Calcul de la dot en Normandie : celle de Marie Héron future de Jean Moulin : Lougé 1608

JE SUIS POLICIÈRE

En Anjou, je pense que nous avons une particularité concernant la dot, car elle est le plus souvent exprimée en argent, alors que dans beaucoup de provinces, la dot était soit argent plus meubles morts et meubles vifs.
Voici une dot Normande que j’estime à environ 1 000 livres et je vous ai surgraissé le passage qui donne le détail. Les meubles morts et meubles vifs sont en effet très important et même si l’argent monétaire est de 600 livres, les bêtes à elles seules font au moins 300 livres tant il y en a. Il s’agit donc d’une famille aisée.
Philippe Héron, le papa de la future, est mon ancêtre, et je descends de la plus jeune de ses filles Mathurine. Mais j’admire dans cet acte la merveilleuse phrase
« pour l’outre plus desdits meubles morts à la volonté de la femme dudit Heron »
car nous n’avons jamais rencontré en Anjou, à ma connaissance, cette précision fort intéressante, à savoir monsieur s’occupe des dons en bêtes (les meubles vifs) et madame s’occupe des meubles (meubles morts et trousseau), et j’avoue que ce point m’enchante. D’ailleurs, en 2017, toutes les études attestent que c’est encore et toujours madame qui achète les vêtements, même si monsieur s’occupe par la suite aussi de la machine à laver et/ou du repassage. Donc les femmes se sont toujours occupé de choisir le linge.
Et de grâce, ne me racontez pas que de nos jours il y aussi des messieurs qui achètent le linge et les vêtements, car je sais qu’ils existent, mais ils sont minorité.
J’aime bien le terme de « meuble vif », qui a tant agité certains ces dernièes années, car ils avaient perdu le sens des mots. Meuble signifie tout ce qui bouge, donc les meubles morts car autrefois les meubles (coffres, lits, armoires) bougeaient souvent de lieu, plus souvent que de nos jours, et les bêtes bougent aussi par définition. Et, de nos jours on ne savait plus qu’un meuble signifie ce qui bouge. Pire, on a inventé « mobile » pour ces téléphones qui vous suivent partout, surtout dans la rue pour marcher et lire en même temps etc… et moi qui ne suis pas mobile, je hurle quand on prétend que je dois avoir un mobile, car on oublie alors que pour avoir un mobile il faut soi même être mobile, et qu’une partie de la France actuelle n’est pas mobile.

Acte des Archives Départementales de l’Orne 4E119/23 – Retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 9 mars 1608 au traité de mariage qui au plaisir de Dieu sera fait et parfait en face de sainte église catholique apostolique et romaine et pourveu que ledit mariage soit fait ainsi que dit est entre honneste homme Jean Moulin (s), fils de feu honneste homme Jacques Moulin et de Barbe Druet, ses père et mère de la paroisse de Lougé d’une part, et honneste fille Marie Héron, fille de honneste homme Philippe Héron Gouvrière et de Françoise Aumouette ses père et mère, de la paroisse de Beauvain d’autre part, a esté promis par ledit Philipes Heron Gouvrière aux futurs mariés pour tout et tel droit et partage mobilier héridital que ladite fille pourroit demander en la succession de ses père et mère en don pécuniel la somme de 600 livres avecques ce ledit Heron a promis meubler et accousteller ladite sa fille bien et honnestement de meuble mort et vif à savoir 2 vaches pleines ou leurs veaulx après elles, avecques 3 génisses de 2 ans, outre baillera ledit Heron auxdits futurs mariés douzaine et demie de brebis pleines ou leurs agneaulx après elles, pour l’outre plus desdits meubles morts à la volonté de la femme dudit Heron, et selon aussi la qualité de la maison de là où part ladite fille et celle où elle va, icelle somme de 600 livres payable à scavoir au jour des espousailles desdits futurs marié 100 livres et l’outre plus de ladite somme ledit Héron les payera d’an en an 100 livres jusques en fin de payement du nombre et laquelle somme de 600 livres en sera employé par ledit Moullin futur mari en ligne de ladite fille la somme de 300 livres. Fait le 9 mars 1608 en présence de vénérable personne Me Gervais Moullin (s), notaire apostolique, vénérable personne Me Jacques Héron (s), prêtre, curé de Beauvain, Me Jacques Héron (s), avocat, sieur de Beaudouit, honorable homme Marin Moullin (s), sieur des Noes, honnêtes hommes Etienne Druet (s), sieur de l’Ertaudière, Charles Auvray (s), sieur de Rouvrette, René Héron (s), sieur de la Rousselière, Jacques Héron (s) Blaistière, Guillaume Dudoit (m), Philippe Foutelais (s) Pichardière »

Cession de droit de réméré dans la famille Legrand : Lougé (61) 1588

Le droit de rescousse, ou réméré, qui suivait une vente à condition de grâce, pouvait se revendre, mais généralement on revendait ce droit dans la famille, pour ne pas perdre les biens familiaux, au sens large de famille.
Donc, ici, Marin et Jean Legrand, frères, avaient engagé par une vente à condition de grâce, une pièce de terre, et cette condition est revendue à Barbe Labé femme de Noel Legrand.

