Petit avertissement : lisez la page A PROPOS (à droite) dans laquelle je vais mettre les réponses à vos questions techniques au fur et à mesure.
Dans mon billet du 2 avril 2008, qui était un extrait du Cahier d’Etienne Toisonnier, on lisait :
Le 13 (mai 1685) il se fit une procession générale de St Maurice à St Aubin. On y porta le chef de Saint-Loup. Monsieur d’Angers y célébra la messe. C’était pour la disposition du temps et à cause de la grande sécheresse. Il plut abondamment le lendemain, grâce à Dieu.
Monsieur d’Angers désigne l’évêque d’Angers, car en 1685, du moins dans la bourgeoisie angevine, c’est ainsi qu’on s’exprimait.
J’avais alors ajouté : Si vous savez ce qu’était le chef de Saint Loup, merci de le raconter. Personne n’ayant répondu, j’ai tenté de comprendre et publié le 29 juillet un premier billet, que celui-ci reprend plus logiquement.
La réponse était compliquée (au premier abord) parce que plusieurs saints ont porté ce nom, d’ailleurs beaucoup de communes sont dédiées à Saint Loup. Le dictionnaire des Communes en dénombre par moins de 33, dont les plus proches sont en Mayenne avec Saint-Loup-du-Dorat, et Saint-Loup-du-Gast. Le Dictionnaire de l’Abbé Angot (Mayenne), si riche par ailleurs, ne donne aucune indication relative au saint honoré, il faut en conclure que c’est le plus grand et le plus connu des Saint Loup, que nous allons voir ci-dessous.
Le journal d’Etienne Toisonnier faisant allusion à une relique vénérée, portée en procession à Angers, j’aurais dû commencer par regarder l’ouvrage de Célestin Port, ce que j’avais totalement oublié de faire dans mon premier billet. Où avais-je la tête ? pourtant pas échauffée par la canicule ? Voici donc ce saint Angevin entre tous, traité dans le plus angevin des dictionnaires, celui de C. Port :
Saint Loup est inscrit sur les plus anciens catalogues des évêques d’Angers, dont un du 9e siècle (Bibliothèque Nationale, fonds latin 3837, f°193) entre Niulphus et Agilbert (7e siècle). C’est donc à tort et seulement pour établir quelque concordance avec le récit sans valeur historique du « Retour des cendes de St Martin » par l’apocryphe Odon, qu’Arthaud, Ste-Marthe, Roger, Rangeard, Travers, Lehoreau et de nos jours Godard-Faultrier et D. Chamard, l’on reporté à la fin du 9e siècle ou au 10e siècle et fait voyager avec le comte Ingelger en Bourgogne. – Le saint prélat est fêté le 17 octobre. Il avait été inhumé dans un cimetière qui porta depuis son nom, au nord et près du choeur de l’église St Martin d’Angers qui quelque temps lui fut dédiée. On retrouva son tombeau de pierre en 1012, d’où les reliques furent recueillies dans une châsse d’argent. Le chef, mis dans une chasse particulière, était porté aux processions solennelles, qui avaient pour but d’obtenir la cessation des pluies ou des sécheresses. (Dict. du Maine-et-Loire, C. Port)
Ainsi, C. Port nous apprend 3 éléments remarquables :
1-saint Loup faisait venir aussi bien la pluie que la sécheresse. Je suis en admiration devant une telle performance ! enfin devant une telle crédulité !
2-Beaucoup d’auteurs ont écrit des choses contestées ou contestables, même sur le saint Angevin de ce nom. C’est dire la complexité des biographies de cette époque, et de revoir de nos jours tous ces auteurs.
3-saint Loup était honoré le 17 octobre. Nous verrons en fin de ce billet que le 29 juillet honore un autre saint Loup, celui qui fut évêque de Troies, et qu’il ne faut pas confondre avec le saint évêque Angevin. Comme quoi, un saint peut en cacher un autre dans le calendrier des saints
La procession évoquée par Toisonnier eut lieu le 13 mai 1685 : cette date n’est pas celle de la fête du saint, mais celle d’un pélerinage pour implorer le saint de faire tomber la pluie, par suite d’une grande sècheresse.
Voici ce que cite en 1996 l’historien Mr Matz :
17 octobre S. Lupi ep. (ABCDEF) : 17e évêque d’Angers, saint Loup est absolument inconnu ; son épiscopat se place vers le milieu du 7e siècle. Enterré au plus près du chœur de la collégiale Saint-Martin d’Angers, son corps fut levé par son lointain successeur, Hubert de Vendôme. Saint Loup ne fait que l’objet d’une mémoire. (A et F seulement) (J.M. MATZ, Le Calendrier et le culte des saints : l’abbaye Saint-Aubin d’Angers 12-début 16e siècle, Revue Mabillon, 1996, n.s. t.7 p.127-155)
Dans cette précieuse étude les références ABCDEF renvoient à tous les calendriers de l’abbaye Saint Aubin d’Angers étudiés par l’auteur. On voit donc que Saint Loup, évêque d’Angers, était honoré le 17 octobre à Angers, au moins du 12e au 16e siècle.
