à 10 mêtres sous terre. Il a 26 marches pour y descendre. Il n’a plus le beau soleil qu’il a fait la dernière quinzaine de septembre.
Quand la fin de cette interminable guerre !
Nous sommes allées faire notre visite à nos chers disparus, s’ils étaient là auraient ils de la peine de tout ce qui se passe et de voir la ruine et la gène partout, que la vie est donc triste ainsi. Quelle lutte de tous les jours pour arriver à ce résultat. Les américains nous arrivent en grand nombre pour nous aider espérons le.
[Photo : Odette et Robert, enfants d’Edouard, déguisés en infirmière et soldat]
J’ai écrit à Charles. Il est toujours content d’entendre parler de sa Jeannette qui devient de plus en plus intéressante. Odette enchantée de jouer avec elle ainsi que Robert et petite Thérèse aussi. La pluie a dérangé nos projets. Nous avons tous joué une partie de nain jaune qui amuse beaucoup les enfants.
Permission.JPGPhoto : permission à Nantes, sa femme, ses 3 enfants
Lundi 8 octobre 1917 J’ai répondu à mes soldats qui sont heureux d’avoir de temps en temps des nouvelles. Ils trouvent le temps si long dans leur gourbi et tranchées. Quelle existence pour eux si différente d’autrefois depuis bientôt 4 ans. Quelle misère. Nous attendons toujours la fin de ce terrible fléau.
Nous avons eu le visite de Mme Blanchard qui a fait 14 barriques de vin. Il se vend très cher 200 frs pris à l’anche. Les vignerons sont contents cette année. Depuis plusieurs années qu’il n’y avait rien.
J’ai terminé le sarreau noir à Robert. Au tour à Odette à présent et le raccommodage de la semaine.
11 octobre 1917 Je suis allée à deux messes pour les soldats et aujourd’hui j’ai conduit Robert en classe à 8 h et ensuite assisté à la messe de mariage de Melle Rose Dugast avec Mr Méchineau grand blessé de la guerre et réformé. Il l’a bien mérité. Ils ont eu une belle messe et du chant et un beau sermon très édifiant par Mr le Curé qui a fait leur éloge et de leur famille il y avait beaucoup d’invités mais malheureusement le temps n’était guère favorable. Que des averses toute la journée.
Notre lessive a tout attrappé. Elle séchera demain.
Odette et Robert ont écris une carte à Tonton Alfred pour sa fête. Nous avons eu la visite de Mr et Mme Coudrin et avons été faire un tour au jardin et au cimetière par un peu de soleil qui nous réchauffe en ce moment. Les enfants se sont amusés à jouer au cerceau sur la route. Les jours sont si courts qu’on profite de sortir après les classes quant il fait beau.
Reçu des nouvelles de Marie Macé. Son Alfred est toujours à la guerre. Quelle épreuve pour tous en ce moment surtout l’hiver qui arrive.
22 Octobre Je n’ai pas eu le temps de continuer mon journal. Je suis allée à Nantes pour affaires urgentes.
J’ai fait faire ma carte d’identité puisqu’on ne peut plus voyager sans cela.
Petite Jeannette était malade, la fièvre, c’est la croissance. Elle a commencé à aller à l’école enchantée d’y aller comme Odette et Robert. Cela la désennuie.
J’ai vu les quelques amies de Nantes heureuse de les revoir après cinq mois d’absence. Alfred a eu mal à un pied. Ses chaussures lui ont occasionné en allant à la chasse. Cela va mieux. Heureusement nous avons eu de bonnes nouvelles de Charles. Il est toujours aux environs de Soissons. Je lui ai envoyé ses manchettes. Voilà le froid qui arrive et il est si frileux.
J’ai vu Melle Denghin et j’ai eu de bonnes nouvelles de Mr Ralutx en bonne santé avec ses 83 ans.
J’ai été voir Mr Bioret et Mme Thomas et grand’mère qui a ses 99 ans toujours le même. Sa fille a bien peur de l’hiver pour elle. Auguste est toujours dans l’active et elles sont en attendant de meilleures nouvelles. Il est toujours bien exposé.
