Contrat d’apprentissage d’apothicaire épicier, Angers 1696

Ma base de données s’enrichit d’un nouveau contrat d’apprentissage d’apothicaire.
Le père de l’apprenti exerce un métier curieux, blanchisseur de cire.

Extrait de l’artice CIRE de l’Encyclopédie Diderot
Les modernes ont tellement multiplié les usages de la cire, qu’il seroit difficile de les détailler.
Ils commencent avant toutes choses pour s’en servir, à la séparer du miel par expression, à la purifier, à la mettre en pains que vendent les droguistes. Elle est alors assez solide, un peu glutineuse au toucher, & de belle couleur jaune, qu’elle perd un peu en vieillissant.
Pour la blanchir, on la purifie de nouveau en la fondant, on la lave, on l’expose à l’air & à la rosée : par ces moyens elle acquiert la blancheur, devient plus dure, plus cassante, & perd presque toute son odeur. Sa fonderie & son blanchissage requierent beaucoup d’art ; les Vénitiens ont apporté cet art en France. Voyez BLANCHIR.
On demande dans le Ménagiana (tom. III. p. 120.) pourquoi les cires de Château-Gontier ne blanchissent point du tout. C’est parce que le fait n’est pas vrai. On propose en Physique cent questions de cette nature. Le blanchiment de Château-Gontier est précisément le premier de tous, & les cires de ce blanchiment sont en conséquence choisies pour les plus beaux ouvrages. Il en faut croire Pomet & Savary
En fondant la cire blanche avec un peu de térébenthine, on en fait la cire jaune molle, qu’on employe en chancellerie. On la rougit avec du vermillon ou la racine d’orcanette ; on la verdit avec du verd-de-gris ; on la noircit avec du noir de fumée : ainsi on la colore comme on veut, & on la rend propre à gommer avec de la poix grasse.
Il est certain que cette substance visqueuse réunit diverses qualités qui lui sont particulieres. Elle n’a rien de desagréable ni à l’odorat, ni au goût ; le froid la rend dure & presque fragile, & le chaud l’amollit & la dissout : elle est entierement inflammable, & devient presque aussi volatile que le camfre par les procédés chimiques. Voyez CIRE en Chimie, Pharmacie, Matiere médicale.
Elle est devenue d’une si grande nécessité dans plusieurs arts, dans plusieurs métiers, & dans la vie domestique, que le débit qui s’en fait est presque incroyable ; sur-tout aujourd’hui qu’elle n’est plus uniquement réservée pour l’autel & pour le Louvre, & que tout le monde s’éclaire avec des bougies, l’Europe ne fournit point assez de cire pour le besoin qu’on en a. Nous en tirons de Barbarie, de Smyrne, de Constantinople, d’Alexandrie, & de plusieurs îles de l’Archipel, particulierement de Candie, de Chio & de Samos ; & l’on peut évaluer dans ce seul royaume la consommation de cette cire étrangere, à près de dix mille quintaux par année.
Aussi le luxe augmentant tous les jours en France la grande consommation de la cire des abeilles, quelques particuliers ont proposé d’employer pour les cierges & les bougies, une cire végétale de Mississipi que le hasard a fait découvrir, & dont on a la relation dans les mém. de l’acad. des Scienc. ann. 1722. & 1725. Voici ce que c’est.

Et voici maintenant comment on blanchissait la cire. Et ce, en pleine ville !

