Mémoire des victimes du naufrage du Saint-Philibert 14 juin 1931


Au cimetière Saint-Jacques à Nantes, il y a une immense tombe à la mémoire du naufrage du Saint-Philibert qui fit près de 500 victimes au retour de Noirmoutier le 14 juin 1931. Quand j’étais petite, chaque Toussaint mes parents s’y arrêtaient car elle était sur notre chemin, et nous contaient ce drame.

Cette tombe est toujours entretenue et fleurie par les services municipaux (photo en 2011). En fait cette tombe contient les 54 victimes non réclamées par de la famille. Ces victimes « sans famille » avaient d’abord été inhumées dans divers cimetières Nantais, dont Toutes-Aides, puis la ville de Nantes eu la bonne idée de les regrouper et rassembler toutes les 84 au cimetière Saint-Jacques.

Le 14 juin 1931 naufrage du Saint-Philibert sur le site de la Cote de Jade, très riche de photos et documents
et plus bref sur Wikipedia

les loisirs en 1931 

Les ballades en voiture n’existent pas encore, car la France ne compte que 201 000 voitures en 1931, dont celle d’Edouard Halbert, le premier et seul en 1930 à posséder une voiture à Nantes Sud Loire St Jacques.
Mais le train existe, entre autres pour Pornic… ou l’été on peut prendre un bateau pour Noirmoutier.
Le Gois n’est pas encore pavé :
« Après un premier empierrement réalisé en 1868, le Gois est consolidé, balisé puis empierré dès 1924. Le pavage de la chaussée et la construction des balises-refuges interviennent entre 1935 et 1939 achevant de transformer le gué d’origine en voie d’accès à l’île mais aussi aux parcs ostréicoles de la Baie de Bourgneuf proches de cette voie. Le passage du Gois entre alors définitivement dans la légende attirant, chaque année, une foule impressionnante de curieux et de pêcheurs à pied. » 
On se déplace souvent en bateau et les Messageries de l’Ouest assurent beaucoup de liaisons par eau, plus nombreuses en été, et elles offrent même aux Associations des voyages spéciaux, à partir de Nantes, comme ce sera le cas avec l’association Loisirs au départ de Nantes sur le Saint Philibert.
Vous voyez sur leur annonce ci-contre qu’elles offrent plusieurs excursions qui étaient alors une découverte de loisirs pour la population Nantaise.

Nantes est une ville ouvrière, avec entre autres l’usine des Batignolles « offrant à une partie de son personnel des maisons individuelles avec jardin, l’accès à une école primaire, à un cinéma ou à un dispensaire. Alors que les cadres prennent possession de bâtisses en pierre, les ouvriers héritent de pavillons en bois au confort rudimentaire, et les célibataires, souvent étrangers, occupent des chambres dans des bâtiments collectifs ou des wagons désaffectés. Car l’Europe s’est donnée rendez-vous aux Batignolles, l’usine ayant recruté une partie de son personnel qualifié au-delà des frontières nationales, en Pologne comme en Allemagne, en Italie comme en Tchécoslovaquie ou en Autriche. »

 

 

Un dimanche à Noirmoutier, 1924 

Ma tante Odette Guillouard 15 ans est pensionnaire à Châvagnes à Nantes en 1924 et on lui impose la rédaction  : « racontez une belle journée »….  Je suppose que le temps employé était aussi imposé, car ce passé  que nous ne parlons plus me semble venu de très loin… Pour avoir bien connu ma tante, je puis vous certifier qu’elle ne parlait jamais ainsi, mais que ne lui a-t-on faire faire à l’école. J’appartiens à la génération qui n’a pas utilisé ce passé.
A travers ce récit je comprends pourquoi ma famille avait gardé un si grand souvenir du Saint Philibert, puisque mon grand père l’utilisait avec ses enfants, par chance, par beau temps… En 1924 Odette 15 ans, Robert 13, Thérèse 10 et Monique 4.