Quelle triste fléau que cette guerre qui attriste tout le monde et à quand la fin.
24 octobre René Libeau m’a écrit. Il a fait plusieurs batailles et est au repos pour l’instant. Je vais lui répondre un de ces jours.
J’ai reçu une lettre de Marie Louise qui m’annonce la mort d’un de ses cousins à la guerre et du petit-fils à Mme Lasnier de Loizellerie ma cousine. Je prends une vive part à son chagrin, moi qui a été si heureuse de la voir à mon récent voyage en Anjou.
Que de luttes sur cette terre et de peines pour ces pauvre soldats si exposés. La liste des morts est longue aussi en ces belles fêtes de la Toussaint, nous allons redoublé nos prières pour eux et les familles si éprouvées. Tous les jours on entend parlé de disparus !
Albert Durville est venu en permission et Marie Durville est venue nous voir. Nous avons profité de faire une belle promenade à Cugand l’après-midi et sommes revenus au clair de lune. Les enfants étaient si contents et il faisait très doux.
Visite de Mme Blanchard. Elle nous a bien amusés et nous a fait passer un bon moment avec tous ses récits sur la guerre.
Reçu nouvelle de Jeanne. Jeannette est mieux. Nous attendions Antonine à déjeuner.
Personne n’est venu. J’attends une lettre demain ou peut-être viendra-t-elle dimanche ?
La visite de Mr et Mme Boussion avec Aimée-Marie venue jouer avec les enfants. Odette et Robert l’aime beaucoup. Elle est très douce et très mignonne.
1er novembre 1917 Aujourd’hui fête de la Toussaint. Nous avons Alfred et sommes allés après déjeuner au cimetière tous en famille dire une prière à nos chers disparus. Que de vides autour de nous et demain fête des morts. J’assisterai aux offices pour les âmes des défunts qui sont en purgatoire afin de les délivrer et qu’elles nous viennent en aide à leur tour. La procession au cimetière n’a pas pu avoir lieu vu le mauvais temps. Elle est remise à Dimanche.
Nous partirons pour Nantes samedi. J’irai conduire Aimée et ses enfants avec Flavie [la domestique]. Nous y resterons une huitaine et reviendrons ici pour faire notre lessive.
Les enfants sont heureux de retourner à Nantes. Ils aiment tant le changement et surtout les voyages. Cela les amuse beaucoup.
4 novembre 1917 Nous voilà de retour rue St Jacques 60. Que va-t-il nous arriver dans notre huitaine ? Ce qui le bon Dieu voudra.
6 novembre 1917 Aimée a reçu une lettre de Valentine qui doit revenir de Lorient avec ses petits neveux et doit aller consulter un occuliste à Nantes pour eux. Aimée doit aller à sa rencontre à la gare demain à midi.
7 novembre 1917 J’ai reçu un coup de téléphone de Jeanne me disant que Madame Guillet de la rue de Rennes était très malade et d’aller la voir. Je n’ai pu y aller le matin à cause de l’arrivée de Valentine. J’y suis allée l’après midi vers deux heures et en arrivant Jeanne me dit qu’elle était à l’agonie. Jugez de ma surprise, elle avait reçu l’extrême-onction le matin. J’ai pu la voir et lui ai récité les litanies des agonisants. Elle ne quittait pas ses yeux du sacré-coeur et de soeur Thérèse. Elle avait une si grande confiance en eux ! Elle est morte comme je disais que les Anges viennent à sa rencontre et que le Seigneur la reçoive (Quelle belle mort). Je la regrette beaucoup. C’est une bonne amie de moins pour moi. Elle était si pieuse et bonne. Le bon Dieu a ses dessins sur la terre.
8 novembre 1917 Valentine a été consulté l’occuliste qui a donné un traitement pour Jean. Elle part aujourd’hui. Aimée va les conduire au train de midi.
Je vais retourner auprès de mon amie la garder et prier pour elle.
