Mémoire d’Avent, l’oeuvre clandestine d’un Angevin à Saint-Julien-de-Concelles 1794-1802 : René Lemesle – chapitre 10 : pertes de mémoire

(C) Editions Odile HALBERT
ISBN 2-9504443-1-8

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Chapitre X

  • PERTES DE MEMOIRE
  • Ma rive est de silence
    mes mains sont de feuillage
    ma mémoire est d’oubli.
    Jean Tardieu

    « J’ai la mémoire qui flanche, je ne me souviens plus très bien… »

    chante notre Barbara nantaise. Ce que Barbara ose avouer, est-ce si rare ? Barbara chante ses amours et ce qu’elle a oublié avec autant de négligence poétique, les jeunes mariés clandestins de la période révolutionnaire ne l’oublaient pas aussi facilement. Ils n’avaient qu’un seul amour, ce qui est plus facile à retenir. Et puis cela avait été une fameuse fête, tout le monde se souvient des noces ! Tout le monde ? Voyons un peu ce qu’il en est.

  • La mémoire des noces
  • Lors de l’enregistrement civil (voir chapitre Mémoire d’Avent), une partie des couples cite la date de mariage religieux. Cette date religieuse se retrouve dans tous le registre de l’An IV, inexistant aux Archives Départementales, commecé par Crouëzaud. La formule utilisée est la suivante :

    … lesquels ont déclaré être mariés ensemble le … et n’avoir pu faire enregistrer leur mariage dans le temps faute de registre civil… (AC de Saint Julien, registre de mariage An IV)

    Admirable formule, car l’acte ne contient aucune formule de mariage, uniquement cette formule d’enregistrement. On n’est donc pas surpris de ne pas trouver aux Archives Départementales de grosse d’un document si peu conforme aux directives officielles : on s’était arrangé pour régulariser les papiers des concitoyens sur place et on avait évité d’acheminer aux greffes la copie. La municipalité complaisante de Saint Julien s’est montré on ne peut plus compréhensive pour cette régularisation. Alors d’où vient que malgré cette compréhension, tous les Concellois n’aient pas été se faire enregistrer ? Ils sont venus nombreux mais pas tous cependant.
    La date de leurs noces religieuses figure dans cet enregistrement et permet de mesurer leur mémoire des dates. Les enregistrements s’effectuent en moyenne 28 mois après la cérémonie religieuse, avec des extrêmes allant de 1 à 4 ans. Ce délai est donc très court, et on peut supposer que les dates citées vont être exactes. Ceci est vrai pour 23 des 52 couples. Les autres ont oublié. A leur décharge cependant, il faut mentionner l’utilisation dans une partie de ce registre du calendrier révolutionnaire. Les dates de leur mariage religieux étaient donc données oralement, puis transcrites en calendrier révolutionnaire par l’agent municipal. On constate alors, comme je l’ai relevé dans les commmunes voisines (16,18), des erreurs spectaculaires, dont la plus fréquente est l’erreur d’année. Donc, pour 4 des couples enregistrés civilement en l’An IV, il y a une erreur d’un an et quelques jours. Mais ou cela se complique singulièrement, c’est que l’agent municipal se trompe 2 fois pour l’année précédente, et 2 fois pour l’année suivante. Il réussissait tout de même à viser quelquefois l’année juste, puisqu’il la donne dans 10 cas. Il n’en reste pas moins qu’il se trompe dans 4 cas ur 14, ce qui est un taux d’erreur relativement élevé. Il n’était pas le seul et ses collèges des communes voisines n’étaient pas plus experts en maniement rétroactif du calendrier révolutionnaire.
    Les autres couples n’avaient aucune excuse pour se tromper, et pourtant ils se trompent de quelques jours à mois près, avant comme après. Les mémoires les plus courtes peuvent être attribuées aux couples déclarant leur mariage religieux 18 mois après avec erreur de 20 jours avant, 14 mois après avec erreur de 9 jours avant, 3 ans et 11 mois après avec erreur de 30 jours après, 3 ans et 4 mois après avec erreur de 22 jours après.
    « la mémoire flanche… » pour les événements heureux, que penser de cette mémoire quand il s’agit de témoigner de dates de décès de proches. Elle n’était pas brillante au Loroux 3 ans après les massacres (16). Oublieuse mémoire !

  • La tradition orale
  • Dès 1797, soit 3 ans après le passage des colonnes infernales, les témoignages recueillis sur place concernant les victimes étaient entachés de « troubles de mémoire » (16,18). La fiabilité des témoignages, y compris des témoignages aussi récents que ceux de 1797, pose un problème difficile à aborder vis à vis des familles de descendants toujours sur place. Depuis 2 siècles, l’état d’esprit des traditions orales familiales et locales est tel que l’a si bien résumé l’abbé Guibert curé du Loroux au début du XXème siècle dans sa chronique manuscrite des méfaits des colonnes infernales au Loroux-Bottereau en 1794 :

    Le sang versé par une famille contresigne l’honneur qu’a eu quelque membre de cette famille de lutter de souffrir ou de mourir pour la religion catholique (44).

    La notion d’honneur a incité certaines familles dépourvues de victimes à transformer des morts naturelles en morts violentes. Ce glissement de la vérité était d’autant plus facile à opérer que des oreilles complaisantes s’y prêtaient. L’honneur n’est pas seul en cause. La mémoire humaine a également ses limites comme le relevé des mariages civils permet de le quantifier (voir ci-dessus).
    Enfin, les familles étaient géographiquement éclatées c’est à dire dispersées au moment des faits. Il est donc fréquent de retrouver des survivants inattendus. On aurait pu s’attendre à voir les familles périr ensemble, mais il n’en est rien.
    Les exemples ci-après illustrent trois types de dérive de la mémoire :

      extension familiale du titre de victime : ici du mari à la femme
      faux-témoignage pour rendre service
      transfert ulitérieur de victime d’une paroisse à l’autre
  • Perrine Giraud veuve de Laurent Dagondeau
  • Laurent Dagondeau, laboureur au Chohuet au Loroux-Bottereau, avait épousé à la Chapelle Heulin le 17.7.1781 Perrine Giraud. Le 8 mars 1794, Laurent alors « agé de 42 ans, barricade sa maison, mais la porte est enfoncée, le malheureux sabré, la maison incendiée et le blessé est rejeté au milieu des flammes » (17). Sa femme est vivante, ainsi que 2 des enfants du couple âgés respectivement de 11 et 6 ans. Le couple, comme la plupart des couples ayant subi les colonnes infernales, est géographiquement dispersé au moment des faits. Laurent a t-il envoyé Perrine se cacher derrière une haye avec les 2 enfants, ou bien les a-t-il envoyé se réfugier sur l’Ile du Recoin avec la majorité des habitants, ou bien dans de la famille à la Chapelle-Heulin ? Laurent aura défendu son maigre bien seul jusqu’à la mort, en ayant eu soin d’éloigner sa famille. Toujours est-il que Perrine n’est pas morte br–lée avec lui comme l’indique une liste privée.

    La veuve a 2 jeunes enfants à élever, qui se marieront respectivement en 1804 à la Chapelle-Heulin et en 1807 au Loroux-Bottereau. Pour les élever, elle se remarie pendant la guerre civile avec René Feillastre, lui-même veuf d’Anne Guillou massacrée le 15.3.1794 avec 2 de ses enfants, et père de 2 autres enfants survivants. Le nouveau couple vit à la Bazillière où René s’était installé vers les années 1781, toujours au Loroux-Bottereau. Ils font baptiser clandestinement au Loroux un fils le 2.11.1799 mais né le 24.9.1799 et déclaré issu de leur
    mariage légitime, selon la formule utilisée lorsqu’il y avait un mariage religieux valide. Or, aucun mariage catholique ne figure dans le registre clandestin du Loroux-Bottereau qui est pourtant très volumineux. Puis le couple fait baptiser en 1801 un second enfant, toujours déclaré issu de leur légitime mariage. Seul le mariage civil figure aux archives communales du Loroux, le 11.11.1798, et il était impensable qu’il n’exista pas un mariage religieux avant
    les baptêmes, mais où ?
    La Bazillière est située à plus de 6 km au sud-est de la ville du Loroux et le Chohuet à 3,3 km à l’est-sud-est. Les liens paternels et beau-paternels de Perrine Giraud étaient essentiellement chapelains. Ceux de René Feillastre résolument lorousains. En l’absence de registre clandestin à la Chapelle-Heulin, on pouvait donc supposer qu’il y avait eu effectivement un mariage religieux clandestin lors des passages occasionnels de Marchand sur cette paroisse et qu’aucune trace écrite ne nous est parvenue. Cette hypothèse de travail est ainsi valable pour bon nombre de familles qui montrent des actes religieux « manquants », c’est à dire dont l’absence dans le registre clandestin de leur paroisse ne peut religieusement s’expliquer.
    Le dépouillement des registres clandestins voisins de la paroisse du Loroux s’avérait donc nécessaire pour reconstituer le « puzzle » incomplet des actes religieux dans certaines familles. Ce travail de fourmies confirme l’hypothèse selon laquelle les actes manquants ont existé. On retrouve dans les registres voisins une partie des actes manquants au Loroux. Ainsi, Perrine Giraud et Renée Feillastre sont religieusement unis le 12.11.1798 par René Lesmele, soit 1 jour après le mariage civil. Les distances et les liens familiaux n’expliquent pas comment ce couple a été uni aussi loin, c’est à dire à 8 km de la Bazillière. Peut-on considérer avec notre mesure pédestre d’aujourd’hui, que la distance de 8 km est grande ? René, né en 1746, donc âgé de 52 ans à son remariage, avait donc eu connaissance de la présence de René Lemesle à travers d’autres liens que familiaux. Liens de galerne ? Toujours est-il que le couple n’avait aucune attache familiale directe à Saint Julien.
    Quant à Perrine, elle est décédée le 7.10.1826, non sans avoir quelques petits enfants auparavant, et elle n’a pas br–lé en 1794. Si le couple avait brulé ensemble, on imagine mal comment les personnes qui ont déclaré la mort de l’époux, Laurent, sans doute parce qu’elles en avaient trouvé le corps calciné dans sa maison, n’auraient pas retrouvé le second corps calciné et n’auraient pas déclaré l’épouse en même temps. C’est donc C. Massonnet, dans le registre clandestin du Loroux-Bottereau, qui a correctement relevé le témoignage du massacre de son époux « massacré et br–lé » le 8 mars. A contrario, le fait que C.
    Massonnet n’a pu noté d’autres actes concernant la famille de Laurent Dagondeau, montre que les témoins de l’époque ne connaissaient pas d’autres violences dans la famille. Ceci ne signifie pas qu’il n’y avait pas d’autres violences, mais qu’aucune autre violence connue avec certitude n’était à leur connaissance à la date de Juillet 1794, date du relevé de Massonnet.
    De ce qui précède découle une seconde hypothèse : le degré d’exhaustivité du relevé de C. Massonnet dépend du degré des connaissances des témoins à la date de Juillet 1794. Les « témoins » devaient avoir vu et identifié leurs morts, ce qui excluait les témoignages des soldats morts sans témoins, et probablement de quelques massacrés non identifiés, encore que mon étude en cours montre que l’identification fût assez complète, même lorsque les victimes étaient tombées sur une paroisse voisine, à plusieurs kilomêtres de leur domicile. Le témoignage occulaire suppose en effet que les corps soient retrouvés et identifiés, mais il faut tempérer la difficulté, par l’extraordinaire connaissance que les gens des villages voisins avaient à l’époque les uns des autres. Ils étaient capables, non seulement d’identifier avec une bonne fiabilité un habitant d’un village voisin, mais aussi de donner oralement sa filiation, et même ses premiers mariages dans le cas ces veuvages multiples, sans introduire beaucoup d’erreurs.
    Malgré l’éclatement familial et géographique des victimes, qui est important, on a pu identifier les 600 victimes relevées par Massonnet éclatées dans un si grand nombre de familles, qu’on peut prendre la mesure du terme « honneur » :
    presque chaque famille a sa victime. La dispersion géographique des membes d’une même famille au moment du passage des colonnes de Cordellier, a permis aux familles de ne pas être totalement massacrées : aucune ne disparaît et il y a toujours au moins un survivant dans une fratrie. Par contre, la plupart des familles ont eu « une victime » au moins, et peu de familles n’ont eu aucune victime.
    L’étude de la vie à travers la population lorousaine, c’est à dire le suivi systématique des vivants à travers toutes les sources disponibles, permet de faire de nombreux recoupements entres les dites sources. C’est ce recoupement qui permet d’infirmer certains témoignages. Il a permit de ramener le chiffre maximum de victimes à un chiffre plus proche de la vérité. Ce chiffre est dès à présent très inférieur à 1000 pour la paroisse du Loroux-Bottereau dans ses frontières de 1789. Il évolue chaque année, en diminuant, au fur et à mesure que je retrouve les traces fiables des vivants.