Mon premier voyage à Noirmoutier

Longtemps déjà papa nous avait promis un voyage sur mer, celui de Noirmoutier, et nous brûlions d’impatience depuis cette promesse de connaître ce nouveau pays et voici que ce jour si heureux et si ardemment attendu arriva.
Après avoir entendu la messe[1] de sept heures à la Bernerie, nous montâmes, papa, mon frère et moi à la gare  où nous devions prendre le train[2] de huit heures et demie.
Les billets pris, nous allâmes nous asseoir sur un banc car nous étions en avance de quelques minutes. A huit heures et demie le train arriva chargé comme de coutume de nombreux voyageurs. Après avoir freiné le train s’arrêta et le chef de gare cria de sa voix rude : « les voyageurs pour La Bernerie descendent , La Bernerie ». Les portières s’ouvrirent en grand nombre pour laisser passage à des gens descendant à La Bernerie. Nous montâmes donc dans un wagon[3] vide et nous entendîmes bientôt le sifflet, signal du départ. Nous ne fîmes qu’un petit voyage dans le chemin de fer, car nous ne nous sommes arrêtés qu’au Clion et puis ensuite à Pornic où nous devions descendre.
A la descente du train, nous nous sommes dirigés vers la porte de sortie, puis nous avons pris le chemin du bateau.
Nous passâmes par le port où les bateaux allaient et venaient sans cesse. Après avoir pris une sucette chez le patissier nous arrivâmes au bateau.
Neuf heures sonnaient lorsque nous prîmes place que le pont supérieur du bateau où déjà un certain nombre de personnes prenaient place. Nous attendîmes quelques minutes avant le départ du bateau lorsque tout à coup, le capitaine monta dans sa petite cabine. Le bateau siffla plusieurs fois, puis il démara. Nous sortîmes du port à une faible vitesse car nous accostâmes à la Noëveillard afin de prendre quelques personnes.
Vers neuf heures un quart, nous partîmes, en pleine mer pour ne plus s’arrêter qu’à Noirmoutier.
Le temps était radieux, la journée s’annonçait belle. Le ciel, couleur d’azur, ne présentait aucun nuage. La mer, loin d’être fougueuse et déchaînée semblait d’huile et le bateau ne secouait pour ainsi dire pas. Le trajet se fit sans encombre. Nous étions assis non loin des cheminées et de la chaudière, et nous voyions très bien le capitaine. La mer, boueuse à La Bernerie, moitié bleue à Pornic, devint bleu couleur du ciel, de plus en plus que l’on se rapprochait de l’île.
Plus le bateau avançait, plus l’île se découpait. En avançant toujours nous pûmes distinguer le bois de la Chaise, le grand Hôtel Beau Rivage. Le chemin se continuait toujours. Enfin nous voici arrivés. Le bateau fit une grande manœuvre et nous débarquâmes. Là, se trouvait des gens, un certain nombre, qui attendaient des voyageurs. Arrivés sur l’esplanade, une petit garçon, chargé de donner pendant la traversée des feuilles de réclame pour une hôtel, laissa tomber par mégarde sa casquette dans la mer, mais un bateau vint la prendre.
A la sortie de l’esplanade nous fîment notre entrée dans le bois. C’était charmant, ce petit coin était très pittoresque. A la sortie du bois, nous vîmes une grande plage s’étaler sous nos yeux occupée par quelques baigneurs.
Nous louâmes un sapin[4] qui devait nous mener au bourg même de Noirmoutier, mais il devait auparavant nous descendre à l’hôtel St Paul (ci-contre).
Arrivés à Noirmoutier, nous furent descendus auprès de l’église. Nous y entrâmes quelques secondes car c’était la grand’messe. Nous firent une petite promenade dans le bourg et nous visitâmes l’église la messe terminée, elle était très jolie. Elle renferme les restes de St Philibert mais comme la crypte était fermée nous n’avons pu visiter son tombeau. Ensuite nous avons pris le chemin de l’hôtel, car, je l’avoue, nous avions bien faim. Après avoir bien mangé, nous allâmes faire une promenade à pieds dans le bois. Il y faisait frais, il y faisait bon y respirer la suave odeur émanée par les pins ; nous avons examiné de près le phare rouge, nous avons vu un beau bateau à voile accoster.
Après s’être ainsi promenés, nous allâmes louer des ânes. L’on fit monter papa sur « La Parisienne », mon frère sur « Caroline » et moi sur « Martin ». Mon âne ne voulait faire que du trot et je l’avoue encore je n’étais pas très rassurée là-dessus.
Notre promenade à âne finie, nous nous sommes rafraichis puis nous envoyâmes des cartes postales. Quatre heures arriva bientôt, heure où le bateau retourne à Pornic. Nous partîmes très tranquillement prendre le bateau St Philibert. Assis sur le St Philibert, nous attendîmes le départ un bon moment. Notre attention se tourna vers la place près de laquelle sur la mer dormante de nombreuses périssoires[5] évoluaient. Une course de périssoires s’engageait, une dizaine participait au concours, mais les périssoires tournèrent près des rochers et ceux-ci nous interdisaient de suivre la course des yeux.
Après avoir fait entendre son appel, le bateau démarra et nous partîmes sur la mer encore plus tranquille et plus dormante que le matin.
Plus le bateau s’éloignait, plus l’île faiblissait à nos yeux, et, au contraire plus le bateau avançait plus la côte opposée devenait apparente.
Partis de Pornic sur le petit St Nazaire, nous revinrent à Pornic sur le grand St Philibert. Enfin après une heure de bateau nous accostâmes à Pornic à la Noëveillard. Nous allâmes à pieds jusqu’à la gare de Pornic où nous prîmes le train pour La Bernerie. Après un petit parcours de vingt minutes à peine nous entrâmes en gare de La Bernerie. De nouveau l’employé de gare crie : « les voyageurs pour La Bernerie descendent, La Bernerie ». Nous ouvrîmes la portière et nous descendîmes du train, nous sortîmes et nous partîmes heureux et contents du beau voyage de Noirmoutier.
Comme Noirmoutier est en face La Bernerie, j’essaie tous les jours à retracer les différents lieux où je suis passée car on voit très bien Noirmoutier de La Bernerie.
Odette Guillouard, non daté (mais ma famille situe ce voyage en 1924).
[1] Odette Guillouard est élève à Chavagnes, donc dans sa rédaction elle prend soin de noter un zèle religieux
[2] ce train existe toujours (voyez le site des TER Pays de Loire)
[3] non un « compartiment vide », car les wagons voyageurs de l’époque avaient de multiples portes latérales, une par compartiment.
[4] nom populaire du fiacre hippomobile, qui tire son nom du bois du véhicule
[5] canot

