Il est voiturier par eau, et acquiert une balise, aussi avant de commencer, revenons un peu sur le vocabulaire d’antant. La voiture était ce qui était transporté (marchandises ou personnes) avant d’être l’engin qui sert au transport. Et la balise a ici un sens tout particulier, d’un lopin d’une île.
L’île, immense, qui s’étend devant le bourg de Rochefort-sur-Loire, semble s’appeler de nos jours les Lombardières, mais en 1618 je trouve Lambaudrie, qui ressemble un peu.
voiture : Port, transport de marchandises, de hardes, de personnes. On a tant payé pour la voiture de ces marchandises. La voiture s’en fait par mulets, par charroy, par bateau, &c. il a tant pour chaque voiture. La voiture de tant de personnes par le coche, par le carrosse. voiture & port de deniers. On appelle Lettres de voiture, Le memoire des choses voiturées. – Il signifie aussi, Ce qui sert au transport des marchandises, des personnes. Voiture douce, rude, le carrosse, la litiere, le batteau est une voiture fort commode. je ne sçaurois m’accoustumer à cette sorte de voiture. quelle voiture prendrez-vous pour vous en retourner? je voudrois bien trouver une voiture qui fust douce. – Il signifie aussi, Les choses ou les personnes que l’on transporte. Le roulier s’en est retourné à vuide. il n’a sceu trouver voiture. il a voiture. il a sa voiture. il n’a que demy-voiture. – On dit prov, & par plaisanterie. Adieu la voiture. Lors qu’on voit quelque chose qui va tomber. (Dictionnaire de l’Académie française, 1st Edition, 1694)
balise – Outre le sens ordinaire : Portion de bois qu’un tâcheron est chargé de couper – Les balises de Loire sont de longues gaules de coudrier piquées dans le sable sur le bord des chenaux. Les balises de mer (au midi) sont brisées et ont la tête pendant au-dessus de l’eau. – Lot de terrains communaux de cinq boisselées, concédé à chaque chef de famille, moyennant une légère redevance et sous certaines obligations, notamment celle d’élouetter les peupliers (A.J. Verrier et R. Onillon, Glossaire des patois et des parlers de l’Anjou, 1898)
Le 21 avril 1619 avant midy, devant nous Jehan Baudriller notaire royal à Angers ont esté présents en leurs personnes et establiz Jullien Dureau marchand d’une part
et Mathurin Cady marchand voiturier par eau d’autre part demeurant respectivement en la paroisse de Rochefort
soubzmettant respectivement confessent avoir fait entre eux la cession telle qui s’ensuit c’est à savoir que ledit Dureau a quité céddé délaissé et transporté et par ces présentes quite cèdde délaisse et transporte audit Cady qui a de luy pris audit titre de cession une balize portion de terre sis et situé en l’isle de Lambaudrie sis sur la riviève de Loire estant entre Rochefort et la Possonnière laquelle portion fait part et portion de la terre que ledit cédant a en ladite isle, joignant ladite portion cy dessus cédée du costé vers amont à la portion de terre et balize appartenant à Mathurin Ciret et d’autre costé vers aval à la terre et balize de Jacques Beziau abuté d’un bout à la rivière de Loire d’autre bout à la boire de Lambaudrye et laquelle portion de terre est bornée aux 4 coins de 4 pieux et tout ainsi que ladite portion et balize de terre cy dessus cédée se poursuit et comporte sans aucune réservation et lequel loppin et balize de terre cy dessus cédé ledit Cady a dit bien cognoistre sont il s’est contenté pour en disposer par ledit Cady luy ses hoirs et ayant cause à l’advenir comme de ses autres biens à luy appartenant tout ainsi que eust fait et peu faire ledit cédant auparavant ces présentes et à ceste fin l’a subrogé en son lieu et place noms raisons et actions
à la charge dudit Cady de payer par chacun an à l’advenir sa part et portion de ce que peut debvoir ladite portion de terre cy dessus cédée de la somme de 10 sols tz de rente féodale due par toute ladite isle par chacun an au seigneur de Rochefort et d’en acquiter ledit cédant pour ladite portion cy dessus cédée seulement
et est ce fait à la charge en outre dudit Cady de payer par chacun à l’advenir à Me Vincent Sureau demeurant Angers et Louise Bienvenue la somme de 36 deniers tz que peuvent debvoir lesdites choses cy dessus pour leur part et portion de la somme de 8 livres 2 sols 6 deniers de rente qu’il doibt chacun an audit Sureau audit nom à deux termes en l’an savoir au jour et feste de saint Suenel ? le premier terme et payement et au jour et feste de saint Jehan Baptiste et à continuer et d’icelle acquiter ledit Sureau et laquelle rente admortir audit Sureau audit nom avec les autres seigneurs et détenteurs payant sa part et portion de la somme de (une ligne mangée) et auquel Dureau ledit Cady a présentement solvé et payé la somme de 15 livres tz qu’elle somme ledit Dureau a eue prinse et receue en notre présence en pièces de 16 sols et autre monnaie de présent ayant cours suivant l’ordonnance dont il l’en acquite et à laquelle somme ils sont accordé entre eux pour rembourser ledit Dureau de partie des frais qu’il a faits en la prise à rente des choses cy dessus cédées et autres choses qu’il a en ladite Isle qui dépendent du bail à rente qu’il auroit payé après ladite prise à rente faite
tout ce que dessus stipulé par lesdites parties à ce tenir etc garantir etc obligent respectivement mesme ledit Cady à payer servir et continuer ladite rente etc renonçant etc foy jugement condemnation etc
fait et passé audit Angers en nostre tabler en présence de honneste homme Pierre Robin marchand et Blaise Picart et Mathurin Metairye praticiens demeurant Angers tesmoins
lesdites parties ont dit ne savoir signer
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bonjour,
en lisant ce texte de vente, je pense que l’ile en question est plutôt celle qui est identifiée comme « l’aimioderie » sur le cadastre napoleonien (parcelles 886 à 1304) sur la carte n°A2 des lambardieres à Rochefort. Ce nom est situé entre la boire pélisse et le hameau de la Cireterie, effectivement à l’aplomb de La Possonnière et represente la mince partie terminale nord de l’ile qui rejoint Chalonnes vers le sud.
merci pour vos travaux toujours enrichissants
cordialement
Olivier Moreau
Bonjour
J’habite moi-même les bords Loire, et ce, dépuis 80 ans !