  • René Hamon
  • René Hamon, né à Oudon en 1759, avait épousé au Loroux-Bottereau le 13.8.1787 Françoise Pallussière, qui lui donne une première fille le 1.5.1789. Le couple fait ensuite baptiser clandestinement en 1796 au Loroux une fille prénomée Renée, puis le 4.11.1798 un fils prénomé René né le 22.1.1798. Ils font enregistrer la naissance de leur fils à l’état-civil en déclarant la même date de naissance, ce qui n’allait pas toujours de soi pour bien des couples, pour lequels la mémoire des dates de naissance est aussi fiable que celle de leur jour de mariage (cf ci
    dessus).
    Le jeune René perd sa mère le 21.9.1800 (EC,AC du Loroux-Bottereau), puis son père le 2.9.1801 (EC, AC du Loroux-Bottereau). Il est orphelin à 3 ans, et élevé probablement par des cousins éloignés vivants à Saint Julien de Concelles, car il n’a pas d’oncles ou de tantes. Devenu adulte, il épouse à Saint Julien de Concelles le 9.8.1822 la concelloise Jeanne Vilaine. Il lui faut des papiers pour se marier, or la plus grande confusion règne dans son entourage : on ne sait plus très bien quand sa mère est décédée et on n’a même pas idée d’aller demander à la mairie du Loroux de regarder en 1800, ou bien on a demandé à Saint Julien de Concelles par erreur, et cette mairie n’avait rien et pour cause. A moins que le désordre règnant dans toutes les communes au niveau de l’état-civil fût tel que la mairie du Loroux n’était plus en mesure de retrouver l’acte. Cette hypothèse, n’est pas à exclure dans un certain nombre de cas, même si elle semble génante.
    Qu’à cela ne tienne, René va faire faire un papier de remplacement, car la mairie lui a indiqué avec complaisance la méthode à suivre pour obtenir un certificat de
    notoriété. Il lui suffit de trouver 2 témoins prêts à jurer la vérité. Or, il y a belle lurette que les « témoins » ne sont plus occulaires et que toute la population jure n’importe quoi allègrement, maire en tête comme à Clisson (18). Belle occasion pour ces « témoins » de rendre service aux proches, mais surtout de dire n’importe quoi à l’administration boudée.
    Et on se moque tellement de jurer n’importe quoi à cette date, que tout le monde en oubli les moindres règles de bon sens : les témoins comme les greffiers qui enregistrent la déclaration, comme les employés de l’état-civil notant le mariage.
    C’est ainsi que personne n’a remarqué qu’un fils né en 1798 avait perdu sa mère « au début de l’année 1791 », et cette année est écrite en lettres, donc n’est pas une erreur de lecture de ma part ou d’écriture à l’époque.

  • Julien Courgeau
  • Julien Courgeau a épousé à Saint Julien de Concelles en 1798 Renée Fleurance, qui lui fait ensuite quelques enfants. Renée Fleurance fait inhumer en 1796 une fille de 3 ans, mais le père n’est pas là, et elle est assistée de ses beaux-frères. Le 28 ventose an V Renée va déclarer à la mairie de Saint Julien de Concelles que son époux a été tué le 15.10.1793 dans les pat–res de cette commune
    près le village des 3 cheminées (EC, AC). Puisque Renée est une pratique de René Lemesle, car elle se manifeste aussi comme marraine chez ses beaux-frères, on remarque que le prêtre n’a pas voulu noter les déclarations a posteriori (cf chapître 6 la mort).
    Mais il reste à Renée un fils né en 1792 qu’elle va élever seule sans se remarier. Devenu adulte, ce fils se marie au Loroux-Bottereau le 19.10.1812 avec la Lorousaine Perrine Clément de 9 ans son aŒnée et s’installe au Loroux. Le jeune couple recueille Renée qui les aide à la Haye Chausse.
    Pierre Clément, la père de la jeune femme qui est devenue la brue de Renée, vit aux Perrines à 3 km du jeune couple, et vient parfois. Ensemble les deux anciens évoquent cette période noire durant laquelle Pierre trouva sa femme massacrée le 17.3.1794 et Renée son époux tué en 1793. Et Renée devenue Lorousaine d’adoption, parlera tant de son époux qu’il époux figurera bientôt dans une liste privée de victimes alors qu’il était Concellois au moment de la
    guerre civile.
    Julien Courgeau illustre les difficultés à établir un martyrologe car la question de savoir qui habitait le territoire concerné au moment des faits est délicate. Il existe une forte probabilité pour qu’il ait été victime, mais sa famille a quitté Saint Julien de Concelles et la tradition orale qu’elle perpétue s’entend au Loroux.
    Pour éliminer de telles sources d’erreurs, le dépouillement exhaustif des registres clandestins est extraordinairement utile. Un registre clandestin est le document le plus fiable de la période révolutionnaire, et il permet de dire qui était présent, c’est à dire bien vivant, à telle date à tel endroit. Grâce au dépouillement exhaustif du registre de René Lemesle, on peut compléter la fiche de Julien Courgeau et constater qu’il n’était jamais présent alors que sa femme l’est à plusieurs reprises, donc qu’il était probablement décédé avant. Le registre clandestin n’infirme pas les déclarations ultérieures.

  • La fiabilité des documents
  • La fiabilité des documents est la clef de toute étude quantitative. Or, la fiabilité des témoignages, sur lesquels les documents a posteriori sont basés, fait défaut la plupart du temps (16,18). Une sous-estimation de son impact a entraîné des erreurs de chiffrage et entretenu depuis 2 siècles dans les 2 camps les débats entre partisans du « toujours plus » et partisans du « toujours moins ».
    Le souvenir de la guerre civile est entretenu de nos jours par plusieurs associations. Elles jouent un rôle déterminant dans l’entretien de la mémoire (22). Les instruments archivistiques utilisés en partie par ces associations pour étayer leurs publications sont des documents écrits de 1797 à 1830, c’est à dire les sources auxquelles la fiabilité fait plus ou moins défaut (16,18). Ces sources se basent sur le recueil de témoignages et attribuent à la notion de témoin une importance qu’elle na pas eu en réalité.
    Il était facile d’être témoin pour rendre service à un voisin : pour toucher une pension, pour avoir une certificat de décès etc… Ces témoignages sont d’autant plus nombreux que la complaisance des personnes les recueillant les favorisait localement.
    Le mouvement du souvenir, s’il est justifié globalement, ne se justifie pas au niveau des individus car les listes nominatives basées sur de tels témoignages comportent de quelques « fausses victimes ». Les témoignages sont d’autant plus erronés que la pression du groupe social environnant est forte. Ils le sont également en fonction des attitudes locales vis à vis de ces témoignages : on observe déjà une différence entre Saint Julien et Le Loroux. Enfin ils sont
    d’autant plus erronés que le temps passe.

    L’étude en cours sur la population lorousaine quantifiera le degré de fiabilité de chaque type de source pour cette paroisse, en donnant nominativement les recoupements impossibles. Les recoupements impossibles sont ceux pour lesquelles la mafestation de la vie, c’est à dire de la « non-mort », est fiable : ainsi, un mariage postérieur, un décès ultérieur ou antérieur, une présence dans un registre clandestin même au titre de parrain ou marraine, etc…, avec filiation donnée par le prêtre.
    Dans le cas des registres clandestins, la vie est présente sous une forme précise et le prêtre n’a pas vu des « fantômes » : on ne lui mentait pas, car cela aurait été mentir à Dieu. On vivait un temps fort, dans lequel la population se serrait et s’entraidait. On n’avait rien à gagner et sans doute tout à perdre et pourtant on déclinait courageusement ses noms et filiations.. On signait même quand on savait.
    La publication des recoupements impossibles, c’est à dire des « non-morts » pose un problème moral qui ne m’échappe pas. Pourquoi venir détruire dans certaines familles ce qui est si bien entretenu depuis 2 siècles. En ai-je même le droit ?
    Je ne m’en sentais pas le droit moral, bien que j’en ai le droit juridiquement parlant. Je ne m’en sentais pas plus le devoir. J’ai bien dit « je ne m’en sentais pas », car depuis j’ai d– changer d’avis. L’un des mouvements du souvenir, par la voie de son président, m’a mise en demeure d’apporter les preuves des résultats
    de mes travaux. Je regrette cette attitude fermée, car j’aurais personnellement souhaitée ne pas faire de nominatif pouvant semer le trouble dans certaines familles toujours en place. J’avais donc na‹vement « suggéré » à cette association de revoir ses chiffres à la baisse dans ses exposés et publications etc… La réponse m’a fait prendre conscience que pour être crue il fallait malheureusement que je donne les éléments nominatifs.
    Quand on songe que 2 siècles après la guerre civile il peut encore exister autant de passions autour des victimes ou non victimes, on peut être attéré à l’idée que prochainement les archives de la seconde guerre mondiale seront communicables. Quelles passions nominatives ne vont-elles pas déchainer ?
    Pour la guerre civile qui nous occupe, un premier cas nominatif a été publié cette année (16). Le présent ouvrage contient quelques cas qui ont ceci de remarquable qu’ils concernent Saint Julien de Concelles autant que le Loroux-Bottereau. Mes travaux ne portent que sur le Loroux, et c’est uniquement pour reconstituer entièrement les familles lorousaines que je suis amenée à survoler les communes voisines comme le présent ouvrage le fait pour Saint Julien. Même sans avoir reconstituées les familles de Saint Julien, on peut trouver des recoupements erronés. Il n’est pas nécessaire de mener un travail extraordinaire pour en trouver. Il suffit d’un peu d’analyse critique et de curiosité.
    Chaque cas de recoupement impossible peut s’expliquer d’une façon différente, encore que certains cas peuvent être regroupés par catégories. Ces erreurs ne sont pas là pour diminuer l’honneur des populations, mais leur rectification permet de quantifier les victimes sur des bases sérieuses. L’étude de démographie historique du Loroux-Bottereau avait, et a toujours, pour objectif de dénombrer les vivants afin de déterminer le nombre maximal de victimes potentielles par différence. Parallèlement, l’étude permet de déterminer un nombre minimal. La zone intermédiaire, dite d’incertitude, est de plus en plus réduite et je suis moi-même surprise de constater que l’on peut mener à bien ce travail en balayant les paroisses voisines et en comptant sur les solidarités généalogiques.
    Les martyrologes sont des documents piégés, mais ils sont aussi les plus crus.
    D’où vient la crédibilité aveugle que manifestent nos contemporains ? Deux siècles après les faits, les familles aiment compter un martyr, ou plusieurs, parmi leurs ancêtres. Sans aller, comme il n’est pas rare encore de nos jours, jusqu’à chercher à tout prix cette victime, quitte à glisser sur certaines incomptabilités ou homonymies, combien de descendants de vendéens aimeraient de nos jours s’entendrent dire que leur prétendue victime n’en est pas une ? Peu, à en juger par les lettres d’insultes qui me parviennent lorsque je rectifie à l’aide de données parfaitement controlables, une tradition orale erronée. Ce n’est pas une raison pour cesser la recontitution des familles lorousaines, puisqu’elle débouche sur quelques rectifications de témoignages visant l’honneur des familles ?
    Je rends ici personnellement hommage à ceux qui ont le courage de reconnaître que leur ancêtre n’est pas la victime figurant dans tel martyrologe, mais qu’il est décédé à telle date ultérieure après avoir vécu des jours paisibles.
    Malheureusement ces personnes éprises de vérité pure sont rares, surtout au prix de perdre un ancêtre victime.
    On tient collectivment ou individuellement à « toujours plus » de victimes. En déposant récemment un relevé informatisé de la période révolutionnaire et en expliquant oralement dans quel contexte j’avais fait ce travail, je m’entendis dire :
    -Alors, il y a eu plus de victimes qu’à … ?
    On attendait de moi un chiffre énorme pour être fier de sa commune. Combien de temps la question se posera-t-elle encore ainsi ? « Toujours plus » appartient à Mr de Closets et sans prétendre à « toujours moins », j’ose croire que la Vendée sortirait grandie de la vérité.
    Car la vérité est terrible, même si le nombre de victimes n’est pas si élevé que le prétende certains, il est suffisamment élevé. Les erreurs relevées dans les témoignages ne concernent qu’une petite partie des listes de victimes. Elles n’en diminuent en aucun cas le nombre, car un phénomène de compensation apparaît avec des vraies victimes non identifiées à ce jour dans les relevés existants. Car Il y a des familles qui ne se sont jamais vantées et qui ont pourtant de vraies victimes non recensées par faute de témoignage ou de déménagement de la paroisse.

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    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Discussion autorisée sur ce blog.

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    Mémoire d’Avent, l’oeuvre clandestine d’un Angevin à Saint-Julien-de-Concelles 1794-1802 : René Lemesle – chapitre 9 : les réseaux Concellois

    (C) Editions Odile HALBERT
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  • CHAPITRE IX
  • LES RESEAUX CONCELLOIS
  • La confrérie du Rosaire
  • Avant la Révolution, iIl existait à Saint Julien de Concelles une confrérie du Rosaire . Instituée an 1637, elle avait son autel, dit « autel Notre-Dame » dans l’église paroissiale (11, p. 54). On a sa trace jusqu’en 1683, et sa présence avant 1789 est attestée en 1824 dans le registre de comptes de cette confrèrie détenu à la cure:

    Cette confrairie paraît avoir existé de tous temps dans notre église paroissiale. C’est du moins ce que nous attestent plusieurs personnes échappées à la révolution française, qui dès avant cette époque désastreuse en suivirent tous les exercices, de plus une chapelle dédiée à la très Sainte Vierge est connue sous le nom de chapelle du Rosaire.
    Cet usage de faire tous les premiers dimanches du mois, après les vêpres, une procession autour de l’église en portant la statue de la Sainte Vierge et en chantant des litanies. Le grand nombre de personnes que notre prédecesseur Mr Livinic a reçues pour confrères et consoeurs nous prouvent que cette pieuse association avait été canoniquement érigée dans cette paroisse avant la révolution (Registre de comptes de la confrérie du Rosaire, presbytère de Saint Julien de Concelles).