Un photographe de rue à bord 

Y avait-il un photographe de rues à bord du Saint Philibert lorsqu’il quittait Nantes à 6 h 30 pour Noirmoutier ? En effet, la France est pionnière de la photo de rues en 1930, et cette photo, transmise par Elisabeth, atteste une pose exceptionnelle car l’homme est seul (généralement en famille), il a une pose inhabituelle à l’époque, enfin la photo montre la bouée portant le nom SAINT PHILIBERT et est manifestement prise du pont inférieur, ce qui serait tout à fait un travail très rare en famille.
J’ajoute que ma famille a des photos de cette époque, mais bien moins nettes et plus posées en famille, donc j’émets cette hypothèse. Donc, je suppose qu’il y avait un photographe professionnel à bord, et que d’autres familles ont des photos de ce type. Si vous en avez vous pouvez les adresser (en supprimant les espaces : odile h @odile-h a lbert.com

Nombre et liste des naufragés 

Autrefois, seuls les adultes étaient comptés à l’embarquement, et ils étaient 457 à  bord, mais ils avaient avec eux des enfants, et même beaucoup, d’où le nombre plus élevé de victimes car les enfants étaient nombreux.
Liste des victimes sur Geneanet

Identification des victimes 

Certaines victimes ne furent identifiées que des mois plus tard. Voici l’exemple de Charlotte Martinetti épouse Tableau dont le père, corse né à Tasso fut gendarme à Douarnenez :


