Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

1687 : juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre

Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 1er juin (1687) mourut d’apoplexie et de paralysie monsieur de la Perrière Foussier conseiller honoraire au siège présidial, mari de la dame Gardeau.
  • Le même jour (1er juin 1687) monsieur de la Martinière Girault, conseiller au présidial, fils du feu sieur Girault greffier en chef au siège présidial et de la Delle Baché, épousa la fille de monsieur de la Sauvagère Guinoiseau conseiller honoraire audit siège et de la dame Boizourdy.
  • Le 2 (juin 1687) monsieur Bernard, conseiller au siège présidial, fils de Mr Bernard, conseiller honoraire au même siège et de la défunte dame de la Blanchardière Audouin, épousa la fille de feu Mr Robert Sr de Rouzée avocat et commissaire des saisies réelles et de la Delle Bellière.
  • Le 6 (juin 1687) mourut la femme de monsieur de la Houssaye Boucault conseiller au présidial ; elle a laissé six petits enfants ; elle s’appelait Gandon, fille du feu Sr Gandon et de la dame Denyau, mariée en secondes noces à Mr de Grée Poulain doyen des conseillers.
  • Le 7 (juin 1687) mourut madame Balain ; son fils droguiste confiseur a épousé la dame Olivier.
  • Le 8 (juin 1687) le Sr Viot marchand droguiste épousa la fille du Sr Chantelou du bourg de Foudon.
  • Le 13 (juin 1687) mourut monsieur Artaud âgé de 90 ans. Il avait beaucoup d’esprit, de mérite et de vertu. Il avait épousé la demoiselle Toublanc, dont il y a deux garçons ; l’aîné a épousé la défunte Delle de la Lande de la ville de la Flèche ; et le cadet mademoiselle Lefebvre de Chambourreau. Il fut enterré le lendemain dans l’église de St Michel du Tertre.
  • Le 15 (juin 1687) mourut le Sr Loyseau peintre.
  • Le 17 (juin 1687) mourut la femme de Mr Burolleau marchand de draps de soye ; elle s’appelait Guynoiseau, sœur de feu Mr Guynoiseau avocat ; elle a laissé plusieurs enfants.
  • Dans ce même temps mourut la femme de Mr de Lisle Me apothicaire.
  • Le 25 (juin 1687) le fils de Mr de la Roche Goizeau et de la Delle … épousa la fille de Mr du Brossé Mincé et de la Delle …
  • Le 26 (juin 1687) Mr Maussion conseiller au présidial, fils de Mr Maussion docteur en médecine et de la Delle Chedanne épouse Melle de la Gaudinière Poulain. Elle est sœur de madame Douasseau.
  • Le 3 juillet (1687) mourut à Château-Gontier monsieur de Chassonville cy-devant capitaine aux gardes ; il était oncle de Mr de Bailleur président à mortié au parlement de Paris, marquis de Château-Gontier.
  • Dans ce même temps mourut monsieur de la Hauterivière gentihomme.
  • Le 4 (juillet 1687) mourut la femme du Sr Camus commis aux traites ; elle s’appelait Geslin ; elle n’a point laissé d’enfants.
  • Le 7 (juillet 1687) mourut la femme de Mr de la Saulaye Guynoiseau avocat.
  • Le 13 (juillet 1687) monsieur Denis Guilbault avocat, fils du feu Sr Guilbault et de la dame Voirie, épousa la veuve du feu Sr Audiau ; elle s’appelle Hardy sœur de Melle Bassecourt Gault.
  • Le 26 (juillet 1687) messieurs François de Crespy fils de Mr de la Mabilière de Crespy procureur du Roy au siège présidial et de la dame Chauvel, et Georges Daburon fils de monsieur Pierre Daburon et de la défunte demoiselle Audouis plaidèrent leur première cause.
  • Le 3 août (1687) mourut la femme de monsieur Coiscault avocat ; elle s’appelait Chatelier ; elle a laissé trois enfants.
  • Le 9 (août 1687) mourut la femme du sieur Lourdais, marchand droguiste ; elle s’appelait Le Cout.
  • Le 12 (août 1687) mourut la femme du sieur Bedane, marchand de draps de laine ; elle s’appelait Caternault.
  • Le 13 (août 1687) mourut Legris, Me charpentier, âgé de 41 ans. Il était très habile et honnête homme dans son métier. Il a laissé cinq petits enfants. (il est rare que Toisonnier face place à un artisan dans son journal. On remarque que celui-ci est nommé uniquement par son nom de famille, non précédé de Mr)
  • Le 18 (août 1687) mourut madame Dupré de la Bourdrie ; elle avait été mariée en premières noces avec le feu Sr Mouteau dont il n’y a point d’enfant, en secondes avec le feu Sr Dupré dont il y a plusieurs. Elle avait été lontemps hôtesse de la maison de St Jean au faubourg St Michel du Tertre ; elle s’appelait …
  • Le 30 (août 1687) Mr Deniau et Mr Chantelou plaidèrent leur première cause.
  • Le 10 septembre (1687) mourut monsieur de Pontlevoy Froger, juge des traites.
  • Le 15 (septembre 1687) mourut la femme de monsieur Chauveau Me apothicaire. Elle s’appelait …
  • Le 28 (septembre 1687) mourut monsieur Cupif de Teildras conseiller au sièg eprésidial de cette ville, un des académiciens de l’Académie royale de belles lettres ; il avait épousé défunte dame Tréton duquel mariage il n’y a qu’une fille qui a épousé monsieur Boylesve conseiller au parlement de Bretagne.
  • Le même jour mourut madame Basile ; elle s’appelait Guérin.
  • Le 29 (septembre 1687) mourut Brulé Me boulanger.
  • Dans ce même temps mourut à Paris monsieur de la Grandière Laillé.
  • Le 2 (octobre 1687) mourut la femme de monsieur de la Jaille de St Offange ; elle n’a point laissé d’enfant.
  • Le 4 (octobre 1687) Mr Davy notaire veuf de la dame Boisard épouse Melle Marie Huet.
  • Le 13, le Sr Phelipeau marchand épousa la fille du feu sieur Saulay Me apothicaire.
  • Le 17 (octobre 1687) Mr Boylesve de Goismard, conseiller au siège présidial, fils de défunt Mr de Goismard Boylesve conseiller audit siège et de la dame Guinoiseau épousa la fille de Mr de Chazé Gaultier conseiller honoraire audit siège et de la dame de la Féaulté Renou.
  • Le 19, 21 et dernier (septembre 1687) arrivèrent onze cent hommes du régiment d’Alsace pour le quartier d’hyver.
  • Le 26 (septembre 1687) j’ai épousé mademoiselle Marguerite Guillot fille de feu Mr Guillot marchand en cette ville et de la dame Françoise Hodemont. Dieu donne sa sainte bénédiction à mon mariage.
  • Le 23 (septembre 1687) mourut madame Baillif, femme du feu Sr Baillif marchand ; elle s’appelait Audouin.
  • Le 17 novembre (1687) mourut la femme de Mr de Forges ; elle était fille de Mr de la Hurtaudière Chauvin avocat ; elle n’a point laissé d’enfant.
  • Le 18 (novembre 1687) mourut Mr de Hotteman, prêtre, curé prieur de Faye. Il était savant et très honnête homme.
  • Le 27 (novembre 1687) mourut Mr de Lusson prêtre doyen de St Lo.
  • Le même jour (27 novembre 1687) mourut madamoiselle Françoise Harangot, fille, âgée de 47 ans.
  • Le 29 (novembre 1687) mourut monsieur Lanier trésorier de l’église d’Angers, grand vicaire de monsieur l’évêque. Il fut enterré le mardy ensuivant dans la chapelle de Mrs Lanier dans l’église de St Michel du Tertre. Il était âgé de 86 ans.
  • Dans ce même temps mourut le Sr la Miche marchand poilier.
  • Le 2 décembre (1687) mourut le Sr Papillon marchand droguiste.
  • Le 15 (décembre 1687) le fils de Mr de la Porte Trochon, cy-devant grenetier, se fit installer dans la charge de lieutenant de Mr le prévôt possédée par Mr de Barault.
  • Le 19 (décembre 1687) mourut Mr Gault de Bassecourt, bourgeois de cette ville.
  • Le 21 (décembre 1687) mourut monsieur Jean Delorme avocat.
  • Dans ce même temps, mourut le Sr des Galachères Blouin. Il avait épousé la fille du Sr Binet.
  • Le 27 (décembre 1687) Mr Lezineau prêtre cy-devant avocat et maire de cette ville prit possession du doyenné de St Lo. (Note de Marc Saché, Archiviste du département du Maine et Loire, in Trente années de vie provinciale, 1930 : « René Lézineau, sieur de Gastines et de la Maronnière, avocat au Présidial, était fils d’un fermier de Saint-Macaire. Il fut nommé maire le 1er mai 1677 grâce à l’intervention du gouverneur de la province, Louis de Lorraine, comte d’Armagnac, grand écuyer de France, et malgré les protestations du Présidial et de plusieurs membres du conseil de ville qui lui faisaient grief « de sa basse naissance, du peu de suffisance et de mérite ». Il n’en fut pas moins continué dans ses fonctions jusqu’en 1681. Après son veuvage il entra dans le clergé, (voir sa mort en 1695). Il est bon de faire remarquer que le jugement sévère, porté sur lui lors de son avènement au mairat, doit être attribué à l’orgueil bourgeois du corps des magistrats plus intolérable et encore moins justifié que la morgue nobiliaire (voir C. Port, Dictionnaire, t2 p.514 ; Gontard de Launay, les Avocats d’Angers, 1888, p.176, Registre du Présidial p.98 note)
  • Cette année a été fertile en bled, vin et fruits.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet (blog, forum ou site, car alors vous supprimez des clics sur mon travail en faisant cliquer sur l’autre support, et pour être référencé sur Internet il faut des clics sur ma création) seul le lien ci-dessous est autorisé car il ne courcircuite pas mes clics.

