Hôtelier de l’hôtellerie du Civet, et de l’hôtellerie des Trois Maries, Angers, 1667

(Archives départementales du Maine-et-Loire, série 5E5)

Aujourd’hui je vous présente le bail à ferme de la seigneurie de Gené, propriété du chapitre de Saint Pierre d’Angers. Les preneurs ont des racines à Gené, mais tiennent une hostellerie à Angers.

  • Les preneurs sont au nombre de 2 couples, solidaires. Pour accepter de prendre ensemble un tel risque, il faut que ces 2 couples soient proches, et même parents l’un de l’autre
  • Les preneurs sont tous deux hôteliers à Angers, donc ce bail à ferme constituent pour eux un travail et revenu supplémentaire, non négligeable si tout va bien
  • Ce bail est sévère et risqué, car il exclut toute diminution en cas de peste, guerre, famine, mauvaise récolte ou prix bas de la récolte. Cette phrase, extrêmement dure, ne figure pas toujours ainsi libellée dans les baux à ferme, mais je l’ai déjà rencontré notamment pour le bail à ferme du prieuré de la Jaillette fait pas les pères Jésuites du collège de la Flèche, dont la Jaillette était l’un des patrimoines octroyé par Henri IV lors de la fondation du collège. Ces religieux étaient plus durs en affaires que d’autres…
  • Les 2 hôteliers preneurs du bail demeurent à Angers, alors qu’ils prennent à ferme la paroisse de Gené. Normalement, le preneur de bail à ferme demeure proche des terres qu’il prend à ferme afin de mieux en assurer le contrôle des récoltes, etc… Il y a 33 km d’Angers à Gené, et puisqu’ils demeurent au Nord d’Angers, on peut même dire qu’il y a 30 km. Cela fait un cheval (le cheval fait 40 km par jour) donc, ils ont encore de la famille vivant sur place, qui les héberge de temps à autre, voire d’ailleurs l’auberge de Marans qui est tenue par le père Fessard, beau-père de Senechau… et qu’ils vont fréquemment à Gené à cheval, ou l’un des deux seulement, pour affaires.
  • L’acte notarié nous apprend le nom de 2 hôtelleries d’Angers. Or, il se trouve que j’ai beaucoup travaillé la généalogie de l’un des couples Julien Senechau x Renée Fessard, puisqu’ils sont mes ascendants. Or, je n’avais jamais trouvé dans les registres paroissiaux la mention du nom de l’hôtellerie qu’ils tenaient.
  • J’ai depuis longtemps sur mon site une page des hôtelleries rencontrées en Anjou, et avec ce bail, je commence la mise à jour de cette page, espérant y ajouter encore beaucoup d’hôtelleries…
  • Voici l’acte notarié, retranscrit avec son orthographe originale : Le 20 juillet 1667, par devant nous François Crosnier notaire royal à Angers, furent présents soubmis
    messieurs les chanoines du chapitre de l’église collégiale de saint Pierre de cette ville … assemblés en leur chapitre en la manière accoustumée d’une part,
    et honnestes personnes Estienne Paigis marchand et Catherine Duval sa femme de luy authorisée quant à ce demeurant en l’hostellerye ou pend pour enseigne le Civé fauxbourg St Lazare,
    Jullien Senechau et Renée Fessard sa femme aussy de luy authorisée quant à ce, et Catherine Gautier veuve en premières nopces de René Duval et secondes noces de Jean Fessard, demeurant en l’hostellerye des trois Maryes le tout paroisse de la Trinité de cette ville chacun d’eux solidairement renonçant au bénéfice de division d’autre part, (les trois Maries étaient souvent représentées et sont connues dans l’histoire de l’art. Voyez par exemple ce vitrail, puis vous pouvez lire les sources de cette légende qui n’appartient au Dogme mais aux textes apocryphes non reconnus pas l’Eglise. Je n’avais jamais entendu parler des trois Marie, mais manifestement elles étaient familières à nos ancêtres, au point de les figurer dans les églises. Nous connaissons aujourd’hui surtout les Saintes Maries de la Mer)
    lesquels ont fait et font entre eux le bail à ferme conventions et obligations suivantes, c’est à savoir que lesdits chanoines tant pour eux que leurs successeurs ont baillé et par ces présentes baillent auxdits Paigis et Sénéchau et leurs femmes, et à ladite Gautier, ce acceptant audit tiltre pour le temps et espace de septs années et sept cueillettes entières et consécutives qui ont commencé dès le jour et feste de Toussaint dernière et finiront à pareil jour,
    scavoir est la terre et chastelenie domaine et seigneurie de Gené, cens, rentes, sujets, dixmes, droits de four à ban et de possonerages, avec la fuye, plus les mestairyes de la Grande Fenouillère et de la Ville, ainsy que ladite terre se poursuite et comporte avec ses apartenances et dépendances ainsi que sieurs du chapitre et leurs fermiers en ont jouy sans en rien réserver, fors le service deub auxdits du chapitre par le sieur vicaire perpétuel de Marans, en la moitié des ventes et rachapts de la terre de Ribou si le cas échet pendant le présent bail, l’autre moitié demeurant aux preneurs, plus réservé le droit d’aubenage (droit d’aubaine : Succession aux biens d’un Étranger qui meurt dans un pays où il n’est pas naturalisé) et de deshérance, présentation et nomination collation et autres dispositions de bénéfices et offices dépendant de ladite seigneurie et les rentes deues sur le fief d’icelle à la bourse des anniversaires dudit chapitre dont lesdits preneurs feront néanmoins la recepte sur l’estat qu’il leur en sera fourny par le trésorier dudit chapitre, auquel ils payeront chacun an, oultre le prix du présent bail de ladite terre que lesdits preneurs ont dit bien savoir et cognoistre en jouir et user par eux en bon pères de famille sans en rien enlever
    et de payer et acquiter au viquaire perpétuel dudit Gené 12 septiers de froment et 14 septiers de seigle mesure dudit chapitre …,
    de payer les gages des officiers de ladite seigneurie scavoir au sieur sénéchal 60 sols, au procureur 40 sols, au greffier 25 sols et au sergent 20 sols, …
    de comparoir pour eux aux assises des fiefs et seigneuries sont lesdits sieurs bailleurs …
    et est fait le présent bail outre lesdites charges pour en payer et bailler de ferme chacun an par lesdits preneurs solidairement au chapitre de St Pierre entre les mains de leur boursier et receveur à l’usage de leur grande bourse la somme de 750 livres tournois aux termes de Toussaint, le premier payement commenczant à la Toussaint prochaine et à continuer sans que lesdits preneurs puissent prétendre rabais ny diminution dudit prix et charges que dessus soit pour peste guerre famine et fertilité de fruits et villeté (vileté : bas prix d’une chose) du prix d’iceux ou autre par cas fortuits qui puissent avenir …


