11 novembre 2009, patrie, nation, nationalité : lettre à Edouard Guillouard, mon grand’père

Grand’père

Merci de nous avoir transmis ton cahier de guerre 14-18. Il est lu depuis quelques années sur mon site, où il honore la mémoire de votre sacrifice. Lorsque je l’avais tappé, j’ai pénétré dans l’intimité de tes 4 années de tranchée. Certains moments me bouleversaient tellement que je devais m’arrêter pour reprendre force : ainsi lorsque vous recevez des bottes, alors que vous avez déjà passé un an dans la boue et le froid sans bottes etc… Alors seulement je réalisais que vous étiez partis pour quelques jours, alors on n’avait rien fabriqué de chaud !

    Voir le carnet de guerre 14-18 d’Edouard Guillouard

Reposes en paix et réjouis-toi : ton sacrifice n’a pas été vain. En ce 11 novembre 2009, il n’y a plus de boches depuis longtemps. L’Allemagne est aux côtés de la France pour commémorer l’armistice. On voit souvent à la télé Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ensemble : quelle image de paix ! Car c’est toujours la paix que je vois d’abord lorsqu’ils apparaissent ensemble à l’écran et aussitôt, grand’père, tu es là présent et je te fais partager cet instant de bonheur.

Eh oui ! tout a changé ici ! Toi, tu as connu l’arrivée de l’électricité, la voiture, la bactériologie et l’hygiène, la téléphonie, l’aviation etc…bref, une époque de découvertes, mais aussi de guerres, qui furent au nombre de 3 pour toi.

Photo extraite du carnet de guerre dEdouard Guillouard, septembre 1918 : sergent téléphoniste Thirion réparant un appareil au P.C. Bataille
Photo extraite du carnet de guerre d'Edouard Guillouard, septembre 1918 : sergent téléphoniste Thirion réparant un appareil au P.C. Bataille - Cliquez pour agrandir

et depuis, ces inventions ont fait des petits : on reçoit en images les nouvelles sur un écran ! on y voit l’Allemagne et la France s’accolant, se congratulant ! Tu n’aurais même pas osé l’imaginer n’est-ce pas ! Une seule chose n’a pas changé, la grippe arrive encore, comme en 18, et elle est censée nous faire peur.

Eh oui ! tout a changé ici !
Mais moi, ta petite fille, née avant la seconde guerre mondiale, je suis incapable de comprendre bien des changements !
De ton temps, c’était simple :

Nation : réunion d’hommes habitant un même pays et soumis à un même gouvernement et aux mêmes lois. (Dict. Quillet, 1948)
Nationalité : ensemble des caractères qui constituent une nation et la distinguent des autres – Origine ethnique d’un individu (Dict. Quillet, 1948)
Patrie : le pays où l’on est né, ou, plus exactement, où l’on a reçu naissance. La nation dont on fait partie… La patrie est proprement la terre de ses pères, le sol natal où l’on a le souvenir de ses ancêtres… (Dict. Quillet, 1948)

mais maintenant, c’est moins simple. Il y a beaucoup de choses que je suis incapable de comprendre.
L’Europe au début je comprenais et j’y travaillais, ou plutôt, je travaillais à la réconciliation franco-allemande, comme beaucoup d’autres. Puis tout m’a échappé et je n’y comprends plus rien, même en lisant la presse censée la meilleure, ou en achetant des ouvrages censés m’éduquer.
Je suis incapable de comprendre tant de choses là-dedans, à commencer par ma retraite d’Allemagne, passée sous le nez, l’absence de réferendum des Européens lorsqu’il y a referendum dans un pays qui veut entrer, l’interdiction de subventionner les arbres fruitiers de France alors que le soleil d’Espagne est une inégalité, etc… la liste est longue.

Et, le pire, est que je suis totalement incapable de comprendre pourquoi des millions de personnes ont plusieurs nationalités !
Qu’on les accueille, je le comprends. Qu’on leur permette d’accéder à la nationalité française, je le comprends aussi, qu’ils aient des droits en France, cela aussi je le comprends. Mais qu’on leur laisse leur nationalité d’origine, cela je suis totalement incapable de le comprendre, car on leur laisse des droits dans plusieurs pays, en quelque sorte ce sont des sur-citoyens du monde. Il y en a même un franco-allemand, qui se fait élir une fois en Allemagne une fois en France, et se vante de ses droits supérieurs à ceux d’un simple monocitoyen, comme moi !

