La charrière et le charonneau du cardinal Henry de Gondy, abbé de saint Aubin : Angers 1598

Mon appartement domine la Loire, dont les immenses îles, où autrefois il y avait une ferme. J’ai donc loisir chaque jour d’imaginer la vie autrefois de ces métayers sur les îles de Loire.

Autrefois, les innondations existaient aussi, car parfois on a l’impression que nos journalistes d’aujourd’hui semblent croire qu’un certain réchauffement climatique nous les aurait provoquées.

Donc, ici, l’abbé de Saint Aubin d’Angers, qui possède l’île Saint Aubin, que laquelle il y une métairie, a affermé la moitié de l’île, mais des innondations importantes en 1596 ont fait que toute récolte a été perdue, et le fermier a donc demandé un rabais, refusé, et il poursuit en justice, jusqu’à finalement obtenir ce rabais. Ici, je vous livre la transaction pour éviter de dépenser trop de frais en procès. Donc, le cardinal a enfin reconnu que l’innondation était une raison recevable.

Par ailleurs, le bail à ferme pour un île de Loire précise qui entretient charrière, charonneau et bateaux, et à qui ils appartiennent, donc à moitié entre bailleur et fermier, et pour l’entretien aussi. La charrière et le charonneau étaient en fait les barges (c’est le nom que j’utilise de nos jours) pour transporter les animaux. Il vallait évidement mieux pouvoir les mettre ailleurs en cas de montée des eaux !!! ce la vaut encore de nos jours, et j’ai déjà assisté à ce spectable en bas de chez moi tout bonnement, et avec de nombreuses vaches.

charrière : espèce de grand bac employé autrefois au passage des voitures sur les rivières (Marcel Lachiver, Dictionnaire du Monde rural, 1997)
charonneau : dans le centre, bac de moyenne dimension pour le passage des rivières (idem)

J’ai oublié de vous préciser que la maison du métayer et ses étables existent toujours sur l’île en bas de chez moi. Et, autrefois, comme les assurances n’existaient pas, on construisait en hauteur, même pour les bêtes, donc, ces bâtiments sont sur un monticule artificiel, que j’évalue à environ 2 à 3 m, car j’ai déjà vu les îles totalement inondées jusqu’à hauteur d’homme et les maisons étaient encore à l’abris de l’eau. D’ailleurs, de nos jours, la ville de Saint Sébastien, qui possède de nombreux terrains et vestiaires de sports, a toujours prévu les vestiaires sur pilotis de béton, à hauteur d’un étage, et je ne les ai jamais vus inondés de ce fait, alors qu’à Basse Goulaine, à côté, on avait donné des permis de construire en zone inondable et on s’étonne quand l’eau monte !!!

