L’anniversaire de la naissance d’un individu est une fête récente : autrefois il était donc difficile de connaître son âge et celui de ses proches.

D’autant que la date de naissance n’était généralement pas connue des intéressés et de leurs parents.
Comme la plupart d’entre vous sans doute, je me souviens de ma première recherche d’acte de naissance. J’avais le mariage qui donnait un âge, et j’avais naïvement retranché l’âge de l’année de mariage, croyant trouver la naissance. Et bien sûr je n’avais pas trouvé, car elle était quelques années plus tôt. Puis j’ai découvert dans les registres que la mention la plus fréquente était :

ou environ

Dur, dur, de comprendre d’où sortait cette mention d’approximation, et pourquoi nos ancêtres ne connaissaient leur âge qu’environ.
J’ai enfin trouvé l’explication, et aujourd’hui je vous emmêne découvrir les pratiques de nos ancêtres en matière de calcul d’âge et d’anniversaire.

  • Histoire de l’anniversaire
  • Tout ce qui suit traite uniquement de la France, car de nos jours, avec la mondialisation, on ne sait plus très bien de quelle pratique on parle, surtout sur le Web ! Mon blog est dédié à ceux qui ont vécu autrefois en Haut-Anjou et il faut donc revenir aux pratiques françaises avant la Révolution. Voici d’abord les dictionnaires, pour mémoire :

    Anniversaire, Annua parentalia. (Jean Nicot: Le Thresor de la langue francoyse, 1606)

    Anniversaire. adj. Ce qui se fait d’année en année au mesme jour, l’année estant revoluë. Feste anniversaire. Procession anniversaire.
    Anniversaire. s. m. Ne se dit que du service que l’on fait pour un mort une fois chaque année à perpetuité. C’est aujourd’huy que se fait l’anniversaire du feu Roy. (Dictionnaire de l’Académie française, 1st Edition, 1694)

    Autrefois en France, comme c’est encore le cas dans certains pays, l’anniversaire était le « jour du souvenir », que le souvenir soit joyeux, et c’est alors une fête comme la prise de la Bastille, ou triste et c’est la Saint Barthélémy.
    Les fêtes étaient nombreuses, à tel point qu’au Moyen Age on ne compte que 200 jours ouvrables par an. Elles sont toutes catholiques, dédiées à Dieu, selon le calendrier liturgique, et aux saints. Et je vous ai préparé un billet sur le nombre de fêtes autrefois.
    Mais, à propos des saints, leur fête est l’anniversaire du jour de leur mort, et non celui de leur naissance. Selon saint Augustin :

    « Nous célébrons justement l’anniversaire de ceux que le monde a conduit plus heureusement à la vie éternelle que la matrice qui conduit au monde ».

    Ce qui signifie qu’un martyr naît par sa mort en entrant dans la vie éternelle. Célébrer sa naissance (évoquée ici par le terme de « matrice ») n’est qu’un péché d’orgueil individuel. On fête seulement l’anniversaire de la naissance du Christ.
    Durant le Moyen Age, la célébration de la personne est bannie, l’individu ne compte pas. Célébrer son anniversaire personnel comme nous le faisons aujourd’hui aurait été péché d’orgueil selon l’église.
    Les mémoires personnels, dont celui de Thomas Platter, fort détaillé et absoluement à lire, ne font état d’aucun anniversaire de la personne, mieux, Thomas Platter lui-même précise que lorsqu’il s’enquérit de sa date de naissance on lui répondit qu’il était venu au monde le dimanche de la Quasimodo 1499. On ne s’exprimait qu’en terme de jour religieux : fête liturgique ou saint du jour. Quand la fête est mobile, qui aurait été en mesure de calculer ?

