Enfant naturel malgré un contrat de mariage le reconnaissant, Craon, 1696

Voici une curieuse naissance à Craon :

Le 1er mars 1697 baptême de Jacquine Françoise Lefrère fille de Françoise dont le père est inconnu (vue 159)

Ceci est pour le moins curieux ! En effet, 100 jours avant la naissance de Jaquine Françoise Lefrère, sa mère a un contrat de mariage reconnaissant sa grossesse et l’enfant à venir. Or, ce mariage est apparement introuvable !

    Le futur se serait-il volatilisé ?

Il me semble que ce serait alors un second futur volatilisé à Craon, car il y a peu je vous mettais ici un capitaine de gabelle dont le cas est assez voisin…

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E1/497 – Voici la retranscription de l’acte : Le 22 novembre 1696 après midy par devant nous André Planchenault notaire de Craon y demeurant furent présents établis et soumis honorables personnes François Heureau fils de défunt h. homme Anne Heureau vivant Sr de la Lardrie et de damoiselle Anne Guilloteau d’une part,
et Françoise Lefrère fille de défunt Toussaint Lefrère et Jacquine Robineau, veuve de défunt Pierre Damour demeurant audit Craon d’autre part
entre lesquelles parties a été fait le contrat de mariage en la forme qui suit, par lequel le Sr Heureau et ladite Lefrère se sont promis la foi du mariage et iceluy solemniser en face de notre mère Ste église catholique apostolique et romaine lorsque l’un en sera par l’autre requis tous légitimes empeschement cessant,
auquel mariage les parties entreront avec tous et chacun leurs droits tant mobiliaires qu’immobiliaires de quelque nature qu’ils puissent être, lesquels droits mobiliaires de la part de ladite future épouse consistent en ceux à elle adjugés sur la rente qu’elle a fait faire du total de ses meubles devant nous notaire le 11 septembre 1696 le prix desquelles adjudications faires revient et se monte à la somme de 212 livres 12 sols, et à l’égard dudit futur espoux il déclare n’avoir quant à présent aucuns meubles ni effets mobiliaires
sans qu’il s’acquiert aucune communauté entre lesdites parties par an et jour ni autre temps ayant à cest effet desrogé et dérogent à notre coutume, au moyen de quoy chacune des parties pourra disposer tant à présent qu’à l’avenir de ses meubles, de recepvoir les fruits et revenus de ses immeubles à part et divis comme bon leur semblera, sans que néanmoins ladite future puisse vendre ou aliéner ses propres sans le consentement du futur époux,
et seront leurs debtes passives tant celles qui ont esté créées jusqu’à ce jour que celles qui le seront cy-après payées et acquittées par chacune desdites parties et à son égard sans que l’un en puisse être inquiété pour l’autre,
et pour donner lieu à ladite future de discuter ses droits en l’absence dudit futut époux, il l’a pour cet effet autorisée et autorise par ces présentes sans que plus ample autorisation soit nécessaire

et pour les bons soins qu’elle prendra dudit futur époux et l’économie de mariage il a promis et s’est obligé la nourrir et l’entretenir suivant son estat et condition, la traiter et faire traiter estant malade cas advenant et luy faire administrer les remèdes nécessaires pour recouvrer la santé si faire se peult,

et au surplus a assis et assigné douaire coutumier à ladite future sur tous ses biens sujets à douaire cas de décès advenant et seront les enfants provenus du mariage dudit défunt Damour et de ladite future nourris et entretenus en la maison desdits futurs conjoints jusqu’à ce qu’ils soient en âge de travailler pour gagner leur vie et ce pour leur revenu,

et a ledit futur époux reconnu et consenti que sur les promesses qu’il luy a faites de l’épouser et après beaucoup d’instance au moyen de quoy déclarent qu’ils veulent et entendent que l’enfant qui proviendra sera légitime comme s’il avait esté procréé en loyal mariage et qu’il sera habille à leur succéder et partager leurs successions avec leurs autres enfants,
car les parties l’ont ainsy voulu, consenty, stipullé et accepté tellement qu’à ce tenir faire et accomplir elles s’obligent avec tous leurs biens etc dommage etc stipullé etc de défaut dont et de leur consentement les avons jugées

fait et passé à nostre tablier présents Jean Rocher armurier et Pierre Dayère sergent demeurant à Craon témoins à ce requis et appelés

Cette image est la propriété des Archives Départementales de la Mayenne. Je la mets ici à titre d’outil d’identification des signatures, car autrefois on ne changeait pas de signature.

