Grand’père
Merci de nous avoir transmis ton cahier de guerre 14-18. Il est lu depuis quelques années sur mon site, où il honore la mémoire de votre sacrifice. Lorsque je l’avais tappé, j’ai pénétré dans l’intimité de tes 4 années de tranchée. Certains moments me bouleversaient tellement que je devais m’arrêter pour reprendre force : ainsi lorsque vous recevez des bottes, alors que vous avez déjà passé un an dans la boue et le froid sans bottes etc… Alors seulement je réalisais que vous étiez partis pour quelques jours, alors on n’avait rien fabriqué de chaud !
Reposes en paix et réjouis-toi : ton sacrifice n’a pas été vain. En ce 11 novembre 2009, il n’y a plus de boches depuis longtemps. L’Allemagne est aux côtés de la France pour commémorer l’armistice. On voit souvent à la télé Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ensemble : quelle image de paix ! Car c’est toujours la paix que je vois d’abord lorsqu’ils apparaissent ensemble à l’écran et aussitôt, grand’père, tu es là présent et je te fais partager cet instant de bonheur.
Eh oui ! tout a changé ici ! Toi, tu as connu l’arrivée de l’électricité, la voiture, la bactériologie et l’hygiène, la téléphonie, l’aviation etc…bref, une époque de découvertes, mais aussi de guerres, qui furent au nombre de 3 pour toi.
et depuis, ces inventions ont fait des petits : on reçoit en images les nouvelles sur un écran ! on y voit l’Allemagne et la France s’accolant, se congratulant ! Tu n’aurais même pas osé l’imaginer n’est-ce pas ! Une seule chose n’a pas changé, la grippe arrive encore, comme en 18, et elle est censée nous faire peur.
Eh oui ! tout a changé ici !
Mais moi, ta petite fille, née avant la seconde guerre mondiale, je suis incapable de comprendre bien des changements !
De ton temps, c’était simple :
Nation : réunion d’hommes habitant un même pays et soumis à un même gouvernement et aux mêmes lois. (Dict. Quillet, 1948)
Nationalité : ensemble des caractères qui constituent une nation et la distinguent des autres – Origine ethnique d’un individu (Dict. Quillet, 1948)
Patrie : le pays où l’on est né, ou, plus exactement, où l’on a reçu naissance. La nation dont on fait partie… La patrie est proprement la terre de ses pères, le sol natal où l’on a le souvenir de ses ancêtres… (Dict. Quillet, 1948)
mais maintenant, c’est moins simple. Il y a beaucoup de choses que je suis incapable de comprendre.
L’Europe au début je comprenais et j’y travaillais, ou plutôt, je travaillais à la réconciliation franco-allemande, comme beaucoup d’autres. Puis tout m’a échappé et je n’y comprends plus rien, même en lisant la presse censée la meilleure, ou en achetant des ouvrages censés m’éduquer.
Je suis incapable de comprendre tant de choses là-dedans, à commencer par ma retraite d’Allemagne, passée sous le nez, l’absence de réferendum des Européens lorsqu’il y a referendum dans un pays qui veut entrer, l’interdiction de subventionner les arbres fruitiers de France alors que le soleil d’Espagne est une inégalité, etc… la liste est longue.
Et, le pire, est que je suis totalement incapable de comprendre pourquoi des millions de personnes ont plusieurs nationalités !
Qu’on les accueille, je le comprends. Qu’on leur permette d’accéder à la nationalité française, je le comprends aussi, qu’ils aient des droits en France, cela aussi je le comprends. Mais qu’on leur laisse leur nationalité d’origine, cela je suis totalement incapable de le comprendre, car on leur laisse des droits dans plusieurs pays, en quelque sorte ce sont des sur-citoyens du monde. Il y en a même un franco-allemand, qui se fait élir une fois en Allemagne une fois en France, et se vante de ses droits supérieurs à ceux d’un simple monocitoyen, comme moi !
On ne sait même plus si la France a une identité ! Mail là, j’ai bien compris qu’on ne me demandait pas mon avis, et que les consultations passaient au dessus de moi, alors je le donne ici.
J’ai contribué à l’Europe par les actes de ma vie privée, mais aujourdh’ui je suis perdue.
J’ai contribué à accueillir des étrangers dans ma vie, mais aujourd’hui je suis perdue.
Je suis perdue parce que incapable de comprendre la notion de multinationalité, c’est à dire de multidroits de vote etc… Je peux seulement comprendre que lorsqu’on est accueilli dans un pays on puisse opter pour sa nationalité, en perdant simultanément celle de son pays d’origine, avec faculté de réversion de cette mononationalité à tout moment en abdiquant celle du pays d’accueil.
Ainsi, je comprends qu’on soit un cityoen d’une nation, et une seule, avec une patrie d’origine dans laquelle à tout moment on peut choisir de reprendre la nationalité, en perdant alors celle du pays d’accueil.
Ainsi, il existerait le pays où l’on a choisi momentanément de vivre et d’avoir des droits, avec dans le coeur sa patrie d’origine, dans laquelle on aurait à tout moment le droit de reprendre la nationalité en abdiquant l’autre nationalité.
Sais-tu qu’il y en a même qui ont trois nationalités etc… De cela je m’en étais aperçue il y a quelques années lorsqu’une Canadienne me demanda d’aller au Ministère des Affaires étrangères, alors à Nantes, pour déposer sa demande de la troisième nationalité, française, pour sa fille, car elle y avait le droit, bien que seulement petite fille d’un Français parti vivre au Canada. A ma demande naïve de l’intérêt de cette multinationalité, la réponse est venue directe : les avantages pour l’avenir.
Je n’ai jamais voté à droite droite en France.