Extrait de l’Encyclopédie Diderot :
BLANCHIR, la cire, c’est lui faire perdre la couleur jaune qu’elle a, après qu’on en a séparé le miel. Voyez CIRE, MIEL, &c.
La cire séparée du miel, & fondue en gros pain, est ce que l’on appelle de la cire brute. C’est en cet état qu’on l’apporte dans les blanchisseries, où elle passe par les préparations suivantes.
Premierement, un ouvrier la coupe par morceaux gros comme le poing, afin qu’elle fonde plus facilement lorsqu’elle est portée dans les chaudieres A, A, A (Pl. du blanchissage des cires, vignette) où on la remue jusqu’à parfaite fusion avec la spatule de bois, fig. 4. Après qu’elle est fondue, on la laisse couler au moyen des robinets adaptés aux chaudieres, dans les cuves B & C qui sont de bois, & placées de façon que le fond des chaudieres est de quelques pouces plus élevé que la partie supérieure des cuves. On la laisse reposer dans les cuves environ cinq ou six heures, tant pour qu’elle n’ait plus qu’un médiocre degré de chaleur, sans toutefois cesser d’être fluide, que pour donner le tems aux ordures ou feces dont elle est chargée de se précipiter dans l’eau, dont le bas de la cuve est rempli à cinq ou six pouces de hauteur.
Au-dessous des cuves B, C, en sont d’autres D, E, de forme oblongue, qu’on appelle baignoires, posées sur le pavé de l’attellier. Ces baignoires qui sont de bois & cerclées de fer, sont revêtues intérieurement de plomb, pour qu’elles tiennent mieux l’eau dont on les remplit, en ouvrant le robinet X, par lequel l’eau vient d’un réservoir. Chaque baignoire a de plus sur le devant & à la partie inférieure, un robinet F, F, par le moyen duquel on vuide l’eau qu’elles contiennent dans le puisart ou égoût soûterrein dont G est l’ouverture recouverte d’une grille.
Toutes choses ainsi disposées, on place les cylindres de bois H, H en travers des baignoires. Ces cylindres qui ont un pié de diametre, en occupent toute la largeur. Ils sont traversés par un arbre de fer, dont une des extrémités est courbée en manivelle : ensorte que les cylindres peuvent tourner librement sur les tourillons de ces arbres, auxquels des échancrures pratiquées dans les bords des baignoires, servent de collet. Les cylindres doivent être placés dans les baignoires, ensorte que leur centre ou axe soit directement à plomb au dessous de l’extrémité des canelles K, K, par lesquelles la cire contenue dans les cuves doit sortir. On place ensuite au-dessus du cylindre, une espece de banquette de fer a b, ou a b, a c, b c, fig. 2. qu’on appelle chevrette, qui a quatre piés qui appuient sur les bords de la baignoire, comme on voit en C, fig. 2. ensorte que les tourillons du cylindre soient au milieu entre les piés de la chevrette. Cette chevrette a vers chacune de ces extrémités deux lames de fer élastiques 1, 2 ; 1, 2, entre lesquelles on place un vaisseau de cuivre L L, de forme oblongue, qu’on appelle greloire. Cette greloire est plus large par le haut que par le bas. Sa longueur L L qui est égale à celle du cylindre, est divisée en trois parties : celle du milieu qui est la plus grande, est percée d’une cinquantaine de petits trous, plus ou moins, d’une ligne de diametre, distans les uns des autres d’un demi pouce ou environ. Les deux autres parties servent à placer des réchauds pleins de braise, dont l’usage est d’entretenir un médiocre degré de chaleur dans la greloire, dont la fraîcheur ne manqueroit pas de faire figer la cire que l’on y laisse couler.
On met une plaque de fer blanc ou de cuivre 3 3, fig. 2. inclinée vers la canelle K, pour rejetter la cire dans l’auge ou greloire LL. La plaque 3, 4, posée de l’autre sens, sert au même usage. Par dessus ces deux plaques on met une passoire 5 toute criblée de trous. C’est dans cette passoire que coule la cire après qu’on a repoussé dans la cuve le tampon qui bouche la canelle K, au moyen de la cheville 6 qu’on laisse dans la cannule plus ou moins enfoncée, pour modérer selon le besoin, la vîtesse de l’écoulement,
La cire, après avoir passé dans la passoire ou crible 5, tombe sur les plaques 4, 3 ; 3, 3, & de-là dans la greloire L L, d’où elle sort par les petits trous que nous avons dit être au fond de cette greloire, & tombe sur la surface du cylindre en d. Si en même tems un ouvrier assis en 1, fait tourner le cylindre à l’aide de la manivelle qui est de son côté, de d par e vers f, il est évident que le filet de cire qui tombe sur le cylindre doit s’étendre, & former une bande qui sera d’autant moins épaisse, que le cylindre se sera mû avec plus de vîtesse : mais comme il est mouillé, étant immergé dans l’eau au quart de sa surface, la cire ne s’y attachera point. Mais après avoir descendu en f, elle passera par g, pour aller se rassembler en E, fig. 1. Ce mouvement est encore facilité par celui de l’eau qui est dans la baignoire, laquelle se porte vers E, pour sortir à mesure qu’il en vient d’autre du réservoir par le robinet X ; ensorte que l’écoulement par le robinet F, soit égal à celui par le robinet X. On rechange continuellement d’eau, non seulement pour qu’elle soit plus propre, mais aussi afin qu’elle soit toûjours fraîche, & qu’elle puisse faire congeler les rubans de cire à mesure qu’ils tombent dans la baignoire.