Françoise Lefrère sait bien signer, ce qui est rare chez les femmes à l’époque et atteste un milieu notable.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

Déshérence : la succession de Marie, bâtarde, Angers, 1624

  • La déshérence dans la législation française actuelle (Code Civil en vigueur en 2008)
  • La déshérence est la situation dans laquelle se trouve un bien ou un patrimoine lorsque son propriétaire est décédé sans laisser d’héritier connu ou, ce qui revient au même si tous les héritiers connus y ont renoncé. L’article 768 du Code civil prévoit que l’État recueille alors les biens laissés par le défunt. La déshérence de la succession prend fin en cas d’acceptation de la succession par un héritier. (Code civil, art. 811 et s. ; Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités.)

    Article 811 : Lorsque après l’expiration des délais pour faire inventaire et pour délibérer, il ne se présente personne qui réclame une succession, qu’il n’y a pas d’héritiers connus ou que les héritiers connus y ont renoncé, cette succession est réputée vacante.

    Depuis la fin du 19e siècle, ce sont les généalogistes professionnels qui recherchent d’éventuels héritiers dans les successions vacantes. Le délais expiré, l’état est héritier.

  • Avant les généalogistes professionnels.
  • C’était à qui sera informé ou pas, et la plus joyeuse pagaille, entraînant même des délis d’initiés pour détourner des successions. Je vous ferai bientôt un long billet sur ce dernier point avec un exemple.

  • En Anjou avant la Révolution
  • L’Anjou est l’une des rares provinces de France à avoir pratiqué la déshérence lors de la succession des bâtards décédés sans postérité : le seigneur du fief dont il relevait héritait de ses biens.
    A Paris, la coutume avait été réformée en 1580 pour abolir ce droit, issu du Moyen-âge, généralement considéré comme inique : par cette réforme, les parents de l’autre ligne pouvaient recevoir les biens par préférence au fisc.
    L’exemple qui va suivre illustre la différence entre le droit Angevin et le droit Parisien en 1624. Ici, à Angers, une femme mariée, née bâtarde, décède sans hoirs. Ni son veuf, ni après lui les collatéraux dans la lignée de son veuf n’héritent d’elle.
    L’exemple est encore plus marquant, car le seigneur de fief est l’abbaye du Ronceray, et c’est donc la dame abbesse du Ronceray qui hérite.

  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5
  • Voici la retranscription de l’acte : Le mardy dernier jour de décembre 1624 avant midy, par davant nous Jehan Poullain notaire royal à Angers fut présente noble et révérente dame Simone de Maillé, abbesse du moustier de l’abbaye du Ronceray d’Angers, laquelle deuement establye et soubzmise soubz ladite court a confessé avoir ce jourd’huy ceddé et transporté et par ces présentes cèdde et transporte
    à Me Michel Gontard sieur de la Brossardière à ce présent et stipulant et acceptant
    tous et chascuns les droitz escheuz et advenuz à ladite dame abbesse par la mort et trépas de Marye bastarde et illégitime vivante femme de feu Pierre Viguer, lesquelz droitz luy sont escheuz et adveneuz à cause de son fief et seigneurie dépendant de ladite abbaye du Ronceray en ce qu’il y en peut avoir par deshérance en quoy elle est fondée à cause de sadite seigneurie à succèder aux biens des bastardz estant en sondit fief et seigneurie suivant et au désir de la coustume de ceste province d’Anjou, et par conséquent aux biens de ladite déffunte Marie bastarde vivante femme dudit Viguer en sondit fief
    consistant lesdits droits en la moitié d’une maison size en ceste ville paroisse de la Trinité ou pend pour enseigne l’Ange et où de présent demeure Nicolas Delantil Me vinaigrier en ceste ville, laquelle moitié de maison ainsi eschue et advenue à ladite dame abbesse à cause de sondit fief et seigneurie du Ronceray, elle a ceddez comme dict est pour desdits droits jouir et disposer par ledit Gontard ses hoirs en pleine propriété comme eust fait et pourroit faire ladite dame, mesmes de tous aultres droictz et profictz qui luy pourraoient appartenir pour raison de ladite deshérance escheue soit meubles et immeubles de quelque nature et qualité qu’ils soient ou peussent être sans aulcune réservation, en tous lesquelz droitz ladite dame abbesse a subrogé et subroge ledit Gontard en sonlieu et place droictz et actions qu’il pourra poursuivre à ses despens périlz et fortunes sans aucun garantage de la part de ladite dame abbesse fors de son faict et promesse, et a esté faite la présente cession et transport pour et moyennant la somme de 850 livres qui a esté payée comptant par ledit Gontard à ladite dame abbesse en pièces de 16 solz et aultre monnoye ayant cours suyvant l’édit laquelle a été prinse et receue par ladite dame en présence et veue de nous dont elle s’est contentée et en a quitté et quitté ledit Gontard ses hoirs et oultre à la charge dudit Gontard d’acquitter ladite dame de toutes les demandes et charges en quoy elle pourroit estre tenue à raison desdits droitz et l’en acquitte vers et contre tous à peine de toutes pertes despens dommages et intérestz, à laquelle cession transport, quittance et tous ce que dit est tenir et entretenir de point en point et lesdites choses ainsy vendues et transportées garantir et oblige ladite dame tous ses biens meubles et immeubles mesmes le temporel de sadite abbaye du Ronceray renonçant etc foy jugement condamnation etc fait et passé en ladite abbaye au parlouer d’icelle, présents à ce honorable homme Me François Brecheu Sr de la Prodhommerie advocat au siège présidial d’Angers et advocat et conseil de ladite dame, François Michau Sr de la Guererie aussy advocat audit siège et recepveur da ladite abbaye, René Hubert et Pierre Loizeau praticiens demeurant audit Angers.