    Quel est le régime de la double nationalité ?

On ne sait même plus si la France a une identité ! Mail là, j’ai bien compris qu’on ne me demandait pas mon avis, et que les consultations passaient au dessus de moi, alors je le donne ici.
J’ai contribué à l’Europe par les actes de ma vie privée, mais aujourdh’ui je suis perdue.
J’ai contribué à accueillir des étrangers dans ma vie, mais aujourd’hui je suis perdue.

Je suis perdue parce que incapable de comprendre la notion de multinationalité, c’est à dire de multidroits de vote etc… Je peux seulement comprendre que lorsqu’on est accueilli dans un pays on puisse opter pour sa nationalité, en perdant simultanément celle de son pays d’origine, avec faculté de réversion de cette mononationalité à tout moment en abdiquant celle du pays d’accueil.
Ainsi, je comprends qu’on soit un cityoen d’une nation, et une seule, avec une patrie d’origine dans laquelle à tout moment on peut choisir de reprendre la nationalité, en perdant alors celle du pays d’accueil.
Ainsi, il existerait le pays où l’on a choisi momentanément de vivre et d’avoir des droits, avec dans le coeur sa patrie d’origine, dans laquelle on aurait à tout moment le droit de reprendre la nationalité en abdiquant l’autre nationalité.
Sais-tu qu’il y en a même qui ont trois nationalités etc… De cela je m’en étais aperçue il y a quelques années lorsqu’une Canadienne me demanda d’aller au Ministère des Affaires étrangères, alors à Nantes, pour déposer sa demande de la troisième nationalité, française, pour sa fille, car elle y avait le droit, bien que seulement petite fille d’un Français parti vivre au Canada. A ma demande naïve de l’intérêt de cette multinationalité, la réponse est venue directe : les avantages pour l’avenir.

Je n’ai jamais voté à droite droite en France.
Mais puisque je ne comprends rien à rien, je lance ici mon cri d’alarme, car sans doute ferais-je mieux de ne plus voter à l’avenir, puisque tout m’échappe complètement, et puisqu’il y en a qui ont plusieurs droits de vote, et pas moi !
Je suis incapable de comprendre au nom de quoi certains ont plus de droits que moi, puisqu’on m’a éduquée à l’école dans la notion d’égalité.
Je suis incapable de comprendre pourquoi on a tant bafoué la notion de nation et de nationalité !

Je vais ce jour sur la plaque commémorative de Joseph disparu en 1914.
Merci de nous avoir laissé ton témoignage grand’père, merci pour tout ce que tu as fait.
Ta petite fille
Odile

Ceci est mon témoignage personnel de commémoration.

Réception chez Scheurer industriel, ou remise de prix à Thann : guerre 14-18

En 2009, Olivier Leroy, qui a fait le même devoir de mémoire avec ses papiers de famille que celui que j’ai fait avec nos papiers de famille d’Edouard Guillouard, mon grand-père, me signale qu’il possède des photos qui ressemblent à la mienne, et qu’il intitule remise de prix à Thann.


Cliquez l’image pour l’agrandir. Cette photo est du fonds d’Edouard Guillouard, mon grand-père, et serait une réception chez Scheurer industriel le 11 août 1918

  • Ressemblances :
  • Les fenêtres sont identiques donc les lieux identiques.

  • Différences :
  • • Le rideau au dessus de la porte
    • Tous les militaires portent leur képi sur la photo Guillouard, ils sont tête nue sur les autres photos.
    • La présence de dames sur la photo Guillouard. Sur les photos d’Olivier on en distingue 2 à droite, mais des chapeaux totalement différents.
    • La présence d’un tapis sur la photo d’Olivier Leroy, nettement placé sous les pieds du premier rang.
    • Le groupe est disposé en fer à cheval autour du tapis sur les photos d’Olivier, mais il est droit sur la photo Guillouard
    • On distingue des enfants sur les côtés, assis sur des bancs, sur les photos d’Olivier, d’où sans doute le titre de remise des prix.
    • On distingue un prêtre en soutane assis au premier rang sur les photos d’Olivier.


