L’extraordinaire signature d’un manouvrier en Brie, Sourdun (77) 1597

Introduction

Je rencontre dans les fonds des notaires de Provins des manouvriers. Selon l’ouvrage d’Émile Mireaux, Une Province française au temps du grand roi, la Brie, Hachette, 1958, ce sont les ouvriers libres qui travaillent à la journée et à la tâche. Leur condition serait assez précaire. Pourtant, ils sont souvent bien éduqués, en voici un exemple, car je suis chaque jour en admiration devant les signatures en 1597. Je vous avais montré un exemple de femme, voici un manouvrier.

signature de Nicolas Herbelin manouvrier

AD77-1057E422 Jacques Delanoe notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1597.11.12 vue 606 – Nicolas Herbelin manouvrier à Sordun et Fiacrine Lange sa femme à cause d’elle vendu à honorable homme Estienne Gonthier marchand tanneur à Provins la troisième partie par indivis de tout tel droit en une maison couverte la plus grande partie de thuille à Sordun

Madeleine Gadineau a une maison sur le pont au Poisson, touchant la Poissonnerie, Provins 1598

Introduction

J’ai dans ma salle de séjour un tableau du Pont de Pirmil à Nantes, au temps de la dernière maison sur le pont que ma maman a connu, aussi j’ai toujours en présence le fait qu’autrefois on habitait aussi sur les ponts.

les aveux devant notaire à Provins

Au 16ème siècle à Provins, la majorité des ventes foncières ne sont pas payées comptant mais à rente annuelle perpétuelle. Donc, lors des changements de l’un ou l’autre suite à un décès, le débiteur ou le créancier, le nouveau créancier devait déclarer être détempteur du bien et surtout s’engager à continuer le paiement de la rente. Ainsi, en 1598, je trouve beaucoup de ces actes, et beaucoup de maisons à Provins.

la maison sur le Pont au poisson

Et il y avait des maisons sur le Pont au poisson, et surtout une poissonnerie et des maisons de pêcheurs.

AD77-1057E424 Jacques Delanoe notaire à Provins – 1598.11.06 vue 299 – honneste femme Magdaleine Gadineau veuve de feu Tristand Maistart demeurant à Provins détemptrice d’une maison couverte de thuille ainsi qu’elle se comporte assise à Provins sur le pont au Poisson tenant d’une part à la poissonnerie d’autre part à la veuve et héritiers Mace pescheur

 

Michau Larcher vend sa maison couverte de feurre, Provins 1502

Introduction

Les fonds des notaires de Provins des années 1500-1560 contiennent beaucoup de ventes foncières à rente annuelle et perpétuelle. Outre la terre, on rencontre souvent des maisons, mais le plus souvent ce n’est qu’un partie de la maison. Les maisons sont souvent couvertes de tuiles, mais je rencontre aussi couvertes de chaume, et j’ai aussi plusieurs fois rencontré les maisons couvertes de feurre.

le feurre : paille de seigle pour couvrir les maisons

C’est le Dictionnaire du monde rural de Michel Lachiver, 1997, qui donne la définition du feurre, comme étant une paille longue de seigle pour empailler les chaises et couvrir des maisons.

Michau Larcher vend sa maison couverte de feurre

AD77-1056E586 Dechoisy notaire à Provins – vue prise par le CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1502.09.06 vue 3050 – Michau Larcher âgé de 25 ans ou environ fils de Jehan Larcher maçon, usant et jouissant de ses droits comme il a dit recognait avoir vendu cédé au temps cy après déclaré et promis garantir à messire Guillaume Thouzet prêtre demourant à Provins acheteur la moitié par indivis d’une maison couverte de feurre le lieu comme il se comporte dont l’autre moitié appartient à Guillaume Delecage par acquest qu’il en a fait de Liguet Larcher frère dudit vendeur aussi audit Provins au lieu appelé les Roises en la rue de la Verrière …