Etat-civil de Nantes 4°C : « Le 26 décembre 1931 nous retranscrivons le décès dont la teneur suit : Extrait du registre des actes de décès de la commune du Croisic (Loire-Inférieure) le 26 juin 1931 à 13 h 30 minutes nous avons constaté le décès d’une personne de sexe féminin qui a été trouvée ce jour en mer au large du phare de la Banche, par le bateau de pêche « Sam Both » n°612 de St Nazaire-Le Croixic, patron Jean Lehuédé, domicilié au Croisic, et dont l’identité n’a pu être établie. Le signalement est le suivant …. Dressé le 26 juin 1931 à 14 h sur la déclaration de Pierre Belliot, 41 ans, garde-champêtre, domicilié au Croisic, qui, lecture faite, a signe avec nous Auguste Masson, maire du Croisic – Mention en marge : Rectifié par jugement du Tribunal Civil de première instance de l’arrondissement de Saint-Nazaire, rendu le 4 décembre 1931, en ce sens que l’acte de décès ci-contre s’applique à Charlotte Martinetti, née le 3 octobre 1891 à Douarnenez (Finistère) de François et de Marie Antoinette Moracchini, épouse de Tableau Félix Joseph, institutrice publique, domiciliée à Nantes 25 avenue du Grand Clos, décédée en mer le 14 juin 1931 lors du naufrage du vapeur Saint-Philibert » Son corps est donc retrouvé le 26 juin au large du Croisic et on trouve son inhumation le 29 octobre 1931 au cimetière Miséricorde à Nantes, mais le jugement civil  n’est que le 4 décembre. J’ignore comment la famille a participé à l’identification… et je suppose que les frais, certainement élevés de transport des corps etc… étaient pris par les pouvoirs publics…

Seconde vie du St Philibert 

Renfloué et transformé en remorqueur sans les 2 ponts pour passagers en promenade, et rebaptisé « les Casquets », il part d’abord à Bayonne transporter des marchandises sur l’Adour. Il n’y restera pas, regagnera la Bretagne, sous divers noms, et ne sera désarmé qu’en 1979, soit 48 ans après son naufrage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le procès


Malgré une certaine lucidité en cour d’appel : « le Saint-Philibert était un bateau de rivière et d’estuaire, qui ne  possédait aucune des qualités nautiques pour effectuer par gros temps une excursion en mer avec un aussi grand nombre de passagers à bord »
la Cour d’Appel ne fera qu’enterriner purement et simplement la parodie de justice du tribunal civil de Saint-Nazaire et aucun responsable ne sera poursuivi…

 

 

 

Agrandissement de voirie : les Arrêts de Vertais, Nantes 1715

Je vous ai mis les défauts d’alignement dont la mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire était capable, mais voici comment autrefois on respectait bien mieux la notion de voirie, en s’entendant bien, et même très bien, entre voisins pour céder une partie de terrain, refaire les murs en ligne droite en partageant les frais, et en se dédomageant les uns les autres, pour laisser passer les charettes. Et c’est seulement après cette magnifique entente qu’on passe chez le notaire pour entériner les modifications des terrains. Le pied faisait 32,483 cm, enfin celui qui était le plus utilisé, le pied de roi. Donc la venelle qui suit mesurait 4 pieds de large soit 1,299 m et pour une charette il fallait au moins 2 m

