Cet acte est très important.
Il apparaît que les notaires concernés par la succession de Mathurin Bellanger et sa soeur n’ont pas fait beaucoup de recherches d’hériters.
Et même que l’un d’eux au moins, à savoir Lemarié, tente de dissimuler des actes aux héritiers qui se manifestent !
Cette somation montre qu’ils réclament en vain les actes depuis 2 ans, et vous allez constater que les réponses de Lemarié sont plus que brumeuses, et bien douteuses.
Or, il faut bien comprendre qu’avant la Révolution, et même jusqu’en 1680, la recherche d’héritiers était peu ou mal faite, et pouvait rapidement tourné au profit de d’autres bénéficiaires avec la complicité de certains notaires.
Les Cahiers de Doléance remontent ce grave problème de détournements de fonds au profit de ceux qui savent lire au détriement de ceux qui ne savent pas lire, comme la plupart le remontent. Mais hélés lorsqu’en 1989 les historiens ont analysé ces cahiers, ils ne les ont pas analysés exhaustivement, mais uniquement selon des thèmes prédifinis, de sorte que des doléances sont passées à la trappe.
Pourtant une telle doléance était loin d’être anodine.
J’avais rencontré le problème dans mon étude sur les Hiret, et voici l’extrait que j’avais publié dans mon ouvrage l’Allée de la Hée des Hiret, gentilshommes mi-Bretons mi-Angevins 1500-1650 :
Les abus sont fréquents dans les successions puisqu’il faut être informé qu’un lointain parent est décédé dans ce cas pour réclamer sa part d’héritage. Il faut donc savoir qu’il est parent et comment. Bref, il faut savoir lire, écrire, et disposer des actes de naissances, mariages, et des actes notariés. Les notaires avaient un rôle important et ils pouvaient occulter certaines succcessions en ne cher-chant pas trop les descendants. Cette pratique est vivement critiquée dans les Cahiers de Doléance en 1789.
Voici des extraits de ceux de Loire-Atlantique :
Arthon-en-Retz : « Que les biens en déshérence ne puissent être attribués qu’après bannies publi-ques »,
Barbechat « qu’il n’y ait plus que des notaires royaux en l’étude desquels seront déposés les minutes des notaires supprimés. Qu’on admet à cet état si essentiel à la sûreté et au repos des familles, que des gens instruits dans l’étude des lois et gradués » –
La Benate : « Que pour la plus grand utilité de toutes les classes de citoyens il soit ordonné un enregistrement uniforme des actes de baptême mariage et sépulture, qu’aux baptêmes le lieu du mariage du père et de la mère soit exprimé, dans les mariages le lieu de baptême des époux »,
Châteaubriant : « qu’il soit fait des tables alphabétiques des registres de baptêmes, mariages et sépul-tures dans toutes les paroisses, afin de faciliter à la classe indigente et qui se trouve privée de titre, les moyens de recueillir les successions qui leur adviennent. »,
Chauvé : « que les deshérences, qui tomberont au seigneur soient publiées au prône de la messe, pour que chaque particulier puisse y mettre ses enchêres »,
Moisdon-la-Rivière « Que le notaire de chaque paroisse soit chargé d’un livre chiffré et millésimé par les juges de la barre royale la plus proche, où chaque propriétaire de la paroisse, venu à nouvelle possession, sera tenu de faire enregistrer son titre, en sorte que ce registre sera un dépôt de titres suffisant pour la postérité. »
Contrairement à toute attente, après la Révolution, cette pratique va se maintenir au seul profit de l’état . Il faudra attendre 1860 pour voir le 1er cabinet de généalogie créé dans le but de rechercher les éventuels héritiers, suivi en 1900 d’un concurrent. Les cabinets Coutot et Andriveau ont depuis accès aux successions en déshérence et recherchent les héritiers éventuels. Ils sont payés par un pourcentage sur la succession.
Il semble bien, au vue de la sommation qui suit, que la succession de Mathurin Bellanger relève de ce problème.