Je trouve également sa trace dans :
Un livre liturgique « le Processionnal de Saint Aubin », livre sur papier (BMA, ms 81 (73), 341 p.) indique les processions et les stations accoutumées pour les fêtes de l’année. –
X. BARBIER DE MONTAULT, Un processionnal de l’abbaye Saint-Aubin d’Angers, Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1885, p.132-141
« Lieux de pèlerinage au début du 17e siècle, les plus chers au cœur des Angevins. BRUNEAU DE TARTIFUME, Des Principaux voyages d’Angers et du pays d’Anjou »
Selon Toisonnier, on porta le chef de Saint-Loup. Or, selon le dictionnaire Littré :
Tête. exemple : Le chef de saint Jean-Baptiste.
En conclusion, il a existé un saint Loup évêque d’Angers, honoré autrefois le 17 octobre, localement, à ne pas confondre avec le saint Loup honoré le 29 juillet. Les processions, telles que celle racontée par Etienne Toisonnier sont oubliées depuis longtemps. Toisonnier nous a laissé un témoignage de l’époque : On peut être certain qu’il y eut une sécheresse importante en 1685, et que la pluie est apparue le 14 mai, et je n’irai pas jusqu’à dire que saint Loup y fut pour quelque chose
J’ai un puissant souvenir personnel sur un tel sujet. Il y a environ un trentaine d’années, j’étais partie en vacances à Pâques en Allemagne rejoindre mon amie Hildegarde. Je venais d’essuyer des semaines de pluie incessante sur Nantes. Le lendemain de mon arrivée étant un dimanche, nous allons à la messe dans cette splendide chapelle baroque de campagne. Soudain, pendant l’homélie, j’entends le prêtre du haut de la chaire, à haute et intelligible voix, exhorter tous les fidèles à prier pour obtenir enfin la pluie ! Ils venaient de vivre la sécheresse (l’ouest de la France avait dû tout garder !) et dans ce lieu agricole, l’inquiétude était grande. Bien entendu, je n’ai pas prié du tout, car mon enthousiasme était assez modéré. Donc ce n’est en aucun cas ma prière que Dieu a entendu. En tout cas, vous avez déjà deviné la suite : j’ai eu le droit à la pluie non-stop et abondante, durant les 15 jours ! Ceci dit je ne crois absoluement à l’intercession de qui que ce soit pour obtenier la pluie, je crois dans le meilleur des cas, que c’est moi qui devait trimballer la pluie avec moi…
Voici les commentaires du précédent billet :
Je crois me souvenir que Stanilas avait mentionné pour ce billet du 2 Avril = »chef » = tête , et que cette relique devait avoir été portée en procession pour produire la pluie.Comparable à la « rain dance » des Indiens d’Amérique…La pluie pendant 40 jours si il pleut à la St Médard…En GB, c’est pour la St Swithin…En fin d’été, dans le Derbyshire, comté qui souffre de sécheresse , il y a des cérémonies de « Bénédiction « des puits et des sources, qui sont tout décorés avec des pétales de fleurs reproduisant une sorte de « mosaique » , (mais placée verticalement comme un « vitrail »)llustrant une scène de la Bible.
Commentaire de Marie Laure, le 21 août : La mention de Célestin Port sur le chef de St Loup, porté en procession pour obbtenir la pluie, est une solution parfaite. Je vous remercie de l’avoir ajoutée à votre billet du 29.7.2008. Bien cordialement, Marie-Laure.
Enfin, pour l’anectote seulement, puisque notre Angevin est désormais bien identifié, voici un aperçu sur un autre saint Loup., sand toute le plus connu en France, honoré le 29 juillet, qui a donné probablement donné son nom a une partie des communes qui l’honorent :
LOUP (Saint), Lupus, évêque de Troyes, au cinquième siècle, honoré le 29 juillet.— Saint Loup, d’abord religieux au monastère de Lérins, fut élu malgré lui, évêque de Troyes, et conserva dans cette haute dignité l’esprit de pauvreté et de mortification qui l’avait distingué parmi ses frères. La renommée de ses talents et de ses vertus était déjà si grande que l’assemblée des évêques des Gaules le choisit pour aller, avec saint Germain d’Auxerre, combattre l’hérésie des Pélagiens, dans la Grande-Bretagne. Quand il eut heureusement accompli cette mission, il revint dans son diocèse et continua de se livrer avec le plus grand zèle aux fonctions pastorales. Ce fut à cette époque que le terrible Attila, roi des Huns, après avoir envahi la Gaule et ruiné plusieurs cités florissantes, marcha vers la ville de Troyes pour lui faire subir le même sort. Les habitants étaient consternés. Saint Loup ranima leur courage, et, leur disant de mettre leur confiance dans la protection divine, il prescrivit un jeûne général et des prières publiques. Ensuite, révétu de ses ornements pontificaux, accompagné de tout son clergé et précédé de la croix, il sortit de la ville et se rendit au camp d’Attila. Admis en la présence du conquérant, il osa lui adresser le premier la parole en lui demandant qui il était. « Je suis, dit Attila, le fléau de Dieu. — Nous respectons, reprit le saint évêque, tout ce qui nous vient de Dieu ; mais si vous êtes le fléau avec lequel Dieu veut nous châtier, souvenez-vous de ne faire que ce qui vous est permis par la main toute-puissante qui vous meut et vous gouverne. Le roi barbare, étonné de ces paroles, s’adoucit et promit d’épargner la ville de Troyes. Il se retira en effet avec son armée. Saint Loup mourut en 477 après avoir, glorieusement gouverné son église pendant cinquante deux ans. (Beleze, Dict. des noms de baptême, 1863)
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