JAILLE, JAILLOUX, JAILLETTE

Inutile d’aller chercher dans les dictionnaires anciens en ligne sur ATLIF. Ils ignorent ces termes.

Par contre j’ai beaucoup de dictionnaires de patois etc… J’ai donc ouvert tous mes ouvrages, et j’en conclue que le terme est localisé entre Nantes et Le Lion-d’Angers.

Il s’agit d’un nom de lieu boueux.

  • MORLET Marie-Thérèse, Dictionnaire étymologique des noms de famille, Perrin, 1991

JAILLE, terme régional (ouest), désignant un endroit bourbeux, marécageux. Diminutif : Jaillet, Jaillat, Jaillot, Jailloux, Jaillon, Jaillette, Jaillard. Autre diminutif : Jaillardon. Aussi nom de localité : Saint-Mars-la-Jaille (Loire-Atlantique), de hameau la Jaille (Maine-et-Loire et Sarthe), le Jaillet (Ain, Drôme) la Jaillette (Maine-et-Loire)

  • VIVANT Georges, N’en v’la t’i’ des rapiamus, patois du pays nantais. Vivant éditeur, 1980

jaille : ordures, vase. « de ç’temps-là, c’est pitrâilloux, j’sommes que dans la jaille »

jailloux : boueux. Celui qui est sale et négligé

  • MENIÈRE Charles, Glossaire Angevin, 1880

jailloux : qui enlève la jaille.

En conséquence, la famille de la Jaille tire son nom d’un lieu boueux. Mais n’a pas donné son nom à la Jaillette, qui est un autre lieu boueux.

La Nantaise que je suis utilise toujours le terme JAILLOUX, typiquement Nantais.

Pieça : il y a un certain temps

Dans l’acte vu hier vous aviez un adverbe disparu, et qui avait même plusieurs orthographes au fil des notaires anciens : pieça était souvent écrit piecza, despiecza etc…
Donc ce fut le cas hier et je vous mets donc la vue de l’acte pour votre paléographie en progès je l’espère…

 

Ici en outre le P est en forme de X et comme il est en partie avalé par la lettre précédente le X est partiellement formé seulement, ce qui complique la lecture.  Mais on a bien DESPIECZA

Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)
http://www.atilf.fr/dmf
PIEÇA, adv. « Il y a un certain temps, il y a longtemps, cela fait un certain temps »

de ladite myneure pour une part, et la somme de 22 livres 10 sols tournois en principal pour la recousse et réméré de demy quartier de vigne dépendant et estant desdites vignes vendues despeczia par ladite Guerif et Catherine Coural à Jehan Gougeon aussi dedans 8 jours prochainement venant avecques autres sommes qu’il conviendra payer pour les frais et mises desdits recousses et ladite Guerif en chacun desdits noms et qualités seule et pour le tout sans division en promet fournir et bailler

et rendra à ladite maison de la Blanchetière la moitié du ferment qui en proviendra : Vallet 1743

Je viens de mettre sur ce blog 2 baux à ferme dans lesquels les vignes du bailleur, ici Isaac Le Chauff, font l’objet d’une clause spéciale et originale, que je ne rencontre pas en Anjou.
En effet, elles ne sont pas baillées à ferme, mais le preneur du bail à ferme devra les faire, de leurs 4 façons, et sera payé pour cela. Mais il devra :

 » rendre à ladite maison de la Blanchetière la moitié du ferment qui en proviendra  »

Je lis bien FERMENT et je ne trouve pas ce terme dans les dictionnaires autrement que comme levain, et on pourrait penser qu’ici il s’agit du vin nouveau, dont le preneur du bail aurait donc la moitié, le bailleur l’autre moitié.

Une chambre de maison servant d’échauffateur et de toilerie couverte de tuiles : Vallet 1743

Le Dictionnaire du Monde rural de Marche Lachiver ne donne pas de terme ECHAUFFATEUR

Le Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) http://www.atilf.fr/dmf/d
ESCHAUFFETEUR, subst. masc. « Foyer, habitation chauffée »

Il semble que le terme vu hier dans le bail à ferme aux Haies Maries d’une chambre de maison servant d’échaufateur et de toilerie couverte de tuiles ne concerne pas une pièce à vivre mais un local servant à un usage artisanal. Mais lequel ?