Mais puisque je ne comprends rien à rien, je lance ici mon cri d’alarme, car sans doute ferais-je mieux de ne plus voter à l’avenir, puisque tout m’échappe complètement, et puisqu’il y en a qui ont plusieurs droits de vote, et pas moi !
Je suis incapable de comprendre au nom de quoi certains ont plus de droits que moi, puisqu’on m’a éduquée à l’école dans la notion d’égalité.
Je suis incapable de comprendre pourquoi on a tant bafoué la notion de nation et de nationalité !
Je vais ce jour sur la plaque commémorative de Joseph disparu en 1914.
Merci de nous avoir laissé ton témoignage grand’père, merci pour tout ce que tu as fait.
Ta petite fille
Odile
Ceci est mon témoignage personnel de commémoration.
Bravo pour ce billet !
Certains ne considèrent le 11 novembre que comme un jour férié de plus.
Ils oublient le million de morts à la guerre de 14 18.
Il faut garder les jours fériés liés à notre propre histoire. Il font parti de notre patrimoine.
Je viens de lire votre lettre et je pense qu’elle reflète l’incompréhension de beaucoup … Mes racines sont italiennes … Et c’est l’écho de ce que j’ai entendu à la maison qui me revient en mémoire : mon grand-père paternel disait à ses fils : « Je ne retournerai pas en Italie, la France est un paradis … Elle m’a permis de nourrir ma famille … »
Mon père et ma mère ne souhaitaient qu’une chose, s’intégrer !
Ce fut le plus beau des cadeaux fait à nos parents lorsque ma sœur, mon aînée de cinq ans, vit un devoir de français portant sur le compte-rendu d’une visite à une exposition sur le commerce triangulaire, récompensé par une lecture publique en mairie de notre ville de banlieue parisienne.
Je pense que l’école est en partie responsable de ce lourd problème : on a oublié d’enseigner l’Histoire de notre Pays, socle qui nous permettait d’avoir en commun une source vive ! Les grands textes de littérature ne sont plus enseignés … Un simple souvenir, dans ma classe de CM2, je faisais travailler mes élèves sur un passage de Marguerite Yourcenar, « Auteur trop difficile pour ce niveau d’enfants » me dit l’inspecteur assis au fond de ma classe ce jour-là et il fut surpris du résultat à la fin de la séance quand il vit la copie que rendirent mes écoliers !
Amitiés de notre Périgord où je viens d’assister à la cérémonie du 11 novembre dans notre petit village : au pied du monument, aucun enfant … Pourtant là encore, pendant les 20 années où j’ai exercé, j’assistais avec mes élèves de primaire à cette cérémonie pour que l’on n’oublie pas !
Certes mes remarques ne sont pas de la haute teneur intellectuelle que vous manifestez mais …
Merci pour ce billet, très émouvant. Autant que vos retranscriptions, vos commentaires personnels, votre sentiment, donnent du sens à ce blog. Par vos trouvailles, en faisant plonger nos racines toujours plus profond, nous savons mieux d’où nous venons et qui nous sommes ; à défaut de savoir où nous allons …
J’ai encore le droit de me dire « jeune » et l’inculture historique de mes contemporains qui va de pair avec le manque de valeurs m’attristent.
Je pense à nos grand’pères que nous avons à peine connus,
leur mémoire, est ici plus que ravivée pour ce 11 novembre.
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Dans l’édition de ce matin du journal « La Presse » de Montréal, M. Vicent Gautrais publie un article d’opinion : « Je ne porterai pas le coquelicot. Mon grand-père et ses trois frères se sont battus pour rien lors de cette guerre absurde de 1914-1918 ».
Il transmet lui aussi un message à son grand-père qui est revenu gazé de cette guerre et aux trois frères de ce dernier qui y ont perdu la vie pour rien.
Note d’Odile : Bonjour André
J’ai relu plusieurs fois l’article, sans le comprendre.
Je ne peux pas comprendre qu’un publie un article pour dire que la guerre est absurde et inutile, car personne n’a jamais pensé à le contraire, moi la première.
Je ne peux pas comprendre qu’on traite ceux qui commémorent de gens serviles.
Je ne peux pas comprendre qu’on en conclue que ses ancêtre se sont battus pour rien, car si j’ai bien compris ce monsieur, au reste assez jeune, a des ancêtres Français. Je suis de ceux qui se demandent où serait la France et le monde si on avait laissé faire, et en concluent que le sacrifice des Français et de tous ceux qui sont venus à leur secours, a été utile.
Par contre j’ai bien compris que ce monsieur avait des problèmes d’identité nationale, et je suis certaine que beaucoup de Canadiens sont dans ce cas avec la nationalité multiple. J’en conclue que j’ai bien fait d’exprimer mon opinion sur la multinationalité qui me choque. On a selon moi une nation et une patrie d’origine, mais pas deux nations.
Bonjour Odile,
J’ai été très émue par votre blog, mes deux grands-pères, le frère d’une mes grands-mères l’on faite 1 est mort et le 2ème est revenu amputé, c’est à ces familles dont la vie a été bouleversée que je pense. Je suis d’accord avec vos écrits mais je crois aussi que c’est aux parents d’amener les enfants visiter tous ces lieux ou cela c’est déroulé pour qu’ils prennent la mesure de ces tragédies. Mes parents nous ont fait vister les plages, musées et cimetières du débarquement, j’avais 14 ans et là j’ai vu l’age des ses jeunes soldats qui avaient seulement qq années de plus pour moi et cela m’a marquée à jamais, ce n’était plus pour des histoires que mon père et mon grans-père se racontaient, la c’était bien réel. Bravo pour votre blog