    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

    1687 : janvier, février, mars, avril, mai

    Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 7 janvier (1687) monsieur de Boult Sr de Cintré gentilhomme épousa la fille de défunts monsieur la Jaille Davoine et de la dame de Chandolant Goureau
  • Le 8 (janvier 1687) mourut la femme de monsieur Burin, cy-devant greffier en chef au criminel ; elle s’appelait Gigon.
  • Dans le même temps mourut monsieur de Montrou mari de la dame veuve monsieur de Gentian.
  • Le 17 (janvier 1687) le fils du Sr Jouanneau marchand ferron tua sa sœur âgée de 18 ans d’un coup de fusil sans y penser.
  • Le 19 (janvier 1687) mourut monsieur Ganne maître apothicaire en cette ville, âgé de 54 ans.
  • Le 26 (janvier 1687) mourut la femme de monsieur de la Saulaye Jouët ; elle s’appelait Callixte ; elle n’a point laissé d’enfants.
  • Le 27 (janvier 1687) mourut la femme de Mr Gouerrand valet de chambre de Monsieur le Duc d’Orléans ; elle s’appelait Davy.
  • Le mesme jour (27 janvier 1687) le sieur Touchais marchand de draps de soye, épousa la fille de madame veuve Vallée imprimeur.
  • Le 28 (janvier 1687) le sieur Paytrineau de la ville de La Flèche marchand de soye en cette ville épousa la fille du Sr Garciau greffier en chef au présidial et de la dame…
  • Le 29 (janvier 1687) mourut le Sr Banchereau archer de la maréchaussée de cette ville âgé de 42 ans.
  • Le 30 (janvier 1687) mourut monsieur Pierre Landevy prêtre fils de feu monsieur Landevy et de la demoiselle Boisard de la ville de Baugé.
  • Dans ce même temps mourut le Sr Bridier marchand de dentelles.
  • Le 31 (janvier 1687) mourut monsieur Guérin prêtre chanoine en l’église de St Maurille de cette ville ; il était âgé de 41 ans.
  • Le 1er février (1687) mourut la femme de défunt monsieur de la Plante Pierre, marchand droguiste en cette ville ; elle s’appelait Barbier ; de son mariage elle eût un fils unique décédé depuis quelques mois, marié avec la demoiselle Ganches, laquelle n’a eu aucun enfant.
  • Le même jour (1er février 1687) mourut la femme de feu monsieur de la Foucherie Reimbault. Elle s’appelait Chauvin ; elle a laissé plusieurs enfants, un banquier à Rome, un prêtre, une fille mariée avec monsieur de Pretiat Courault, et une autre décédée mariée avec Mr Le Rat, avocat dont il n’y a point d’enfants.
  • Le 3 (février 1687) les Sr Dolbeau et Bogais plaidèrent leur première cause, le premier avec beaucoup de succès.
  • Le 4 (février 1687) mourut la femme de monsieur Peneau de Pegon, conseiller honoraire au siège présidial de cette ville ; elle était extraordinairement puissante, aussi elle est morte d’apoplexie ; elle s’appelait Gaudichon ; elle n’a laissé qu’une fille mariée à Mr de Neuville Poisson, cy-devant maire de cette ville.
  • Le 6 (février 1687) on chanta une grande messe en musique en la salle du palais de cette ville où assistèrent messieurs du présidial en robe rouge, mrs de la prévôté, mrs de l’élection, mrs des eaux et forêts, et mrs les avocats, pour remercier Dieu de la santé qu’il lui avait plu de rendre au Roy. Tous les autres corps et communautés de la ville ont aussi rendu leurs actions de grâce, chacun en particulier.
  • Le 10 (février 1687) monsieur de Villeneuve du Cazeau gentilhomme, veuf de la dame Carion, duquel mariage il y a une fille, épousa mademoiselle Grimaudet, fille de Mr Grimaudet de la feue dame Boylesve, sœur de feu Mr de la Mauroisière Boylesve.
  • Le même jour (10 février 1687) mourut madame Mabit, femme du feu Sr Mabit, marchand de draps de laine ; elle s’appelait Grezil ; elle a laissé cinq filles, une morte femme du Sr Cazeau marchand de draps de laine, remarié avec la dame Maumusseau, une mariée avec le Sr Esnault marchand droguiste, une autre mariée avec le Sr Deschamps receveur des décimes à Rennes, une mariée avec le Sr Fagotin marchand de draps de soie et une autre fille.
  • Le même jour (10 février 1687) mademoiselle Boucault, fille de Mr de Hommeaux Boucault, conseiller honoraire au siège présidial, et de la dame Grudé, épouse Mr de Martin de St Aignan, gentilhomme.
  • Le même jour (10 février 1687) monsieur Dolbeau, avocat, épousa la fille de défunt Mr Gault Bassecour, aussy avocat, et de la Delle Hardy.
  • Le 11 (février 1687) mourut Mr Gontard avocat fils de feu Mr Gontard avocat et de la demoiselle Verdier. Il a laissé deux petites filles ; sa femme s’appelle Melle Primault, fille de Mr Primault et de Delle de la Haye Le Roy.
  • Le 21 du mois passé (janvier 1687) mourut Mr Chardon prêtre docteur en théologie, chanoine en l’église de St Maurille, à Riom en Augergne où il avait été exilé par ordre du … au mois de juillet 1676, après avoir paru trop attaché à la doctrine de Jansenius, qui dans ce temps là a tant fait de bruit dans de Royaume et pour être trop dans les intérêts de Monsieur l’Evêque d’Angers. Il est mort regretté de toute la ville de Riom.
  • Le 12 (février 1687) mourut une des filles de monsieur Gilles Guilbault, avocat ; elle avait été longtemps travaillée d’un mal qui l’agitait extraordinairement qui fit croire qu’elle était obsédée du démon, et ce qui fit qu’on l’exorcisa.
  • Le 19 (février 1687) mourut le sieur Bergereau ; il a marié une de ses filles à Mr de l’étang Gandon.
  • Le 3 mars (1687) monsieur de la Martinière Girault se fit installer dans la charge de conseiller au siège présidial de cette ville, cy-devant possédée par monsieur de la Féaulté Renou, à présent maire de la ville.
  • Le 14 (mars 1687) il fit un grand éclat de tonnerre sur les quatre heures du soir.
  • Le 15 (mars 1687) messieurs Lesourd et Gouyon plaidèrent leur première cause.
  • Le 16 (mars 1687) mourut la femme de feu monsieur Richard, receveur aux Ponts de Cé ; elle s’appelait Guédier, âgée de 80 ans.
  • Le 24 (mars 1687) mourut la femme de feu Mr Brillet bourgeois. Elle s’appelait Richard ; elle a laissé plusieurs enfants qui ne sont point encore établis.
  • Le 25, 26 et 27 (mars 1687) les 1 600 hommes du régiment d’Alsace qui étaient en cette ville en quartier d’hyver depuis six mois, partirent pour se rendre au camp de Maintenon pour la continuation des travaux et pour l’aqueduc de la rivière d’Eure.
  • Dans ce temps mourut le sieur Angoulant ; il avait été pendant plusieurs années valet de pié de monsieur.
  • Le 9 avril (1687) monsieur de la Saulaie Jouët, veuf de la demoiselle Calisse, duquel mariage il n’y a point d’enfants, épousa mademoiselle Françoise Brichet.
  • Le 8 (avril 1687) monsieur Avril, conseiller au présidial, fut élu conseiller et échevin perpétuel de l’Hôtel de cette ville en la place de Mr Avril son frère, cy-devant procureur du Roy à la Prévôté, et à présent major du château.
  • Le 14 (avril 1687) Mr Cordier, fils de Mr Cordier avocat et de la demoiselle Sager, plaida se première cause.
  • Le même jour (14 avril 1687) Mr Gouin, avocat, fils de défunts Mr Gilles Gouin, aussi avocat, et de la demoiselle Chevallier de Laurière, épousa la fille de défunts Mr de la Roche Trochon, grenetier en cette ville et de demoiselle de la Cour Lemanceau.
  • Le 16 (avril 1687) Mr Le Rat avocat veuf de la demoiselle de la Foucherie Reimbault, duquel mariage il n’y a point d’enfant, épousa la fille de monsieur de la Béraudière Cupif.
  • Le même jour (16 avril 1687) mourut mademoiselle Legaufre, âgée de 79 ans.
  • Le 21 (avril 1687) la fille du feu Sr Neveu, cy-devant marchand de draps de laine, et de la dame Nau, épousa le Sr Joly, fils du feu Sr Joly cy-devant fils du Sr Joly cy-devant notaire en cette ville.
  • Le même jour (21 avril 1687) le Sr Dupuy, veuf de la dame Bonnet, épousa la fille du Sr Roger, hôte. Il est hoste à Brissac.
  • Le 27, le fils cadet de Mr de la Roulerie gentilhomme, épousa la fille de défunt Mr de Lorchère Damné, dont le frère aîné a épousé la fille de feu Mr de la Boulaye Chauvel procureur du Roy au siège présidial de cette ville et de la dame Grimaudet.
  • Le 1er mai (1687) messieurs de Montiron Hernault, conseiller au siège présidial, et de la Tirrelière Poulain, furent élus pour échevins.
  • Le même jour (1er mai 1687) le fils de défunts Mr Caternault notaire et de la dame Perrouin, épousa la fille de défunt Mr Cherpentier avocat et de Delle Crosnier.
  • Le 2 (mai 1687) mourut monsieur Piolin, bourgeois.
  • Le 3 (mai 1687) mourut monsieur de la Hussaudaye Robert. Il a laissé plusieurs enfants ; une fille a épousé le Sr Delaunay marchand ; feu son fils était avocat et commissaire des saisies réelles.
  • Le 4 (mai 1687) le fils de feu Mr de Jonchère Thomas avocat et procureur de l’hôtel de cette ville, épousa la fille de feu Mr de la Douve du Cormier et de Delle Siette. Deux de ses sœurs Cormier ont épousé les sieurs de la Hamardière Neveu et Duménil d’Acigné.
  • Le 5 (mai 1687) mourut une fille de feu monsieur Aubert avocat et de la demoiselle Augeard ; elle était âgée de 20 ans.
  • Le 8 (mai 1687) Me Elys, avocat, veuf de la demoiselle Millecent de la Dodaye, duquel mariage il n’y a pas point d’enfant, fils de défunts Mr Elys conseiller au siège de la prévôté et de la demoiselle Brouard épousa la demoiselle Ganches veuve du feu sieur de la Plante Pierre, duquel mariage il n’y a point aussy d’enfant, fille de défunts Mr Ganches Sr du Brossé et de la Delle Toublanc.
  • Le 4 (mai 1687) mourut à Paris monsieur Lanier, thrésorier de l’Eglise d’Angers, fils de monsieur Lanier maître des requêtes et qui avait été ambassadeur au Portugal et de la dame Liquet.
  • La nuit du dernier jour d’avril et la nuit suivante, la plus grande partie des vignes d’Anjou gelèrent. On dit que la même disgrêce est arrivée dans les autres provinces. (mais fin décembre il note : Cette année a été fertile en bled, vin et fruits !!!)
  • Le 8 mourut à Paris madame de la Guérinière Boylesve. Son mari avait été longtemps dans les partys ; elle s’appelait Oger.
  • Le 12 (mai 1687) le fils de Mr Carré notaire en cette ville et de la défunte dame Chesneau épousa la fille du Sr Ponceau marchand à Saumur et de la dame Pigeon.
  • Le 15 (mai 1687) mourut la femme de Mr de Grée Poulain, fils de Mr de Grée Poulain, conseiller au siège présidial ; elle s’appelait Bernard.
  • Le 18 (mai 1687) mourut la femme de monsieur Duménil d’Aussigné ; elle laissa deux enfants ; elle est morte de la petite vérole ; elle s’appelait de la Douve du Cormier.
  • Le 19 (mai 1687) Mr Couesté avocat, fils de Mr Coueffé aussy avocat et de la Delle Huchedé, épousa la fille de feu Mr Aubert avocat et de demoiselle Augeard.
  • Le 20 (mai 1687) le fils de Mr Desplantes Jallet et de la dame Legoaqueller épousa la fille de Mr Gourreau conseiller honoraire au siège présidial et de la feue dame Eveillard.
  • Le 19 (mai 1687) Mr Carré notaire veuf de la dame Chesneau, épousa la veuve du feu Sr Mingon marchand ; elle s’appelle Pelletier.
  • Le 24 (mai 1687) messieurs Duport et Boussac plaidèrent leur première cause.
  • Le même jour (24 mai 1687) mourut subitement à Paris monsieur Belot sieur de Martou, mari de la dame Gohin, duquel mariage il y a plusieurs enfants.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930
    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905 CHAPITRE IX. EMPRISES MESQUINES.