    Voici les deux hôtelleries, telles que mentionnées dans ce bail. Le cive, aliàs civé puisqu’on n’écrivait pas les accents autrefois, aliàs civet actuellement, fait référence au civet de lièvre, d’ailleurs nous verrons d’autres hôtelleries faisant référence au lièvre. Par contre, pour les Trois Maries, je n’ai pas d’explication à ce jour.


    Les 2 hôteliers, preneurs du bail (Paigis et Senechau), savent signer.
    Cette image est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Je la mets ici à titre d’outil d’identification des signatures, car autrefois on ne changeait pas de signature.
    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Testament de Claude Bellier, closier, Gené (49), 1708

    ses dettes passives et actives illustrent son mode de vie, en particulier on voit qu’ils font tous plus ou moins des journées rémunérées les uns chez les autres

    Un closier tient une closerie par bail à métayage aussi appelé bail à moitié car on partage par moitié les fruits entre le propriétaire et le preneur du bail. Une closerie est plus petite qu’une métairie en Haut-Anjou, et ne fait vivre qu’une famille, alors que pour tenir une métairie, plus grosse, il faut généralement au moins 2 hommes.

    L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire
    Voici la retranscription de l’acte : Le 13 octobre 1708, devant Claude Bouvet notaire Royal Segré, Claude Bellier closier à la Petite Fenouillère à Gené, y demeurant, lequel détenu au lit malade, par la grâce de Dieu saint d’esprit pensée et entendement ainsi qu’il nous a apparu, et aux témoins cy-après nommés, craignant de mourir sans avoir testé et ordonné de ses dernières volontés, il nous les nommées, dictées en la forme et manière suivante en révoquants tous testaments et codiciles qu’il pourrait avoir cy-devant fait,
    l’âme étant à préférer au corps, il l’a recommande à Dieu le père le priant par les mérites de la mort et passion de son fils Jésus Christ et par l’intercession de la glorieuse vierge Marie et cour céleste du paradis, de lui pardonner ses offenses et la remettre au rang des bienheureux
    désire qu’après qu’il aura plû à Dieu séparer son âme d’avec son corps, sondit corps être inhumé au cimetière dudit Gené et y être conduit processionnellement par les sieurs curé et vicaire de ladite paroisse
    que le jour de sadite sépulture ou le lendemain il soit dit et célébré un service solemnel de 2 grandes messes chantées
    et soit fait pareil service le jour de l’anniversaire de sadite sépulture, il s’en rapporte à la volonté des ses exécuteurs testamentaires cy-après nommés
    veut et ordonne qu’il soit aussi dit et célébré 3 grandes messes chantées pour le repos des âmes de défunte Jacquine Quittet vivante sa femme, de René et Jacques les Belliers ses enfants, et de ladite défunte depuis peu décédée
    désire aussi ledit testateur être dit et célébré un trentain de messes basses incontinent après son décès dans l’église pour le repos de son âge parents et amis trépassés, pour honoraires desquels services et messes et trentain, il veut et entend que sesdits exécuteurs testamenaires prennent une somme suffisante sur le prix des meubles et autres biens qui resteront après son décès, lesquels il veut être consacré pour cet effet après que les dettes qu’il aurait pu contracteur pendant sa communauté avec ladite défunte Quittet et depuis auront été payées et acquitées
    et après avoir disposé de ses affaires spirituelles, il a aussi voulu mettre ordre aux temporelles
    déclare ledit Bellier testateur devoir à René Bellier son frère, métayer au Bois-Billé à Gené, 48 livres déduction faire de 11 livres qu’il a dit que sondit frère lui avait passé à compte sur celle de 60 livres qu’il lui devait auparavant pour bled que sondit frère luy aurait fourni