Un petit garçon mendiant sa vie décède dans la grange, Chemillé Saint Gilles 1712

Que la vie était dure autrefois !
Je suis toujours émue quand je lis nos registres paroissiaux !
Ici, je relis Chemillé pour la Nème fois car je ne trouve toujours pas le décès de ma Louise Catherine Fauchon, et je tombe sur cet acte émouvant tant il est terrible :

Chemillé Saint Gilles (49) « Ce 9 novembre 1712 a esté par nous curé soussigné enterré dans le cimetière de cette paroisse le corps d’un petit garçon mendiant sa vie qui décéda hier dans la grange du bon conseil, après avoir receu de nous curé soussigné le sacrement de l’extrême onction, les parents duquel petit enfant nous sont inconnus »

Thebaude Gaignard se retire de l’hôtellerie de l’écu de Bretagne en louant à son gendre, Angers 1606

table des autres actes traitant de retraite

Autrefois aucune retraite et René Delahaye a vécu plus de 83 ans, d’où un inventaire après décès assez pauvre : 1721 –    Autrefois la vie était courte, mais sans retraite on travaillait souvent jusqu’à la mort : Nicolas Laloy 72 ans, mort au travail   –    Retraite d’une veuve chez son gendre, Jacques Justeau, maréchal en oeuvres blanches, 1708   –    Les personnes âgées, sans retraite, isolées ou regroupées entre elles : Nantes Sud Loire 1846

introduction

La retraite de nos jours signifie s’arrêter de travailler et toucher une pension, mais née en 1938 j’ai connu des générations sans pension. La pension de retraite n’a été instituée qu’en 1945, encore fallait-il cotiser, ce qui ne fut pas le cas de tout le monde au départ. Auparavant on ne survivait que grâce à son bien propre, quand on en avait un peu. Mais la majorité des Français survivaient seulement avec un lit dans un coin chez ses enfants, quand on en avait, sinon dans la pauvreté la plus extrême.

L’acte qui suit traite d’hôtelleries d’Angers, et je vous ferai bientôt un récapitulatif de toutes les hôtelleries que j’ai traitées sur ce blog.

Retranscription de l’acte avec l’orthographe originale 

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E8 – 

Le samedi 18 mai 1606 avant midy, par devant nous René Serezin notaire royal à Angers honneste femme Thebaude Gaignard veufve du deffunct sire Mathieu Bruneteau demeurant en l’hostellerye ou pend pour enseigne l’escu de Bretaigne forsbourgs Sainct Jacques, René Levieil mary de Charlotte Bruneteau et Michelle Bruneteau filles dudit deffunct Bruneteau et de ladite Gaignard se sont adressés vers et à la personne de honneste homme sire Pierre Jary mary de Sébastienne Bruneteau aussy fille de ladite Gaignard auquel ils ont remonstré que pour la vieillesse maladie et indisposition de la personne d’icelle Gaignard elle ne peult plus tenir et exercer ladite hostelerye de l’escu de Bretaigne tellement qu’elle est résolue de quicter et se demettre de l’exercice de ladite hostelerye qui aporteroit grand préjudice et dommage au bien de ladite Gaignard en … pour … ledit Jarry de prendre afferme ladite hostelerye à ce qu’elle soit continuée et exercée, à quoy par ledit (f°2) Jary a esté dict qu’il est hoste de l’hostelerye des Troys Trompettes de ceste ville et que son marché de louage d’icelle maison dure encores de la Sainct Jehan Baptiste prochaine en deux ans, que pendant ledit temps il ne sauroit aller demeurer en ladite hostelerye de l’escu de Bretaigne sinon que ladite Gaignard luy promis l’acquiter des dommages et intérests qu’il pourroit soufrir s’il ne pouvait ne louer ladite maison des Troys Trompettes le prix qu’il est obligé en payer par chacun an montant sept vingts treze (153) livres tz ce que ladite Gaignard auroit bien voulu et sur ce a esté faict et accordé entre lesdites partyes le marché qui s’ensuit c’est à savoir que ladite Gaignard en présence et du consentement desdits Levieil et Michelle Bruneteau à ce présents soubmis soubs ladite court et qui ont promis ne contrevenir à ces présentes, a baillé et baille à tiltre de louage et non autrement audit Jarry qui a pris et accepté tant pour luy que pour ladite Bruneteau sa femme audit tiltre pour le temps (f°3) et espace de 9 années qui commanceront au jour et feste de Sainct Jehan Baptiste prochainement et finiront à pareil jour savoir est ledit logis cours jardin et appartenances de l’escu de Bretaigne avecques la grange estable et superficie d’icelle sur la rue Barault forsbourgs St Jacques, ainsy que lesdites choses se poursuivent et comportent et comme en jouist à présent ladite Gaignard sans rien en retenir ne réserver pour desdites choses jouir et user par ledit Jary comme un bon père de famille et y tenir et entretenir pendant ledit temps l’hostelerye ainsy qu’il a esté accoustumé sans la pouvoir délaisser, à la charge dudit preneur esdits noms de tenir et entretenir lsdites maisons grange et estable en bonne et suffisante réparation de couverture terrasse careau et vitre et les y rendre à la fin dudit temps ainsy qu’elles luy seront baillé au commancement du présent bail et outre entretenir et rendre à la fin dudit temps les trilles (qui sont les treilles) dudit jardin ainsy en tel estat qu’elles luy seront baillées, payer et acquiter par ledit …