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Le facile ménage du peintre subit quelques lézardes. Après plusieurs scènes la fantasque Touffe d’or disparut définitivement un beau matin en criant à son amant un adieu sincère. Charles la regarda paisiblement partir bourrant sa pipe. Un mince détail, sinon un débarras. Elle l’ennuyait avec sa jalousie depuis quelques jours. Il rêvait d’un tableau original pour leur exposition du mois de mars. Or il avait trouvé le modèle en la personne de sa voisine.
    Madame Janny, la voisine, était une jeune femme de vingt-deux ans, forte, aux hanches puissantes, brune avec de larges cheveux et des yeux sombrement clairs comme des gueules de fournaise. Elle habitait avec son mari une mansarde étroite de l’autre côté du palier. Un logis qui sentait la misère affreuse. Peu de temps après son mariage, son époux fut cloué sur le lit par une maladie de la moëlle épinière. Depuis quinze mois, il n’en bougeait plus. A cet homme qu’elle adorait, elle consacrait son existence entière, le soignant, le nourrissant de son travail assez rare, car elle ne pouvait s’absenter. Jamais elle ne demandait de secours ; par exception seulement elle recevait chaque semaine des bons du Bureau de bienfaisance.
    Lorsque Charles apprit sa situation pénible et son noble servage, il s’empressa de lui rendre délicatement de bons services. Puis un jour il lui demanda de poser le nu. Il lui donnerait un prix très élevé. Vainement il essaya de la séduire par des offres même exagérées. Elle refusait toujours. Nul homme n’aurait le droit de voir son corps que son mari. Il ne le saurait pas. Qu’importe ! C’eut été une lâcheté, une tromperie. Elle serait encore plus que jamais fidèle au pauvre être douloureux qui se confiait naïvement à sa bonté.
    Charles n’avait pas insisté sur ces réponses fermes qui l’avaient touché au fond du cœur. Et maintenant que Berthe était partie, il l’avait priée de veiller à son désordre.
    L’image de l’oeuvre future le hantait. C’était Mme Janny qu’il évoquait au premier plan, puissante éducatrice de chair merveilleuse. Il fit de longues sorties au hasard espérant rencontrer un type semblable. Il fréquenta les mauvais lieux, les cabarets, les cafés chantants, les rues sordides. Rien ne répondait à son vouloir. Il palpa de ces viandes humaines à louer ou à vendre, voulut forcer sa foi, se mentir un instant. Châteaux de cartes qui s’écroulaient au moindre effort d’imagination. Il en fut presque malade. La tristesse l’isola. Des journées entières, il se renfermait chez lui, oubliant toute nourriture. Pêle-méle sur les meubles traînaient des croquis de femmes nues, où le visage — celui de sa voisine, — surmontait, des corps embryonnaires rayés de coups de crayons rageurs. Comme elle le gourmandait de sa conduite, il s’emporta contre elle. N’était-ce pas uniquement de sa faute s’il souffrait ? Ne pouvait-elle se sacrifier pour l’art ? Il ne la cherchait pas pour en faire sa maîtresse. Non ! Il la respecterait ainsi qu’on vénère une sainte. Ce ne sont pas des regards indécents d’homme qui l’effleureraient de souillures, mais des yeux vierges d’artiste, avides de l’unique beauté de la forme. Elle le priait de se taire, de ne pas insister. Elle ne pouvait céder à cause du malade aimé, car malgré tout c’était pour elle une vilaine trahison.
    Mussaud travaillait placidement à son sujet, une matrone épaisse devant épanouir un luxe de matière affriolante. Frayssère caricaturait des types avec ses ses marrons ; il en avait déjà terminé une demi-douzaine très drôles. Verneuil gardait sur son travail un silence discret. Il n’en était pas ainsi de Charmel. Oh ! les méridionaux, ils ne doutent jamais de rien.
    Charles contait son insuccès à son ami René. Celui ci le consolait. Bah ! elle cédera d’un moment à l’autre. De la patience et de la douceur. Bras dessus, bras dessous ils arpentaient les rues malpropres. L’oncle, M. de Lorcin avait réitéré ses invitations à son neveu. Le neveu continuait malgré les menaces de faire la sourde oreille. « Qu’il me flanque la paix, comme je la lui flanque. »
    Le 28 janvier à un dîner offert par René à son ami Delange pour sa fête, il y eut les petites Belle et Line. René ne les avait pas revues depuis leur rencontre au cirque. Il les interrogea adroitement sur le rendez-vous avec Varlette. Légèrement surexcitées par le champagne, elles dirent tout avec une impudeur étonnante. Elles avaient trouvé l’architecte à la porte ; il les avait conduites dans un hôtel meublé de la rue de la Boucherie. Pendant quatre heures il avait cherché des plaisirs insensés de lubricité où le ridicule se mêlait à l’ignoble. Assez obéissantes aux désirs du vieil impuissant, elles s’étaient efforcées de ranimer le feu éteint sous la cendre encore un peu chaude de la vieillesse. Elles riaient de raconter le hideux poussah nu comme un ver, allongé entre elles, la tête appuyée sur leurs pieds, passant sa langue avide entre leurs doigts, le long des chevilles, sous la plante, râlant comme un phoque avec des soupirs de joie, des cris d’enfants inarticulés. Il les avait fait revenir plusieurs fois, se livrant presqu’uniquement à son vice préféré, son mode de jouissance aphrodisiaque de ses sens séniles. René sentait ce récit lui mettre un gant de cuir défensif contre ces bourgeois aux saletés cachées, aux passions de pourceaux.
    René se rendait souvent rue Prémion, après son déjeuner, car il était sûr d’y rencontrer son ami. A la bonne chaleur de la salamandre nouvellement installée, ils causaient de leurs juvéniles aspirations. Deux amis goûtent d’immenses joies, que ne comprendront jamais les oiseux, à se réciter les fables de leurs âmes en une intimité épurée de femmes. Une fois en montant l’escalier, il rencontra le baron des Valormets. Celui-ci l’arrêta.