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    Enfant naturel : un joli terme, bien loin d’être infâmant

    le plus souvent utilisé lorsque l’enfant est issu de famille noble (ou tout comme), et a été doté, et suivi par le père

    Ce billet répond à la question suivante, qu’un ami m’a posée lundi dernier : Pouvez-vous me donner votre avis sur l’expression « fille naturelle de noble homme Pierre Auvray sieur des Monts » en 1623 sur l’acte de mariage de Charlotte Auvray : on notera que c’est le seul mariage filiatif sur la paroisse de Saint-André de Messei, et j’ai envie de l’interpréter plutôt comme fille naturelle « et légitime » et non pas comme fille illégitime.

    Voici l’acte que je vous retranscris ci-dessous :

    le 13e jour dudit mois (février 1624) Mathieu Hebert de la paroisse de Bellou et Charlotte fille naturelle de noble homme Pierre Auvrey sieur des Mons ont esté espouzés en cette paroisse. (Je vous fais remarquer au passage que l’acte n’est pas si filiatif que cela car il ne donne ni les parents du garçon, ni la mère de la fille. On peut y voir déjà à ce niveau un besoin de Mr le curé de mettre en avant le personnage de Pierre Auvrey, important par son rang.)

    Certes, enfant naturel est plus joli, plus noble, et beaucoup moins infamant qu’illégitime, bâtard, et j’ai traité ces deux derniers termes infamants dans un billet le 18 janvier dernier. Alors reste à comprendre pourquoi on le rencontre parfois, et je vais articuler ma réponse sur 4 points : les dictionnaires anciens, le rituel de l’église catholique, le droit coutumier de succession, et enfin les moeurs de l’époque. Puis, je terminerai par une explication claire du mariage ci-dessus.

    1-selon les dictionnaires anciens :

  • On appelle Enfans naturels, Les enfans qui ne sont pas nés en légitime mariage. (Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition, 1762). Tous les dictionnaires anciens disent rigoureusement la même chose. Donc, le terme naturel est rigoureusement synonyme d’illégitime. Et ne parle par du terme bâtard, à connotation péjorarive, mais synonyme lui aussi. Alors reste à comprendre pourquoi on utilise parfois le terme naturel. Voyons d’abord les 4 nuances reconnues par le droit coutumier et explicités ci-dessous par l’église lors du baptême.