J’arrive de l’enterrement avec Jeanne et Alfred. Il y avait grande affluence de monde. Cela fait bien plaisir de voir de la sympathie. Pauvre père Guillet. Il est inconsolable ainsi que son fils Joseph. Ils se trouvent désemparés tous les deux. Ils étaient si bien soignés par une si bonne mère. Le doigt de Dieu est là. Il faut s’y conformer et tout accepter.
Dimanche Nous venons d’arriver à Clisson, Flavie et moi, pour faire notre lessive. Nous aurons la femme demain. Espérons que nous aurons beau temps.
Mardi Notre lessive est lavée et nous l’avons toute étendue (la machine n’exite pas encore). J’arrive du jardin de faire les provisions de légumes. Mes draps sont bientôt secs. Quel embarras que cette lessive. Je vais la raccommoder et Flavie va repasser et j’espère que dans la huitaine tout sera dans l’armoire. Nous avons été favorisées par un beau temps.
Jeudi Je viens de faire une grande promenade en compagnie de la famille Boussion-Veillet. Nous arrivons de la campagne de goûter du cidre qui est très cher cette année 65 frs la barrique et tout est hors prix
Samedi J’ai eu la visite de Melle Léonide. Elle est bien mieux. J’irai leur faire mes adieux demain avant notre départ pour Nantes. Aimée nous attend et les enfants avec grande impatience.
Dimanche Aujourd’hui j’ai pu aller à la grand’messe et aux vêpres et faire notre visite au cimetière (occupation de tous les dimanches après-midi) avant notre départ. Quelle triste perspective que l’hiver. Nous le passerons en famille à la grâce de Dieu.
Lundi A notre arrivée, j’ai trouvé bonne mine aux enfants surtout Thérèse qui devient si intéressante. Odette et Robert continuent leur école. Ils ont la croix tous les deux, aussi les sous se mettent dans la tirelire.
Depuis le 5 novembre, que nous sommes arrivées à Nantes, cela ne va pas fort. Je commence un gros rhume. Voilà la vilaine saison. Nous ne sortirons guère. Je vais promener Thérèse une heure l’après-midi quand il fait beau.Les jours courts passent bien monotones. Nous attendons bientôt nos soldats. Aimé doit aller au devant de son mari à Paris. Cela lui fera une distraction. Il fait déjà si froid que je m’en inquiète pour elle. Ils seraient heureux de se retrouver ensemble tous les deux.
Flavie a été bien enrhumée. J’ai bien eu peur pour elle à une bronchite, mais cela va mieux. Le temps est si dur déjà, c’est à s’en inquiéter pour passer l’hiver qui commence très froid.
décembre 1917 Nous voilà en décembre. J’ai toujours été occupée et n’ai pas eu le temps d’écrire à la famille. Nous attendond Edouard [Guillouard, son gendre] et Charles [Audineau, un de ses 2 fils, et frère d’Aimée]. Les enfants sont enrhumés. Nous gardons la maison. Il gèle tous les jours.
J’ai eu de bonnes nouvelles de Gené et des amis. Madame Bellanger m’a écrit aussi je suis bien en retard avec. Je n’ai guère de temps avec mon entretien du linge de la maison et raccommodage.
J’ai eu plusieurs visites de Mme Bégué soeur de Madame Guillet, ce qui m’a bien fait plaisir. Nous avons parlé longuement de la pauvre absente. Elle en a tant de chagrin.
Joseph est venu me voir avec Alfred (son fils, handicapé) et un de ses amis. Cela passe le temps plus agréablement.
J’ai eu aussi la visite de M Babitxa toujours alerte pour ses 86 ans, ainsi que de Mme Denghin qui en a 73, mais sa maladie de coeur la tient souvent à la chambre. Elle profite de sortir quand il fait plus doux. Je ne sais quand je pourrai en faire autant. Je suis toujours enrhumée, c’est la saison.
Nous voilà 23 décembre 1917 Aimée vient de recevoir une dépêche pour partir à Paris. J’arrive de la conduire à la gare. A mon arrivée une autre dépêche d’Edouard qui n’arrivera à Paris que Samedi matin. Elle va être bien ennuyée seule à Paris. Je lui renvoie la dépêche. Elle ne la recevra que demain. Elle va être bien inquiète.
