Contrat d’apprentissage d’architecte à Laval (53), 1659

L’école d’architecture de Nantes déménagera en février prochain. Installée sur les friches industrielles de l’île de Nantes, faite de béton, verre et métal, elle domine la Loire.
Par ailleurs, 3 000 contrats d’apprentissage, tous métiers confondus, sont en cours d’étude à Nantes, et lorsque ce travail sera publié, on saura combien d’années un architecte était apprenti, en moyenne, car il semble que la durée soit variable.
Ainsi, à Angers on voit 24 mois, et voici le double à Laval, qui avait aussi la particulirité d’employer le terme d’allouement pour ce contrat. Cette durée de 48 mois, certes longue, s’entend sans doute parce qu’on est en famille, et que la maman, remariée, case son fils chez un proche parent qui va parfaire toute son éducation. Enfin, c’est comme cela que je le vois…
Voici donc un contrat d’apprentissage qui vient enrichir ma petite base de données :

Laval, le château
Laval, le château

Autres cartes postales de Laval, collections privées. Reproduction interdite.

  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives départementales de la Mayenne, série 3E
  • Retranscription de l’acte : Du 8 juillet 1659 avant midy devant nous Jean Marais notaire du comté de Laval et y demeurant ont esté présens et deuement estably Me Jullien Seigneur et Marie Frin sa femme, de luy suffisamment authorisée quant à ce, et François Langlois fils mineur yssu du premier mariage de ladite Frin avec deffunt François Langlois Sr de la Butte d’une part, et Michel Langlois Me architecte d’autre part, demeurantes lesdites partyes audit Laval, entre lesquelles partyes a esté fait l’allouement tel qui ensuit
    c’est à scavoir que ledit Michel Langlois a promis et s’est obligé apprendre et instruire ledit François Langlois audit mestier d’architecte à son possible pendant le temps de 4 années du jour et feste de Magdelaine prochaine et finiront à pareil jour lesdites 4 années finies et révollues
    pendant lequel temps ledit Michel Langlois a promis le nourrir coucher et lever et reblanchir et luy donner tout lantemens honneste et raisonnable qu’un maistre doibt à un apprenty
    lequel temps d’apprentissage ledit François Langlois soubz l’authorité desdits Seigneur et Frin a promis et s’est obligé à ce tenir par corps faire et parfaire sans se desfaire du service dudit Michel Langlois pour quelque occasion que ce soit,
    et en cas d’évasion abvenue mesme de maladie de plus de trois jours de remplir ledit temps d’apprentissage et fin d’icelluy,
    la présente convention faicte moyennant la somme de 100 livres que lesdits Seigneur et Frin sa femme ont promis et se sont obligez bailler et payer scavoir 50 livres d’huy en 6 mois et l’autre moitié un an après les 6 mois expirez,
    et oultre de luy bailler une monstre dont la boiste est d’argent qui estoit audit deffunt la Butte, ou la somme de 20 livres en cas que par l’évenement de procès pour raison d’icelle elle ne demeure auxdits Seigneur et femme, (j’ai compris que la montre était au défunt père de l’apprenti, lequel était manifestement proche parent, voire frère de Michel Langlois, le maître architecte, mais qu’il y avait entre les 2 frères une sombre histoire de montre et de procès à son sujet. Dans tous les cas, on a ainsi le prix d’une montre, soit 20 L, et elle était réservée à cette époque à une élite, ne serait-ce qu’à cause de son prix)
    à la charge par lesdits Seigneur et femme d’entretenir ledit François Langlois d’habits linges et chaussures
    pendant ledit temps de la fidélité duquel et représentation dudit Langlois apprenty en cas d’absence lesdits Seigneur et Frin demeureront responsables mesme des dommages et intérestz faulte de parfaire ledit temps d’apprentissage, ce qu’ils sont respectivement voulu accordé stipullé et consenty …

    fait et passé audit Laval en présence et de l’advis de René et François Langlois oncles dudit mineur, et de Jean Gaudin et Jean Jourdan praticiens demeurant audit Laval, tesmoins à ce requis et appellés.
    Signé de tous, y compris de Marie Frin

    On est dans un milieu cultivé et aisé, parce que la signature de la maman, Marie Frin, est belle, et parce que cette histoire de montre est curieuse. La montre est un objet rare et cher, et il semble bien qu’on puisse lire dans cet acte, certes entre les lignes, que la montre est un héritage qui fait l’objet d’une petite dispute familiale…

    Au sujet des signatures : j’observe le plus souvent que les femmes de notables qui signent, le font avec leur prénom et sans floriture, tandis que les messieurs le font avec l’initiale seulement de leur prénom, et le plus souvent une floriture, enfin les écuyers le font sobrement, avec leur prénom et sans floriture. C’est bien le cas ici de la femme et des messieurs (pas d’écuyer ici, ce sera une autre fois).

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.