  • 2-selon le rituel de l’église catholique, qui tient alors l’état civil :
  • (je recopie ici le seul rituel que je possède, à savoir celui de 1776 pour le diocès de Nantes, en latin. Un rituel est l’ouvrage qui indique aux prêtres les règles à suivre et des formules types pour leurs actes)

    Enregistrement du baptême d’un enfant illégitime : Il faut faire attention aux différents cas qui peuvent se rencontrer :
    où il y a une sentence du juge qui déclare le père, et cette sentence est présentée au curé par des personnes signes de foi, ou à lui signifiée par voie de justice
    où le père est lui-même présent au baptême et reconnaît l’enfant pour sien ; même étant absent, par un acte en bonne forme
    où la mère, conformément à l’ordonnance, a fait au greffe une déclaration en bonne forme, qui est représentée au curé
    où la mère n’a point fait de déclaration

  • 3-selon le droit coutumier de succession :
  • Le droit coutumier varie d’une province à l’autre, mais fondalement il exclut toujours les enfants nés hors mariage de la succession. Pour revenir au 4 cas mentionnés par le rituel ci-dessus, on a un comportement totalement différent du père, du plus ouvert et généreux au lache et incognito. Voici ces pères naturels, en commençant par le plus généreux :
    le père peut spontanément avoir reconnu (et même être fier d’être père comme nous allons vois ci-dessous) et doté l’enfant dès sa naissance, par un acte notarié. Cette pratique se rencontre dans les milieux nobles et aisés. J’ai relaté un cas, que j’avais trouvé en série 1B à Angers, concernant les Gault d’Armaillé. Le père, dès la naissance de l’enfant naturel, le dote de la jolie maison près du pont d’Armaillé, qui existe encore… Ainsi, puisque l’enfant ne sera pas admis au partage de la succession du père, il a dès sa naissance une belle part.
    le père est identifié, poursuivi en justice par la mère et condamné à payer une somme, généralement petite. Vous avez quelques exemples de paiement de paternité sur ma page consacrée à la Maternité
    le père est non identifié,
    non avoué par la mère, et l’enfant n’a rien.

  • 4-selon les moeurs de l’époque :
  • Autrefois, à la cour et dans la noblesse, et parfois par voie de mimétisme, chez certains notables, il était bon chic bon genre d’avoir une ou plusieurs maîtresses.
    Je viens de vous citer le cas Gault à Armaillé, mais laissez moi vous conter le plus célèbre cas que je connaisse en Anjou. Il date de 1598, et se trouve dans les archives notariales aux Archives Départementales, qui, vu l’importance historique du document, ont soigneusement laissé une copie dans la liasse et préservé l’original.
    Vous y êtes ! Nous sommes en 1598 à Angers. Que se passe-t-il donc ?
    En 1598, si vos souvenirs d’Histoire (avec un H majuscule) sont bons, Henri IV se rend à Nantes pour signer un édit célèbre.
    En route, il se plaît beaucoup à Angers, où le jeu de paume est à son goût. De vous à moi, s’il prend tellement de goût à tapper la balle (plus violente que notre tennis actuel), c’est qu’il a besoin de se défouler, comme tous les jeunes papas devant l’accouchement de madame !
    Madame n’est pas la reine, mais bien la favorite, la belle Gabrielle d’Estrées. La ville de Nantes prépare au couple une entrée royale, et elle y sera accueillie comme une reine. Je sais même, pour avoir participé à la retranscription des délibérations du corps de ville de Nantes de cette époque, que les Nantais vont lui faire des présents royaux, et parmi ces présents des canaris (cela ne s’invente pas, et je vous jure que c’est vrai).
    Donc, la reine n’est pas du voyage, mais la belle Gabrielle, que les Français traitent comme une reine. D’ailleurs, si j’ai bien compris, on l’appelait et on l’appelle encore la presque reine. Gabrielle est sur le point d’accoucher de leur premier enfant. César naît donc à Angers. Immédiatement le roi convoque au château d’Angers des notaires et dote royalement César, duc de Vendôme.
    C’est en cherchant un contrat de mariage de l’un de mes ancêtres, que j’ai eu autrefois le bonheur de voir qu’il voisinait avec la dotation d’un roi de France à l’un de ses enfants. Et, tout roi de France qu’il fut, il passait par notaires pour doter l’enfant, largement…