    Il n’y a pas de registre de comptes de la confrérie antérieur à 1824, et le registre de paroisse postrévolutionnaire a disparu depuis 1980, date à laquelle il avait servi à Marcel Launay pour sa thèse d’état  » le Diocèse de Nantes sous le second empire » (41). Les renseignements sont donc très fragmentaires.
    Bien que la seule trace qui subsiste soit tardive, puisque datant seulement de 1824, on peut accorder à ce registre de comptes une certaine fiabilité pour 2 raisons. Les confréries ne sont pas instituées facilement. Le témoignage est une affaire religieuse et on mentait moins à Dieu qu’aux hommmes (voir chapitre pertes de mémoire). On peut accorder à ce témoignage d’existence prévolutionnaire un préjugé favorable.
    Les confréries, officiellement dissoutes le 09.05.1760 par un Arrêt du Parlement de Paris, sont actives à la veille de la Révolution.Le décret du 18.8.1792 décide à nouveau leur extinction.
    Les études relatives aux confréries avant, pendant et après la Révolution, s’accordent à reconnaître leur rôle dans de nombreux cas pendant la Révolution en tant que réseau. Louis Châtellier observe une continuité entre l’avant et l’après révolution :

    Ainsi, les confréries contribuent-elles à constituer entres les XVIIIe et XIXe siècles, aussi bien dans les villes que dans les villages, de véritables réseaux d’autant plus résistants que leurs liens avec les familles en place sont étroits et quasi consubstantiels. Dans ces réseaux qu’il conviendrait d’étudier attentivement se trouve peut-être une des raisons de la résistance de groupes de populations aux mesures révolutionnaires ou même seulement inspirées par les « Lumieres »… Les confrères rompus de longue date, aux pratiques des assemblées non seulement ne se trouvent pas seulement dépaysés dans les sociétés qui surgissent dans les villes au début de la Révolution mais doivent même bénéficier d’une sérieuse avance sur ceux qui ne n’ont pas été à semblable école… Derrière les manifestations parfois contradictoires de sympathie ou d’hostilité envers la Révolution il y a une consitution de groupes actifs de catholiques qui par le moyen de réseaux familiaux agissent sur la société catholique dans son ensemble.(42)

    Comment la confrérie du Rosaire s’est-elle mise en place à Saint-Julien de Concelles en 1824 ? La constitution d’une confrérie exige normalement l’approbation des status par l’évêque. Or, le registre de 1824 ne mentionne pas une telle démarche, mais lasse supposer un était de droit (voir l’extrait suivant)
    Le processus qui s’est déroulé à Saint-Julien a été observé dans diffirentes études sur les confréries. Ains, Bernard Montagnes pour sa part a distingué plusieurs cas de reconstitution des confréries du Rosaire après la Révolution, dont le cas des confréries jadis établies, où le clergé a considéré que le Rosaire subsistait de droit, bien que suspendu durant une dizaine d’années. Ainsi, à Toulouse, Paris, Marseille… (44)
    Mathurin Livinic succèda directement à René Lemesle à Saint Julien de Concelles. Dès lors qu’il a admis des confrères et consoeurs, c’est que la confrèrie ne s’estimait pas dissoute et avait une activité. Mathurin Livinic ne l’ayant pas « crée », elle existait donc clandestinement sous forme d’un réseau organisé à Saint Julien pendant la guerre civile. Il est difficile d’extraire des noms des documents existants, puisque les livres de comptes ne donnent que des listes de confrères et consoeurs désignés uniquement par leur patronyme et leur prénom. Les risques d’homonymie sont fréquents pour un certain nombre d’entre eux.
    Cette difficulté est soulevée par Daniel Moulinet qui étudia les registres de Gannat et Varennes dans l’Allier (43). Par ailleurs le cahier existant donne seulement une première liste en 1824, soit plus d’une génération après la Révolution.
    Le nombre de concellois présents dans les actes du registre clandestin est si élevé qu’il touche pratiquement toute la population adulte, à ceci près que ce sont les hommes qui y sont majoritairement représentés, puisque les prêtres ne citent jamais les femmes comme témoins à un mariage. Le seul acte où les femmes tiennent un rôle accepté est le baptême lorsqu’elles sont marraines. Cette forte présence masculine dans les 411 mariages unis à Saint Julien de Concelles entre 1794 et 1802 tranche avec l’opinion généralement répandue selon laquelle les messes clandestines étaient des assemblées de femmes. Les personnes citées dans les 411 mariages de Saint Julien touchent plus de 1500 hommes compte tenu des homonymes et doublons pour ceux qui ont assisté à plusieurs mariages.
    Il est impossible de retrouver l’identité des confrères à travers le registre clandestin, car les personnes citées sont d’une part très nombreuses, d’autre part citées à plusieurs reprises.

  • Le heurt entre deux réseaux
  • Lorsque la fabrique se remet à fonctionner, elle collecte les fonds nécessaires à assurer les moyens de subsistance du clergé. L’abbé Petard nous révèle un curieux incident après la première collecte (voir p.18). Pourquoi cet indicent ?
    Si le système collecteur de Gautron n’est pas destiné à René Lemesle, c’est que Gautron n’a pas eu l’habitude de lui remettre des dons de ce type, sinon il aurait continuer à les lui donner. Les moyens de subsistance de René Lemesle provenaient par conséquent d’autres sources que la fabrique : protection financière de quelques personnes aisées, et dons en nature.
    Il aurait ainsi été protégé par un réseau de quelques personnes et ce réseau n’est pas la fabrique. Pierre-Marie Phelippes de la Richardière ?
    L’incident de la collecte de 1800 par Gautron met cete dualité en relife. La fabrique, avec Gautron, s’est effacée en octobre 1794. D’ailleurs, le registre à cette date, laisse présumer que Sévère Bertaudeau opère sous la protection de Gautron.
    Puis, intervient souvent Pierre-Marie Phelippes, qui habite à la Richardière au bourg, et René Lemesle dit précisément souvent la messe dans les greniers de la Richardière (11). Il était dans la division de Lyrot et avait réussi à franchir la Loire en décembre 1793 pour rentrer à Saint-Julien. Il connaît René Lemesle.
    Pierre-Marie Phelippes est présent dans les premiers actes concellois de René Lemesle : peut-on en conclure qu’il a attiré le prêtre à Saint-Julien ?

  • Les liens personnels
  • Les liens familiaux et la solidarité villageoise sont forts. Ils ont créé le tissu géographique indispensable à la localisation permanente du prêtre. On constate que le délai de baptême est resté court (voir chapitre la vie) et que par conséquent la population pouvait localiser à tout moment le prêtre.
    Les psychologues qui étudient de nos jours les réseaux de communication distinguent 3 formes de réseau.

    Le réseau en étoile est le réseau le plus simple. Il permet de couvrir tout le territoire, ce qui le rend plus efficace. On ne communique par seulement oralement, et les signaux divers ont existé. Ceux des moulins sont restés célèbres, à tort paraît-il. Mais il existe une multitude de petits moyens, comme dans un jeu de piste : un baton planté dans telle direction à telle croisée de chemins, etc…
    Le type de réseau affecte le comportement des participants : dans le cas qui nous occupe, il a une influence sur la pratique religieuse clandestine. La création du réseau concellois n’a probablement pas été spontanée, car les confrères possédaient manifestement un reste de structure. Le réseau s’est donc structuré à partir des confrère, et en forme d’étoile. Le nombre de villages est d’environ 140, dont 20 à 25 se distinguent par leur importance. Le réseau en étoile n’a pas eu 140 branches, pas même probablement 25. Chaque branche était un relai de communication qui devenait lui-même le centre d’une nouvelle étoile.
    Dans le cas du réseau clandestin, la position A n’est pas fixe, puisque le prêtre doit changer de cachette pour échapper aux poursuites. On peut donc supposer que B, C, D, etc… sont périodiquement en position A. Il y a probablement eu à Saint-Julien un réseau en étoiles dont le centre se déplaçait. Il permettait de couvrir tout le territoire de la paroisse.

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    Mémoire d’Avent, l’oeuvre clandestine d’un Angevin à Saint-Julien-de-Concelles 1794-1802 : René Lemesle – chapitre 8 : Concellois et non-Concellois

    (C) Editions Odile HALBERT
    ISBN 2-9504443-1-8

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    Chapitre VII

  • CONCELLOIS OU NON
  • Les 554 hommes Concellois devenus pères de 1794 à 1902
  • Les hommes suivants sont uniquement les pères d’enfants baptisés : Les villages disparus sont portés avec une astérisque.