    L’individu, condamné en quelque sorte à ne pas connaître sa date de naissance, fête par contre le saint dont il porte le nom, mais tous ensemble à l’église, et non individuellement au foyer. Ce que nous appelons de nos jours « notre fête », était donc autrefois l’unique fête de l’individu et encore, elle n’était pas fêtée dans l’intimité du foyer, mais collectivement à l’église. Ceci devait être impressionnant lorsqu’on s’appelait Marie, Pierre etc… mais cela devait certainement être plus compliqué, voire inexistant, lorsqu’on portait un prénom rare !

  • l’individu commence un peu à émerger
  • A partir de François 1er le prêtre tient un registre paroissial des baptêmes, mais il est le seul à y avoir accès, d’ailleurs le droit canonique interdit l’accès aux registres de moins de 100 ans. Il est le seul a donner des certificats de baptême à ses confrères pour un mariage hors de la paroisse, que l’immense majorité de la population est incapable de lire. Ce sont donc les prêtres et eux seuls qui calculent l’âge de la majorité pour le mariage.
    Quant aux tutelles et curatelles, elles relèvent du même cheminement de l’information, cette fois vers les représentants de l’autorité judiciaire, qui calculent donc l’âge de la majorité, bien sûr communiqué aux notaires qui devront procéder aux actes authentiques concernant le mineur puis le compte de tutelle à la majorité.

  • du péché d’orgueil qui est le culte du moi, à un début d’anniversaire
  • Le temps passe, et nous voici à l’époque de Louis XIII. Même le roi ne fête aucun de ses anniversaires, par contre le jour de la saint Louis feu d’artifice , grande fête populaire. Jusquà la Révolution, même les rois de France ne marquent qu’un anniversaire dans leur vie, et encore sans fête, c’est celui qui marque une étape importante de leur vie : le jour de leur 17 ans, qui leur donne majorité royale.

    Il faudra attendra la fin du règne de Louis XIV pour voir les mentalités évoluer, et la date de naissance connue, tout au moins citée, par des nobles, hommes de plume, et bourgeois. On ne sait s’ils l’ont fêtée, car le mot « anniversaire » n’est pas évoqué à cette occasion. Mais les 2 pratiques, celle de la fête du saint, et celle de l’anniversaire ont dû commencer à se mélanger dans ces classes sociales.
    L’histoire de l’anniversaire de la naissance commence seulement au 19e siècle

    Alors, en ce jour du 1er jour de l’an, qui fut toujours une fête, même du temps du calendrier Julien, qui confondait alors le 1er de l’an et Pâques, je suis persuadée que ceux de nos ancêtres qui savaient compter jusqu’à 100, se donnaient ce jour-là un an de plus, puisqu’ils ne connaissaient que l’année de leur naissance, et encore, quand ils la connaissaient !
    Alors je vous souhaite à tous un joyeux anniversaire, car au terme de ce qui précède, vous venez tous en ce premier jour de l’an de faire comme nos ancêtres l’on pratiqué : prendre une année de plus !

    Et ne soyons plus étonnés des âges aléatoires que nous observons dans les registres, car le plus souvent le prêtre ne faisait pas la recherche dans son registre paroissial, si tant est que les mariés ou les morts y soient nés. Il indiquait l’âge approximatif soit à l’estimation visuelle, soit au chiffre approximatif connu des proches. C’est la fameuse mention « ou environ »
    Pourtant, parfois, un prêtre a conscieusement pris le temps avant la sépulture de consulter l’acte de baptême, ce fut le cas pour mon ancêtre Perrine Coquereau inhumée à Cheffes le 3 février 1653 « Perrine Cocquereau femme de Jehan Choisy des Grois âgée de 50 ans 7 jours, a esté ensépulturée au cimetière de céans après avoir receu tous les saints sacrements par moy prêtre vicaire soussigné, et à esté fait service solemnel le jour de sa sépulture huit luminaires comme l’ordinaire le jour de St Blaise 3 février 1653 ». Et le baptême se trouvait bien là dans le registre, comme j’ai pu le constater. Les scientifiques facétieux disent que c’est l’exception qui confirme la règle !

    Encore une fois, vous venez de prendre ce jour un an au compteur, car tel était autrefois le sort de nos ancêtres.

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