  • Conclusion :
  • Ce cas célèbre se passait à Angers en 1598, et la petite Charlotte naturelle qui fait l’objet de la question de ce jour, est une contemporaine de César, duc de Vendôme. Ce que le roi se permettait, bien d’autres se le permettaient, et en étaient fiers. Bien des enfants naturels ont été non seulement dotés par le père, mais elévés comme des légitimes, voir parfois avec les légitimes ou autre famille équivalente.
    Le fait que le curé donne le nom du père, dans un registre de mariages qui ne comporte pas de mentions de filiation atteste à mon sens, que ce père a élevé ou fait élever dans une autre famille équivalente, sa fille naturelle pour qu’elle reçoive la même éducation qu’une fille légitime, qu’il l’a dotée dès sa naissance, et que très probablement il a arrangé son mariage, avec un garçon acceptable. S’il existe des archives notariales vers 1600 pour cette paroisse, allez chercher la dotation de la fille, sinon en série B. D’ailleurs, son contrat de mariage, s’il peut être trouvé serait passionnant.
    Il serait également intéressant de savoir si ce père naturel avait aussi des enfants légitimes.

    Une prochaine fois, je vous conterai un autre cas insoupçonné d’enfant naturel, doté et bien élevé ! A demain si vous le voulez bien !

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    Droit de bâtardise, avant et après la Révolution

    En droit féodal, la succession des enfants naturels, décédés sans héritiers, est recueillie

    par le seigneur haut justicier, qui est souvent le roi. C’est le droit de « bâtardise ». (Diderot, Encyclopédie – Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime, PUF, 1996)
    Après la révolution « à défaut de conjoint survivant, la succession est acquise à la république » (Article 768, Code civil des français (en ligne en mode texte marqué T sur Gallica).

    Donc, rien de changé : on a supprimé les seigneurs hauts justiciers, et remplacé le roi par la république.

    En 1878, « si l’enfant naturel n’a rien reçu de son père et qu’il ne laisse ni descendants ni frères ni sœurs naturels, le conjoint survivant, à son défaut l’Etat, sont préférés aux frères et sœurs légitimes » (Allard, J.-L. Des enfants naturels : reconnaissances, adoptions, successions…, 1878, sur Gallica)

    Depuis, il n’existe que des enfants reconnus, ou pas. Un enfant reconnu, n’est pas toujours alimenté par le père, qui réapparaît parfois en fin de vie, se souvenant brusquement de l’existence d’un enfant pour réclamer un droit alimentaire, quand ce n’est pas tout bonnement l’administration qui exerce ce droit. J’ai eu connaissance de tels faits au 20e siècle… Je ne suis pas certaine qu’ils aient disparu.

    Ce soir sur la 3 à 20h50 l’émission télévisée « Jeunes, seules, sans travail et déjà mères. » Il n’est pas certain que nous soyons allé vers un progrès dans tous les cas.

    Revenons aux bâtards d’autrefois.
    Il était BCBG (bon chic bon genre) dans la noblesse d’avoir une maîtresse et des bâtards, et ceci fut parfois imité dans la haute bourgeoisie. En 1598, Henri IV est reçu en grande pompe par la ville de Nantes, lors du fameux Edit. Or, il est accompagné de la belle Gabrielle qui vient de mettre au monde à Angers leur fils immédiatement marié par Ct Dvt Guillot Nre à Angers par son père, et largement doté. Le corps de ville de Nantes accueille sans sourciller le couple et offre même à Gabrielle des présents dignent de son rang. La reine est à l’ombre, ailleurs…et surtout pas de la partie.

    Enfin, autrefois y avait 3 types de bâtards :

  • ceux qui furent dotés (correctement) par leur père naturel, le plus souvent issu d’un milieu aisé. Les dotations (quand elles existent) sont dans les actes notariés, aussi en série 1B
  • ceux qui ne le furent pas, et connurent une vie dure. Souvent c’était le maître qui avait engrossé une servante. Et par maître, comprenez aussi bien le métayer ou le closier, car ils avaient eux aussi servante, surtout les métayers plus aisés. Cela n’est pas réservé aux notables.
  • et enfin, ne les oublions pas, ceux issus d’une mère d’un milieu aisé, mais ce qui était toléré chez les hommes ne l’était pas chez les femmes…
  • On ne peut donc faire aucune généralisation sur le terme bâtard, mais je veux ici rendre hommage à tous ceux qui furent en catégories 2 et 3, et connurent souvent le pire. Je souhaite cantonner ce blog aux petits, pas aux grands que l’Histoire a beaucoup gratifiés de mémoire.

    Mais au fait, avez-vous trouvé quel acte notarié était le premier dans la vie ? Pour le savoir demain, voici un indice. Ce contrat existe toujours, mais n’est plus chez le notaire. Il est fréquent en Allemagne (entre autres) beaucoup moins en France.