    les Amourettes : Joseph Luzet
    l’Anglessort : André Babin, Jean Bertaud, Pierre Biri, Laurent Guillou, Pierre Jouis, Jean Merceron, Louis Pinaud, René Pinaud, Pierre Robineau, Joseph Sauvestre, Jean Sourisse, Mathurin Vezin, Louis Viau
    l’Armeil : René Joubert, Jean Lainé
    l’Armurerie
    l’Arthaudière : Jean Jamin
    l’Aubinière : Mathurin Beranger, François Brelet, René Galon, René Joubert, Guillaume Vilaine
    la Bassettrie : Julien Courgeau, René Potinière
    la Batardrie
    Beauvais : Pierre Esseul, Nicolas Lallier
    Beigne Cul
    Bel Air
    la Bergerie : Yves Brelet, René Lambert
    la Berthaudière : Pierre Florence, Jean Goheau, François Pesnot, Louis Poudri, Jean Pouponneau
    la Blinière : Jean Antier, Jean Bonhomme, Louis Chesneau, Joseph Potinière, Julien Potinière, Joseph Vezin
    la Blonnière : Jean Doussin, Julien Libeau, Pierre Libeau
    la Bodière : René Courgeau, Julien Pesnot
    Boire Benat
    Boire Courant : André Baron, Jean Baptiste Batard, Pierre Batard, René Batard, Brice Bretaud, François Chantreau, Jean Chantreau, Pierre Chignon, Jacques Coreau, Jean Goheau, Julien Goheau, Michel Goheau, Michel Hivert, Jean Lambert, François Limousin, Jean Luneau, René Luneau, Céleste Luzet, Jacques Luzet, Mathurin Luzet, Pierre Luzet, René Luzet, Julien Mabileau, Jean Martin, Michel Menard
    Boire Livard
    Boire Moreau
    le Petit Bois : Michel Godin, Julien Prehaudeau, Jean Secher
    le Bois Adam : Louis Potinière
    le Bois Chef : Jean Bagrain, René Bagrain
    le bois Jean Renaud : Thomas Blouard
    le Bois Malinge : Michel Badaud, Samuel Godefroy, Mathurin Thomas
    le Bois Vigneau
    le Bois Violet : René Galon
    les Bonnelières
    la Boucherie : Pierre Menant
    le Boulay : François Bagrain, Thomas Bagrain, Gabriel Hivert
    la Bourdonnerie : André Robineau
    la Bourdrie : Pierre Bagrain, Jean Enodeau, Guillaume Glebeau, Julien Piou, Pierre Piou, René Riou
    la Bourgetière
    la Branderie
    les Brejonnes : Elie Tessier
    la Bretaudière
    la Bussetrie
    Cahérault : Michel Aubert, François Bagrain, André Bourget, Gabriel Bourget, Laurent Brevet, Michel Brevet, Pierre Chateigner, Pierre Glebeau, Jean Hilaireau, Charles Landais, Julien Lecrac, Pierre Paré, François Peltier, Julien Peltier, Gabriel Redureau, Antoine Riou, Gabriel Riou, Jean Riou, Jérôme Thomas
    la Cardinalière : Julien Couilleau, Jean Guesselin, Jean Martin
    les Carroueils : Michel Brevet, François Hivert, René Limousin
    la Cave
    la Cellerie
    les Chaintres
    les Chapelleries
    la Chapelle Notre Dame des Champs
    la Chapelle Saint Barthélémy
    la Charpentrais : Pierre Noleau
    la Charrère : Laurent Biri, Mathurin Biri, Jacques Braud, Pierre Braud, Jean Bretaud, Jean Charon, Charles Coreau, Maurice Coreau, René Goheau, Mathurin Lavigne, Jacques Lemée, Jean Limousin, Nicolas Mercier, Pierre Praud, Jean Rebion, Joseph Rebion, Brice Sablereau
    la Chataigneraie : Etienne Ripoche
    le Château
    le Haut Chaussin : Jean Anneau, Pierre Sablereau
    la Chauvellière : Jacques Jean Bpatiste Bouret, Jean Durassier, Julien Redureau
    la Chebuette : Jean Auray, Pierre Biry, René Bouin, Pierre Charon, Alexandre Geoffrion, René Jouau, Pierre Malecot, Alexis Mauget, Julien Menant, Julien Moreau, Pierre Perroteau, Julien Praud, Laurent Praud, Pierre Praud, Pierre Prou, René Cesbron
    la Chênaie : René Chunet
    le Chêne : Pierre Aubert, Jacques Bonneau, Louis Bonneau, Maurice Bonneau, Joseph Corelleau, François Joubert, Pierre Petard, Julien Pineau, Antoine Ripoche
    le Chêne à la Pie* : François Joubert
    le Chiron : Pierre Bagrain
    le Clairay
    la Clavellerie
    la Copsonnière : Pierre Abline, Maurice Denis, Julien Guerin, Mathurin Lavigne, Jean Luzet
    le Cosson
    le Coteau du Chêne : Jean Corelleau, Mathurin Mecheneau
    le Coteau de la Roche Maudou : Pierre Petiteau, Pierre Pinard, René Piou, Pierre Priou
    la Coudrouse : Jean Aubert, Mathurin Barbin, Julien Cailleau, Jean Charbonnier, Pierre Charbonnier, Julien Enaudeau, François Guerin, Julien Guerin, Jean Luzet, Michel Luzet, Julien Mabileau, François Marchand, Alexis Mauget, Pierre Menant, Jacques Pageot, Joseph Pageot, Charles Praud, François Riou, Mathurin Secher
    la Courbe : Pierre Beccot, Michel Bergalome, Pierre Bondu, Mathurin Coutant, Noel Fonteneau, Pierre Huchon, François Litou, Jean Marchand, Mathurin Merceron, René Mesnard, René Potinière
    la Courbonnière
    le Cormier
    le Courtil
    la Crétinière : René Lallier
    la Croix de Boulay
    la Désirée
    les Divettes
    le Douaron : Pierre Guenichon
    la Drouillardière : Julien Guenichon, Antoine Petard
    la Dimerie
    l’Ebrancherie : Mathurin Angrevier
    l’Ecalane : François Bouyer, Pierre Patouillère
    Embreil : Jean Boireau, Christophe Bouanchaud, François Grimault, Jacques Grimault, Mathurin Grimault, Jean Guillocheau, Mathurin Guillocheau, René Libeau, Guillaume Marion, Pierre Pabou, Julien Rousseau
    l’Enclose
    l’Epertière* : François Chauvière, Pierre Terrien
    Feuillardes
    la Flandrinière : Clément Corbet, Joseph Rousseau
    Fort-Ecul : Pierre Bonneau, François Hivert, Jean Petard
    le Fort Gautier : Pierre Hivert, Laurent Viau
    la Fosse Baron
    la Fosse Noire
    la Freignais : Pierre Brevet
    Froland : Jacques Gallier, Julien Harouet, Pierre Subileau
    la Gagnerie : Jacques Brevet, Pierre Chaintrier, Jean Florence, Jacques Harouet, François Libeau, Jean Mariot, Pierre Thomaseau
    les Galopins : Julien Cesbron, François Enaudeau, Michel Gregoire, Pierre Vilaine
    la Garenne : René Laurent, François Lesourd, Jean Lesourd, François Luzet
    le Gautron : Antoine Ripoche, Mathurin Ripoche
    la Giletière : René Mainguet
    Grand’ville : François Biri, Jacques Bodineau, Jacques Bonneau, Pierre Ertaud, Joseph Luzet, Mathurin Pinard, Guillaume Praud, Julien Praud
    le Gressin : François Brebion, Pierre Morille, Jean Ripot
    la Grille
    la Grimaudière* : Jean Peigné
    le Gué au Voyer : Jérôme Picherie
    la Guénetrie : René Boireau, François Rousseau, Jean Rousseau
    la Guilbaudière : François Bouyer, Jean Charbonnier, Jacques Glebeau, Joseph Lallier, Guillaume Lesourd, Pierre Rousseau, René Rousseau, René Toublanc, François Vezin
    la Gutellerie : René Martin
    le Haut Village Vallée : François Badaud, Céleste Biret, Thomas Blouard, Jean Chesneau, Pierre Chesneau, Pierre Coreau, Jean Guillou, Maurice Hivert, Jacques Lallier, Jean Libeau, Julien Malecot, Guillaume Sourisse, Laurent Viau, Jean Vilaine
    le Haut Village du Chêne
    Ile de la Chênaie
    Ile Arrouix
    la Jaunière : Jean Vezin
    la Jousselinière : Jean Brevet, François Guillocheau, Jacques Loquet, Jérôme Thomas, Pierre Thomas, Julien Vezin, Jean Viau, Julien Volant
    les Justices : François Bretaud
    Launay : Pierre Bodineau, Jean Clement
    la Mahonnière : Céleste Luzet, Jean Mesnard, Jean Moreau, Michel Pohoreau, Julien Potinière, Jean Rousseau, Julien Rousseau,Julien Thomas
    les Maisons Neuves : Antoine Brelet, Michel Hallereau, François Haroouet, Pierre Piou
    le Marais Abraham
    la Marjolettrie : Guillaume Braud, Julien Braud, Pierre Malecot, Jean Moreau
    la Marsaudière : Julien Albert, René Bouanchaud, Julien Bricard, Pierre Cousin
    le Maudoux : Michel Bouquet, Joseph Brelet, Guillaume Cesbron, René Couilleau, Louis Guesselin, Pierre Hallereau, Jacques Harouet, Jean Hilaireau, Michel Hivert, Jean Huchon, Pierre Renaud, René Riou, Pierre Vezin
    la Meslerie : Guillaume Bourget, Nicolas Bretaud, Pierre Chapeau, Louis Hautin, Pierr Mabileau, Julien Riou, Jean Secher
    la Moisdonnière : Jacques Loquet, Jean Martin
    Montauban : Pierre Abline
    Montrelais* : Jean Auray, Pierre Charon, Jean Horet, Julien Limousin
    la Morandière : Michel Luzet, Mathurin Sauvestre
    le Mortier
    le Moulin de la Bourderie
    le Moulin des Bregeonnes
    Moulin de Cahérault
    Moulin des Feuillardes
    Moulin de la Pennetrie
    Moulin Tue-Loup : Jean Harouet
    la Mouronnière
    la Moutonnerie : Pierre Chignon, Jean Giraud, Jér“me Goheau, Julien Goheau, Jean Libault
    la Noë : Joseph Guillou, René Merceron
    l’Officière
    l’Ouche aux Roux
    le Pavillon
    la Peltancherie : Julien Bouquet, Michel Harouet, René Harouet
    la Perrière
    la Pichaudière : François Geoffrion, David Guillou
    la Pierre : François Benureau
    le Pigeon Blanc : Jean Harouet, Jean Huteau
    la Pilardière
    les Pinelières
    les Planches : Pierre Biry, Pierre Bourget, Jacques Coreau, Jean Coutant, René Noleau, Jean Vivant
    les Plantys : René Cesbron, Jen Luneau, Louis Robineau, Antoine Rousseau, Pierre Rousseau
    la Platière : Michel Aubert, Jean Joyau
    le Plessis Glain : René Hivert, Gabriel Petard
    le Pont
    le Pontreau : Jean Cesbron, François Hivert, René Noleau, Jean Viau
    le Port Gaud* Jacques Hivert
    le Port Juin
    la Poulinière* : Guillaume Guillou
    la Praudière : Jean Baron, Louis Coutant, Lucas Guillou, Pierre Harouet, Etienne Lallier, Jacques Lambert, Michel Lambert, Joseph Libeau, Pierre Libeau
    le Pré Jahan : Julien Geoffrion, Etienne Lallier, Laurent Langevin, Jean Libeau, Augustin Louis, Jean Moreau, Yves Thomas
    le Pressoir
    la Queue des Haies : Michel Hallereau
    les Raintières
    la Ribellerie* : Michel Lallier, Brice Vilaine
    la Ripotière
    la Basse Rivière : François Bretaud
    la Robinetière : Jean Bagrain, René Batard, Julien Petard
    la Robinière : Louis Chesneau, Jacques Florence, Jean Florence, Jean Mesnard, Jean Ripoche
    la Roche Maudou : Michel Dabireau, Michel Gautron, Jean Huret, Pierre Jouis, Julien Petiteau, Jean Secher, Julien Viau, Pierre Vilaine
    la Rochelle : Pierre Abline, François Braud, Pierre Braud, François Enaudeau, Hervé Hubert, Mathurin Lavigne, René Lavigne
    la Roustière : Michel Bouanchaud, Pierre Bouanchaud, Jean Guenichon, Julien Guenichon, Pierre Piou
    le Ruaud : Jean Boireau, Pierre Chesneau, Jean Huteau, Charles Lecoindre, Jean Libeau, Pierre Trebillard
    la Sablère : Jean Bonneau, Julien Choismet, Maurice Litou, Jean Martin, Jacques Meilleras, Joseph Mosteau, Pierre Plessis, Etienne Ripoche, Pierre Rotureau, Pierre Vivant, René Vivant
    Saint Barthélémy : Louis Babonneau, Luc Bouyer, Mathurin Goheau, Julien Hivert, Pierre Pinard, Julien Riou, Michel Ripoche, Pierre Ripot, Jean Sécher, Jean Toublanc
    Saint Julien de Concelles Bourg : René Beccot, Jean Benureau, Pierre Bonneau, Guillaume Braud, Joseph Marie Brevet, Mathurin Cheminant, Michel Cheminant, Jean Courgeau, Pierre Garnier, Jean Gilardin, Pierre Gilardin, Guillaume Guillou, René Harouet, Louis HIvert, Jean Jannin, Pierre Augustin Jannin, Joseph Jean Jannin, Jean Jouis, François Litou, François Maudavant, Bertrand Moreau, Joseph Moreau, Julien Moreau, François Mouilleras, Joseph Petard, Guillaume Pinet, Maurice Pouponneau, Julien Redureau, Clément Tellier, Mathurin Terrien, Pierre Viau
    la Salmonnière* : Guillaume Braud, René Cesbron, Jacques Gautreau, Charles Goguet, Jean Lallier, Louis Lallier, Mathurin Lallier, Jacques Piou
    la Saulzaie : René Balaveine, Mathurin Courgeau, René Courgeau
    la Sénarderie : René Bourget, Pierre Charpentier, François Esseul, Sébastien Hilaireau, René Mainguet, Mathurin Rousseau, François Secher
    la Sénéchalière : Julien Petard, René Petard
    la Sermonière
    la Sourdière : David Guillou, François Hivert, Guillaume Hivert, Jean Lambert, Pierre Luzet, Jean Louis Racari
    la Tinière : Jean Bouyer, François Brevet, Louis Priou
    les Trois Moulins* : Jacques Blot, Jean Chon, Christophe Thomas, Julien Thomas
    Tue-Loup
    la Verrie : Mathurin Beranger, Guillaume Bretaud, Noel Mathurin Bretaud, Louis Dabiraud, René Coeffard, Charles Delaunay, Mathurin Giraud, Louis Lefeuvre, Charles Letourneux, René Pinard, René Sauvestre, Guillaume Sourisse, Jean Viau
    le Joli Village
    les Violettes : Mathurin Sauvestre
    la Vrillière : François Fouquet, Jean Harouet, Charles Landais, Laurent Pouponneau, Michel Sauvsetre

  • Les Concellois réfugiés au loin
  • Les personnes déplacées ne sont pas des morts, mais leur nombre réduit ne mérite pas une chapitre entier, et cependant leur mémoire peut apporter un éclairage à cette vie concelloise de guerre civile. Les voici donc à Rennes et à Orléans. La première constatation concernant les réfugiés concellois dans ces 2 directions, est d’ordre quantitatif : il y a eu très peu de réfugiés concellois comparativement aux exodes massifs de certains de leurs voisins comme les chapelains ou les lorousains. Bien que ces listes ne soient pas exhaustives, on peut néanmoins comparer la fréquence de citation des municipalités d’origine. Les concellois sont si rares que leur liste est la suivante, si l’on peut parler de liste devant un nombre aussi réduit :

  • Rennes
  • Louis SEBILEAU, tonnelier, sa femme et une domestique, arrivés à Rennes le 25 Ventose, partis le 11 germinal pour Orléans, 80 lieues à parcourir, somme payée à Rennes 240 francs, secours 45, total 285. (45)

  • Orléans
  • Jeanne RAFGEAU femme GIRAUD (46)

  • Les Lorousains du registre clandestin de René Lemesle
  • Le Loroux-Bottereau possède une longue frontière commune avec Saint-Julien, et les échanges matrimoniaux sont nombreux au XVIIe siècle. Il en est de même pendant la guerre civile
    Mais le Loroux est deux fois plus peuplé et seul Clair Massonnet, présent jusqu’au mars 1695, parvient à suffire aux Lorousains. Ensuite, le prêtre, Denis Guillet, est caché à l’autre extrémité de la paroisse, à Sainte-Radegonde, et certains Lorousains sont attirés par René Lemesle plus proche.

    On trouve deux types de couples Lorousains dans le registre de Lemesle : ceux qui se marient à Saint-Julien et font ensuite baptiser au Loroux deux, voire quatre enfants ; ceux qui sont mariés au Loroux et viennent ensuite faire baptiser un enfant à Saint-Julien, par suite d’empêchement de Denis Guillet. Ainsi, Pierre Pinard, né le 1.10.1979 au Loroux-Bottereau, est baptisé par René Lemesle le 25.05.1798. Il a des parents mariés clandestinement au Loroux et trois frères et soeur qui y sont baptisés.

    Les familles ne sont pas attachées à un prêtre en particulier, mais font preuve d’opportunité pour aller au plus accessible au moment voulu. Cette adaptabiligé aux circonstances marque une rupture dans la tradition de l’église. Au XVIIIe siècle, les fidèles sont dépendants du territoire paroissial. Ils peuvent très rarement faire baptiser hors de la paroisse et seules, certaines familles très aisées, ont parfois cet avantage. Les fidèles pendant la guerre civile montrent ainsi leur attachement à l’acte sacramentel plutôt qu’au prêtre.
    La majorité des familles lorousaines à un lien de parenté à Saint-Julien : soit un oncle, soit un beau-frère. Mais certains couples n’ont aucun lien démontré.
    Ainsi, Marie-Jeanne Bontemps, née au Loroux-Bottereau, fille de François et de Marie Brebion, est cousine issue de germains de M. Robin par la mère de celui-ci. Son père, veuf, s’est réfugié à Nantes en 1793 avec deux de ses filles célibataires. Marie-Jeanne vit à Nantes Saint-Donatien, où elle est probablement placée comme fille de confiance chez les bourgeois. C’est là qu’elle fait la connaissance de François Bureau, lui-même jardinier. René Lemesle les marie, alors que, ni l’époux, ni l’épouse, n’ont de lien de famille apparent à Saint-Julien. Leur premier enfant, Françoise, est baptisée le 24.01.1797 au Loroux-Bottereau et déclarée née le 03.03.1797 à l’état civil rétroactivement.
    Marie-Jeanne est l’une des rares Lorousaines dépourvue de lien de famille à Saint-Julien. Elle connaît MM. Robin et Guillet et elle a par conséquent l’embarras du choix pour trouver un prêtre, si l’on peut s’exprimer ainsi. A-t-elle entendu parler de René Lemesle par ses patrons Nantais ? la bourgeoisie concelloise, dont les Couëzaud, vit à Nantes.
    Les Lorousains baptisés à Saint-Julien sont au nombre de 66 pour un total de 184 non-Concellois. Ils sont de loin les plus nombreux et attestent un réel besois de prêtre au printemps 1796 et à l’automne 1798 (voir ci-dessus). Ces 66 baptisés Lorousains s’ajoutent aux 1 045 enfants figurant dans le registre clandestin du Loroux, ce qui fait 1 110 enfants Lorousains, auxquels il faut ajouter cuex qui sont allés à La Chapelle-Basse-Mer et à Haute-Goulaine… Les Lorousains n’ont pas un registre exhaustif et pour les retrouver il a fallu dépouiller tous le pays lorousain.