    Ces 2 photos sont sur le site d’Olivier, et en cliquant dessus vous verrez que vous êtes bien sur son site, que je vous recommande car il a fait un travail de mémoire comparable au mien.

    Si vous avez des éléments nous permettant d’identifier lieux, faits et dates, merci de nous en faire part dans les commentaires ci-desssous.

    La ferme de Rombois (Meslières, Doubs) pendant la guerre de 14-18

    J’ai sur mon site le carnet de guerre d’Edouard Guillouard, mon grand’père, pendant les 4 années de la guerre 14-18. Il est illustré de toutes les photos qu’il possédait.
    Parmi ces photos, celle-ci en particulier montrait une famille qui l’a hébergée, et j’espérais qu’un jour elle serait identifiée.

  • C’est chose faite. Hier les descendants ont pris contact :
  • Voici d’abors la photo et l’extrait du carnet de guerre dans le Doubls en 1916 :

      13.3.1916 lundi Départ, tout le monde regrette et plusieurs poilus manquent le rassemblement, nous partons par Herimoncourt, puis Meslières, mais comme trop souvent la 3e est mal installé à la ferme aux chiens ou plutôt à Rombois, les gens sont aimables, je loge dans une grande ferme ou les jeunes filles sont même distinguées, nous faisons popote chez Varanchon, il y a également des jeunes filles bien aimables, au règlement de popote Trémulot soulève un incident
  • Voici ce que m’écrit Corine Hoff le 6 janvier 2008 :
  • Je suis tombée sur votre site totalement par hasard … en cherchant un code postal ! En montrant l’article que j’y ai trouvé, ma grand-mere a reconnu une photo de sa famille … je ne vous dis que ça de sa surprise et de sa joie !

    Du coup, je suis retournée sur votre site aujourd’hui en me disant que je trouverai peut-être autre chose. J’ai malheureusement découvert que votre site était vampirisé et que vous ne me répondriez pas. Je veux pourtant vous laisser un petit message d’encouragement. Sachez que je suis totalement solidaire avec vous. J’admire l’immense travail que vous avez fait (je voudrais me mettre à la généalogie de ma famille mais je n’y travaille pas régulièrement faute de temps).

    Je peux vous dire que la dame au milieu est la grand- mere de ma grand-mere. Elle s’appelait Amélie Voireuchon (et non pas Varanchon comme dans le carnet de guerre du soldat). A coté d’elle sont deux de ses filles Irène à sa droite et Jeanne à sa gauche. La photo a été prise à la ferme de Rombois (Doubs). Les hommes derrière le banc sont des soldats.
    En retour, pouvez-vous me dire d’où vient cette photo afin que je contacte le photographe (ou plutot ses heritiers…). Il existe peut-être d’autres photos du passage des soldats dans cette ferme …

  • Ma réponse à Corinne :
  • Merci d’avoir pris contact.
    Je me réjouis infiniement que votre grand’mère ait pu identifier sa famille, et je me réjouis qu’elle puisse avoir désormais cette photo. Le soldat, debout derrière à droite, est mon grand’père.
    Hélas, je suis seule dépositaire du fonds photo, et il n’en existe aucune autre. Je vais seulement vous la rescanner avec plus de pixels et vous l’adresser, mais ce sont de toutes petites photos, à peine plus grandes qu’un timbre poste.
    De votre côté, pourriez vous me préciser ce que vous savez de Rombois et de cette période, et ce qu’en sait votre famille. Merci de demander à tous ceux qui connaissent ces faits de laisser un commentaire ci-dessous.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet (blog, forum ou site, car alors vous supprimez des clics sur mon travail en faisant cliquer sur l’autre support, et pour être référencé sur Internet il faut des clics sur ma création) seul le lien ci-dessous est autorisé car il ne courcircuite pas mes clics.