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de Loire-Atlantique, série 4E2/261 – Voici la retranscription de l’acte (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 7 juillet 1715, (devant Bertrand notaire) Sur ce que la venelle commune conduisant de la rue de Vertais en la prée dabas (d’en bas), bornée d’un côté tant la maison qui appartenait au feu sieur Leauté que la muraille du jardin appartenant à Pierre Renard marchand sieur des Nöes Bregeon, et d’autre côté la maison et jardin appartenant au sieur Doüet boulanger, le tout relevant en proche fief du roy à cause de sa juridiction des Ponts en Vertais, ne contient au commencement d’icelle vers la rue que 4 pieds de large et environ de 6 depuis la muraille du jardin dudit sieur Renard jusque celle du jardin dudit Doüet, et que pour cela une charrette n’y peut entrer pour le service, utilité et commodité des maisons magazins et logements qui sont situés sur ladite prée et endroit vulgairement appelé Les Arrêts reignants le tour de la rivière de Loire vers Pirmil, les propriétaires desdites maisons, magazins et logements des Arrêts auroient entre eux résolu et déterminé de se faire un chemin et passage libre à charrette pour l’utilité servitude et commodité des mesmes maisons logements et magazins jardins et prés en dépendant, par ladite venelle et pour cet effet de la faire élargir suffisamment, mais comme ils ne pouvaient y parvenir sans disposer entre autres choses de la muraille et d’une partie du fonds du jardin dudit sieur Renard reignant sur ladite venelle ayant actuellement une sortie et passage sur icelle, ils l’auroient prié de les en accomoder, à quoi il auroit répondu être pressé de contrinuer à l’exécution de leur dessain, non par la vente de la muraille et une partie de sondit jardin mais bien en (f°2) consentant qu’ils en disposent sous l’expresse condition et non autrement : premièrement, que ladite venelle chemin et passage demeureront à perpétuité communs en toute longueur et largeur tant à ses deux maisons situées sur ladite rue de Vertais dont dépend ledit jardin, qu’à ses deux maisons magazins granges logements terrains prés et jardins lui appartenant et à ses enfants, situés à l’une des extrémités de ladite prée du côté de la rivière qui joint le couvent des révérends pères Récollets et le pont de Brisebois, et que luy sesdits enfants leurs hoirs successeurs et cause ayant propriétaires desdites 4 maisons granges logements terrain prés et jardins et leurs fermiers jouiront librement et perpétuellement dudit chemin et passage pour le service desdits choses à cheval, charrette et autrement ainsi et de la même manière que feront les propriétaires desdites maisons magazins logements et dépendances des Arrêts, sans que lui ni sesdits enfants soient tenus à aucunes autres contributions pour l’établissement dudit chemin en tout son entier jusques l’accomplissement de sa première perfection, et secondement que lesdits propriétaires feront aussitôt faire à leurs dépends une muraille à pierre chaux et sable en toutes sa longueur pour fermer le surplus de sondit jardin auquel elles demeurera prénative ? et sera de pareille épaisseur que celle qui y est présentement et avec 9 pieds au dessus de l’encavement ? ou (f°3) pavé dudit chemin, qu’ils feront faire en icelle muraille portes qu’ils feront boucher et remplir de maçonnerie pour être néanmoins débouchées ouvertes et pratiquées sur ledit chemin toutefois et quand bon semblera audit Renard et à sesdits successeurs, lesquelles réponses et conditions dudit Renard ayant été agréées par les propriétaires dudit lieu des Arrêts, ils se transportèrent avec lui sur sondit jardin ou après avoir considéré et mesuré ce qu’il en faut pour l’élargissement de ladite venelle afin de faire le chemin et passage projetté, ils auroient arrêté de démolir la muraille d’iceluy jardin reignant sur ladite venelle et de mettre joindre et réunir à la même venelle pour faire ledit chemin et passage à charrette, non seulement le fonds d’icelle muraille mais encore une partie dudit jardin en toute sa longueur à la largeur savoir environ 6 pieds par le bout d’ahaut à prendre au niveau de la dalle ou goutière de bois qui est actuellement à la maison du nommé Lemaitre et environ 3 pieds par l’autre bout vers la rue d’abas, en sorte que la muraille qui renfermera le restant dudit  jardin sera perpendiculaire et faite et construite de l’un à l’autre bout à la même épaisseur et hauteur, laquelle épaisseur sera prise pour une moitié sur ledit restant et pour l’autre sur ladite quantité de 6 et 3 pieds, à cette cause devant nous notaires royaux à Nantes, ce jour 7 juillet 1715 après (f°4) midi a comparu ledit sieur des Noës Bregeon Renard, demeurant paroisse de St Sébastien en ladite rue de Vertais

 

Rue de Vertais

1499 – On voyait à Vertais, dans une venelle, près du Pont de Pirmil, une chapelle nommée la Chapelle de Perrot Drouet (Travers, II, 249)

1524 – Vertais, dont Pierre Landais était seigneur, l’an 1483, avait encore son seigneur en 1524 et formait une juridiction, sous le nom de la Juridiction du Pont en Vertais, avec sénéchal et officiers. Le prieur de la Magdeleine sur les Ponts s’en disait seigneur, avant ces temps, et en a un titre, vrai ou faux, qui commence la juridiction du pont, au mur de la ville, et la termine au grand pont de Pirmil (Travers, II, 289)