Le musicien loue une chambre avec droit d’aller et venir la nuit, et y recevoir des étudiants pour danser, Angers 1548

table des autres actes traitant des musiciens

Musique autrefois, dans nos campagnesContrat de compagnie de musiciens, Angers, 1557
Françoise Delestang et Gilles Bouvier, joueur de luth, son mari ont acheté 2 pipes de vin, Angers 1582Testament de Marc Langlais, violon du roi : Angers 1591Psalteur : joueur de psaltérion, ou bien chanteur de psaumes ?Contrat d’apprentissage de joueur d’instruments de musique, Angers 1605Contrat pour 5 joueurs de hautbois à la fête du Sacre, Angers 1617
Jean Auvinet, joueur de luth à Chinon, venu à Angers pour le 1er de l’an 1602 –  Claude Delacamucière, joueur d’instruments, loue maison et jeu de paume, Angers 1552  –  Pierre Savin, musicien déficient visuel, venu de Loudun à Angers, 1622  –  Le musicien loue une chambre avec droit d’aller et venir la nuit, et y recevoir des étudiants pour danser, Angers 1548

introduction

Voici le plus bel acte que j’ai pu trouver en tant d’années d’heureuses et fructueuses recherches. Cet acte est un moment de vie avec musique et danse, et mieux, il n’est que la location d’une chambre pour une année, il y a près de 5 siècles. C’est donc un acte peu important, mais si beau, si touchant… N’oubliez cependant pas que le terme « chambre » n’a rien à voir avec notre chambre à coucher actuelle et ses 9 m2. Il y a 5 siècles c’est une très grande pièce à tout faire. Le musicien aura aussi le linge blanchi, la viande cuite etc… mais surtout le droit d’aller et venir même la nuit et surtout le droit d’y faire danser des étudiants… Heureux étudiants, qu’on appelait aussi écoliers à l’époque. Angers est une ville universitaire où manifestement les étudiants avaient la vie assez belle !!!