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    Mémoire d’Avent, l’oeuvre clandestine d’un Angevin à Saint-Julien-de-Concelles 1794-1802 : René Lemesle – chapitre 7 : la mort

    (C) Editions Odile HALBERT
    ISBN 2-9504443-1-8

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    Chapitre VI

  • LA MORT
    1. « On ne meurt qu’une fois »
  • La mort prévolutionnaire
  • Le rôle de l’enregistrement des sépultures dans les registres de catholicité du XVIIIe est la tenue d’un état civil propre à assurer en premier chef les successions. Les prêtres, à ce titre, sont habilités à recevoir les testaments, en vertu de l’ordonnance d’Août 1735, article 15 :

    Les Curés séculiers ou réguliers pourront recevoir des Testaments ou autres dispositions à cause de mort, dans l’étendue de leurs paroisses, & ce seulement dans les lieux o— les coutumes ou statuts les y autorisent expréssement, & en y appellant avec eux deux Témoins; ce qui sera pareillement permis aux Prêtres séculiers, préposés par l’Evêque à la Desserte des Cures, pendant qu’ils desserviront, sans que les Vicaires ni aucunes autres personnes Ecclésiastiques puissent recevoir des Testaments ou autres dernières dispositions.(23)

    Le rituel (23) s’appuie sur le droit coutumier lorqu’il donne les extraits de la coutume de Bretagne, qui domine dans le diocèse de Nantes, et, la formule de testament selon cette coutume. Le rituel précise ensuite qu’une partie du diocèse est soumise à la coutume d’Anjou qu’il convient de suivre dans la région concernée. Les prêtres sont ainsi familiers du droit qu’ils apprenaient, pour ce qui au moins des successions, au séminaire. Ce droit est essentiellement coutumier : il subsiste en 1789 en France environ 300 coutumes différentes applicables à un territoire important. Cette diversité des droits pose bien entendu des difficultés d’ordre pratique et est combattue par la philosophie dominante qui pr“nait l’unification nationale.
    L’enregistrement des sépultures par les prêtres ayant une fonction d’ordre juridique, les prêtres clandestins sont en concurrence avec l’état civil lorsqu’ils enregistrent les sépultures, alors que pour les actes de baptêmes et mariages, qui sont d’ordre sacramentel, ils restent dans le domaine religieux. Dès lors qu’il y a concurrence, il va apparaître une complémentarité des deux types d’enregistrement : le catholique et le municipal. Les populations vont répugner à déclarer leurs morts aux deux pouvoirs à la fois : il leur était difficile de comprendre si la municipalité était capable de répondre juridiquement de tels enregistrements, puisqu’elle s’était éclipsée dès mars 1793. Les populations iront déclarer leurs morts là où le prêtre leur conseillera d’aller, lorqu’il a de l’influence, comme c’était le cas pour René Lemesle.
    L’influence de René Lemesle est relatée indirectement dans une lettre de dénonciation en l’an VII. Cette lettre, qui comme beaucoup de dénonciations, est conservée en série L aux Archives départementales, concerne une période de persécution particulièrement exacerbée. Elle émane d’un concellois qui est nommé et il m’a paru intéressant d’étudier son cas dans le registre clandestin pour voir s’il y figure ou non en tant que pratique de René Lemesle, puisque sont patronyme y est souvent cité.

    « A Saint Julien de Concelles canton du Loroux, maison Copsonnière chez Pichelin aucien juge de la monnaye il y a une société ou réunion assez fréquente sous prétexte de pêche. Cette société est composée en grande partie d’anciens chefs de rebelles, on a invité Debruc ancien rebelle demeurant actuellement à Saint Julien de Concelles à s’y rendre, il a répondu qu’ayant peur d’être guillotiné il ne voulait pas tremper dans aucune conspiration nouvelle. Fait raporté par Biry demeurant à Chebuette en Saint Julien canton du Loroux, ce qu’il a dit à Boutin. Lemesle faisant les fonctions de curé à Saint Julien a reçu une lettre d’invitation de la part des agents de la royauté pour engager les habitants à se rassembler et à se renseigner, lequel prêtre a paru rejetter. Le même prêtre Lemesle a dit la messe publiquement à 9 heures le 16 chez la femme Ve Cheminant à … près la Chef Buette, il y avait beaucoup de personnes surtout des femmes.Rapport de Boutin boulanger à Nantes, 23 ventose An VII » (AD44,L763)

  • La mort clandestine
  • Le nombre de sépultures du registre de René Lemesle est relativement faible (voir chapitre 2). Le rythme annuel des sépultures notées est surprenant, car il se produit une chute brutale au moment de la première période de calme relatif.
    Cette chute est liée au début de notation des sépultures par l’administration civile. Lorsque tout revient dans l’ordre, en 1800, les sépultures sont à nouveau notées par René Lemesle, bien que le taux annuel soit inférieur de plus de moitié au taux prérévolutionnaire. A pertir de ce moment, il n’y a plus concurrence proprement dite, mais une volonté d’une partie de la population de conserver l’enregistrement après la messe de sépulture.

    Pendant la persécution religieuse, les concellois, comme leurs voisins lorousains, n’ont pas perçu la nécéssité de déclarer 2 fois leurs morts, une fois au prêtre et une fois à l’officier municipal, en particulier leurs morts de mort violente pendant la période d’absence de prêtre et de pouvoir civil en 1793 et début 1794. Par ailleurs, René Lemesle a jugé suffisante la déclaration faite à l’état civil. Il a en quelque sorte passé tacitement la main à l’administration civile sur ce plan. La sépulture n’est pas un sacrement et seule l’extême-onction est un sacrement : à ce titre elle ne figure pas dans les registres de catholicité.
    Nous sommes bien en présence d’une entente, probablement négociée entre les hommes publics et Lemesle. On peut dès lors se demander quel était la personnalité de ces hommes que Lemesle avait en face de lui. Etaient-ils vraiement « en face » ? (voir chapitre les réseaux concellois)
    Dans les registres clandestins, on est frappé du dilemmne qui s’est posé à ces prêtres, et chacun a tenté de trouver une réponse à sa manière. La sépulture n’étant pas un sacrement, devaient-ils ou non continuer sa notation, dès lors que l’état civil jouait ce rôle. La réponse passe évidemment par leur degré de confiance dans cet état civil, donc dans les hommes qui le tiennent. Cette confiance n’a pas un caractère purement politique, elle est aussi et sans doute avant tout une question de méthode : la notation des actes est un savoir-faire que les prêtres maîtrisaient, mais que les officiers municipaux ont du apprendre sur le tas, non sans laisser quelques erreurs … (18).

    Chez René Lemesle, la chute des enregistrements de sépultures correspond à la présence dans l’administration civile d’hommes dans lesquels il a confiance, comme Crouëzaud ou Phelippes. Ainsi, le registre civil de l’An IV commence par la signature de Crouëzaud. C’est lui qui fait noter à la fin du registre des mariages de cet an IV, les enregistrements de déclarations a posteriori de décès des années 1793 et 1794 (voir chapitre morts violentes de l’état civil).

  • Victimes de la guerre civile
  • Le curé constitutionnel Le Couteux est parti se réfugier à Nantes dès le 11 Mars 1793, et il n’y eut pas de prêtre attaché à Saint Julien jusqu’à l’arrivée de René Lemesle en Octobre 1794. Cependant, d’après les baptêmes (voir chapitre la vie) on peut émettre l’hypothèse de passages de prêtres clandestins itinérants, sinon il y aurait eu besoin de baptiser les enfants nés en 1793.
    En l’absence de prêtre, la sépulture en terre chrétienne n’est difficile que lorsque l’on ne peut se rendre au cimetière pour cause de persécution. Mais l’année 1793 le cimetière est libre d’accès, puisque la municipalité s’est exilée. C’est fin 1793 que l’accès des cimetières ne devient pas facile dans les régions de guerre civile. Dans beaucoup de paroisses on a dû enterrer sur place.
    François LEBRUN estime que cet attachement à la sépulture en terre chrétienne est si important (47) que son absence est considérée comme une « infâmie » en Anjou au XVIIIe siècle. A la mort violente s’ajoute donc l’horreur de l’absence de sépulture chrétienne quand on ne peut accéder au cimetière qui est le lieu béni. Le transport des corps vers les cimetières a été tenté par les survivants. Il a parfois été possible, comme à la Remaudière, où on peut retracer le passage des 7 charettes qui ramassèrent les corps au lendemain du passage des colonnes de Cordellier pour les porter au cimetière en présence de tous les survivants.
    L’exemple ci-dessous, extrait du registre d’état civil des Archives Communales de la Varenne, illustre ce qui s’est passé pour une grande partie des victimes. Dans de nombreux cas, les sépultures après le passage des colonnes infernales, seront effectuées sur place, et on tentera parfois ultérieurement de remettre les corps au cimetière. On guettait la moindre occasion d’aller les porter au cimetière, parfois en vain.

    Ils mont déclarée que Renée GAGNEUX agée d’environ 32 ans fille de feus René et Perrine BOSSé a été tuée par Larmée Révolutionnaire dans sa maison au bourg de la Varane le 15 ventose An II que son corre a resté sans pouvoir le transportée pendant quelle que tamps sous les débris de sa maison qui fut aux meme ainstans aincandiée et quansuite quelle que tamps à près il fute transportée par Pierre BRUNET dans le citière (sic) de cette commune…. »

    Mais d’autres dans ce même registre civil n’ont pas eu cette chance :

    « …Jean DURASSIER a été tué part Larmée Révolutionnaire proche sa maison à la pileterie en cette commune le 15 ventose An II que son corre a resté lespace de trois jours sur le lieux et quansuite il a été anterré dans son jardin…(AC de la Varenne, registre d’état civil de pluviose an VII)

    L’ortographe est fidèlement recopiée, elle donne une mesure des compétences de l’officier municipal, mais elle est le reflet exact de ce qu’il a entendu sans déformer, ne serait-ce que pour remettre en bon français. Ceci est caractéristique du niveau dans les petites communes, mais le niveau était tout de même très supérieur à Saint Julien de Concelles, où des hommes cultivés ont tenu le registre.

    René Lemesle n’a pas relevé les victimes sous la forme de témoignages a posteriori de morts violentes. Il n’a relevé que les sépultures auxquelles il a participé physiquement. Seules 2 exceptions notées le 2.8.1795 : Françoise Delaunay veuve de Charles Letourneux, 86 ans, et sa fille Françoise Letourneux 63 ans, massacrées en mars 1794 à la Verrie. Ces 2 décès ne sont pas déclarés à l’état civil (voir chapitre morts violentes). Les témoins qui déclarent ce massacre 15 mois après les faits sont Jean Vivant et Pierre Moreau qui ne signent. Mais les 2 victimes sont des personnalités : elles sont mère et soeur de François-Sébastien Letourneux,

    « qui avait atteint aux plus hautes charges de la République : avocat au Parlement de Bretagne, procureur général Syndic de l’administration du département de Loire-Inférieure en 1790, commissaire du pouvoir exécutif près la même administration en l’An IV de la République, ministre de l’intérieur an l’An VI, régisseur de l’enregistrement et du domaine national en l’An VII, législateur et membre du Conseil des Anciens en l’An VIII, juge à la Cour d’appel à Rennes ensuite » (8).

    Pourquoi René Lemesle n’a t-il pris que ces 2 victimes ? Est-ce une reconnaissance de protection ? Je suis tentée de répondre que cette unique faiblesse de René Lemesle, par rapport à son principe de nonrelevé de témoignages a posteriori, est un aveu de lien avec François-Julien Letourneux. Le rôle ambigu de ce concellois a-t-il joué dans la relative tranquilité dont le prêtre a joui pour desservir pendant 7 ans Saint Julien sans interruption ?
    Le registre de R. Lemesle diffère totalement de ceux deses voisins immédiats tel Massonnet au Loroux-Bottereau relevant les témoignages méthodiquement et non sans un certain savoir-faire qui impliquait un interrogatoire pour éliminer les risques d’erreur.
    Les concellois, privés de la possibilité de déclaration de leurs victimes à leur prêtre,ont éprouvé le besoin de faire la déclaration de leurs morts, en partie du moins, au même titre que leurs voisins du Loroux-Bottereau. Ils avaient besoin de papiers pour les successions !Ces déclarations, qui sont donc probablement incomplètes, figurent à l’état civil de Saint Julien de Concelles. Une grande partie d’entre elles a la particularité d’être à la fin d’un registre des mariages, lui même mal classé parmi les autres années de mariages. Si bien que ces déclarations de décès sont quasiment inaccessibles au chercheur peu curieux raisonnant avec un esprit de classement parfait. Il est vain de penser que l’on ait pu tenir correctement un état-civil pendant la guerre civile ! On a tendance de nos jours à oublier la complémentarité état civil et registre de catholicité en zone de guerre civile pour les recherches généaolgiques et démograhiques. Seuls les registres clandestins sont fiables, grâce à Dieu, auquel on ne mentait pas, et grâce au savoir-faire des prêtres. Si René Lemesle n’a pas noté de témoignages, c’est aussi sans doute qu’il percevait déjà la tendance orale à exagérer les faits et qu’il se méfiait en conséquence des témoignages.
    Les déclarations de morts violentes à Saint Julien de Concelles ont un intérêt en ce sens que l’on ne retrouve dans aucune autre source d’archives la majorité d’entre elles. Ainsi, une partie des victimes concelloises figurait dans l’ouvrage du père Petard (8), qui s’est lui-même inspiré d’Alfred Lallié. Or la liste du père Petard diffère de celle des déclarations de l’état-civil. Les 2 sources s’additionnenent sans se recouper (voir chapitre les morts violentes).