(sans date) – Vertais, de Vert, le même que bert, beau, en altique et ais habitation : la belle habitation ; on y jouit de la plus vue. (Gaignard, Voyage autour de Nantes, 44)

1761 – … maison située aux Arrêts de Vertais (Aumones, affiches… pour la ville de Nantes, 1761 n°35 p137)

Il est certain qu’avant 1792, une partie des Ponts (Vertais et Piremil) dépendait de la paroisse de Saint-Sébastien, et que l’octroi l’arrêtait au pont des Récollets (Annales de la Société Académique de Nantes, 1853, p344)

L’endroit où était situé ce bureau d’octroi portait le nom d’Arrêts de Vertais

1840 – L’ordonnance royale du 26 septembre 1837, qui fixe à 10 m la largeur de la traverse dans les rues de Biesse, Vertais et Dos d’Ane, 180 maisons qui doivent céder à la voie publique une superficie totale d’environ 3 500 m. Parmi ces maisons 102 surtout présentent une suite de saillies véritablement intolérables, et leur démolition immédiate ou prochaine a été arrêtée en principe (Le Breton, 7 mais 1840, p2)

L’île de Vertais était en dehors de la ville, dont les limites ne devaient pas être bien au-delà de la Porte Gelée, démolie en 1665, laquelle porte était à l’angle de la rue de Beau-Séjour.

Il existait au commencement du XIXème siècle, un peu au dessus des Récollets, à droite en sortant de la ville, au pied de la chaussée qui précède les deux arches du Pont des Récollets, il existait, dis-je, le reste de la maçonnerie ou d’une base sur laquelle s’élevait autrefois une Croix. La tradition dit que cette Croix indiquait la limite de Nantes.

Cette Croix existait alors sur le bord du bras de la rivière qui, d’un côté, embrasse l’Île de Vertais, et, de l’autre, borne le terrain où est établie la raffinerie N. Cézard.

Cette Croix se voit sur le plan de Cacault, à l’angle N.O. du Pont des Récollets.

 

 

 

Les merveilleux dessins du vieux Nantes du Dr Alcime Sinan

Le docteur Alcime Sinan (1875-1947) aimait dessiner les anciens monuments, et je me demande comment il faisait puisque les monuments qu’il dessine étaient disparus depuis longtemps avant lui. Il a publié 2 ouvrages, l’un sur Nantes, l’autre sur Châteaugontier. J’ai 2 iconographies de lui, tirées de son ouvrage sur Nantes et vendues comme iconographies sous verre à son époque. Je vous laisse admirer ses 2 magnifiques dessins.

Nantes : Tour et Pont de Pirmil La tour, dernier vestige du château de Pirmil a disparu en 1839

Nantes : le château et l’ïle de la Sausaye (aujourd’hui Île Feydeau) l’île Feydeau s’appelait île de la Saulzaie jusqu’en 1721, et l’orthographe avec le S provient manifestement de sa prononciation car le LZ se prononce S

L’ouvrage qui a été publié est : Le vieux Nantes qui s’en va : ses transformations successives : orné de 300 dessins de l’auteur / Dr Alcime Sinan

 

 

 

Explosion de poudre : Nantes 25 mai 1800 à 12 h 5

J’écoute, comme vous, les débats à la télé qui critiquent les usines encore en pleine ville, mais autrefois on mettait aussi la poudre en pleine ville, et même au château de Nantes. Un mien ami y a perdu une ancêtre :

Perrine-Anne CHARTIER °Nantes-Ste-Croix 5.5.1765 †Nantes 25.5.1800 « a été tuée à midi place Neptune, par l’effet de l’explosion arrivée au chateau de Nantes »  (EC du 6 prairial VIII = 26.5.1800)

Le 25.5.1800 à 12 h 5 une détonation retentit. De gros blocs sont projetés violemment dans les airs. Le château, utilisé comme forteresse militaire au cours de siècles, renfermait le stock de poudre. Les explosifs étaient donc stockés en pleine ville, et voici le récit de l’explosion de la poudre, telle que le raconte DELATTRE puis JEULIN dans le BSALA, 1923 et 1924 : « Le château tremble jsusque dans ses fondations, comme si un tremblement de terre venait de se produire. La Tour des Espagnols vient de sauter. Le bilan de la catastrophe, en ce qui concerne le château, se résume à la perte et à l’amputation du pavillon du lieutenant du Roi, de la Tour des Espagnols, et d’une partie du mur d’enceinte entre le demi-bastion et la Tour du Pied de Biche, enfin une partie du grand gouvernement.