24 décembre 1917 J’ai reçu une lettre d’Aimée [donc à chaque permission, ma grand-mère partait en train à Paris au devant de son mari en permission annoncée]. Elle a fait bon voyage. En attendant Edouard, elle a été pour voir Mme Tiger pas là que ses enfants. Après voir le cousin Luzeau absent. Quel voyage plein de péripéties. Enfin ils sont donc revenus par un froid terrible ce matin à 5 heures. Tout s’est bien passé pendant leur voyage. Je suis bien enrouée et vais être obligée de ma coucher.
janvier 1918 Edouard est là en permission et je suis au lit pas de veine, prise de bronchite. Cela ne m’arrange pas de garder la chambre. Il faut bien que j’en passe par là.
Charles est venu me voir aussi en permission. Quelle guigne d’être ainsi renfermée et ne pouvoir vaquer à ses petites occupations ordinaires. L’hiver me cloue toujours à la maison.
Robert n’est pas bien en ce moment ci. Il a sa bronchite aigüe qu’il a attrapé pendant la permission d’Edouard ayant sorti par le grand froid. Il est si délicat. Odette et Thérèse sont bien. Flavie est à sont tour bien enrhumée. Nous y avons tous passés avec cette mauvaise grippe et pourtant elle voudrait bien aller à Clisson nous chercher des provisions de légumes et haricots que nous avons conservé.
Flavie a pu faire son voyage et nous apporter des pommes qui nous font bien plaisir et confitures aussi.
février 1918 J’ai repris mon petit train de vie avec mon raccommodage. Nous avons quelques visites de l’an et n’en avons pas fait. Il fait si mauvais et le froid trop rigoureux cette année.
Nous voyons Jeanne et Jeannette souvent toutes les semaines. Jeannette vient par tous les temps. Elle est très forte et supporte toutes les températures, ce qu’on ne peut pas dire des nôtres qui attrappent toutes les maladies. Quel ennui d’avoir des enfants si peu fort.
Nous voilà en Mars le temps parait plus doux que nous arrivera-t-il ce mois-ci ?
10 mars 1918 Je viens de recevoir une dépêche m’annonçant la mort d’Henri Michel. Je téléphone à Alfred pour partir demain. Je m’en inquiète. Il n’y a qu’un train. Nous serons obligés de coucher à Chazé.
11 mars 1918 Nous voilà arrivés à Chazé (Chazé-sur-Argos, par le train du Petit-Anjou, depuis Nantes). Personne à nous attendre à la gare. Je viens de demander à Julie de la Bridelais de nous conduire demain à Gené ce qu’elle va faire avec grand plaisir.
Jules nous nous a conduit ce matin pour 9 h 1/2 pour la triste cérémonie. Pauvre père Michel. Nous le regrettons bien. Il était si bon pour nous quand nous y passions nos vacances. Marie-Louise est inconsolable et la mère Michel aussi. Il a été enlevé après 3 jours de maladie d’une congestion. C’est peu de chose que nous. Je vais rester jusqu’au service et retourner par Angers avec Eugène dont la permission finie. ll est au dépôt à Angers avec sa phlébite depuis 3 ans. Sa jambe est bien malade. On ne veut ppoint le réformer. Il serait bien plus utile chez lui. Que vont devenir les deux pauvres femmes toutes seules. Je m’en inquiète bien pour elles avec deux petits enfants de 7 et de 5 ans. Enfin le bon Dieu y pourvoira.
J’ai revu mes amies en peu de temps. Cela a été une vraie joie pour moi.
20 mars 1918 J’ai vu à Angers ma famille et mon amie Mme Buron chez laquelle je suis descendue pour y coucher. Je la regarde comme ma soeur, elle est si bonne pour moi. J’ai passé deux jours heureux parmi eux. Mad toujours aussi aimable et venue me voir. Madame Jallot et Marie Poupart où j’ai déjeuné et diner, Mr Paiveri (?) avec ses 76 ans a une congestion pulmonaire, on craint bien à son âge.