  • N’êtes-vous pas monsieur René de Lorcin ?
  • Si, Monsieur !
  • Je crois en effet vous reconnaître, car si vous souvenez je vous ai rencontré chez votre oncle vers le mois de novembre dernier.
    Je me souviens aussi de vous.
  • Je connais parfaitement M. de Lorcin. Nous faisions souvent la partie ensemble. Il y a bien longtemps qu’il ne vous a vu, m’a-t-il dit. Il me semble qu’il y a quelque chose d’urgent à vous apprendre. Ce sont vos affaires ; je n’aurais garde d’être indiscret.
  • René le regarda en face se demandant ce que signifiaient ses paroles.

  • Vous connaissez donc quelqu’un dans la maison ?
  • C’est ici qu’habite mon ami Delange.
  • Ah ! vous allez chez lui ! Un drôle d’individu ! Ce qui me déplait chez ces artistes, c’est la conduite dissipée qu’ils affichent partout. La jeunesse n’est pas de bois, je le sais malheureusement, mais qu’elle se cache. Votre oncle est absolument de mon avis.
  • Vous venez de sa part, on le jurerait !
  • Certes, non, M. de Lorcin lave son linge sale en famille, à moins de circonstances fâcheuses pour qui le veut bien !
  • Monsieur, je vous demande pardon, je suis pressé.
  • Quatre à quatre il se précipita chez le peintre à qui naturellement ii raconta la scène. Charles n’y prit qu’une médiocre attention. Dès que René eut fini son récit, il lui demanda brusquement :

  • La dernière fois que tu as vu mon père, as-tu remarqué sa tristesse préoccupée ?
  • Pourquoi cette question ?
  • Réponds-moi… Il m’a semblé ce matin excessivement drôle, craintif ; ses mains tremblotaient. Il m’a affirmé n’être pas malade. Je crains cependant quelque malheur. Le monde des affaires est changeant et la roue de la fortune s’arrête plus souvent sur les zéros que sur les dix.
  • Je ne veux pas te le cacher. Lolette et moi avons été frappés de son visage au cirque. Questionne-le plus vivement. Essaie de savoir.
  • Charles allait répondre, quand Mme Janny se précipita comme une folle dans l’atelier.

  • J’ai eu tort, monsieur Delange, de vous refuser de poser à vous qui êtes si bon pour moi. Vous me pardonnez, n’est-ce pas, car je suis toute prête maintenant, mais devant vous seul ?
  • Elle s’appuya sur le dos d’un fauteuil et deux grosses larmes coulèrent sur ses joues qui pâlissaient peu à peu.
    Les deux amis l’examinaient interloqués.

  • Qu’avez-vous, ma chère dame, qu’avez-vous à pleurer ? Qu’est-ce qui vous prend ? Que signifie cette offre brusque au milieu de votre douleur ?
  • Acceptez, je vous en prie, c’est de bon coeur. J’ai bien regret de mon refus. Il faut souffrir pour vivre et rester honnête.
  • Mais voyons, expliquez-vous ? Que vous est-il arrivé ?
  • Ah ! s’écria René, se rappelant sa rencontre dans l’escalier, M. des Valormets vous a donc, appris une triste nouvelle ?
  • Je ne peux pas vous dire. Non ! j’ai trop honte. Quelle canaille que cet homme !
  • Elle crispait ses poings et ses dents grinçaient de colère.

  • Vous devez au contraire nous avouer ce qui s’est passé entre le baron et vous. Si ce monsieur doit être puni…
  • Puni, vous voulez rire. Ce sont les Maîtres devant lesquels, nous, les pauvres, nous devons courber la tête. Et ils nous tyrannisent lâchement.
    Voyons soyez franche, que s’est-il passé ?
  • Eh bien voilà ! Chaque semaine le Bureau de bienfaisance m’envoie des bons par M. des Valormets. Il m’a fait un jour une proposition infâme. Je l’ai repoussée poliment pour ne pas perdre mes bons. Depuis ce temps-là, il n’a cessé d’insister, m’offrant le double, le triple de ce qui m’était accordé, puis il menaça de me faire rayer de la liste des pauvres. Je pris le parti d’aller moi-même au Bureau toucher mes bons, on me les refusa. Il le sut et insista davantage, voulut me tenter par de l’argent. Lassée, écœurée, je n’ai pu me maîtriser aujourd’hui, je lui ai craché mon mépris en pleine figure, le jetant à la porte de chez moi. Ses yeux flambaient, j’ai eu peur. Il a juré que je n’aurais plus à compter sur le Bureau. Alors il faut que nous crevions de faim mon mari et moi parce que je ne veux pas coucher avec les distributeurs de bons.
  • Calmez-vous, ma brave dame, lui dit doucement. Delange, vous ne manquerez de rien puisque je suis là. En second lieu mon ami René va s’occuper de votre affaire. Je ne sais s’il obtiendra raison, car tous ces gens-là, ça s’entend comme fripons en foire. Enfin,vous allez me faire le plaisir de ne plus pleurer ce qui me gâte vos jolis yeux, et maintenant que vous êtes mon modèle je tiens à le conserver intact.
  • René se donna une peine bien inutile à courir le reste de la soirée aux guichets des réclamations. Les humbles ont toujours tort. Ils mentent pour le plaisir de mentir et d’insulter les honnêtes gens qu’ils jalousent ? Le bon jeune homme sut d’une façon précise à quoi s’en tenir sur le chapitre de la charité collective et administrative. Ceux qui s’engraissent, ce ne sont pas les clients.
    En rentrant chez lui, il ne trouva pas Lolette, mais sur la table deux petites lettres, l’une rose sentant le trèfle incarnat, l’autre simple, griffonnée au crayon. Machinalement il ouvrit d’abord la plus belle. C’était une invitation de Mme Verdian à un thé pour le surlendemain. L’autre contenait ces mots : « René, adieu… il faut que je m’en aille:.. je t’aime toujours… J’ai nien du chagrin… oh ! les vilains hommes, les méchants qui me séparent de toi… ta Lolette chérie… »
    Il resta silencieux les dents serrées, les yeux pensifs, pendant qu’un frisson de peine lui glaçait les épaules. Il courut chez sa propriétaire :