  • Les sépultures notées par René Lemesle
  • Malgré leur manque d’exhaustivité, les sépultures du registre clandestin sont curieusement réparties normalement, c’est à dire tout à fait comparables aux sépultures prérévolutionnaires.
    Les jours de sépulture s’échelonnent régulièrement tout au long de la semaine, et René Lemesle ne se repose aucun jour. Pas de repos donc pour un prêtre. Cette répartition est curieuse, puisqu’une grande partie des sépultures n’y figurent pas, et que néanmoins le ryhtme hebdomadaire est régulier. On se rend donc assez facilement au cimetière pendant cette période.
    La répartition des âges au décès est représentative de ce que des études de démographie historique donnent généralement. Ces deux répartitions, par jour et par âge, montrent que décès non enregistrés n’excluaient pas une catégorie, par exemple les enfants en bas âge, qui auraient pû être moins déclarés. La mortalité est plus élevée pour les enfants de moins de 10 ans que pour les autres tranches d’âge et ceci rejoint un profil national de l’époque. Les enfants mouraient-ils plus qu’en temps de paix, du fait des mauvaises conditions de vie ?

    On raconte, dans la tradition orale, que les enfants auraient été décimés par ces conditions difficiles. Le registre clandestin ne permet pas de le déterminer, puisque la sous déclaration est importante et peut avoir majoritairement concerné cette tranche d’âge, malgré le profil régulier de l’histogramme ci-dessus.

  • Jugements
  • Une partie des concellois partis pour galerne en 1793 ont été arrêtés et jugés à Rennes, au Mans.

  • Rennes
  • Pour les personnes arrêtées à Rennes il existe le relevé informatique d’Hervé Tigier « le Jugement des chouans par les commissions militaires d’Ille et Vilaine 1793 » tables des accusés et témoins, 1989 (30). Les concellois y sont relativement nombreux, les voici :

      Joseph Aguesse, 48 ans, marié, 1 enfant, laboureur et pêcheur (FV/P:15, AD35)
      Antoine Bagrin, 17 ans, fils de François et Julienne Bouquet, vigneron, chouan condamné à mort (OB/P:136, AD35)
      Jean Brevet, 42 ans, laboureur et pêcheur (FV/P:15, AD35)
      Michel Brevet, 39 ans, laboureur et pêcheur (FV/P:15, AD35)
      Thomas Brevet, 21 ans, laboureur et bucheur (FV/P:15, AD35)
      Pierre Charbonnier, 23 ans, fils de Mathurin et Jeanne Lallié, marchand de vin en gros (FV/P:15, AD35)
      Pierre Goheaud, 23 ans, pêcheur (FV/P:15, AD35)
      Jean Guillocheau, 38 ans, marié, 1 fille, laboureur et pêcheur (FV/P:15, AD35)
      Joseph Huret, 28 ans, fils de Joseph et de Jeanne Gautron, marchand de sardines et de volailles, chouan, condamné à mort, jugement imprimé, p 34 (AD35)
      Jean Lambert, 35 ans, marié, 2 anfants, laboureur et pêcheur (FV/P:15, AD35)
      François Limousin, 43 ans, pêcheur (FV/P:15, AD35)
      Pierre Lorand, 22 ans, laboureur et pêcheur (FV/P:15, AD35)
      Julien Pouponneau, 47 ans, laboureur, marié, 2 enfants (FV/P:15, AD35)
      Laurent Pouponneau, 26 ans, garçon, batelier (FV/P:15, AD35)
      Pierre Pouponneau, 20 ans, la Perrière, laboureur et pêcheur (FV/P:15, AD35)
      René Rousseau, 42 ans, fils de René (80 ans), le Plantis (FV/P:15, AD35)
  • Le Mans
  • Pour les personnes arrêtées au Mans il existe à ce jour plusieurs ouvrages basés directement sur les archives départementales du Mans dont l’ouvrage d’Henri Chardon « les Vendéens dans la Sarthe » la révolution dans le Maine, 1927, tome III (31) et le travail récemment informatisé « D’où venaient les vendées du Mans, Fauvy Joël, 1990″(32) qui récapitule toutes les sources disponibles. Les concellois sont les suivants :

      Sophie-Pauline Bougoin, 15 ans, interrogée (L 287, AD72)
      Jean Lallier, 13 ans, intérrogé (L 1978, AD72)
      Madeleine Pageot, 12 ans, intérrogée (L 1978, AD72)
      Jean Pitard, 11 ans, détenu à la Mission (L 287, AD72)
      Jeanne Arouet, 26 ans, détenue à la Mission (L 287, AD72)
      René Babonneau, 16 ans, condamné au Mans (C III,98)
      Pierre Louis Chesnais, 15 ans, condamné au Mans (C III,98)
      Jean Pettard, 14 ans, détenu à Sainte Croix (L 28, AD72)
      Jean Pitard, 14 ans, interrogé (L 287, AD72)
      Nicolas Rousseau, 17 ans, condamné au Mans (C III,98)


    VOIR LE SOMMAIRE

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    Mémoire d’Avent, l’oeuvre clandestine d’un Angevin à Saint-Julien-de-Concelles 1794-1802 : René Lemesle – chapitre 6 : l’enregistrement civil

    Ouvrage paru en 1990
    (C) Editions Odile HALBERT
    ISBN 2-9504443-1-8

    Chapitre VI

  • L’ENREGISTREMENT
  • Ryhtme hebdomadaire du mariage civil civil
  • Les noces traditionnelles se sont donc maintenues pendant la guerre civile, mais quand régularisait-on civilement ?
    La seule étude connue porte sur Avignon (18). La comparaison entre les dates des 2 formes de mariage, civil et religieux, montre que 15 % des couples régularisent le jour même, et que 62 % ne régularisent qu’après, dans un délai relativement court : la moitié des retardataires en l’espace d’une semaine, le reste en un an.
    Avignon est cependant d’une ville dans laquelle les interdits religieux, les temps clos et le vendredi, ont été levés par la hiérarchie catholique. Le prêtre réfractaire bénit 82 % des unions un vendredi, et on ne peut donc comparer Avignon à Saint-Julien-de-Concelles.

    L’attachement à la fête du mardi ou du lundi est encore plus marqué lorsque l’on étudie le jour de mariage civil. L’érosion du mardi est très sensible, au profit de tous les jours de la semaine y compris le dimanche. Les couples des lundi et mardi ont pu être ceux, rares, qui expédient le mariage civil le même jour que le religieux.

  • Le délai d’enregistrement
  • L’attitude est bien diffèrente à Saint Julien de Concelles comme au Loroux. Rien de comparable avec Avignon. Le mariage civil est n’importe quel jour et il n’y a pas de corrélation avec la date religieuse : avant, même jour, quelques jours après, mais aussi très longtemps après, jusqu’à 30 ans après au Loroux.
    Ce retard des couples mariés religieusement clandestinement à « régulariser » civilement n’a jamais été mesuré statistiquement en région de Venée Militaire. Au Loroux, il est si élevé, qu’il était intéressant de mesurer quantitavement cet écart dans la paroisse voisine de St Julien de Concelles, pour mieux ultérieurement évaluer l’attitude lorousaine.
    Mais pour évaluer cet écart, les difficultés s’amoncèlent : non seulement il faut chercher jusqu’à 30 ans après, mais encore il faut faire les 2 collections d’archives : les communales et les départementales. Et ce n’est pas tout, car la plupart n’ont pas régularisé dans la même commune : on régularise plutôt dans la commune de l’époux alors que l’inverse est fréquent pour le mariage religieux. Enfin, le Conseil Régional a interdit l’accès aux archives communales et les mairies ferment leur porte. Je remercie donc particulièrement celles qui m’ont ouvert leur porte.
    Les collections d’état civil des archives communales de La Chapelle-Heulin, du Loroux-Bottereau, de La Chapelle-Basse-Mer, sont totalement différente des collections départementales. Elles sont beaucoup plus riches que les départementales, et il convient d’analyser ce phénomène. Voici donc à titre d’exemple l’analyse des différences pour les deux collections, départementales et communales, concernant Saint-Julien-de-Concelles.

    Les mariages des AD, dépouillés par le CGO, sont au nombre de 123 de 1793-1802, alors qu’ils sont au nombre de 245 dans la collection communale. Bien entendu, les fascicules communaux sont reliés dans le désordre le plus total : non seulement les décès sont mélangés aux mariages, mais les années commencent n’importe quand et se suivent n’importe comment. Mieux, les années dont la copie est aux AD, ne sont pas copiées intégralement et il manque plusieurs mariages à l’intérieur d’une année copiée. Il a fallu exactement 70 heures de relevé communal suivies d’environ 30 heures de coordination informatique pour compléter la table départementale faite par le CGO, et ce pour les seuls mariages. Les décès ne sont pas pris en compte dans ce temps de travail.
    L’expérience acquise dans les trois communes citées me permet de préconiser pour l’avenir une méthode d’approche plus rationnelle : dépouillement exhaustif de chacune des deux collections indépendamment, suivi d’une confrontation entre les deux relevés. Pour retrouver ensuit matériellement l’acte lui-même à partir d’une table, il ne suffit pas d’indiquer dans la table « archives communales », et il faudrait une autorisation de numérotation manuelle des pages des registres et faire figurer ce numéro de page après chaque relevé de la table.
    Toutes les communes ayant souffert de la guerre civile ont le même problème. A Vern d’Anjou, paroisse d’adoption de la famille Lemesle, il existe encore plus incroyable : l’année 1791, comme toute la période prérévolutionnaire, a brûlé lors du passage des Vendéens, mais en 1803 le maire retrouve une table manuscrite du XVIIIe siècle se terminant en 1791, rassemble les couples de 1791 et réécrit les mariages. Le tout est relié dans la table manuscrite du XVIIIe qui n’est répertoriée nulle part, puisque rares sont les communes qui attachent de l’importance à une table manuscrite du XVIIIe et jugent utile de les signaler aux AD.
    L’état civil de la période révolutionnaire souffre donc, en pays de guerre civile, de la plus grande misère : son état est le reflet des difficultés rencontrées par les diverses administrations municipales de l’époque.
    Or, depuis deux siècles, les archives souffrent du mode de classement franco-français : « avant » et « après » 1789 ; Avant, les registres de catholicit ; après, l’état civil. Ceci est faux en région de guerre civile, et l’application de cette césure archivistique fran‡aise pose dans notre région un sérieux problème.
    Il serait temps, deux siècles après, de se pencher sur l’indispensable complément de l’état civil : le registre de catholicité, source incomparable du patrimoine historique en région de guerre civile.

  • L’enregistrement civil des mariages
  • 313 mariages sur 411 clandestins, soit 76,2%, ont pu être retrouvés civilement à Saint-Julien et dans les paroisses voisines : le Loroux, Basse-Goulaine et Saint-Sébastien.
    Les mariages pour lesquels les deux dates sont connues concernent dans 75% des cas des Concellois et 25% de non-Concellois.
    Ce nombre de mariages civils permet une exploitation statistique du délai d’enregistrement. L’analyse permet de cerner les réticences des couples.
    Le nombre de mariages trouvés hors de Saint Julien excède le nombre de mariages de horsains constaté dans le registre clandestin. Mais ce pourcentage élevé de horsains est dû en partie au fait que les mariages de Concellois n’ont pas tous été retrouvés, malgré le dépouillement des 2 collections : départementales et communales.
    Le délai d’enregistrement varie selon que l’on considère les Concellois et les horsains. Les Concellois ont eu l’enregistrement facilité par le contexte municipal compréhensif (voir chapitre Pertes de Mémoire). Ils ont donc régularisé massivement 1 à 4 ans après la cérémonie religieuse.

    Le délai, exprimé ci-contre en mois s’étire de 3 ans avant à 27 ans après. Les 2 mariages 3 ans avant sont en fait les 2 mariages constitutionnels rebénis par Lemesle. Il est à noter que ces 2 couples ne sont pas repassés ensuite à la mairie. J’ai rencontré 1 couple dans ce cas au Loroux, qui d’ailleurs repasse dans la paroisse de l’épouse puis dans la paroisse de l’époux, soit 4 mariages au total, en comptant le constitutionnel, pour un seul et même couple.
    Le délai d’1 mois ne concerne pas la moitié des mariages civils.

    Les mariages régularisés 26 et 27 ans après sont plus nombreux pour les borsains, d’ailleurs on observe pour ceux-ci un creux des enregistrements : il n’y a rien entre 1 an et 10 ans. L’histogramme ci-dessus est donc typique de la bonne volonté de la municipalité concelloise. Il y a eu quelques vagues massives mais une régularisation échelonnée sur 27 ans.