J’ai vu Marguerite avec ses enfants, toujours la même, bien affectueuse et ai vu Melle Marie De Bossoreille. Son père a 83 ans, bien conservé pour son âge toujours aussi gai. J’ai été heureuse de voir tout mon monde ainsi que nos cousins Bonnet et Bex. Marie Bex 83 ans a la jaunisse et Mme BEX 86 bien conservé et ne perdant pas la carte. Elle est en train de faire la généalogie de notre famille Guillot de la Chouanière (dont rien ne nous est parvenu !) . J’ai vu aussi Mme Roux et son mari qui ont perdu leur fils Henri à la guerre et Aimée Nourry était là aussi. Nous nous sommes retrouvées après tant d’absence. Cela fait plaisir.
J’ai fait un bon voyage en revenant par Champtoceaux où je me suis arrêtée chez notre cousin Mr l’abbé Grenouilleau, ne l’ayant pas vue depuis 12 ans. J’ai été bien heureuse de le retrouver en bonne santé ainsi que sa mère Mme Henriette qui a été très aimable pour moi et m’ont si bien reçu.
J’ai eu un temps superbe à mon voyage. J’ai été protégée visiblement.
24 Me voilà de retour à Nantes et reprendre mes occupations. Nous irons à Clisson le lundi de Pâques un huitaine seulement. Pour Robert le temps n’est pas encore assez chaud pour y rester complètement. Les enfants sont contents de la perspective et en attendant le départ il en sont ravis.
Nous voilà arrivées à Clisson lundi de Pâques pour y passer une huitaine. Nous avons trouvé la famille Boussion-Veillet en bonne santé et avons passé une bonne après-midi avec eux et Mademoiselle Jacques venue chez Madame Guérin pour 3 jours seulement. Nous avons un temps déplorable, toujours de la pluie, et l’humidité ne convient guère aux enfants, ce qui les empêchent de sortir. Nous sommes allés au cimetière et à Toute Joie, nos promenades habituelles, et au marché acheter nos provisions.
Nous attendons Alfred [Audineau, son 2ème fils] et Jeanne [Bichon, sa belle fille, épouse de Charles] et Jeannette [fille unique des précédents] dimanche et Flavie attend sa soeur et ses nièces.
Aujourd’hui dimanche, Alfred est venu nous annoncer une grande nouvelle qu’il prend la suite d’affaires de Charles avec un associé. Cela va faire sa situation enfin à la grâce de Dieu. Il m’attend demain à 9 heures à son bureau. Je m’en inquiète un peu, je ne demande pas mieux que de lui rendre service jusqu’à ce qu’il se marie.
Flavie a vu sa soeur et ses nièces, son neveu part à la guerre dans quinze jours à 19 ans. Quel malheur pour sa mère : il était le gagne-pain de la famille, il faut en passer par là et tout accepter. C’est une rude épreuve.
Charles est du côté du Mont Didier, il y a plusieurs jours qu’il ne s’est débarbouillé ni deshabillé, c’est souvent son tour. Quelle triste offensive qui met tout à feu et à sang. Le pauvre jeune homme Gaboriau a un bras de moins et c’est le droit. Quelle génance il aura pour sa menuiserie plus tard et il faut tout endurer, ses parents sont navrés, il y a où.
Edouard est en ce moment à la recherche de son régiment ayant suivi les cours, il était en retard avec ses amis. Les lettres ont aussi du retard de 4 jours, Aimée s’inquiète et a toujours peur de mauvaises nouvelles, enfin espérons quand même ; il faut s’en remettre à la volonté du bon Dieu pour tout.
4 avril 1918 J’ai eu des nouvelles de Fernand et de Madame Planche. Ils sont souvent obligés de descendre dans leur cave à cause des obus et avions qui jettent la panique partout. Quelle triste vie que la vie de Paris. Il vaut encore mieux la Province et qu’est ce qu’on deviendrait si ils arrivaient jusqu’à Nantes ? …
J’ai loué ma maison de Clisson pour 6 semaines à des Parisiens réfugiés. Nous voilà de retour ici n’ayant pu trouver de pain en arivant, obligé d’en emprunter. Nos petits enfants ont fait bon voyage. Si le temps pouvait seulement être plus beau pour qu’ils fassent de bonnes promenades pour la santé de Robert qui est si délicat. Nous espérons bientôt la fin de la guerre d’après les prophéties. Si c’était vrai. Il faut que cela aille plus mal encore pour aller mieux après, enfin espérons toujours dans le Sacré Coeur.