    plus, audit René Bellier 6 livres 14 sols restant à lui payer sur les taxes auxquelles il aurait été imposé aux rôles de la taille et capitation de l’année 1700
    plus, déclare ledit testateur devoir au sieur Perron tanneur à Angers 15 livres restant à payer sur l’obligation que lui et ladite défunte Quitter auraient contractée audit Sr Perron devant Nre
    plus, au nommé Menard chaudronnier demeurant au bourg d’Andigné 4 L pour marchandises de poislerie qu’il lui a vendue
    plus à Poitevin meunier au moulin des Pierres à La Chapelle-sur-Oudon 60 sols pour farine qu’il lui a vendue et livrée
    plus par Pierre Coudrier menuisier au bourg de Gené 59 sols pour besogne qu’il lui a faites (il a fait travailler Pierre Coudrier à la journée, et nous allons voir ci-dessous que lui-même travaille parfois à la journée pour d’autres)
    plus, déclare ledit testateur qu’il lui est dû par Pierre Brochet maçon demeurant à Gené 45 sols pour journées que lui et ses enfants auraient faites pour ledit Brochet lors de la construction d’un puits fait par ledit Brochet audit lieu de la Petite Fenouillère (il est closier de la Petite Fenouillère, mais son bail ne le met pas en demeure de payer les travaux du puits qui sont à la charge du propriétaire, par contre, il a travaillé à ces travaux avec le maçon et est payé à la journée, on ne sait malheureusement combien de journées la somme recouvre)
    plus celle de 6 livres par François Gernigon métayer à la ville à Gené tant pour argent prêté que pour fourniture de beurre et journées par lui faites à moins que ladite somme ne soit inserrés sur le taux dudit Gernigon sur lequel il aurait été taxé et cotté
    plus, par Jean Bedouet son neveu, métayer à la métairie du Bois à Chazé-sur-Argos, 4 livres 4 sols pour argent prêté depuis quelque temps
    plus, par Charles Gernigon métayer aux Marais à Gené 40 sols pour travail qu’il aurait fait pour lui
    plus, déclare aussi lui être dû par le nommé Chaillou maréchal en œuvres blanches demeurant au bourg d’Andigné 20 sols pour une pierre de faux qu’il ne lui a pas encore livrée
    plus, ledit Bellier nous a aussi déclaré qu’il est dû audit défunt René Bellier son fils tant par Gernigon que ses enfants métayers à la Grande Fenouillère à Gené 7 livres 14 sols par une part, et 60 sols par autre, et celle de 6 sols, pour journées et besogne faites par ledit défunt
    plus 30 sols dus à sondit défunt fils par monsieur du Chastelier du Rossay demeurant à Angers la Trinité pour besoigne de son métier de filassier qu’il aurait faite pour lui avec François Thibeau aussi filassier
    et pour exécuteurs testamentaires du présent son testament, il a choisi nommé et élu les personnes dudit René Bellier son frère, et de Marin Huau journalier son gendre, lesquels il a prié d’en vouloir bien prendre charge et auxquels il a affecté et affecte tous et chacuns ses biens meubles …
    fait et passé au lieu de la Petite Fenouillère maison dudit Bellier gisant au lit malade en présence de Laurent Lelièvre, Pierre Prezelin marchand, Louis Provost tailleur d’habits demeurants audit bourg de Gené témoins

    Pour moi, c’est merveilleux de lire ces détails de la vie, et tous ces échanges pratiques entre eux… qui nous restituent leur vie quotidienne.
    Ce qui m’a le plus frappé dans ce testament, c’est le paiement des journées de travail au puits avec le maçon, car en fait c’est le puits de la closerie qu’il occupe, mais on voit bien qu’il n’est pas tenu par le bail d’entrenir le puits et que les frais sont à la charge du propriétaire, et son closier se fait payer ses journées de travail sur ce puits.

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