Elle ne m’est pas inconnue car je l’aime, et j’ai choisi d’y vivre en la voyant chaque matin en ouvrant mes volets.
La Loire a et a eu, au fil des siècles, une immense particularité. C’est un fleuve indompté et c’est même le seul fleuve sauvage de France. Elle charie sable sur sable et au fil des siècles le sable a déplacé les îles au gré des eaux.
Rien n’est donc comparable entre 1619 et les siècles suivant quant aux îles de Loire.
Je pense donc qu’il est vain de retrouver avec précision un terrain sur une île d’antan !!!!
Odile
PS et ces temps ci, ce n’est certes pas de la Loire dont les médias nous assomment d’infos, mais bien de nos côtes qui elles aussi se déplacent…
Bonsoir Me Halbert
Je constate avec plaisir que votre vivacité reste intacte👍. Loin de moi la pensée de critiquer votre interprétation, mais je suis comme vous passionné du bord de Loire, et curieux de toutes les énigmes qu’elle nous a laissées. J’ai eu la grande chance d’habiter aux Lombardieres ou j’ai passé des heures sur ses bans De sable.
Dans l’acte de x de jean cady fils de jean le notaire, le 5/5/1626, le marié est résident a « L’Isle Embardiere » qui me semble proche du nom actuel des Lombardieres d’aujourd’hui. Autre hypothèse possible que la toponymie nous permet.
Très cordialement
Olivier Moreau.
Bonjour
Oui, je suis toujours aussi vivace, mais parfois c’est que je comprends pas tout ce qu’on m’écrit.
Ainsi, mon article et ma retranscription portent dans le titre le lieu « l’île des Lombardières ». Alors je ne comprends pas qu’on me rapelle un cadastre de Napoléon disant « l’aimioderie ».
En effet, non seulement une île de Loire est une chose très mouvante au fil des siècles, mais mieux, les noms de lieu ont souvent été modifiés et/ou altérés au fil des siècles.
Votre enfance sur l’île des Lombardières ne date pas de 1619 !
Quand je retranscris les actes anciens, je suis transportée à l’époque de l’acte et mon esprit n’est en rien en 2018.
Désolée !
Odile
bonjour,
le problème de la correspondance par mail est qu’elle altère par des raccourcis les idées qu’on exprimerait plus précisément par la parole. Je me suis sans doute mal exprimé, mais les iles de Loire sont loin d’être toutes des bancs de sable fugaces. Si leurs délimitations varient effectivement avec les crues annuelles, elles n’en restent pas moins des terres fertiles complantées d’arbres majestueux qui sont exploitées depuis des siècles et ne seraient pas abandonnées par leurs propriétaires tant la fertilité assurée par les alluvions ligériens leur assure un rendement efficace. Elles sont immenses en effet à l’aplomb de Rochefort/Loire : l’une est délimitée par un des bras du Louet et la Loire au nord et prend le nom du hameau situé en face de Béhuard = Les Lombardières, l’autre est limitée par la Loire et la boire pélisse rarement en eau en été et se termine à Chalonnes… Ces deux « iles » sont parallères, mais celle de L’aimiodière pourrait aussi correspondre à la description. C’est seulement cet élément que je voulais signaler.
Je suis très respectueux de vos travaux que je lis régulièrement et trouve exceptionnels à la fois par la performance et la volonté de partage, croyez le bien. La polémique n’a pas lieu d’être.
bien cordialement.
Merci
Je me réjouis de vous voir aussi amoureux de la Loire que moi !
Et je suis d’accord avec vous sur la compréhension par la correspondance numérique, qui altère bien des intentions et propos.
Passez une bonne journée.
Mes retranscriptions aussi altèrent bien des compréhensions, car tant de choses étaient différentes autrefois !!!
Il se trouve qu’avant hier j’ai fait une petite découverte inverse, à savoir qu’un objet que je pensais totalement disparu de nos jours était bel et bien encore vendu et bien sûr fabriqué. Je vais donc faire un billet sur cet objet, tant j’ai été stupéfaite, et je ferai ainsi part de ma stupéfaction à tous.
Mais pour ce jour, voyez Montrelais sur mon blog, car ce n’est pas si loin de vous.
Odile
Bonsoir,
Les Cady m’intéressent car ils sont de mes ascendants, en particulier ce Jean Cady fils de Jean, le notaire.
De passage aux archives de M. et L. , j’ai parcouru trop rapidement le numéro 33 printemps 2018 de l’APEC de Rochefort sur Loire. Il est consacré précisément aux Lombardières, sous le titre de : Les Lombardières, village agricole.
On y cite un extrait des archives de 1658 (ADML 254 H 290).
Ce qui avait retenu mon attention, ce n’est pas l’île en elle-même dont les contours ont certainement évolué au fil des ans et des crues mais une expression dont il a été question sur le blog de Mme Halbert.
Dans l’extrait de ce descriptif, on peut lire :
« … la Vve Doussard pour une ouchette de terre ou jardin appelé la Brenne… ». L’ouche était donc très voisine du jardin…
Bien cordialement.