J’ai recu une lettre de Madame Bellanger qui se confine dans ses Tourelles, ayant pourtant l’espoir de venir nous voir à son voyage à Nantes après Pâques me disait-elle.
J’ai su la mort de Mr Fourré par Louise Chatelier qui est à passer ses vacances à Saumur. Victorine m’a écrit aussi. Elle est bien. Voilà le printemps qui devrait tous nous remettre du si dur hiver que nous venons de passer.
8 avril 1918 Aujourd’hui je suis allée route de Rennes. Alfred a pris la suite de son frère. Jeanne ne voulant pas continuer son commerce. Alfred prend un associé, je dénie bien que cela marche pour eux. Il va probablement falloir que j’aille demeurer avec lui d’ici nouvel ordre nous cherchons une maison ne pouvant avoir celle de Jeanne. Quel ennui que tous ces déménagements qu’il va falloir faire, enfin à la grâce de Dieu qui conduit tout, je ne demande que la réussite de leur entreprise qui va être un peu lourde pour commencer. Il y a tant de frais généraux.
J’attends une lettre de Charles toujours à la guerre, bien ennuyé de cette offensive et quand reviendra-t-il. Les permissions étant supprimées. Quel tourment que tout cela.
J’arrive de chez Alfred, j’ai vu son associé. Ils vont s’entendre ensemble pour le commerce et tâcher de réussir avec ordre et économie. Il y arriveront, je l’espère.
Je n’ai pas trouvé de maison, tout est loué partout et avec des prix dérisoires. Les loyers augmentent comme le reste, tout est hors de prix avec la surtaxe ; que c’est donc ennuyeux tout cela.
9 avril 1918 Jour de service anniversaire de Mme Jeanne Guillouard. J’y suis allée avec Aimée et sommes allées au cimetière après, avec la famille Beauthamie (femme de Joseph, frère d’Edouard Mort pour la France). Son oncle Mr Beauthami a bien remercié ses belles-soeurs d’avoir assisté au service et nous sommes revenus ensemble jusqu’à la maison.
J’attends des nouvelles de Charles (son fils) toujours sans nouvelles. Les lettres ont beaucoup de retard pendant cette offensive qui ne finit pas. Quel cauchemar que cette guerre atroce.
Nous avons au la visite de Mr l’abbé Loiret soldat venu à la Persagotière. Là il est plus tranquille qu’à Saint Anne d’Auray où il était à un poste d’observation et ensuite infirmier dans la salle des tuberculeux. Quel changement.
Je suis allée chez Alfred. Nous cherchons une maison, ce qui n’est pas facile à trouver auprès de son bureau, ce qui est très ennuyeux et nous voudrions être fixé pour la St Jean, il faut de la patience.
Madame Pervez (femme du photographe de la rue Contrescarpe, ex-voisine) est venue nous voir aujourd’hui, il y avait si longtemps qu’elle n’était venue et m’a apporté un bouquet de muguet pour ma fête et celle d’Aimée. Elle ne nous oublie pas. Le mariage de Jeanne Fonteneau a été célébré à St Nicolas où il y avait foule à la messe et elle s’en va à Lourdes comme voyage de noce ne pouvant aller à Paris à cause des bombardements; Quel ravage ils font dans ce Paris, le cousin Luzeau est est bien effrayé. Il y a où. Je ne sais ce que nous allons devenir à la fin.
Pas de nouvelles de Charles (son fils) et les permissions sont suspendues pendant cette triste offensive. Espérons toujours à des jours meilleurs et aussi remettons nous à la divine Providence qui n’abandonne personne.
mai Je reprends mon journal depuis si longtemps interrompu. Que d’ennuis dans la vie. Toujours le tour au même. Je vais trois fois la semaine chez Alfred garder son bureau, cela me fait une distraction.