Cet acte est aux Archives Départementales d’Indre et Loire, série 3E5 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :
Aujourd’huy samedi 18 mai 1686 par devant nous Guillaume Gripouilleau notaire royal à Tours résidant à Noste Dame d’Oué sont comparus en personnes et establis et deument soubzmis Julien Deslandes serger demeurant à Basouges près Chasteaugontier, Morisse Thibault métayer demeurant à Montreuil sur Maine près Le Lion d’Angers Jacques Belouin voiturier demeurant paroisse du Lion d’Angers qui ont esleu leurs domiciles pour quinzaine seulement en la maison de nous notaire soussigné au bourg d’Oué suivant la procuration par eux audit nom à nous baillée, lesquels avecq nous notaire sont transportés au domicile de Me Nicollas Lemarié notaire en cette cour demeurant proche Monnaye ? ou estant et parlant à sa personne lesdits Thibault l’ont sommé somment et interpellent,
comme ils ont cy devant fait verballement audit Lemarié mesme … (5 mots incompris) par eux à luy baillé dès il y a environ de deux ans, depuis lequel temps quelques sollicitations qu’ils eussent peu luy faire ils n’ont peu avoir coppie desdits actes qui leur promit lors de leur faire faire dont il avoit baillé la minute audit Godefroy pour en faire coppye,
de leur bailler et délivrer coppye des actes qu’il a passés entre le sieur Mathurin Bellanger sieur des Giraudières et Jean Lauransseau sieur de Roville tant comptes précomptes obligations acquis et autres actes qu’il peult avoir passés entre lesdits sieur des Giraudières et de Roiville, offrant l’en payer ce qu’il leur communiquera pour
luy déclarant qu’ils sont parans et héritiers dudit deffunt sieur des Giraudières et Perrine Bellanger sa sœur
pour raison de quoy il ne leur peult estre refuzant coppie des actes faits entres lesdits sieur des Giraudières et de Roiville et de ladite Perrine Bellanger, comme estant leurs parans et ayans intérests à la succession dudit sieur des Giraudières, en le payant de ce qu’il appartiendra raisonnables
outre ce ils le somment de déclarer présentement s’il n’a pas assisté à autres actes faits par autres officiers entre lesdits sieurs des Giraudières et de Roiville et ladite Perrine Bellanger pour quelques causes que ce soit
aussi s’il n’a pas congnoissance deu divertissement fait de ladite succession feu sieur des Giraudières et sa sœur décédés et enterrés en la paroisse de Serelle pour raison de tout ce que dessus lesdites parties ont obtenu monitoire qu’ils ont fait fulminer es paroisse dudit Serelle et Chanceau mesme la regrance ? obtenue ensuite qui a esté publiée et sera fulminée le dimanche 26 du présent moys de may dans les églises desdits Chanseau et Serelle, pendant lequel temps ledit Lemarié se pourra fournir des demandes à luy faites
ledit sieur Lemarié a fait response n’avoir cognoissance d’avoir fait aucuns actes pour lesdits sieurs des Giraudières Lauranceau de Roiville et de la Bellanger, et qu’il a fait recherche en ses minutes où il ne s’en est trouvé aucunes et si aucunes il y a il requiert trois mois … pour satisfaire à la présente sommation, et demande coppie d’icelle aux despens des sommeurs
lesquels demandeurs ont dit que ledit Lemarié a bonne congnoissance des actes par eux demandés, la plus part des dits actes ledit Godefroy les luy a fait signer et depuis emportés ainsi qu’ils en ont eu advis, pourquoi ils le somment de respondre à ladite requeste
persisté par ledit Lemarié en son dire cy dessus et n’avoir congnoissance d’avoir fait ne signé aucuns actes concernant les parties cy dessus nommées et que pour en savoir davantage il requiert ledit dellay de trois mois pour en faire plus ample recherche en luy payant l’entretien d’iceux et luy déclarer le temps de la passation desdits actes
lesdits demandeurs ont déclaré que lesdits actes par eux demandés et dont ils à faire sont passés bien avant 74, 75, 76 et 77, et ont de nous soubsigné de ce requis
desdites déclarations de négations et protestations avons décerné acte aux parties pour leur servir ce que de raison,
donné à Doué du scel royal
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