  • Mme Demeux, avez-vous entendu venir quelqu’un chez moi dans la journée ?
  • Oui, Monsieur, il est venu vers deux heures un grand monsieur gris qui vous a demandé. J’ai répondu que vous étiez absent. Il est parti. Environ une demi-heure après, je l’ai vu revenir avec un autre homme. Ils ont frappé chez vous ; votre amie jour a ouvert
  • Vous les avez entendus causer.
  • J’en étais toute épeurée. Ils criaient parfois d’un ton terrible ; votre amie pleurait. Et cela pendant un bon quart d’heure, puis ils sont partis tous les trois. Elle marchait devant avec un gros paquet pleurant à chaudes larmes. Je n’ai pu m’empêcher de lui demander où elle allait. Alors le dernier venu m’a prié brutalement de m’occuper de mes affaires si je ne voulais pas en voir plus long. Je me suis renfermée chez moi, presque morte d’épouvante.
  • René, pâle comme une haut d’ivoire, ne répondit. rien. Il devinait une manoeuvre violente de son oncle. Une rage froide le faisait trembloter, plissait âprement son front blême. S’il avait pu prévoir l’af¬freuse aventure, il n’aurait pas été perdre des heures précieuses par charité. La bonté devient la balle qu’ils se lancent de raquette en raquette. Son oncle, il allait le troubler dans son repaire, il allait lui demander des comptes face à face sur le champ.
    Il courut. La course le rafraîchit. Il se reposa avant de sonner à la porte du bâtonnier. Sans demander quoi que ce soit, il passa hautainement devant le domestique el pénétra clans le cabinet de travail de l’avocat. En voyant entrer son neveu, M. de Lorcin qui écrivait posa sa plume et attendit tranquillement ce qu’allait lui dire le jeune homme. René ferma la porte derrière lui et debout, très froid :

  • Bonjour, mon oncle, vous m’avez plusieurs fois prié devenir vous parler. Je viens vous faire les ecuses de mon retard et vous demander ce dont il s’agit.
  • Mon Dieu, mon cher ami, j’avais à réprimander ta conduite un peu scandaleuse. Nous étions ici désolés de te voir suivre une voie préjudiciable à ton honneur et au nôtre, malgré les conseils que bous t’avions donnés. Nous sommes seuls, René, je fais abstraction des principes religieux. Puisque tu veux t’amuser, pourquoi ne t’amuses-tu pas en secret ? Pourquoi veux-tu que la ville entière sache que tu as une maîtresse et qu’on nous le jette au nez ironiquement ? Mais c’est de la bêtise de se ridiculiser ainsi, de se coller avec une femme quelconque quand on peut en cueillir des milliers qui fuient aux approches du matin ! Ma situation ne me permet pas d’avoir un neveu du même nom que moi balladant à son bras une catin par les rues de Nantes. D’ailleurs je ne comprends pas que tu n’aies pas eu honte d’abaisser ton nom aux yeux de tous les passants. Et ceux qui sont venus me le dire, des bourgeois fiers d’avilir notre race, de se montrer plus hauts parce que plus corrects. Ils riaient ; leurs rires cruels me faisaient mal. A mon âge, j’ai reçu, depuis un mois, trop de soufflets et trop de hontes !
  • René baissait la tête ; des larmes de colère honteuse mouillaient ses yeux. Il ne s’attendait pas à ce genre de reproches. Les paroles de son oncle touchaient juste. Le sang de ses veines avait le bleu du sang des Lorcin, le bleu de la noblesse orgueilleuse. Il avait été ridicule parce qu’il avait aimé. S’il avait été le chercheur de plaisirs grossiers, il serait resté le parfait gentilhomme. Et pourquoi la brute doit-elle annoblir l’homme, et l’amour l’avilir ?

  • Tu as peut-être cru l’aimer, continua M. de Lorcin, en es-tu bien sûr ? Je suis convaincu du contraire. L’amour n’est pas cet attrait rapide d’une chair facile à posséder et dont le charme n’a pas eu le temps de s’épuiser. Echafauder l’amour sur de la volupté, c’est bâtir avec des bulles de savon. Lorsqu’on a sucé le fruit jusqu’à la peau, on croque celle ci avec moins d’appétit, le reste, on le jette dégoûté.
  • Et si je veux goûter ce fruit jusqu’à la peau pour rejeter les déchets dans la paix de mon verger, de quel droit les passants viennent-ils lancer des pierres par dessus la haie ?
  • Du droit qu’ont les jaloux de se venger de leurs rancunes mesquines. Très beau de vouloir réformer la société, mais auparavant courbons-nous à ses lois si despotiques et gênantes soient-elles
  • Alors, qui montrera l’exemple de la future réformation ?
  • Ceux qui voudront pourvu que ce ne soit pas toi.
  • Pourquoi pas moi ?
  • Parce que tu ne t’appartiens pas uniquement à toi, mais à une race honorable dont il reste des descendants du même taux.
  • Et si c’était justement la raison de marcher en éclaireur dans cette nouvelle voie, guidé par la colonne lumineuse d’un nom immense. Si je le voulais parce qu’au-dessus des imbéciles qui m’insultent j’ai le mépris de les sentir mordre au talon, de les voir s’abaisser à leur tour en des replis de vipères, Si, parce que je puis les délier du sommet d’un orgueil auquel ils ne parviendront jamais.
  • Je t’empêcherais de faire une folie inutile !
  • Comme vous l’avez déjà fait ?
  • Comme je l’ai déjà fait.
  • Sournoisement, cruellement, sans vous soucier des larmes, des chagrins, des heures sans sommeils, de la tristesse des brusques séparations. Briser du bonheur avec autant d’indifférence qu’un crayon de deux sous, parce que l’orgueil, — la vanité plutôt — est froissé d’écouter bénévolement ces serfs du qu’en-dira-t-on !
  • Parce qu’il faut couper le mal dans les racines.
  • Qu’en avez-vous fait de ma Lolette aimée ? Quelle puissance draconienne avez-vous encore au vingtième siècle, qu’il vous suffise de parler pour que l’on sépare les amants en une seconde ?
  • Aucune puissance, seulement des droits pour modérer les têtes folles.
  • Vous appelez folie la sincère chanson d’amour, le duo des rires côte à côte, l’attachement juvénile des coeurs qui s’apprennent la vie mystérieuse ! Folie, les heures de bonheur parfait, du seul bonheur où le mensonge ne met pas ses doigts velus ! Folie, le charme de la jeunesse qui se penche en flots limpides de voluptés ! Folie, l’oubli des mesquineries du monde, l’indifférence des méchancetés d’autrui ! … Folie, si vous voulez, mais folie que vous devriez saluer au passage et non tacher de boue ou de sang.
  • Tes expressions me sont la preuve qu’il n’était que temps d’agir brusquement.
  • Avec des façons de valets, des précautions de bandits louches de romans.
  • Mon neveu, tu t’oublies à m’insulter !
  • Dites-moi où est mon amie ?
  • Pour que tu ailles la chercher…. cela m’aurait bien peu servi de l’avoir fait partir.
  • Je ne resterais pas à Nantes. Je ne vous gênerais plus, car c’est uniquement votre orgueil qui est en jeu.
  • Un orgueil qui est le tien et qui sera le même à cent lieues. Inutile d’insister davantage.
  • C’est dit. Vous êtes le plus fort aujourd’hui. Il ne me reste plus qu’à me venger en attendant que des gens plus éclairés suppriment ces droits exorbitants qui n’ont d’autre source nécessaire que égoïsme. Plus d’amour, plus de maîtresses. Ou prendra l’autre route, celle qui vous gène le moins dites vous, mais sur cette route il y a des pierres, et ces pierres seront pour vous. Vous me faites souffrir en mon corps et en mon âme, je vous le revaudrai au centuple. Je sais où est l’angle sensible, je chercherai qui l’écornera le mieux. Nous sommes de même race, têtus et volontaires. Merci de me l’avoir réappris. Je ne l’oublierai plus. Le mal pour le mal, chacun selon sa force, belle devise de conduite haineuse et vindicative que l’on apprend à votre école. Aurez-vous le courage de vous en prendre directement à moi au lieu d’attaquer une petite fille ?
  • As-tu fini bientôt ?
  • Un mot encore. Je ne dépends pas de vous. Si je n’ai pas su protéger mon bien contre les détrousseurs de l’ombre, je me tiendrai sur mes gardes pour me défendre. D’homme à homme, sang contre sang, il n’est pas bien sûr que vous ayez la victoire malgré votre puissance, votre fortune et vos adulateurs. Vous ne représentez ni mon père, ni ma mère, vous n’êtes plus pour moi que la race d’à côté. Je la respecte avec défiance.
  • Va-t-en, tu deviens grossier !
  • Au revoir, mon oncle, vous présenterez mes ramages respectueux à ma tante.
  • Quand la porte se fut refermée sur les pas de son neveu, M. de Lorcin cassa d’un coup sec son coupe-papier d’ivoire et ses doigts osseux en émiettèrent les restes sur le tapis.