Nous attendons Charles et toujours rien, ainsi que Edouard. Nous devions aller à la campagne. Notre voyage reculé en les attendant et quand ? Cette offensive retarde tout.
J’ai rencontré Mme de la Pierre toujours la même bien alerte et vigoureuse pour ses 75 ans. Elle m’a grondée de ne pas aller la voir, je n’ai pas le temps.
Madame Guilbaud a vendu son commerce pour venir se reposer rue de Rennes. Nous nous verrons n’étant pas loin les uns des autres quand je suis chez Alfred.
Mme Pervez s’en va à un mariage de son neveu. C’est un beau voyage à Lannion avec Yves qui l’accompagne. Je viens de déjeuner avec eux, toujours si aimable pour moi.
Je suis allée déjeuner chez Antonine. Notre voyage de Champtocé est remis à plus tard. Notre cousin à une bronchite.
A Saint Jacques, nous avons assisté à la confirmation avec les enfants qui ont eu la bénédiction de Mgr. Très heureux, il y a si peu de belle fêtes ici.
Nous sommes allés un dimanche voir la soeur de Madame Cahéri Supérieure à la clinique Jeanne d’Arc. Il y avait si longtemps que je ne l’avais vu.
Nous devons aller voir Marie Joseph un de ces jeudis et Madame Cahéri depuis le temps que je n’ai pas eu de nouvelles. Que devient-elle ? sa cousine la soeur clarisse est revenue à Nantes à leur maison. Il est très difficile de la voir étant cloitrée. Mr Rabitxa habite dans leur maison et cherche un logement qu’il ne trouve nulle part comme nous rue de Rennes. Que c’est donc ennuyeux et la St Jean approche enfin espérons en la Providence de Dieu qui veille sur nous.
Melle Denghin est mieux et bien faible avec ses 73 ans et a le coeur bien malade.
J’ai déjeuné chez Mr et Mme Bradanne depuis si longtemps partie remise. Ils sont toujours bien aimables pour moi. J’ai revu la soeur de Mme Bradanne avec le petit Joseph qui est toujours très gentil.
Roger Pervez est venu en permission. Je n’ai pu le voir cette fois ci étant toujours pris par ses amis et 7 jours c’est si vite passé.
Charles ne sait pas encore quand il viendra. Que c’est long cette attente.
J’ai eu la visite chez Alfred de Mr Bacqua qui aime beaucoup Charles et est venu en savoir des nouvelles.
Notre cousin Poupart est commandant. J’en ai fait tous mes compliments à son père et à sa mère. Marie Jallot sa femme est malade d’une sale grippe (la grippe espagnole). Je vais en savoir des nouvelles par Mr Jallot de qui j’attends une lettre.
Joseph Gardais m’écrit qu’il est en ce moment dans le nord très malheureux à faire de grands travaux et il tombe souvent des obus. A quand la fin de tout cela. Marie-Louise m’écrit aussi que son mari est toujours à l’hôpital depuis 4 ans bientôt. Il serait mieux réformé car à quoi leur sert-il, à rien, et serait bien mieux chez lui à commander, et il souffre beaucoup des jambes et ne pourra guère marcher. Je viens de recevoir une lettre d’Henriette qui nous dit d’aller le 1er juin. Son oncle est guéri et a repris ses fonctions. Je vais le dire à Antonine et nous irons si cela se peut.
Je suis allée au service de Gabriel Houis tombé au champ d’honneur. Pauvres parents, ils ont bien du chagrin de leur cher enfant qui a bien voulu donner sa vie pour la France, pauvre petit à 19 ans. Il est plus heureux que ceux qui le pleure.
Les permissions des soldats sont supprimées, quel ennui et quand les reverront nous. Dieu seul le sait, attendons.
Les nouvelles (mauvaises) circulent beaucoup grâce au téléphone, aux nombreuses lettres, et aux dépêches. Le rythme est soutenu…
La vie est chère, sans chauffage, les églises pleines, les cimetières très visités.