Marcel LACHIVER, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1997, 1766 p

Il y a 20 ans, Openedition publiait l’arrivée de cet ouvrage dans un résumé très complet.

Je n’avais pas attendu cet éloge pour enrichir ma bibliothèque. L’ouvrage de Marcel Lachiver m’a été l’un des plus utiles et je ne regrette pas son achat il y a maintenant un peu plus de 20 ans.
Parfois j’ai dû me lever de ma chaise quasiement chaque jour, parfois chaque semaine au moins, car en vous retranscrivant tant de textes anciens j’avais souvent besoin de comprendre tous les termes. Et le dictionnaire est si volumineux, donc lourd, que je ne peux le garder tout près de moi, donc il trône avec bien d’autres parmi mes usuels.

L’ouvrage est hélas épuisé, mais je viens de voir 2 occasions sur Internet.

Je vous le recommande, d’autant que certains le connaissent mal, y compris son nom. Pourtant un tel auteur mérite qu’on n’écorche pas son nom.

Enfin il avait, derrière sa grange, un beau verger, que nous appelons chez nous une ouche (George Sand, la Petite Fadette, 1849)

La maison du père Barbeau était bien bâtie, couverte en tuile, établie en bon air sur la côte, avec un jardin de bon rapport et une vigne de six journaux. Enfin il avait, derrière sa grange, un beau verger, que nous appelons chez nous une ouche, où le fruit abondait tant en prunes qu’en guignes, en poires et en cormes. Mêmement les noyers de ses bordures étaient les plus vieux et les plus gros de deux lieues aux entours.

Ainsi nous emportait George Sand chez le père Barbeau !

Les ouches, nous en possédons beaucoup ici à Saint-Sébastien. De l’ouche Bignon à l’ouche Quinet et bien d’autres !
Il y a bien des années de cela, un collègue (du temps où je travaillais encore) s’étonnait de la fréquence de ce nom à Saint Sébastien. Et de la signification.

Je m’aperçois que des décennies plus tard, d’autres comme Christian Leridon (p. 17 du livre La Fessardière) ne sont pas familiers avec ce terme, certes plus guère utilisé mais qui perdure dans d’innombrables noms de lieux.

Certes le terme est connu depuis longtemps :

Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) http://www.atilf.fr/dmf/definition/ouche
OUCHE, subst. fém. Terre attenante à une habitation, gén. clôturée

Et Littré mentionnait :

Dictionnaire de la langue française (Littré). Tome 3 [ 1873 ]
OUCHE ou-ch’ s. f. Dans l’Autunois, bonne terre capable de porter toute espèce de produit. Terrain voisin de la maison et planté d’arbres fruitiers. XVIe s. Les tenans et aboutissans de leur ouche
du Bas-lat. olca, qui est dans Grégoire de Tours.

Maintenant, je vais vous épargner la longue notice qu’en donne Michel Lachiver dans son Dictionnaire du Monde Rural, p.1226 car j’ai sous les yeux une merveilleuse étude du terme, dans le plus sérieux des ouvrages.
Eh oui, quoi de plus sérieux que l’Académie Française !
Mieux, outre le sérieux, on profite alors d’un article à lire absolument (je ne copie jamais donc je ne vous mets que le lien, mais il est vraiement à lire, je vous en prie croyez-moi, et vous ne serez pas déçu(e). L’article a pour titre ; « Closeries, ouches, hortillons, plessis et autres jardins » A LIRE ABSOLUMENT EN CLIQUANT SUR CE LIEN

Ah, j’oubliais. Ici à St Seb, même l’autobus connaît l’Ouche Quinet etc…
Ah non, j’oubliais encore. Ici à St Seb il ne faut plus dire autobus, il faut dire bus-way, terme que je n’aime pas du tout mais ainsi va le vocabulaire, et s’en va la langue française !