    Rentré chez lui, René s’empressa d’accepter l’invitation de Mme Verdian.

  • Autant commencer par celle-là puisqu’elle y tient, pensait-il.
  • Charles auquel il conta son aventure, lui donna des conseils stoïciens.

  • Vois-tu, Charles, elle serait partie de son plein gré, je n’aurais pas fait un pas pour courir après elle. J’aurais bêtement pleuré au coin du foyer désert. Mais savoir qu’ils me l’ont enlevée, çà m’enrage au point que j’en oublie mon chagrin.
  • Allons, mon pauvre René, prenons notre si¬tuation avec une sage tranquillité. Il y a quelques jours nous étions mariés, aujourd’hui nous sommes veufs comme le jour de ton arrivée à Nantes. Est-ce un malheur ? Nous n’en savons rien ! Ce qui arrive doit être une nécessité contre laquelle nous serions bien fats de réagir. A quoi bon ? Cailloux légers des bas-fonds de la vie, les vagues des événements nous arrondissent le caractère. Rire et souffrir, tout est là, parfois l’apothéose d’une conscience indécise. Berthe, Lolette deux fleurs écloses sur le parterre de nos jardins, fleurs cueillies, humées, fleurs perdues dont le souvenir se dissipera comme leur parfum tendre de femmes aimées. Incidents de notre existence, chausse-trappes au long de la route, passé d’hier déjà trop loin. Ne regarder jamais derrière soi, agir le présent, contempler fièrement l’avenir, indifférents aux lambeaux de nos vêtements accrochés dans les haies !
  • René se promenait les bras croisés au travers de l’atelier ; son air sombre contrastait avec le calme de l’ami qui le haranguait du fond d’un fauteuil voltaire.

  • René, tu ne m’écoutes pas.
  • Je te dis que ce sont des canailles !
  • Soit. Ton âme fière devrait-elle s’attarder à des niaiseries ?
  • Des niaiseries ! Tu es fou ! Des niaiseries, ce droit de me voler ma maîtresse !
  • Niais ton emportement !
  • Que veux-tu donc que je fasse : pleurer comme un sot ou leur tordre le cou ?
  • Ni l’un, ni l’autre. Prendre la fortune comme elle vient et te rappeler qu’au-dessus des vicissitudes de nos vies, il y a notre amitié qui vaut plus de cent haines, plus de cent amours.
  • René fut touché. Il s’apaisa.

  • Merci, mon vieux, nous ne nous quitterons plus. Aucune femme ne viendra rompre notre fraternité de son ostracisme tenace.
  • Chez Mme Verdian le thé servi aux reflets d’un salon vert et or, René retrouva d’anciennes connais¬sances : Varlette qu’il affecta beaucoup de connaître et, qu’il terrifia de ses sous-entendus indiscrets, le baron des Valormets auquel il confia que le pire de l’honnêteté était de satisfaire un vice avec de moyens vertueux, le beau Gachard qu’il complimenta sur l’odeur nouvelle de son mouchoir, il entoura publiquement l’hôtesse de ses soins empressés et ultra-galants, afin de faire jaser la société sur de futures relations. Mme Verdian, charmée, congédia définitivement le jeune Gachard en une courte scène derrière un paravent. Au bout d’une heure, René, maître de la place, blagua les moeurs inquiètes de la ville.

  • L’amour est le premier devoir de l’homme. Sans l’acte d’amour que serions-nous ? Des bonbons de néant ! Des bonbons que l’on goûte à deux entre la mousseline des caresses. Et c’est l’acte le plus sacrifié. On en rougit, on le cache, ou l’ensevelit dans la lourdeur de l’ombre comme une jolie fillette sous d’affreuses capelines moires. Si parmi vous, mesdames, j’avais une maîtresse ou une femme qui me désirerait, oserait-elle ici-même se mettre nue et se coucher sur le tapis ? Si je la prenais devant vous, y en a-t-il une seule qui resterait calme et respectueuse ? Ne deviendriez-vous pas un troupeau hostile d’enfiellées semant partent la grande nouvelle de la contaminée sur la porte de laquelle vous inscririez le signe du lépreux. Chose étrange, l’amour, ce bêlement exquis de la douceur, enfanterait la haine, ou plutôt l’ennui de ne pouvoir suivre la même voie, sans que le voisin agisse comme vous agiriez aujourd’hui. L’amour n’a qu’un ennemi unique, un ennemi qui vaut la plus formidable des armées hostiles, l’envie. Souvenez-vous de la parole de Renan : « Si l’humanité n’avait plus qu’une heure et qu’elle en fût avertie, elle se transformerait en un immense troupeau de bêtes à deux dos.
  • Lon se récriait. L’on discutait. C’était un beau débat de femmes prudes qui savaient depuis longtemps à quoi s’en tenir sur la vertu forcée de leurs amies. Varlette s’agitant trop vertement contre René reçut le coup de fouet suivant, qui lui cala la langue le reste de la soirée : Monsieur Varlette, notez qu’il s’agit de l’acte naturel de l’amour et non de certains procédés grotesques qui le disqualifient. Puis René allégrement voulut clore la discussion par un toast malin :

  • Le plus sage d’entre nous, c’est M. le baron de Valormets. Son silence cependant n’est pas charitable. Sa longue carrière aurait pu nous fournir bien des arguments pour ou contre. Vous êtes avare de paroles, M. le baron, à une époque où l’on fait marché de tout, même de la charité. Un toast à M. des Valormets, sans rancune.
  • Celui-ci n’osa pas se fâcher devant le regard cruellement moqueur du jeune homme. Il avait compris.

    Cette nuit, alors que Mme Verdian se pâmait entre ses bras, René songea avec délices que ses gestes audacieux dans le salon envers sa nouvelle maîtresse avaient été épiés, que ses paroles railleuses allaient donner du coeur et de la langue aux bavardes, et que le remplacement du beau Gachard ferait boule de neige jusqu’au boulevard Delorme.

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

    1686 : juillet, août, septembre, (octobre absent du mansucrit), novembre, décembre

    Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 1er juillet (1686) le Sr Bodard grenetier à Candé épousa la fille du défunt Sr Durand Me apothicaire en cette ville, et de la dame Coueffé.
  • Le même jour (1er juillet 1686) se fit la cérémonie de l’établissement de l’Académie royale. Le canon tira le matin ; toutes les cloches de la ville sonnèrent depuis midy jusques à une heure. Les habitants sous les armes firent quantité de décharges ; plusieurs pièces devin coulèrent, les harangues commencèrent sur les cinq heures du soir Mr l’intendant et Mr Goureau conseiller honoraire au présidial y parlèrent savamment ; toutes les dames qui y furent, firent un des principaux agréments de cette feste ; cela fut suivi d’un superbe repas ; il y eût sur les neuf heures du soir des feux d’artifice et des illuminations par toutes les fenêtres des maisons de la ville. On éleva ce même jour l’effigie du Roy en buste dans le fond du jardin de l’Hôtel de ville.
  • Le 10 (juillet 1686) mourut le sieur Fagotin sergent ; son fils marchand de soye a épousé la fille du feu Sr Mabit.
  • Le 16 (juillet 1686) Mr Souché marchand à Nantes, riche de trente mil écus, épousa la fille de Mr Desmazures Sailland et de la dame Lejeune. Cette fille l’engagea par son mérite et sa beauté ; il est âgé de 54 ans.
  • Le même jour (16 juillet 1686) mourut monsieur Guynoiseau prêtre curé de la Salle.
  • Le 18 (juillet 1686) les ambassadeurs du Roy de Siam arrivèrent en cette ville. On tira la canon et on leur fit les présents. Ils partirent le lendemain pour Paris, chargés de plusieurs présents très riches pour le Roy.
  • Le 22 (juillet 1686) le fils de Mr Yvard notaire en cette ville épousa la fille du sieur Delmur marchand de soye.
  • Le 23 (juillet 1686) mourut la femme de monsieur Davy, notaire royal en cette ville, âgée de 34 ans. Elle a laissé 5 petits enfants ; elle s’appelait Boisard.
  • Le 24 (juillet 1686) mourut la femme de feu monsieur Petit de la Pichonnière de Piedfelon gentilhomme. Elle a laissé cinq enfants ; elle s’appelait Eveillard. Elle a été enterré en l’église de St Michel du Tertre.
  • Le même jour (24 juillet 1686) le nommé Gibert de Champfleury, de la paroisse de Thouarcé, fut pendu pour avoir tué deux femmes sortant de l’église de Thouarcé, et une autre qu’il tua dans son lit. Il y avait dans cette action de la rage et de la folie, ces femmes ne luy ayant jamais rendu aucun mauvais service. La mère sur Sr Simon praticien en était une. Il avoué que s’il n’avait été arresté il aurait tué tous ceux qui se seraient présentés devant luy.
  • Le 2 août (1686) mourut madame … veuve de feu monsieur La Chapelle et remariée avec monsieur Jacquelot, gentilhomme. Elle est morte fort riche et elle a plusieurs héritiers fort pauvres ; elle n’a point laissé d’enfants. (E. Toysonnier donne souvent la mention sans enfants, et je découvre une fréquence relativement importante de ces couples sans enfants, qui signifiaient toujours une succession fort interressante pour les collatéraux, j’y reviendrai)
  • Le 10 (août 1686) mourut la femme de Mr du Ribet Duménil ; elle s’appelait Jameray sœur de feu Mr Jameray avocat.
  • Le 12 (août 1686) le Sr Chouteau praticien, veuf de la dame Rigault épousa la fille de défunts Goubault Me chirurgien en cette ville et de la dame Gendry.
  • Le 18 (août 1686) la fille de défunt monsieur Bachelot, grenetier en cette ville et de la demoiselle Panetier, fit profession au couvent des religieuses Ursulines ; elle s’appelle Lézine.
  • Le 19 (août 1686) la fille de monsieur Butin et de la dame Gigon épousa monsieur de Vaulogé de la ville du Mans.
  • Le 25 (août 1686) mourut le sieur Briand praticien ; il avait épousé la fille du Sr Rocher, hôte de la Bataille.
  • Ce même jour (25 août 1686) mourut la femme du Sr de la Chaussée Me écrivain.
  • Le 26 (août 1686) le fils de Mr Deniau Me apothicaire et de la dame Chaudet épousa la fille du St Delhommeau huissier.
  • Le même jour (26 août 1686) mourut la femme du feu sieur Guyollay Sr de Puirengeard praticien ; elle s’appelait Françoise Janvier ; elle n’a point laissé d’enfants.
  • Le 1er septembre (1686) mourut Mr Pasqueraye prêtre chantre de St Martin
  • Le 10 (septembre 1686) le sieur Rigault clerc fils du défunt sieur Rigault huissier audiencier au siège de la prévôté, épousa la fille du Sr Richomme sergent et de la défunte dame Bovet.
  • Le 15 (septembre 1686) il y eut des feux de joie à la manière ordinaire pour l’heureuse naissance de Monsieur le Duc de Berry, fils de monseigneur et de madame la Dauphine.
  • Le 17 (septembre 1686) mourut Mr Duhalay maître chirurgien ; c’était un des plus habiles hommes du royaume pour accoucher les femmes.
  • Le mesme jour (17 septembre 1686) mourut le sieur Barault âgé de 89 ans. Il a laissé une fille mariée avec le Sr Gaultier huissier audiencier en l’élection de cette ville.
  • Le 20 (septembre 1686) Mr de la Grange Salmon, avocat à Saumur, épousa Melle Dupont. Cette fille avait été auparavant toute sa vie au service de madame de Milière.
  • Le même jour (20 septembre 1686) monsieur de Lancrau gentilhomme épousa mademoiselle de Bréon. (Le qualificatif de gentilhomme est réservé aux nobles et E. Toysonnier reflète dans sa manière de s’exprimer, la manière dont parlait entre eux les bourgeois d’Angers, j’y reviendrai)
  • Le 18 (septembre 1686) mourut la femme du feu Sr Guerin ; son fils est commis au greffe de la prévôté de cette ville.
  • Le 27, 28, 29 et 30 (septembre 1686) arrivèrent en cette ville seize cent hommes du régiment d’Alsace, les mêmes que nous avions l’année dernière pour y passer leur quartier d’hyver. (cette mention fait allusion à l’impôt de l’ustencile, qui était le logement par les habitants des militaires, et vous allez voir bientôt que la ville d’Angers tentera de négocier une somme avec le roi, pour éviter les militaires… sans doute peu appréciés durant autant de mois…inactifs…)
  • Le 28 (septembre 1686) le fils de feu monsieur Lanier qui avait été maître des requestes et ambassadeur en Portugal, et de la dame Liquet sa femme, épousa la fille de monsieur Vollaige de Vaux Girault et de la demoiselle de la Cartrie Talour. Le mois d’octobre est absent du manuscrit original et semble avoir été sauté par l’auteur.
  • Dans ce même temps, le sieur Goubault Me chirurgien, veuf de la dame Salais et fils de feu Sr Goubault aussy Me chirurgien et de la dame Gendry épousa la fille du feu Sr Delhommeau marchand de dentelles et de la dame Deschamps.
  • Le 4 novembre (1686) le fils du Sr Bertelot marchand épousé la fille du sieur Bridié aussy marchand et de Delle Brintaut.
  • Le 7 (novembre 1686) mourut la femme du sieur de la Carte Lesourd, commis au greffe de l’élection de cette ville ; elle a laissé trois petits enfants ; elle s’appelait Delommeau.
  • Le 9 (novembre 1686) mourut la femme du sieur Cireul ; elle n’a point laissé d’enfants ; elle s’appelait Cheminant.
  • Le 10 (novembre 1686) mourut monsieur de la Saunerie Gault, avocat. Ce n’était qu’un brouillon et qui plaidait de fort mauvaise grâce. Il était avocat de 1645 ; il a été enterré dans l’église d’Etriché.
  • Le 2 décembre (1686) monsieur Bachelot, fils de défunt Mr Bachelot contrôleur au grenier à sel de cette ville et de la demoiselle Panetier épousa la fille du feu sieur Ganches de la Fourerie et de la demoiselle Margaritteau.
  • Le 6 (décembre 1686) mourut le Sr Robert, commis au greffe du siège présidial de cette ville.
  • Le 8 (décembre 1686) mourut d’hydropisie le sieur de la Mothe Vieil praticien en cette ville. (HYDROPISIE. s.f. Enflure causée en quelque partie du corps par les eaux qui se forment & qui s’épanchent Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition, 1762)
  • Le 16 (décembre 1686) mourut monsieur de Narbonne Coutard, cy-devant marchand, de paralysie et de létargie. Il était d’une taille extraordinairement grosse.
  • Le 22 (décembre 1686) le fils de monsieur Dumenil cy-devant avocat du Roy au siège présidial de cette ville et de la défunte dame des Roches Gurie épousa la fille de monsieur Poullain Sr de Greez doyen de messieurs les conseillers du présidial et de la dame Deniau avant veuve du feu Sr la Marche Gandon.
  • Le 26 (décembre 1686) mourut madame Gohin ; elle a laissé plusieurs enfants ; une fille a épousé Mr Belot Sr de Martou ; une autre a épousé Mr du Planty Boylesve, lequel était veuf auparavant de la dame Juliot ; et un garçon a épousé la fille du Sr Bertelot auditeur des Comptes de Bretagne ; elle s’appelait Sérézin.
  • Le 28 (décembre 1686) mourut la femme de Mr Coutard avocat ; elle s’appelait Subleau sœur du feu Mr Subleau secrétaire du Roy.
  • Le 30 (décembre 1686) monsieur Avril Sr de Louzil conseiller au siège présidial de cette ville, fils de feu Mr de Louzil Avril aussy conseiller audit siège et de la dame Galisson, épousa la fille de monsieur Chérot avocat et de la demoiselle de la Combe Garciau.
  • Dans ce même temps, mourut Mr de Vaulogé gentilhomme du pays du Maine, mari de la demoiselle Butin.
  • Le mesme jour monsieur de la Hussaudaye Robert sénéchal de Craon, épousa mademoiselle Harangot, fille de défunts Mr Harangot receveur des décimes à Poitiers et de la demoiselle de la Butte Sara.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930
    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