Par cette opération, la baignoire ne tarde pas d’être remplie de rubans ; un ouvrier placé en M les enleve avec une fourche à trois dents, & les jette de la baignoire dans la manne N qui est un grand panier d’osier revétu intérieurement de toile ; lorsque le panier est plein, un autre ouvrier à l’aide de celui qui a empli la manne, la place sur une broüette O, sur laquelle il la transporte près des quarrés ou chassis sur lesquels sont des toiles tendues & exposées à l’air. Voyez QUARRE. Il vuide sa manne sur ces toiles, en un seul tas, que des femmes qui sont autour des quarrés ou toiles, éparpillent sur toute leur surface : pendant que cet ouvrier conduit sa broüette, le tireur remplit une autre manne ; ainsi alternativement jusqu’à ce que la cuve soit épuisée.
En réduisant la cire en rubans, les surfaces en sont prodigieusement multipliées, ce qui donne plus de prise à l’action de l’air & du soleil à laquelle on les expose sur les quarrés pour dissiper l’huile volatile qui fait la couleur jaune de la cire.
Les quarrés sont de grands chassis de charpente de dix piés de large sur une longueur telle que le lieu le permet, élevés d’un pié & demi au-dessus du terrein. Sur les chassis sont tendues horisontalement des toiles soûtenues dans le milieu de leur largeur par une piece de bois horisontale qui se trouve dans le plan du chassis. C’est sur cet assemblage de charpente & de toile qu’on étend ou éparpille également la cire mise en rubans ou en pain, ainsi qu’il sera dit ci-après. On entoure encore le quarré d’une bande de toile verticale accrochée à des piquets, dont l’usage est d’empêcher que le vent n’emporte la cire & ne la jette par terre. Lorsque la cire a été exposée un tems convenable sur les quarrés, on la retourne, ensorte que la partie qui étoit dessous paroisse dessus. Et lorsque l’on juge que la cire a acquis un premier degré de blancheur, on la reporte à la fonderie, où on lui fait subir la même suite d’opérations que nous venons de détailler ; c’est-à-dire qu’on la remet en rubans, & qu’on l’expose encore sur les quarrés à l’action du soleil & de l’air : mais comme il ne peut pas manquer d’arriver à cette seconde fonte que les parties intérieures des premiers rubans ne se trouvent à la surface des seconds, il suit que toutes les parties de la cire auront été successivement exposées à l’action de l’air & du soleil. On réitere une troisieme fois cette opération, si on juge que la cire n’ait pas encore acquis le degré de blancheur que l’on desire qu’elle ait.
La cire exposée pour la derniere fois au soleil sous la forme de rubans, est encore remise dans une chaudiere, d’où, après qu’elle a été fondue, on la laisse couler dans la cuve : au lieu de la faire passer par la greloire, comme dans les opérations précedentes, on la laisse couler dans le coffre représenté fig. 7, que l’on substitue à la place de la greloire.
Ce coffre est une caisse de cuivre étamé, portée sur quatre piés de fer semblables à ceux de la chevrette. Aux deux longs côtés de ce coffre sont deux auges de même métal, dans lesquelles on place des réchauds de braise dont l’usage est d’entretenir dans l’état de fluidité la cire dont le coffre est rempli : on tire la cire de ce coffre par le robinet A, dans l’écuellon fig. 5. qui est un vase de cuivre ayant deux anses A A, & deux goulettes B B, avec lequel on verse la cire dans les planches à pains.
Les planches à pains, ainsi appellées parce que c’est dans ces planches que l’on fait prendre à la cire la figure de pains, sont de chêne d’un pouce d’épaisseur, creusées de deux rangées de trous ronds, chacun d’un demi-pouce de profondeur sur 4 pouces de diametre ; on remplit deux de ces moules à la fois ; au moyen de deux goulettes de l’écuellon, observant de mouiller la planche auparavant, afin que la cire ne s’y attache point. Après que les pains sont figés, on les jette dans l’eau de la baignoire pour les affermir : on les porte ensuite sur les quarrés ; on les y laisse jusqu’à ce qu’ils ayent acquis tout le degré du blancheur que l’on desire qu’ils ayent, ou dont ils sont capables, observant de les retourner quand ils sont assez blancs d’un côté, ce qui se fait avec une main de bois qui est une planche de bois mince représentée fig. 3. cette planche a 3 piés ou environ de longueur sur un demi-pié de large ; elle est percée d’un grand trou vers une de ses extrémités qui est traversée d’une poignée par laquelle on tient cette machine, avec laquelle on retourne les pains comme on feroit avec une pelle plate ; ce qui est plus expéditif que de les retourner les uns après les autres.
La cire blanchie & réduite en pains passe entre les mains du cirier, qui l’employe aux différens usages de sa profession. Voyez CIRIER.