mes 21 années en chambre meublée

Mon émotion en lisant cet acte est surtout due au fait que j’ai moi-même vécu 21 ans en chambre meublée : 2 ans étudiante à Angers au 2ème et dernier étage d’une maison Renaissance, sans eau ni toilettes, je remontais chaque soit mon broc d’eau propre et mon seau hygiénique vide et les redescendais le lendemain matin, et jamais je n’ai eu accès à des toilettes et je n’ai su où elles étaient et mon seau était vidé je ne sais ou, sans doute dans des toilettes de jardin comme encore beaucoup de maisons de cette époque alors. La chambre, mansardée, était si petite qu’au pied du lit il y avait à peine de quoi passer, aucune table pour étudier mais par contre une petite table de toilette en marbre et sa cuvette de faïence. Le plus dur n’étai pas la toilette de chat à l’eau froide, mais les cheveux car je n’avais rien pour manipuler l’eau ou la réchauffer… et j’avais appris petite fille à laver les cheveux chaque semaine… Puis, durant 19 ans, avec cabinet de toilette à l’étage inférieur, partagé, et contenant seulement un lavabo, et sans cuisine avec un réchaud à alcool pour en faire un peu dans la chambre, et le dimanche j’allais au restaurant pour manger de la viande. Jamais je n’oublierai ma première salle de bain dans mon premier logement appartement, en 1969, soit après 21 ans sans vrai logement.

Retranscription de l’acte avec l’orthographe originale 

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E2 – 

Le 15 mai 1548 en la cour du roy notre sire à Angers endroit par davent nous Marc Toublanc notaire de ladite court personnellement establys chacun de Jehan Collas marchant et Jehan Allain joueur d’instrument demourants en en ceste ville d’Angers soubzmectans d’une part et d’autre leurs hoirs etc confessent etc avoir ce jourd’hui faict et font entre eulx les accords pactions et conventions qui s’ensuyvent c’est à savoir que ledit Collas a baillé et baille audit Allain qui a prins et prand à tiltre de louaige et non autrement du jour et feste de Sainct Jehan Baptiste prochainement venant jusques à ung an entier et parfait icelluy révolu, une chambre haulte de maison sise et située et estant des appartenances et dépendances de certaine maison sise en la rue de la Poissonnerye de ceste ville d’Angers comme ledit Collas a par cy davent à tiltre de louaige d’ung nommé Bouvet, à la charge que ledit Collas sera tenu et a promis fournir et garnir ladite chambre de tout bon mesnaige tant d’un lit garny table traicteaulx banc coffre chaires et escabeaulx et autres nécessaire qui s’ensuit (f°2) et commode à ladite chambre, outre fournira ledit Allain de tout linge tant de table draps de lit serviettes que de tous autres linges nécessaire et commode pour ledit Allain, aussi tenu ledit Collas cuire la chaire et poisson et autre viande … le boire et menger dudit Allain bien et honnestement pendant ledit temps, et servir et faire servir ledit Allain de toutes choses, blanchir et nectoier les chemises et autres linges dudit Allain bien et honnestement selon qu’à son estat et quallité appartient, et ne pourra empescher ledit Collas que ledit Allain ne sorte, aller et venir à ses affaires tant de jour que de nuit et pourra aussi pendant ledit temps ledit Allain mener escolliers et autres gens honnestes en ladite maison et en icelle les faire dancer et instruire de sondit estat ; et est fait ledit présent bail et prinse à louaige pour le prix et somme de 12 livres tournois poyable par ledit preneur audit bailleur aux termes de Nouel et Sainct Jehan Baptiste par moitié le premier payement commenczant à Nouel prochainement venant et à a esté à ce présent honneste personne Jouachain Langevyn demeurant en ceste ville lequel de son consentement (f°3) deuement soubmis et obligé par foy et sement soubz ladite court royal d’Angers a promis et promet poier ladite somme cy dessus audit Collas avecques ledit Allain et en a fait et fait son propre faict et debte et ce dedans les termes cy dessus, auquel marché et tout ce que dessus est dit tenir etc et lesdites choses cy dessus baillées audit tiltre garentir etc ensemble pour ladite somme au terme que dit est ont obligé et obligent lesdites parties d’une part et d’autre leurs hoirs etc renonçant etc foy jugement condemnation etc fait et passé en ceste ville d’Angers