  • Saint-Sébastien-sur-Loire
  • Les mariages civils « régularisés » très tard à Saint Sébastien sur Loire sont plus nombreux que les mariages religieux clandestins trouvés à ce jour. D’autres prêtres ont donc unis des mariages clandestins qui nous sont inconnus. En outre, les couples mariés clandestinement par René Lemesle ne viennent plus après leur mariage faire baptiser d’éventuels enfants issus de leur union : ils ont donc trouvé un autre prêtre. En effet, le baptême est considéré par tous les auteurs (17,18) comme le sacrement auquel on ne renonce pas le premier. Un couple ne peut donc avoir été béni dans des conditions difficiles et ne pas faire baptiser ensuite ses enfants. Ainsi, pour Saint Sébastien, les couples de Jean Corgnet et Marie Clestras d’une part et de Pierre Corgnet et Marie Jeanne Choismet d’autre part. Unis le 5.5.1795, ils ne font pas baptiser à Saint Julien de Concelles.

    Baptêmes clandestins
    Après une période de privation de prêtre, la venue d’un prêtre dans une paroisse, est immédiatement suivie du baptême des enfants n’ayant pas pu le recevoir entre-temps (voir chapŒtre 2).
    Le livre de paroisse, commencé en 1829, retrace la période clandestine en ces termes « Monsieur Bascher, ancien curé de Rezé, fût le premier prêtre qui célébra la messe dans la paroisse depuis 1792, et ce le 2 avril 1800. Son successeur fût Monsieur Martin. Enfin le 22.11.1802 J.B. Blanchet est nommé curé de Saint Sébastien (28).

    Ce livre de paroisse est malheureusement écrit 30 ans après les évennements et il est basé sur des témoignages qui donnent une verson tronquée des faits, puisque René Lemesle a dit la messe à Saint Sébastien en la chapelle de la Savarière le 26.11.1795 au moins (voir p.46), si clandestinement que les témoins intérrogés ne relatent pas ces faits 30 ans après.
    Le registre de catholicité de Saint Sébastien, qui suit la période révolutionnaire, donne des indications qui diffèrent de ces témoignages. Ce registre commence le 19.08.1800 comme suit :

    Registre pour inscrire les mariages et baptêmes de la paroisse de Saint Sébastien au diocèse de Nantes depuis le 14 du mois d’Août 1800 et la premier acte est du 19 du dit mois d’août même année, la page où il se trouve doit être regardée comme la première de ce registre qui a été quotté et millésimé par nous prêtre catholique desservant et l’avons signé … J. Martin Rr desservant de Saint Sébastien (registre de catholicité, Saint Sébastien, Archives paroissiales).

    M. Martin baptise et marie dès le 19 août 1800, or les enfants qu’il baptise viennent de naître, donc les enfants de Saint Sébastien nés avant cette date avaient déjà été baptisés. Est-ce que Bascher les auraient tous baptisés entre le 2 avril 1800 et le 19 août ? Bascher a-t-il pu tenir un registre, ou bien a-til tenu uniquement des minutes des actes ?
    Toujours est-il que l’on ne trouve la trace d’un prêtre avant Martin que par déduction, à partir de l’âge des enfants qu’il baptise. Mais on retrouve par contre une feuille volante dans le registre de Saint Sébastien :

    Cet acte écrit en 1799 est signé de façon authentique par le parrain et la marraine. En outre, l’écriture est bien celle de Marchand. Ce prêtre, recteur de la Chapelle Heulin, se déplaca beaucoup pour échapper aux poursuites, et ne réussit à faire que de courtes apparitions à la Chapelle-Heulin. Il aurait donc été présent à Saint Sébastien en 1799. L’acte qu’il signe à Saint Sébastien peut être considéré comme un bel exemple de précision « en la ville de Nantes, au lieu dit Vertais, trêve de Saint Jacques paroisse de Saint Sébastien ». Marchand commence par la géographie communale « ville de Nantes », qu’il n’ignore pas, puis le quartier de Vertais, aujourd’hui absorbé par notre Ile Beaulieu, qui dépendait avant la révolution de la paroisse de Saint Sébastien à travers la trêve de Saint Jacques. Le statut de trêve n’était pas cité fréquemment par les paroissiens de Saint Jacques avant la révolution, on peut donc affirmer que c’est Marchand qui avait appris, sans doute au séminaire, le statut de chaque paroisse du diocèse.
    Cette précision, en pleine persécution, montre que ces hommes poursuivis savent garder un savoir-faire exceptionnel de rigueur et de précision. Les actes de baptêmes délivrés par ces hommes ne sont pas des certificats au rabais : tout se passe comme si, faute de moyens, on avait à coeur de noter rigoureusement le plus de détails possible.
    Marchand ne fût pas le seul prêtre à passer à Saint sébastien. Le registre de 1800 n’est pas écrit de la seule écriture de Martin. La seconde écriture était soit celle de Jaulin, soit celle de Connard. Ces 2 prêtres signent chacun un acte à Saint Sébastien en 1800. J’ai un programme d’analyses graphologiques en cours pour toutes ces écritures.

  • Basse Goulaine
  • René Lemesle a marié des Bas-Goulainais, et il a même marié le 27.1.1795 dans l’église de Basse Goulaine (voir le registre à cette date). Ces Bas-Goulainais ont régularisé civilement plus tard, mais on relève à Basse Goulaine dans l’état civil en 1814 au moins 2 mariages de régularisation qui ne figurent pas dans les registres clandestins connus à ce jour. Il s’agit d’ailleurs de 2 couples qui font enregistrer le jour de leur mariage civil respectivement 7 et 8 enfants vivants, dont plusieurs non déclarés auparavant. Ces mariages laissent supposer un mariage clandestin religieux non connu à ce jour. Il existait donc un prêtre itinérant à Basse Goulaine, qui y fiat des passages pendant la guerre civile. Le registre d’état civil lui-même permet de mettre ainsi en évidence cette existence.
    Pour ce qui est du phénomène d’enregistrements d’enfants, et même nombreux enfants, il est fréquent lors de ce type de mariage civil de régularisation. En fait les enfants avaient besoin de papiers pour se marier d’où la nécéssité dans laquelle étaient finalement les parents de se rendre à la mairie. Une grande partie de ces enfants n’avaient jamais été déclarés, toujours 1 sur 4, souvent 2 sur 4. Les registres de naissances de l’état civil sont donc incomplets, si l’on ne tient pas compte de ces déclarations très tardives. Au moment de la déclaration, les enfants, qui sont dans tous les cas des baptisés clandestins, ont plus de 20 ans.
    Pour mesurer le taux de baptêmes, la comparaison entre le nombre de naissainces dans l’état civil, et le nombre de baptêmes dans les registres clandestins a déjà été tenté. Patricia Lusson-Houdmon s’est heurtée au surplus de baptêmes comparé aux naissances (29). Ce surplus n’a pas d’autre cause que la sous déclaration des naissances. Malgré les menaces, plusieurs couples par commune ont réussi à ne pas déclarer des enfants avant leur âge adulte.

  • Le mariage civil seulement
  • Les mariages civils ne recoupent pas tous les mariages religieux, et quelques mariages civils n’ont pas d’équivalent dans le registre clandestin.
    De là à conclure que les couples mariés uniquement civilement sont détachés de la religion, il faut être prudents. En effet, l’un de ces mariages civils pour lesquels on ne trouve pas d’équivalent religieux est celui du couple de Charles
    Marie Goguet de la Salmonière (voir p.42) et d’Emilie Bonchamps, la soeur du général tombé à Saint Florent le Viel le 20.10.1793. Leur mariage civil le 19.07.1800 à Saint Julien est une régularisation de plus, mais n’a pas été pris en compte dans la statistique du délai d’enregistrement du mariage, car cette statistique n’est basée que sur le registre de Renée Lemesle. Le délai est dans le cas de ce couple de 6 ans et 7 mois. Nous ne disposons que du récit de la Marquise de la Rochejaquelein, mais il est crédible.
    Les autres couples, uniquement civils apparamment, ne sont pas nombreux, puisque non compris le couple ci-dessus, ils sont au nombre de 12. Il n’est pas à exclure que quelques uns soit républicains.
    Certains Concellois ne dédaignent pas les prêtres contitutionnels. Ainsi, le 7 pluviose an IV de la République Française (sic) en l’église de Saint Jacques de Nantes, François Limousin, marinier, 33 ans, né à St Julien de Concelles, et demeurant rue du Port Maillard, épouse religieusement Marguerite Raimbaud de St Fiacre.

  • L’enregistrement
  • Dans ce chapitre, il a été question de « délai d’enregistrement » et non de délai entre le mariage religieux et le civil. C’est que ce dernier était considéré en 1798 à St Julien comme un enregistrement (voir p.).

    Ouvrage paru en 1990
    (C) Editions Odile HALBERT
    ISBN 2-9504443-1-8

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Mémoire d’Avent, l’oeuvre clandestine d’un Angevin à Saint-Julien-de-Concelles 1794-1802 : René Lemesle – chapitre 5

    Ouvrage paru en 1990
    (C) Editions Odile HALBERT
    ISBN 2-9504443-1-8

    Chapitre V

  • LA FÊTE
  • La fête prérévolutionnaire
  • Les noces traditionnelles villageoises ont lieu le mardi dans la France rurale avant 1789. Pour la période de 1753 à 1789 à Saint-Julien-de-Concelles, 86,8 % des couples se marient le mardi, et 11,4 % le lundi, également considéré comme jour traditionnel. Ces deux jours totalisent 98,2% des mariages (voir graphique p.43).
    Au Loroux-Bottereau pour la période de 1740 à 1789, ces chiffres sont respectivement de 84% pour le mardi et 10 % pour le lundi, soit 94 % pour ces deux jours (24).
    La préférence du mardi s’explique : on prépare le festin le lundi en tuant le cochon, en confectionnant terrines, plats de volailles. Le mardi on fait ripailles, le mercredi on prolonge. Toute la famille et tous les voisins et amis sont réunis, en outre plusieurs couples sont souvent unis le même jour ; ainsi, le record dans la région est de 22 couples le mardi 22.02.1779 au Loroux-Bottereau.
    Les variations saisonnières sont rythmées par l’église et les travaux agricoles. L’église tient pour interdits le Carême et l’Avent. Ces interdits, aussi appelés « temps clos », sont respectés. Le Carême commence plus ou moins tôt selon les années, au plus tôt le 4 février, et se termine au plus tard le 25 avril, d’où un creux étalé sur deux mois. En outre, on se marie moins quand le travail agricole est intense ; à Saint-Julien ce sont les mois du chanvre, de l’osier et de la vigne, c’est à dire septembre et octobre. De même au Loroux on ne se marie guère en septembre et octobre, alors que 27% des mariages y sont célébrés en février.

  • La fête clandestine
  • La fête clandestine est-elle traditionnelle ? Des récits de mariages clandestins et festifs ont été racontés. En voici deux exemples, extraits de mémoires :

    Mon mariage fut arrêté pour le 18 janvier 1796. Il eut lieu en effet ce jour, mais ce fut au milieu des batailles, car à 2 heures de l’après midi, au moment de se mettre à table, une vive fusillade se fit entendre à 3 lieues et nous laissa dans l’incertitude de prendre le repas ou de rejoindre le bataillon aux prises, commandé par MM Douarin frères, officiers très distingués, lesquels, après une heure de combat, poursuivirent l’ennemi jusque sous les murs de la petite ville de Nort d’où il était sorti et dont le canon de la fortification nous annonça la victoire des Royalistes. Un courrier vint annoncer le succès de MM. DOUARIN et l’on se mit à table aux cris de « Vive le Roi ». Nous passâmes la journée joyeusement car, il faut en convenir, par un bienfait de la Providence dans un temps si malheureux, la tristesse était bannie de tous les esprits et, doutant de son existence au lendemain, on conservait cependant une sérénité, une absence de soucis que l’on n’a pas en temps de paix (25).

    C’est Pierre-Michel Gourlet, général de cavalerie à l’Armée de Scépeaux qui commande la région de Nort-sur-Erdre, qui relate ainsi son mariage clandestin dans ses mémoires. L’union est bénie par M. Royer, vice-gérant de Saint-Mars-la-Jaille, après publication d’un ban à Pannecé. Le registre clandestin est de nos jours à l’état civil de Saint-Mars-la-Jaille.

    La Marquise de la Rochejacquelein raconte le mariage de Charles Goguet de la Salmonière pendant la virée de Galerne :

    Il arriva à Fougères une histoire fort comique; la soeur de M. de Bonchamps suivait l’armée; comme elle était brouillée avec la veuve de ce général, elle restait à peu près seule, ou du moins avec des personnes indifférentes. Elle entra, pour une affaire, avec d’autres dames, à l’état-major ; tout en causant, ces dames dirent combien les femmes qui n’avaient point d’officiers pour parents, étaient à plaindre, abandonnées pour les logements et le reste ; on observa en badinant qu’il leur était aisé d’en avoir, qu’elles pouvaient se marier, qu’il ne manquait pas de jeunes gens. Melle de Bonchamps répliqua en riant que le conseil était excellent, mais que les femmes ne devaient faire d’avances et que c’était à ces messieurs à se proposer. Alors, M. de la Salmonière, officier du corps de Bonchamps, lui demanda si elle parlait sérieusement et si elle accepterait une proposition. Cela dépendrait, répondit-elle, de celui qui la ferait. M. de la Salmonière lui dit : « Eh bien, mademoiselle, me voilà, je me propose et serai fort heureux si vous voulez de moi ». Melle de Bonchamps était jeune et, comme je l’ai dit, se trouvait isolée, elle accepta sur-le-champ; ils se marièrent le lendemain ; M. de Talmond, toujours prêt à s’amuser, leur donna des fêtes. (8)

    Le mariage religieux fut probablement écrit sur une feuille volante et ne nous est pas parvenu, si ce n’est par le récit de la marquise de la Rochejaquelein, qui a tout lieu d’être véridique, même si la marquise n’est pas toujours fiable.
    René Lemesle assista probablement à ce mariage festif en plein coeur de la Virée de Galerne, à Fougères. En tous cas, la marquise ne cite pas le nom du prêtre qui a béni cette union, donc il ne devait pas être connu.
    Comme dans les contes, les époux furent heureux et eurent des enfants à Saint-Julien-de-Concelles. Il y font baptiser le 24.08.1801 leur fils Charles, né le 02.08.1801. Le parrain est l’aîné des enfants, Auguste Charles. La cérémonie réunit trois prêtres : Veillard, Fremont, et René Lemesle.
    Le couple fait enregistrer le mariage civilement le 19.07.1800 à Saint-Julien-de-Concelles : il réside à la Salmonière. Ce mariage civil aurait pu être qualifié de « républicain » car sans son équivalent religieux. Il est donc vain de comparer les mariages civils aux mariages religieux dans le but d’en conclure que les mariages uniquement civils sont le fait de bons républicains.

