Contrat de Jacques Thiboust, brasseur à Saint-Malo, pour lancer la brasserie de Laval : 1639

et ce pendant 4 mois, cher payés pas mois, donc il s’agit bien d’un transfert de technologie.
La bière est très ancienne, mais on ne rencontre habituellement que le cidre et le vin dans le Maine et l’Anjou, aussi cet acte peut retenir toute votre attention.

Acte des Archives de la Mayenne AD53-3E2/771 Voici ma retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :
Le 19 avril 1639 avant midi devant nous Jean Barais notaire de la cour de Laval et y demeurant ont esté présents personnellement establis chacuns de Georges de Bourgeau sieur de la Baste et François Cornillau sieur du Rocher, demeurant en ceste ville d’une part, et Jacques Thieboust Me brasseur ordinaire de bière, demeurant en la ville de St Malo, estant de présent en cette ville d’aultre part, lequel pour l’effet des présentes a prorogé de juridiction devant nous renonçant à tous renvoys, lesquels soubsmettant confessent avoir fait entre eulx ce qui ensuit, c’est à savoir que ledit Thieboust a promis et s’est obligé servir lesdits sieurs de la Baste et du Rocher pendant le temps de 4 mois à travailler à la brasserie de bière qu’ils désirent faire faire en cette ville, qui commenceront au 1er mai prochain ; pendant lequel temps il travaillera à ladite brasserie continuellement et sans discontinuation, et ce moyennant la somme de 36 livres par chacun mois et 3 sols par chacune barrique qui sera faite, laquelle somme lesdits sieurs de la Baste et du Rocher luy ont promis et se sont obligés solidairement luy payer à la fin de chacun desdits mois, et luy fourniront de lit et chandelles pour travailler, et hommes pour lui aider à travailler en icelle ; aura et prendra son usage de bière, et fourniront lesdits sieurs de tous ustenciles et matières nécessaires qui conviennent à ladite brasserie, laquelle ils mettront en estat audit 1er jour de may ; ce qui a esté ainsi voulu accordé stipulé et consenty par lesdites parties, dont à leur requeste les avons jugés ; fait et passé audit Laval en présence de Me Pierre Gaultier notaire, Bernard Sartet sergent demeurant audit Laval tesmoings à ce requis, ledit Thiboust a sit ne savoir signer

Transfert de technologie à Laval : brasseur de bière, 1639

Voici un transfert de technologie résoluement moderne. C’est exactement ainsi qu’on s’y prend encore à travers la planète en 2008. Certes, ce n’est plus la chandelle qui est fournie, mais un confort plus moderne. Ceci dit, cela signifie que la chandelle coûte et qu’il est nécessaire de préciser les points coûteux dans un contrat, ce qui est encore aujourd’hui précisé. Donc, pour mettre en route une fabrication nouvelle, on débauche pendant quelque temps un ingénieur (c’est le terme moderne) compétent venu d’ailleurs, on lui donne un salaire élevé voir très elévé, et durant cette période on apprend comment il travaille :

L’acte qui suit est extrait des Archives départementales de la Mayenne, serie 3E – Attention, je passe en retranscription d’un document, dans son orthographe d’origine : Du 19 avril 1639 avant midy devant nous Jean Barais notaire de la cour de Laval et y demeurant ont esté présent et personnellement establys chacuns de Georges Bourgeau Sr de la Baste et François Cornillau Sr du Rocher, demeurant en ceste ville d’une part,
et Jacques Thieboust Me brasseur ordinaire de bierre (bière) demeurant en la ville de St Malo, estant de présent en cette ville d’autre part, lequel pour l’effet des présentes a prorogé de juridiction devant nous renonçant à tous renvoys, (ils sont tous sieurs de quelque lieu, c’est à dire qu’on est ici dans le milieu aisé, de propriétaires de biens immobiliers, et qui ne se contentent pas de vivre du rapport de leurs terres mais exercent une autre activité pour arrondir encore les revenus)

lesquels soubmettant confessent avoir fait entr’eulx ce qui ensuit, c’est à scavoir que ledit Thieboust a promis et s’est obligé servir lesdits de la Baste et du Rocher pendant le temps de quatre mois à travailler à la brasserie de bierre qu’ils désirent faire faire en cette ville que commanceront au premier jour de may prochain pendant lequel temps il travaillera à ladite brasserie continuellement et sans discontinuation

et ce moyennant la somme de trente six livres par chacun mois, et, trois solz par chacune barique qui sera faicte, laquelle somme lesdits Sr de la Baste et Sr du Rocher luy ont promis et se sont obligez solidairement luy payer à la fain (sic, pour fin) de chacun desdits mois, et luy fourniront de lit et chandelles pour travailler, aura et prendra son usage de bierre et hommes pour luy ayder à travailler en icelle,

et fourniront lesdits sieurs de toutes ustancilles et matières nécessaires qu’il convient à ladite brasserie, laquelle ils mettront en estat audit premier jour de may,

ce qui a esté ainsy voulu accordé stipullé et consenty par lesdites partyes dont à leur requeste les avons jugés,

fait et passé audit Laval ès présence de Me Pierre Gaultier notaire, et Bernard Saites sergent demeurant audit Laval. Signé de tous.

De vous à moi, la bière à St Malo était utile à bord, pour changer un peu du vin, donc pas étonnant qu’on ait brassé à St Malo ! A Nantes, ma ville, on a beaucoup brassé, et j’ai trouvé un site de jolies étiquettes souvenir de ce temps.

Mais revenons à ce contrat. Il y manque un point important. En effet, il y a 134 km de Saint-Malo à Laval, par Fougères et Mayenne, soit 3 bonnes journées de cheval. Il n’est pas fait mention des frais de voyage de Thiboust, et encore moins de la pension de son cheval pendant 4 mois, car un cheval cela mange même lorsque cela ne court pas… Donc Thiboust a pris une quelconque messagerie, et pris à ses frais le voyage. De nos jours, le voyage est aussi inclus dans le contrat.
Ceci dit, le salaire est élevé, et même très élevé… et compense largement ce point

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