    1914-1918 au 84e R.I.T. carnet de guerre d’Edouard Guillouard, photos Leglaive

    Mon grand père maternel, au front du début à la fin, avait 3 enfants en 1914 ! Ce billet est écrit à la mémoire de tous ces enfants… car cela m’a beaucoup frappée…

    J’ai mis il y a quelques années sur mon site le carnet de guerre 1914-1918 au 84e R.I.T. d’Edouard Guillouard, photos Leglaive. D’une rigueur et précision toute militaire, il m’avait fallu 2 mois pour le tapper et le mettre en pages, d’autant que je n’avais pas de légendes au photos (en vrac dans une enveloppe) et que beaucoup sont encore non identifiées.
    J’avais alors découvert cette guerre comme on ne nous la décrit pas souvent :
    Ils étaient parti pour quelques jours, alors la France n’a pas mis en route la fabrication massive de bottes, capes huilées, casques, etc… et c’est tardivement après des mois dans la boue, la pluie et le froid que ces équipements indispensables leur parviendront…
    Mon grand père circule souvent à cheval, mais prend le train pour les rares permissions, puis apprend la lutte anti-aérienne car l’avion a fait son apparition.
    Un nombre incalculable de nouveautés techniques voient le jour au fil du temps…

  • J 256 (8 mois 12 jours) arrivée des périscopes pour voir de la tranchée, sans être vu et surtout sans s’exposer
  • J 414 (1 an 1 mois 28 jours) : arrivée des casques
  • J 595 (1 an 7 mois 16 jours) : distribution de montres et de pipes
  • J 818 (2 ans 2 mois 26 jours) : arrivée des capes huilées
  • J 1002 (soit 2 ans 8 mois 28 jours) arrivée des masques à gaz
  • J 1126 : Edouard n’a encore jamais parlé de peur, malgré tout ce qui tombe autour de lui, mais manifeste soudain une « grande appréhension ». Il est envoyé suivre les cours de commandant, se doute bien qu’il aura du mal à suivre, faute d’études suffisantes, et craint de décevoir les supérieurs, qui l’ont nommé. Belle grandeur d’âme de ces hommes, que la peur de ne pas être à la hauteur de la mission qui leur est confiée ! Il apprend même la lutte anti-aérienne.
  • J 1378 (3 ans 9 mois 8 jours) : distribution de cigares

  • Voici le cheval, car ce fut sans doute, du moins en Europe, la dernière fois qu’il combattait lui aussi.
    Outre le carnet de guerre, j’ai le cahier d »Aimée Guillot, sa belle-mère, édifiant : Il commence ainsi :
    à la grâce de Dieu ! que nos chers disparus nous obtiennent force et résignation à accepter vaillamment ce qui arrive !

    Suivent un nombre considérable de prières, messes, lessive, jardin, raccomodage, visites aux tombes, etc… ponctuées de mauvaises nouvelles….

    Mais, ce qui m’a le plus frappée lorsque j’ai fait ces pages, c’est qu’Edouard Guillouard avait 3 enfants en partant en 1914.

    En réalité, en partant au août 1914, mon grand père laissait 2 enfants et une épouse enceinte de plus de 5 mois. C’est ma maman qui est née à l’automne 1914, alors que son papa était au front. Elle disait souvent qu’elle ne l’avait connu qu’à 4 ans, et elle avait auparavant un vague souvenir d’une apparition d’un militaire qui lui avait fait peur car elle ne réalisait pas que c’était un papa. Sans doute ce jour de la photo…
    Alors aujourd’hui, je pense à tous ces enfants, privés de papa pendant 4 ans, et encore plus à ceux qui ne l’ont pas vu revenir… car mon grand père eut la chance d’en revenir.
    Mais lorqu’il revint, sa boutique n’était pas en forme : c’est sans doute une chose dont on parle peu, quand on évoque les 4 années 14-48. Il avait un boutique de gros, livrant de Nantes à travers la Bretagne, de la quincaillerie. Les clients, eux aussi au front ou disparus, ne payaient pas ou mal, et les affaires avaient périclité, menées tant bien que mal par son père, alors très âgé. Ainsi, ceux qui étaient partis et en sont revenus, n’avaient pas fait fortune, c’est le moins qu’on puisse dire… et cela aussi il faut le souligner.

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