    Enfin, j’ai étudié toute l’histoire d’un bâtard de la catégorie 1, décédé sans héritiers (voir le début de ce billet) et la suite est piquante… Voulez-vous un jour cette histoire vraie… ?

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    Illégitime, bâtard : termes infâmants, heureusement disparus

    L’INSEE nous apprend que désormais en France, 50,5 % des enfants naissent hors mariage, soit plus d’un sur deux.

    ILLÉGITIME. adj. Qui n’a pas les conditions, les qualités requises par la loi pour être légitime. Enfant illégitime. Mariage illégitime.
    BÂTARD, ARDE. adj. Qui est né hors de légitime mariage.
    MARIAGE. s.m. Union d’un homme & d’une femme par le lien conjugal. Le mariage est un contrat civil & un des sept Sacrements de l’Église. (Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition, 1762)

    L’enfant né hors mariage autrefois était exclu des successions… et bien souvent exclu de la société. Cela commençait parfois par un baptême noté à l’envers ou en fin du registre (ou les deux), le plus souvent marqué du terme infâmant illégitime ou bâtard. Mais pas toujours, car rien n’autorisait les prêtres à commettre ces mesures vexatoires, et bon nombre d’entre eux se montraient plus ouverts, voire même accueillants.

    Ainsi à Lonlay-le-Tesson (Orne), le prêtre notait l’acte en son rang, et miraculeurement il obtenait toujours le nom du père de la sage-femme. Celle-ci, personne jurée, était seule habilitée à donner le nom de la mère, et avait mission de lui faire dire le nom du père dans les douleurs de l’enfantement. Lequel père ainsi noté, était le père ou ne l’était pas, car il était facile de faire endosser une paternité, quoique la peur de l’enfer a dû faire dire le plus souvent la vérité à la plupard de ces filles.
    A Chanveaux (Maine-et-Loire), le prêtre accueillait tous les enfants nés hors mariage de la paroisse voisine de Challain. Il est vrai que Chanveaux était une si petite paroisse que le prêtre n’avait guère de travail sur ses registres, tandis que sa voisine Challain était débordée… mais tout de même, quand on lit les 2 registres, on a le sentiment que Challain se débarassait du problème… et à Chanveaux, ces enfants étaient notés en leur rang, ce qui est déjà une grande marque de reconnaissance. Comme quoi on ne doit jamais faire de statistiques de enfants naturels sur une paroisse.

    J’avoue ici, que lorsque je lis des sépultures, et que je vois de ces petites âmes parties en bas âge, je me dis aussitôt que ce fut mieux ainsi. Et oui, j’ai ces mauvaises pensées lors de mes lectures de registres !
    Parfois, ces filles obtenaient, devant notaire une maigre indemnité du père, lorsque celui-ci avait bien voulu le reconnaître. Parfois même j’ai vu tel père doter dès la naissance l’enfant.

    Ceci dit, après tant de lectures de registres, je ne suis pas certaine que toutes les paternités légitimes soient vraies, car la paternité endossée a existé, ne serait-ce que parce qu’autrefois on ne pouvait pas divorcer, donc il fallait bien faire la paix en famille et trouver une solution, surtout une solution honorable pour sauver l’honneur de la famille.

    J’ai trouvé un acte notarié tout à fait surprenant, dont je ne citerai pas les noms car s’il existe des descendants ils pourraient m’insulter pour avoir dit la vérité (ma BAL est ainsi polluée) : monsieur avait engrossé une autre, et madame prenait à son compte l’enfant à venir pour sauver la famille. Il suffisait ensuite d’alerter trop tard la sage-femme officielle et le tour était joué.
    Je me souviens être restée longuement interdite devant cet acte, dont à vrai dire je soupçonnais l’existence, tant le poids de la famille était énorme… et le poids des intérêts patrimoniaux encore plus…
    Demain, soit je vous parle des grandes lignes de l’évolution de la famille et du mariage en Europe, selon l’ouvrage de Jack Goudy, Cambridge 1983, soit je vous parle du droit de succession de bâtards. A vous de voir.

    Par ailleurs, pour que vous puissiez vous échauffer les neurones, je vous propose un exercice de paléographie pratique : trouver l’erreur dans l’acte suivant (la solution viendra ensuite bien sûr). C’est un baptême à Château-Gontier en 1574 :

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