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E1 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 6 juin 1597 avant midy, (François Revers notaire Angers) sur les procès et diffrends meuz et pendant en la cour de parlement à Paris entre révérendissime cardinal de Gondy abbé de l’abbaye saint Aubin d’Angers appelant de certains jugements donnés au siège présidial d’Angers d’une part, et Jehan Grasenloil marchand Me boucher demeurant Angers, fermier pour une moitié de l’isle de Saint Aubin dépendant de ladite abbaye inthimé desdites appellations et incidammant demandeur à l’entherinement de lettres royaulx de la ressision et cassation de la ferme de ladite isle d’autre, touchant ce que ledit revérendissime cardinal disoit que dès le 26 octobre 1593 il ou procureur pour luy auroit baillé à ferme audit Grasenloil et à noble homme Jehan de Chenevier ladite isle de saint Aubin avec la mestairie de la Grand Maison et choses mentionnées par ledit bail pour le temps et espace de 9 années pour en poyer par chacunes d’icelles la somme de 1 700 livres à tous hazards périls et fortunes que néantmoings oultre ce qui auroit esté accordé entre eux par (f°2) ledit marché de ferme ils se seroient pourveuz audit siège présidial d’Angers par requeste affin de rabays et par le moyen des faits par eux allégués optenu (sic) rabays de plus du tiers de ladite ferme de quoy ledit révérendissime cardinal auroit appellé relevé son appel en ladite cour ou il prétendoit faire dire qu’il avoit été mal jugé et qu’en attendant lesdits jugements sans s’arrester auxdites lettres royaulx et requeste de rabays et révolution de ladite ferme lesdits Garsenloil et de Chenevier fussent condempnés luy payer tout le prix de ladite ferme et icelle continuer aux charges portées par ledit bail à ferme à quoy il concluoit et demandoit despens tant de la cause principale que d’appel et desdites lettres dommage et intérests ; à quoy par ledit Grasenloil estoit dict qu’encore sque luy et ledit de Chenevier eussent prins ladite ferme à tous périls et fortunes que néantmoins telles clauses et conditions ne doibvent régler ce qui est de droit estant certain que tels contrats de ferme sont achapté de fruits qui sont de bonne foy et ne se peuvent effectuer sinon que les fermiers ayent paisiblement jouy des fruits de leurs fermes, que par les procès verbaulx qui ont esté faits des innondations qui sont survenues esdites années en ladite isle il est deument vérifié qu’ils n’y ont recueilli aulcuns fruits et qu’ils ont esté emportés (f°3) par la violence des eaux tellement qu’il n’y auroit apareu de les contraindre au payement de ladite ferme pour la reission de laquelle ils auroient optenu lettres royaulx en ladite cause d’appel à l’entherinement desquelles ledit Grasenloil concluoit et se faisant que confirmant lesdites sentences dont estoit appel entherinement lesdites lettres royaulx ledit bail à ferme fust cassé et résolu et ledit Grasenloil déclaré quite et déchargé de ladite ferme et demandoit les despens ; et par ledit révérendissime Cardinal estoit répliqué que ores qu’il y eust quelques innondations en ladite isle esdites années cela ne pouvoit donner occacion de rabais et résolution de ladite ferme parce que ladite isle est entourée d’eaux qui croissent ordinairement tous les yvers dont ledid Grasenloil et Dechenevier avoient aussi cognoissance et du naturel auparatant qu’ils prissent ladite isle à ferme, à quoy prévoyans ils ne se seroient aussy obligés à payer quasy que moitié du prix de ce que ladite ferme estoit auparavant ledit bail à ferme et sur ce estoient les parties en involution de procès pour auxquels obvier a esté fait l’accord et transaction comme s’ensuit, pour ce est-il que en la cour du roy notre sire Angers endroict par devant nous François Revers notaire d’icelle personnellement estably Me René Lefuzelier recepveur de ladie abbaye au nom et comme ayant charge de messire Henry de Gondy abbé de l’abbaye de Buzay et Quimperlay (f°4) d’une part et ledit Grasenloeil demeurant en ceste ville d’Angers paroisse de Saint Pierre d’autre, soubzmectant etc confessent avoir desdits procès circonstances et dépendances transigé pacifié et appointé et par ces présentes transigent pacifient et appointé de l’advis de leurs conseils en la forme cy après, c’est à savoir que ledit sieur Lefuzelier audit nom a volontairement et de grâce remis audit Grasenloeil sur les 3 premières années de la moitié de ladite ferme et termes eschus jusques au premier jour de ce mois de juin 1597, iceluy compris, la somme de 141 escu deux tiers évalués à la somme de 425 livres, ce pour tout rabais et diminution de ladite ferme, dont ledit Grasenloeil s’est contenté et au moyen de ce est et demeure tenu payer audit sieur cardinal la somme de 365 escuz pour le reste desdites 3 années (f°5) et termes pour une moitié de ladite ferme, et quant à la quatrième année qui est la présente et dont les termes sont à payer en décembre prochain et le premier jour de juin 1598 est accordé entre lesdites parties que ledit Grasenloeil exercea ladite ferme pour le tout pour ladite année et en payera la somme de 450 escuz à 2 paiements aux termes cy dessus de décembre prochain et juin ensuivant sans que ledit Grasenloeil puisse prétendre ne demander aucun rabais ne diminution de ladite somme de 450 escuz et y a renoncé et renonce par ces présentes, à la charge de satisfaire aux autres charges clauses et conditions toutefois portées par ledit bail, lequelles ledit Grasenloeil fera et accomplira pour le tout, et est ce cait sans que le présent rabais puisse nuire ne tirer à conséquence pour les 5 dernières années, et moyennant ces présentes ledit sieur cardinal demeure quicte vers ledit Grasenloeil qui l’a quicté de tous frais mises salaires et nourritures de serviteurs journées et vacations de clostures et autres choses que il pourroit demander audit sieur cardinal (f°6) comme succédant audit Dechenevier et ayant ses droits en la moitié de ladite ferme par le moyen des accords et conventions faits entre lesdits Dechenevier et Grasenloeil, et est ce fait toutefois sans préjudice audit bail à ferme fors pour le prix et sans renovationdr d’iceuluy et droit d’hypothèque et prorata que ledit sieur cardinal a par le moyen dudit bail tant sur ledit Grasenloeil et ses biens que de sa caution lequel bail à ferme demeure en ce regard pour une moitié de ladite ferme et clauses d’iceluy en sa force et vertu fors pour le prix comme dit est exédant ladite somme de 450 escuz pour ledit an et quant aux chariers charoneau bateaux et bestiaux qui sont en ladite isle et à ladite mestairie de la Grande maison est aussy accordé entre lesdites parties que lesdits bestiaux demeureront audit Grasenloeil auquel ledit Lefuzelier audit nom les a venduz pour le prix et somme de 56 escuz laquelle (f°7) somme ledit Grasenloeil demeurant aussi tenu payer audit sieur cardinal à la première sommation desquels bestiaux ledit Grasenloeil s’est tenu et tient à comptent pour estre en sa charge en ladite isle et mestairie de la Grande Maison comme aussy ledit Grasenloeil a recogneu et confessé avoir de présent en sa charge et garde les chariches charoneau et bateaux qui auroient esté achaptés par luy et ledit Dechenevier et dont la moitié d’iceux appartient audit sieur cardinal par le moyen de la cession et vendition qu’en auroit faite ledit Dechenevier audit seigneur de Buzay, de laquelle charreche charoneau et bateaux ledit Grasenloeil se servira pendant ledit temps et les rendra à la fin d’iceluy en bon estat et réparation audit sieur cardinal (f°8) ou autre de par luy, à la charge néanmoins dudit sieur cardinal de contribuer pour une moitié à ce qu’il coustera pour mettre en réparation ladite charière pour une fois seulement