Cet acte est aux Archives Départementales de l’Orne, AD61-4E119 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :
Le 15 août 1588 à Rânes avant midy, fut présent Guillaume Legrand fils de Jehan, de la paroisse de Lougy, lequel etc vend à héritage etc à Barbe Labé femme de Noel Legrand absente, représentée par ledit Noel, de ladite paroisse de Longy etc, … une condition héréditale temps et terme de rescoux que Marin et Jehan dits Legrand, frères, avoient retenue en faysant par eux la vente à messire Thomas Legrand pour et au nom de Jehan Legrand fils de Léonard son nepveu, d’une pièce de terre nommée … contenant demye … de terre ou environ, joignant maistre Guillaume Cochey d’une part, et ledit Noel d’aultre, d’un bout audit Cochey et Jehan Legrand fils de Léonard d’une part, et ainsi que ladite pièce ou portion de terre se contient et comme lesdits Marin et Jehan dits Legrand l’avoient vendue audit maistre Thomas audit nom suivant le contrat de ce fait et passé en ce tabellionnage y recours, et tenue de la seigneurie de Frenouille subjecte aux rentes deubz et debvoirs seigneuriaux portés contenus et déclarés par ledit contrat, et fut ladite vente pour le prix et somme de 3 escuz sol en principal achapt, et 10 sols tz en vin, francs et quites etc dont il s’est tenu à content et bien payé par le payement qu’il en confesse avoir eu et receu … ce jour d’huy en espèces d’or et argent et en acquite ledite vendeur, dont etc et quant à ce tenir etc garantir etc obligent etc présents Jehan Bisson de Raenne, Denis Heslault de Longy et Andrey Onfré de Saint George tesmoins qui ont signé

Une pièce de terre vendue alors que la famille en avait fait le retrait : Lougé (61) 1589


Cet accord est curieux, car on peut en conclure qu’aucune des parties n’est redevable vers l’autre. Pourtant Pierre Prodhomme a bien vendu une pièce de terre qui a été retirée, donc il y avait un manquement aux obligations, et l’acquéreur était bien en droit de réclamer ce qu’il avait acquis.
Bref, tout fini bien.
L’acte est Normand, et vous pouvez encore constater que ceux qui ne savent pas signer font une marque en lieu et place d’une signature, et il est bien noté que c’est une marque, mais la marque se dit alors « merc » d’où ce que vous lisez « lemercdudit Guillaume » pour exprimer la marque dudit Guillaume.
Mais plus curieuse est la signature LETESSON, car en fait il y a 2 prêtres porteurs du patronyme :
Jacques Letesson, le demandeur
Louis Letesson, témoin
Or, il semble bien que seul Louis Letesson ait signé, ce qui m’étonne, car le notaire aurait dû faire signer celui qui est d’accord sur cette transaction, c’est la moindre des choses.

La pièce de terre est acquise pour y mettre un gable, et voici ce que je trouve pour comprendre :

Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) http://www.atilf.fr/dmf/definition
GABLE, subst. masc. Région. (Normandie, anglo-normand) ARCHIT. [D’une construction] « Couronnement triangulaire d’un mur, pignon »

Cet acte est aux Archives Départementales de l’Orne, AD61-4E119 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 8 avril 1589, à Rânes, avant midi, du désaccord et procès pendant et indécys aux plaids du siège de Briouze, entre Me Jacques Le Tesson, prêtre, fils de défunt Guillaume Le Tesson, de la paroisse de Lougy, demandeur pour être fait jouissant d’une place et quantité de terre pour assoyr ung gable sur une portion de terre assise en ladite paroisse et une autre portion de terre en jardin et courtil acquis par ledit deffunt de Pierres Prodhomme selon le contrat passé en ce tabellionnage le 13 décembre 1577 y recours d’une part,
et François et Guillaume dits Prodhomme, frères, d’autre,
ayant lesdits Prodhomme retiré lesdits héritages de Pierres Prodhomme qui les avoit vendus audit deffunt,
lequel Tesson avoit appellé de garantage ledit Pierres Prodhomme aux fins de luy faire cesser la poursuite desdits Prodhomme et le faire jouissant desdits héritages suivant ledit contrat,
dont lesdites parties estoient en voye d’en courir un long et souptieux procès, pour auquel finir et éviter, ils ont accordé et transigé dudit cas ainsi qu’il sensuit,
scavoir faysons que par devant nous furent présents lesdits Françoys et Guillaume ditz Prodhomme, frères, lesquels ont renoncé et renoncent à prétendre ny demander aucun droit en ladite place pour faire ledit gable et consentent que ledit Letesson en jouisse suivant la teneur de sondit contrat devant dabté, au moyen et par ce que ledit Letesson a par semblablement renoncé et renonce à prétendre ny demander aucun droit, part ny portion, en l’autre portion de jardin mentionné par ledit contrat, acceptant que lesdits Prodhomme, frères, en jouissent encores et pour l’advenir comme de leur propre et vrai héritage ; et par ce moyen et en ce faysant lesdites parties s’en vont hors de procès et despends compensés entre eux d’une part et d’autre, dont etc … obligent, présents messire Louys Letesson prêtre et Thomas Lauson (signe « Loson ») dudit Lougy tesmoins qui ont signé