Les habits de bougran de ceux qui soignent les pestiférés : Nantes 1583

Il fallait attendre 40 jours après guérison pour réapparaître. Et j’ajoute, « si toutefois on ne mourait pas ».

L’habit de bougran semble bien désigner un tissu de récupération, et comme nous sommes à Nantes un port avec voiliers, et fabriques de voiles, je suppose que ce tissu est fait de vieilles voiles. Voici la longue définition de ce tissu, qui semble avoit beaucoup varié au fil des siècles :

BOUGRAN[1] (Bougrain, Bucherame) n.m. Son nom viendrait de la ville de Boukhara, située en Ouzbékistan, à moins que ce ne soit de Bulgarie, dont les habitants sont les « Bougres », ou encore de « gabnar », en latin « validus fruit », allusionà l’enduit fortement fommé, que pourraient aussi signifier les mots bas latin « bucharanum, buchiaranum ». De très nombreuses formes de ce mot sont connues dès le XIIIè siècle : bougueren, boucheran, bouqueram, bouscq et, en Provence, Bocaran. Au Moyen âge, c’est une sorte de mousseline très légère, précieuse et chère, parfois utilisée en doublure, parfois imprimée ou peinte quand elle est portée par-dessus ou employée dans l’ameublement. On la rencontre surtout dans le domaine liturgique et dans le monde oriental. Elle est fabriquée en Arménie (Erzinghiam), au Kurdistan (Mouch et Mardin), en Perse (Ispahan), dans le district de Telingana et en Inde, pays de Malabar, au Tannay (Cambaye), au pays d’Habech en Afrique et enfin à Chypre. Le Bougran est importé en Occident dans les ports de Saint-Jean-d’Acre, de Constantinoble, de Satalia et de Famagouste.Au XIVème siècle, l’étoffe est mentionnée dans les « Comptes de l’Argenterie », à propos de Clémence de Hongrie (1328), qui possède une chambre de « bouqueran » blanc. Au XVème siècle, c’est un tissu de lin, utilisé en ameublement, en sellerie et pour les étendards de l’aristocratie. Entre les XVIIème et XXème siècles, le bougran reste une grosse toile forte et gommée, fabriquée en chanvre et coton (armure taffetas), de diverses couleurs, qui sert de garniture et de soutien à l’intérieur de rideaux et de vêtements civils et liturgiques. Au XIXème siècle, disparu des tissus précieux, le bougran est réservé aux vêtements de dessous. C’est souvent un tissu de récupération : vieux draps de lit, morceaux de voiles de vaisseau sont apprêtés et vendus comme bougrans, sans largeurs précisément définies, longs de 4,72 m. Fabriqué en particulier à Alençon, Caen, Paris, Rouen, en Angleterre, en Saxe, en Bavière et en Autriche.

[1] HARDOUIN-FUGIER Elisabeth et Coll., Les Étoffes, dictionnaire historique, Editions de l’Amateur, 2005

La fin du cabotage dans le port de Nantes : vues de 1882 selon V. Malte-Brun

Voici les vues de la fin du cabotage à Nantes, vues sur lesquelles je ne détache pas mon regard depuis plus de 3 semaines, pour vous conter une histoire terrible, mais vraie, et certainement vécue par de nombreux enfants. Ces vues datées de 1882, sont tirées de l’ouvrage de Victor Malte-Brun, géographe. On y voit l’agonie du cabotage : voyez les bateaux, qui sont à voile mais plus petit que les autres, et entre parenthèse, vous avez aussi les chalands de Loire, eux aussi disparus.