Bail à ferme d’une pièce de terre par Pierre Poyet, Segré, 1659

à Courtpivert à Saint-Aubin-du-Pavoil (Archives départementales du Maine-et-Loire, série 5E)

Trouver un acte notarié ne relève d’aucune méthode encore moins de chance, uniquement de longue, très longue patience et persévérance. En effet, nos ancêtres ne fréquentairent pas les notaires selon la même logique que la nôtre actuelle.

Ainsi, un bail est toujours chez un notaire du lieu de résidence du propriétaire. D’ailleurs, le paiement que ce soit en nature ou en argent, est lui aussi toujours au lieu de résidence du propriétaire.

Pierre Poyet est mon ancêtre. Il est arquebusier à Segré, et propriétaire de sa maison, ce que je sais par des successions bien plus tardives, puisque les notaires de Segrés sont tardifs. Ce bail, découvert par hasard à Angers, est un plus pour ses revenus.
Pierre Poyet m’est cher, car c’est l’un de mes premiers travaux de recherches généalogiques autrefois, il y a très longtemps, du temps du papier crayon, du registre original et de la voie postale, bien longtemps avant les microfilms et internet. Or, en ce temps là, un autre généalogiste descendait d’un Pierre Poyet à Segré, et je l’avais contacté par postal. Dans ma lettre j’avais mis tout ce que je savais jusqu’à Pierre Poyet, mais j’avais omis de mettre le métier. Et ce généalogiste m’avait répondu « Madame, sachez que nous ne cousinons certainement pas car moi je descends d’un arquebusier, qui n’est pas n’importe qui ». A cette époque il est vrai, la généalogie était encore quasiement l’exclusivité des familles très en vue, et les autres, moins en vue, en étaient à leurs débuts ! Mais ce jour là, j’ai compris que la loupe mondaine sévissait beaucoup en généalogie.

Voici la retranscription de l’acte : Le 17 février 1659 après midy, par devant nous Françoys Crosnier notaire royal Angers furent présents establiz et duement soubzmis noble homme François Renoul sieur de la Ripvière juge des traites et impositions foraines d’Anjou duché de Beaumont demeurant en cette ville paroisse St Pierre d’une part,
et Pierre Poyet arquebuzier demeurant en la paroisse de la Magdelaine de Segré d’autre part
lesquelz ont fait entreux le bail à ferme qui suit c’est à scavoir que ledit Sr de la Ripvière a baillé et par ces présentes baille audit Poyet ce acceptant audit tiltre pour le temps et espace de 5 années et 5 cueillettes entières et consécutives qui ont commencé dès la Toussaint dernière et finiront à pareil jour scavoir est un morceau de terre appelé le Chastellet vallée de Courpivert, audit Sr de la Ripvière appartenant, sittué en la paroisse St Aubin du Pavoil ainsy qu’il se poursuit et comporte avec ses apartenances et dépendances sans en rien réserver que ledit preneur a dit bien scavoir et cognoistre
à la charge par luy d’en jouir et user durant ledit temps comme un bon père de famille sans y rien malverser, de le tenir en bonne et suffisante réparation de clostures ordinaires, desquelle il est contourné,
ledit bail fait et convenu pour en payer et bailler de ferme par medit preneur audit sieur bailleur en cette ville la somme de 15 livres (cette somme laisse à penser que la pièce de terre est presque l’équivalent d’une moitié de closerie, d’ailleurs ce qui suit et que j’ai graissé confirme cette hypothèse, et cette terre était sans doute en grande partie en châtaigneraie) au terme de Toussaint premier payement commençant à la Toussaint prochaine et à continuer et un bouesseau de chastaignes et deux perdrix aussy par chacun an
ne pourra ledit preneur couper ny esmonder aucun arbre fruitaux marmentaux ne autres par pied branches ne autrement fors les esmondables en temps et saison convenables une fois seulement pendant le présent bail, cédder tout ou portion du présent bail sans le consentement dudit Sr bailleur auquel il fournira a ses frais copie des présentes dans 8 jours prochains …
fait et passé audit Angers en nostre estude présents Me René Moreau et Godier praticiens demeurant audit Angers tesmoings ledit preneur a dit ne scavoir signer

Ce bail est très intéressant, car il illustre le louage (c’est ainsi qu’on appelait le bail à prix ferme) d’une pièce de terre, assez importante surement en superficie, qui n’est pas faite pour être le revenu principal du preneur, seulement un supplément de revenus. Le plus intéressant est qu’il combine le prix ferme (loyer de 15 livres) avec un don en nature (un boisseau de châtaignes et 2 perdrix). Ce qui signifie que Pierre Poyet avait le droit de chasser la perdrix sur cette terre. Certes, fabriquant d’armes, il était bien placé pour en avoir, mais autrefois le droit de chasse était règlementé et réservé au seigneur (j’y reviendra longuement)

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.