    Rythme hebdomadaire des mariages clandestins

  • On compare ci-contre la période de 1753 à 1789 à Saint-Julien, à la période clandestine.

    Les mariages clandestins ont maintenu la tradition du mardi et du lundi. L’érosion du mardi est en partie reportée sur le lundi. Ces deux jours représentent 88,3 % des mariages clandestins.
    L’érosion de ces deux jours est plus importante quand la persécution s’accentue. Ceci est surtout sensible pour les non-Concellois.

    L’année 1795 est une année sans difficultés : le profil hebdomadaire est identique au profil prérévolutionnaire pour les Concellois, mais deux Sébastiennais se marient le jeudi.
    Beaucoup de couples sont parfois unis ensemble un autre jour que le mardi ou le lundi. Ainsi, on observe cinq mariages clandestins le mercredi 13.09.1797, trois le jeudi 28.09.1797, deux le dimanche 12.11.1797 et deux le jeudi 26.04.1798. Pour la plupart de ces mariages collectifs, René Lemesle était manifestement situé dans un village proche du Loroux et de La Chapelle-Basse-Mer. On ne peut pas conclure qu’il s’est rendu au Loroux car il y toujours des couples concellois le même jour.
    Par contre, il s’est rendu à Basse-Goulaine le 27.01.1795 pour marier dans l’église deux couples de Saint-Sébastien.
    Il est aussi à la Gagnerie en Saint-Sébastien ou quelques Sébastiennais festoient le lundi 23.11.1795 : cinq couples de Sébastiennais et de Concellois se pressent dans la Chapelle de la Gagnerie « pour éviter les poursuites des révolutionnaires ennemis qui nous environnent ». Les personnes présentes sont au minimum 27, en ne citant que les époux et les témoins, auxquelles il faut ajouter le prêtre et les épouses des hommes présents comme témoins. Car, si ce sont les hommes qui sont témoins et laissent leur nom dans le registre, on doit admettre
    que leurs épouses n’étaient pas restées à la maison, d’ailleurs dans toutes les études de la pratique religieuse en période révolutionnaire, elles sont donnés généralement comme majoritairement présentes aux messes clandestines (18,19).
    Le lundi est jour de mariage festif avant la Révolution, même si cela est de fa‡on secondaire. Il le reste pendant la guerre civile et l’analyse des mariages bénis ce jour-là par R. Lemesle est significative : ce sont très souvent des mariages collectifs : cinq les 14.09.1795, 23.11.1795, 23.01.1798 et 12.11.1798, quatre les 16.02.1795 et 23.05.1796, trois les 18.01.1796 et 08.02.1796, deux les 26.06.1796, 13.11.1797 et 22.10.1798.

  • Saisonnalité des mariages clandestins
  • Les mariages clandestins à Saint-Julien-de-Concelles respectent les temps clos. Le graphique de saisonnalité (voir p.28) montre nettement le creux des mois du mois de mars et celui du mois de décembre. La saisonnalité est identique chez M. Robin à la Chapelle-Basse-Mer, avec cependant une légère différence : René

    Lemesle bénit plus d’unions que M. Robin pendant les mois de travail agricole. Pour voir si la saisonnalité de René Lemesle diffère vraiement d’une saisonnalité connue, on compare ci-contre à celle du Loroux prérévolutionnaire. On constate à nouveau que R. Lemesle bénit un peu plus que d’autres pendant le travail agricole ? Or, ce travail est collectif, lors de rassemblements importants autant que festifs. René Lemesle, qui avait 28 ans en 1794, est capable de se déguiser en ouvrier agricole.

    Il a donc pu bénir des couples au milieu du travail. Le père Petard raconte que cela se produisait quelquefois au milieu des champs (9 p.247). Les champs sont le meilleur espace discret, puisque le rassemblement est justifié par le travail. René Lemesle ne ménage pas pour autant le cérémonial. Il aime une certaine solennité qu’il sait, avec bonheur, concilier avec la réalité quotidienne. S’il se transforme facilement en ouvrier agricole, son voisin, C. Massonnet, refuse de « se déguiser » en otant sa soutane. R. Lemesle montre ainsi que très t“t il a su retirer sa soutane, sans doute dès 1791, pour se fondre dans le paysage agricole ou artisanale. Cette aptitude à se glisser parmi la population témoigne d’une certaine faculté d’adaptation pour ce fils du forgeron issu d’une lignée de marchands de fil.
    En période de persécution, la population reste donc attachée à la forme traditionnelle des noces, et fait la fête à ses risques et périls. En effet, les 411 couples unis en 8 ans représentent un déplacement considérable de population.
    On peut donc se poser la question des allées et venues de toutes ces familles sans se faire remarquer, d’autant plus que les mariages le même jour sont nombreux, jusqu’à cinq ou sept, comme avant la Révolution.

  • Rythme annuel des mariages clandestins
  • Le registre de René Lemesle contient 411 mariages, et sa moyenne annuelle est très supérieure à la moyenne prévolutionnaire avec 50 contre 31. Mais il y a des variations. On observe une pointe trés élevée pour 1795 et 1796, puis un retour progressif aux chiffres prévolutionnaires, avec cependant une chute en 1799, non significative : avant 1789 les variations annuelles sont supérieures. Elle traduit cependant la difficulté à trouver le prêtre durant 1799.

    En 1795 et 1796, René Lemesle bénit trois fois plus de couples que la moyenne prévolutionnaire.
    Le nombre élevé de mariages en 1795 traduit à la fois la pacification et le fait que les couples ont attendu longtemps : les mariages sont d’autant plus nombreux qu’auparavant on en était privé. La reprise d’armes par Charette en juin 1795 et par Stofflet en février 1796 ne contribut pas à faire chuter le nombre des mariages de l’année 1796. On peut tenter d’en conclure que les Concellois n’ont sans doute pas beaucoup suivi cette reprise.
    Les années 1795 et 1796 traduisent également l’affluence des non-Concellois.
    Ces derniers ne viennent plus faire bénir leur union à partir de 1800, donc les années 1800 à 1802 restent élevées pour des mariages de Concellois seulement.
    Les mariages de Concellois, de 1795 à 1802, n’auraient pu être aussi nombreux si la moitié de la population avait disparue en 1794, comme cela a été raconté au Père Pétard (9). La majorité des Concellois a effectivement survécu et le taux annuel de mariages vient renforcer l’hypothse émise à partir des baptêmes, pour estimer le nombre de survivants à environ 2952 (voir p.36).
    Le décompte exact des mariages concellois est délicat, car les couples de Concellois avec non-Concellois sont fréquents avant 1789, comme pendant la guerre civile. Or, un couple de de Concellois avec non-Concellois peut aussi bien concerner une paroisse voisine, dans laquelle le nouveau couple créé s’installe.

  • Pâques avant les Rameaux
  • Avant la Révolution, le premier enfant nait généralement environ 12 à 16 mois après le mariage religieux (26,27). Cette moyenne est loin de refléter la situation individuelle car les écarts sont très élevés : quelques couples ont un enfant moins de 9 mois après le mariage, d’autres 2 ans et plus après le mariage. Le laboratoire de démographie historique considère comme « normale » la période 9 à 30 mois. Passé les 30 mois, c’est qu’une naissance entre temps a pu échapper à l’attention.
    En l’absence de prêtre insermenté entre 1791 et 1794, les couples en ont cherché, parfois vainement, un pour faire bénir leur union. La première naissance du couple est donc un paramètre qui pourrait montrer l’impatience à trouver le prêtre. Elle peut être rapprochée de la date d’union religieuse ou bien de la date d’union civile, lorsque celle-ci a précédé l’union religieuse.
    Citons : Michel Bergalome, marié le 26.09.1796 à Louise Amiot, qui ont un enfant le 06.02.1797 etc…
    Le délai de première naissance n’a pu être établi que pour un nombre assez limité de couples : une bonne partie des enfants ne sont pas des premiers nés.
    L’intervalle entre naissances a pu être évalué dans les baptêmes clandestins pour quelques couples qui ont trois ou quatre enfants pendant cette période. Il se rapproche de la normale prérévolutionnaire.

    En conclusion, en période de privation de prêtres, une partie non négligeable des couples a dû faire Pâques avant les Rameaux.

  • Fille ou fils de « feux »
  • Les père et mère des époux sont toujours, qualifiés de « feu » s’ils sont
    décédés. Cette qualification est assez fiable dans les registres de catholicité du XVIII e siècle. Elle fait partie d’une méthode d’enregistrement des actes soigneusement apprise au séminaire : questions précises à tous les témoins avant d’écrire.
    Les témoins sont moins précis dans l’état civil, à moins que ce soit les
    officiers municipaux qui ne savent pas les questionner. Tous les recoupements des fiches de familles des Lorousains révèlent ces différences de fiabilité, même sur un point de détail comme celui-ci.
    On peut donc suivre avec une grande précision le nombre de parents survivants au moment du mariage de leurs enfants. Pour 411 couples, il y a 1644 parents, dont 1049 sont décédés, soit 63,8%.

  • Veuf et veuve
  • Les remariages sont fréquents au XVIIIe siècle. Ainsi on observe à Saint-Aignan en Loire-Atlantique, 8,6% des hommes et 17,4% des femmes pour la période 1674-1742,(27). A Avrillé dans le Maine-et-Loire, Jacques Thomé constate observe une pointe à 31% chez les hommes et 20% chez les femmes dans le premier quart du XVIII e (28).
    Dans le registre clandestin de Saint-Julien-de-Concelles les remariages
    touchent 13,8% de veufs et 19% de veuves pour 67,2% de premiers mariages. Le taux de remariages est normal, c’est à dire qu’il ne permet pas de dire qu’il y avait plus de veuf ou veuves du fait de massacres.

  • Mémoire d’Avent
  • Tous les Concellois ont respecté les temps clos de l’église pendant la guerre civile. Pourtant, ces temps clos faisaient parfois l’objet de dispenses avant la Révolution. Ces dispenses étaient rares et concernaient surtout les mariages entre veufs. Sur les 6000 actes de mariages du XVIIIe siècle que j’ai déjà dépouillés dans cette région, quelques veufs ne suivent pas le profil traditionnel. Ils acceptent très souvent les mariages hors du mardi ou lundi, et pendant les temps clos. Ils ne refaisaient pas la fête traditionnelle en attirant tout le ban et l’arrière ban. Ceci se comprend étant donné la fréquence relativement élevée des veuvages au XVIIIe.
    René Lemesle a accordé lui-même une dispense du temps de l’Avent à Jean Gautier, veuf de Marie Clestras, et Anne Bretagne, veuve de Michel Chatelier, tous deux Sébastiennais, qui se sont mariés le lundi 07.12.1795 « après la publication d’un ban canoniquement faite et sans opposition au pr“ne de la messe paroissiale de Saint Sébastien, la dispense des 2 autres bans, du temps de l’Avent et d’un empêchement de consanguinité du 4 au 4ème degré donnée par nous en vertu des pouvoirs re‡us des supérieurs légitimes… ». Jean est laboureur à la Goulonnière en Saint-Sébastien et ne fera enregistrer civilement ce mariage que le 25.06.1809 à Saint-Sébastien, soit 13 ans et 6 mois après la cérémonie religieuse (voir p.49).
    Ce couple est l’unique cas de mariage pendant l’Avent sur les 411 mariages. Il s’agissait de laboureurs sébastiennais, qui avaient probablement connu René Lemesle dans la division de Lyrot. Ils avaient « galerné » avec lui et avaient connaissance de sa présence toute proche.
    Ils assistaient probablement à ses messes célébrées en Saint-Sébastien, et dont il est question dans les prônes des mariages de Sébastiennais : « après publication au prône de la messe paroissiale de Saint-Sébastien… ». En effet, R. Lemesle, comme ses confrères, cite toujours la paroisse dans laquelle a été publié le seul ban qui reste souvent ; lorsque le ban a été publié par un confrère, il cite l’autorisation de ce confrère et le nomme, ainsi de M. Robin ou D. Guillet.
    Ces messes sébastiennaises et basse-goulainaises cessent de 1796 au 7.01.1799, date à laquelle il marie encore un couple sébastiennais. D’autres prêtres clandestins ont donc très probablement dit la messe dans ces paroisses pendant cette période.
    René Lemesle est jeune, et comme la plupart de ces contemporains, il est rompu à la marche : en 1800 il va même baptiser une nièce à Vern, à 50 km de Saint-Julien. Pour desservir Saint-Sébastien ou Basse-Goulaine, il résidait parfois à la Vrillère qui est aux confins de ses deux paroisses, à l’Ouest de Saint-Julien. Le père Pétard cite la Vrillère, dans son ouvrage, comme ayant été l’un des lieux où R. Lemesle s’est caché.

    Ouvrage paru en 1990
    (C) Editions Odile HALBERT
    ISBN 2-9504443-1-8

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