Un testament n’est pas obligatoirement le fait de quelqu’un d’aisé.
L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription exacte de l’acte : Le jeudi 21 novembre 1602 après midi.
Au nom du père et du fils et du Saint Esprit, Amen.
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Un testament commençait toujours ainsi, mais le plus souvent cette phrase est écrite en latin
En la court du roy notre sire à Angers personnellement estably Pierre Crannier homme de bras demeurant en la paroisse de Cheffes sain d’esprit d’entendement et de pensée par la grâce de Dieu considérant qu’il convient à toute créature vivante mourir et finir ses jours ne sachant quand ne comment, qu’il n’est rien plus certain que la mort ni rien plus incertain que l’heure d’icelle, ne voulant décéder intestat sans avoir disposer de ses affaires soubzmettant etc confesse etc avoir fait et encores fait par ces présentes son testament et ordonnance de dernière volonté par lequel il ordonne de ses affaires et biens qu’il a plu à Dieu luy donner en ce mortel monde
premier a recommandé son âme à Dieu le créateur, à la bienheureuse et sainte vierge Marie messieurs Saint Pierre et Saint Raoul et cour du paradis quand plaira à Dieu séparer son âme d’avec son corps veut et ordonne sondit corps estre enterré et inhumé au cimetière dudit Cheffes et estre sondit corps conduit processionnellement à ladite sépulture par le curé ou vicaire et chapellains de ladite paroisse en la manière accoustumée et qu’il y ait du luminaire de la fabrice de ladite paroisse,
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les saint invoqués varient d’une paroisse à l’autre, car saint Raoul est rarement invoqué ici
veult et ordonne aussi estre dit et célébré le jour de son enterrement une chanterie solemnelle par le vicaire et chapelains de ladite paroisse et pareil service à la huitaine après et que à la quinzaine suivante sera dit et célébré un service en ladite église de Cheffes et qu’il sera dit deux autres services en ladite église au jour que ses exécuteurs testamentaires ci après nommés adviseront et verront bon estre jusques à la concurrence des deniers qu’il laissera d’argent à sondit décès
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en d’autres termes, il ne possède rien, qu’un menu porte-monnais, tout juste de quoi faire dire quelques messes
Item veult et ordonne que ses habits qu’il aura à son décès seront donnés aux pauvres comme sondit exécuteur verra bon estre et pareillement le bled qu’il aura sera donné en aulmone aux pauvres
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il y a plus pauvre que lui !
et pour l’exécution du présent testament a ledit testateur nommé et esleu vénérable et discret missire André Dalibon prêtre vicaire dudit Cheffes, lequel il prie et supplie en vouloir prendre le fait et charge et pour cest effet lui cèdde à toujours tous et chacuns ses biens présents et advenir jusques à la concurrence du présent testament, qu’il veult porter son plain et entier effet comme testament solemnels etc renonçant etc
auquel testament et tout le contenu cy dessus tenir etc renonçant etc
fait et passé audit Angers à notre tabler ès présence de Me René Housset et Guillaume Chevrollier clercs demeurant Angers, et Mathurin Lemarchant demeurant en la paroisse de Cheffes, ledit testateur a déclaré ne scavoir signer
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Cheffes est située à 23 km au Nord d’Angers, et l’acte est passé à Angers devant Jean Chevrollier notaire Angers. On voit dans l’acte que Pierre Crannier, notre homme de bras, testateur, n’est pas venu seul à Angers, mais avec Mathurin Lemarchant, et sans doute aussi avec missire André Dalibon prêtre vicaire de Cheffes, qu’il nomme son exécuteur testamentaire.
La géographie des actes notariés est le plus souvent tournée vers Angers, jamais je ne cesserai de la répéter, même dans une affaire aussi minime, qui aurait pu être traitée par n’importe quel notaire seigneurial local.
Cet acte nous donne le niveau de fortune de l’homme de bras, et je dois dire que je suis toujours étonnée de voir qu’autrefois une partie de la population vivait sans autres vêtements que ceux qu’il portait sur lui !
Le Dictionnaire du monde rural de Lachiver, ne donne pas de définition de l’homme de bras, mais nous le rencontrons en Anjou, je pense pour le journalier, ou homme de labeur, c’est à dire un homme qui travaille à la journée. Je dois dire cependant que j’ignore où il passait la nuit et les repas, sans doute dans les granges pour la nuit, et les repas faisant partie du salaire. Et les jours où il ne trouvait pas travail ? Je suis sans réponse.
Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.
Certes ,mais tout dépend de l’état physique du testateur, j’ai relevé au AD d’Angers le testament(16 avril11671 )de Jeanne Nourry (3 e femme de François Cupif) demeurant à Champigné qui fait déplacer le notaire de ce même lieu car « gisant au lit malade »Elle a très peu de bien, tout ce qui lui revient de la communauté après règlement des dettes est pour le salut de son âme , finalement le but est surtout de se mettre en règle avec Dieu pour l’au-delà : et c’est précis « auquel jour(de son trépas) ,il sera dit un service solennel de trois grandes messes et pareil service huit après jour de son trépas :pour le repos de son âme et de ses père et mère trépassés(elle meurt sans enfants) ,il sera allumé quatre petits cierges de cire jaune de …livres pièce »C’était surement une grande angoisse pour nos ancêtres la vie après la mort
Note d’Odile : Oui, vous avez raison. Il existait 2 sortes de testateurs : ceux qui étaient à l’article de la mort, et les autres. Je suis en train de faire le mien, je ne suis pas, à ma connaissance du moins, à l’article de la mort.
Tous les testaments autrefois étaient tournés vers Dieu et le repos de l’âme d’abord, et bon nombre des testaments de gens aisés ne traitent que de ces affaires religieuses, omettant totalement les biens matériels, qui suivaient le droit coutumier qui allait de soi.
Un don testamentaire particulier et un réemploi inattendu !
(sans doute,comme vous nous l’expliquez,pour conjurer l’angoisse de la mort…)
E.2735.( Carton.)-1 pièce,papier.
-1653.- GUEDIER.
Testament de Marie Dubois,veuve de Louis Guédier,conseiller en l’Election d’ Angers,portant fondation de divers services en l’église Saint- Michel-du- Tertre et don « d’une de ses juppes pour estre employée à faire une chasuble. »