Enfin, vous allez voir que le montant est assez élevé pour 3 ans, soit 200 livres, ce qui est normal en soi, mais ce qui est surprenant c’est que la totalité de la somme est réglée avant même que commence l’apprentissage. Doit-on y voir la pression ainsi exercée par le père pour que son fils passe avant un autre candidat qui aurait été sur les rangs ?
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L’acte qui suit est aux Archives du Maine-et-Loire, série 5E2 – Voici la retranscription par P. Grelier et O. Halbert : Le 1er mars 1696 avant midy par devant nous Guillaume Jaunault notaire royal à Angers, furent présents establis et soumis honnorable homme Pierre Chartier marchand Me apothicaire et épicier en cette ville y demeurant paroisse St Maurille d’une part,
honorables personnes Julien Fresneau marchand cirier blanchisseur de cire et Pierre Fresneau son fils demeurant audit Angeres dite paroisse st Maurille d’autre part
lesquels ont fait entre eux le marché d’apprentissage qui ensuit,
c’est à scavoir que ledit sieur Fresneau a mis et met ledit Fresneau son fils et de son consentement en la maison dudit sieur Chartier qui l’a pris et accepté en qualité d’apprenti marchand apothicaire et épicier pour le temps de trois années entières et consécutives commençant ce jourd’huy pour finir à pareil jour
pendant lequel iceluy Frasneau fils a promis de bien et fidèlement travailler, de servir ledit sieur Chartier en qualité d’apprenti apothicaire épicier et négoce dont il se mesle et de faire toutes choses honnestes et licites qui luy seront par luy commandées et de s’instruire audit mestier de négoce
parce que ledit sieur Chartier s’oblige de luy montrer et enseigner à sa possibilité et pendant ledit temps de 3 ans ledit mestier d’apothicaire épicier et négoce dont il se mesle sans luy en rien receller,
de la fidélité duquel Fresneau apprenti ledit sieur Fresneau son père l’a pleigé et cautionné et promet d’en répondre en son propre et privé nom

Pleige. s. m. terme de pratique. Celuy qui sert de caution. Il s’est offert pour pleige & caution dans cette affaire. Il vieillit. (Dictionnaire de l’Académie française, 1st Edition, 1694)

Pleiger. v. act. Cautionner en Justice. Il vieillit. (Dictionnaire de l’Académie française, 1st Edition, 1694)

et est fait le présent marché d’apprentissage pour et moyennant le prix et somme de 200 livres tz que ledit sieur Chartier reconnaît avoir ce jourd’huy avant ces présenes eue et reçeue dudit Fresneau père, de laquelle il se contente et en quitte iceluy sieur Fresneau
car le tout a esté ainsy voulu reconnu stipulé accepté et consenty par les parties, à ce tenir etc dommage etc obligent respectivement elles leurs hoirs leurs biens etc le corps dudit Fresneau fils à tenir prison faute d’accomplissement dudit apprentissage, renonçant etc dont etc
fait et passé audit Angers maison dudit sieur Fresneau sise rue Saint Laud, présents François Housseron et Louis Chauveau praticiens demeurant à Angers tesmoins
Signé : P. Chartier, J. Fresneau, P. Fresneau, F. Housseron, Jaunault, L. Chauveau

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