    1686 : janvier, février, mars, avril, mai, juin

    Ce billet fait suite aux précédents, dans cette catégorie (cliquez à droite ANGERS, JOURNAL TOYSONNIER) et il sera à suivre. Le carnet mondain est souvent incomplet, et ouvre seulement la piste, mais par contre il regorge de données qu’il est rare d’avoir en généalogie : les maladies. J’y reviendrai. Je répondrai également à toutes les questions que vous posez… patience…

    Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le premier janvier (1686) mourut monsieur de la Peroussaye Gaillard ; il s’emporta si violemment contre son soldat qu’il luy en prit un tremblement dont il mourut quelques heures après ; il n’a point laissé d’enfants ; sa femme s’appelle …
  • Dans ce temps mourut Mr Blandouët gentilhomme mari de demoiselle Hyron. Il laissa sa femme grosse qui est accouchée d’un garçon qui mourut quelques jours après.
  • Le 5 (janvier 1686) mourut la veuve du feu sieur Deschamps revendeur ; elle a laissé plusieurs enfants, savoir la défunte femme du feu Sr Hubon droguiste ; une autre fille a épousé le Sr Métayer marchand de bled, et une autre le Sr Lebreton marchand de draps de laine.
  • Le 13 (janvier 1686) la fille de Mr de Chenedé, procureur du Roy en l’élection de Paris et de dame Louise Aveline ; elle s’appelait Marie-Anne, âgée de 17 ans ; elle est morte de phtysie ; cette maladie a duré un mois. Elle m’honorait d’une amitié toute particulière et j’ai l’honneur d’avoir été son compère. Elle fut enterrée le lendemain dans l’église de St Michel du Tertre avec grande pompe.
  • Le 14 (janvier 1686) Mr Blanchard, avocat, Sr de la Pinaudière, fils du feu Sr Blanchard bourgeois de cette ville et de la dame Loyseau, épousa la fille de feu Mr Dugué, aussy avocat et de défunte Delle Viel.
  • Le mesme jour (14 janvier 1686) Mr Delaunay avocat fils du Sr Delaunay marchand et de la dame Robert épousa la fille du sieur Allard, banquier, et de la défunte dame Lagou.
  • Le 15 (janvier 1686) monsieur Charlot, cy-devant maire de cette ville, se fit installer dans la charge de conseiller et échevin perpétuel de l’Hôtel de ville, possédée cy-devant par Mr Elie des Roches, conseiller honoraire à la Prévôté.
  • Le 21 (janvier 1686) le nommé Hubert de la ville du Mans fut convaincu de l’assassinat commis dans la personne d’un particulier dans les bois du Fouilloux le 11e de juillet dernier. Les preuves n’étant pas assez fortes, on l’appliqua le 19 à la question ordinaire et extraordinaire préparatoire ; il avoua le crime de bonne foy ; il fut condamné d’être rompu et exécuté le même jour. J’avais fait un voyage avec luy de cette ville à Rouen depuis 10 ans ; je ne lui avais rien remarqué indigne d’un honnête homme. Il avoua encore plusieurs vols qu’il avait fait en différents lieux.
  • Le même jour (21 janvier 1686) le fils de défunts monsieur Desmazières et de la demoiselle Bardin épousa mademoiselle de Dieusie (ou de la Blairie)
  • Le 24 (janvier 1686) mourut Mr Deroye docteur régent en droit fils de feus Mr Deroye conseiller au siège présidial de cette ville et de la dame Davy d’Argenté. Il a mis au jour plusieurs beaux ouvrages entr’autres les Instituts du droit canon, son livre de jure patronatus, de juribus honorificiis et autres. C’était un des beaux esprits de ce siècle ; il est mort garçon âgé de 68 ans ; on m’a dit qu’il tombait du mal caduc.
  • Le même jour (24 janvier 1686) mourut Mr Galard bourgeois de cette ville ; il se mêlait de la chimie ; on dit que s’étant enfermé dans son opératoire, la fumée du charbon l’étouffa. Il a laissé sa femme appelée Leveau chargée de six enfants.
  • Le 4 février (1686) mourut mademoiselle d’Artois fille de feu Mr d’Artois bourgeois et de Delle Courant, âgée de 26 ans ; elle avait de l’esprit et du mérite infiniement. Elle fut enterrée le lendemain dans l’église des pères Jacobins en grande pompe.
  • Le même jour (4 février 1686) mourut Melle Anne Phelipeau, cy-devant directrice de l’hôpital général. C’était une fille d’une dévotion et d’un mérite consommé.
  • Le 6 (février 1686) mourut mademoiselle Gautier fille, âgée de 77 ans, sœur de feu monsieur Gaultier, prêtre, abbé de Montron.
  • Le 7 (février 1686) mourut la femme de défunt Mr Bousselin marchand de laine âgée de 87 ans ; elle s’appelait Gaury. Elle a laissé plusieurs enfants ; Mr Pichard avocat a épousé une fille.
  • Le 9 (février 1686) mourut madame Le Cout veuve de feu monsieur Le Cout marchand de bleds.
  • Le 12 (février 1686) mourut monsieur Hunault de la Chevalerie gentilhomme. Il fut enterré le lendemain dans l’église des Augustins.
  • Le même jour (12 février 1686) mourut la femme de Mr Potier docteur en médécine ; elle s’appelait Raimbaut fille du feu Sr Raimbault Me apothicaire en cette ville et de la dame Grézil ; elle était âgée de 35 ans ; elle a laissé quatre petits enfants.
  • Le même jour (12 février 1686) mourut le sieur de la Feronière Benois, marchand cirier.
  • Le 12 (février 1686) Mr Landereau avocat à Baugé épousa la fille de Mr Crosnier notaire et de la défunte dame …
  • Le même jour (12 février 1686) le sieur Duveau épousa mademoiselle Daburon nièce de Mr Daburon avocat.
  • Le 18 (février 1686) le sieur Girard Cordon fils du St Corson cy-devant marchand de soye et de la défunte dame … épousa la fille de défunts Mr Valtère avocat au siège présidial de cette fille de Delle Cécile Ménard.
  • Le même jour (18 février 1686) mourut la femme de feu Mr de la Varanne du Tremblier conseiller au siège présidial de cette ville ; elle s’appelait Eveillard. Elle a laissé plusieurs enfants ; son fils aîné aussi conseiller au siège présidial a épousé la fille de feu Mr de Louzil Avril aussy conseiller et de la dame Galisson ; un autre est curé de Villevesque ; une fille a épousé Mr Avril Sr de Pignerolle, académiste de cette ville.
  • Le 21 (février 1686) mourut le sieur Gandon, marchand droguiste en cette ville ; il était d’une taille extraordinairement puissante.
  • Le 25 (février 1686) mourut le sieur Dupuy huissier audiencier au siège présidial. Il avait épousé la défunte fille de feu Mr de la Jumelière Moreau dont il n’y a point eu d’enfants.
  • Le 1er mars (1686) mourut la femme de Mr Baillif docteur en médecine. Elle a laissé plusieurs enfants, une fille a épousé Mr des Monceaux Avril, lieutenant en l’élection de cette ville ; elle s’appelait Héard.
  • Le 20 (février 1686), la fille de Mr Coutard Sr de Narbonne cy-devant marchand de draps de laine épouse le Sr Marquis marchand de fil et de toiles.
  • Le 25 (février 1686) mourut Mr Loyant avocat au siège présidial de cette ville.
  • Le 5 (mars 1686) mourut la femme de défunt Mr Phelipeau vivant avocat au siège présidial de cette ville ; elle s’appelait Guyonne Blouin, âgée de 48 ans. Elle est morte de langueur, maladie héréditaire en sa famille. Elle a laissé plusieurs enfants, deux filles sont religieuses dans la ville de Rennes, un fils est mort à l’armée.
  • Le 8 mars (1686) mourut monsieur de la Possardière Brichet, avocat au siège présidial de cette ville, âgé de 54 ans ; il ne plaidait point.
  • Le même jour (8 mars 1686) mourut la femme de défunt Mr Loyant aussy avocat. Elle s’appelait Malville ; elle a laissé 4 enfants.
  • Le même jour (8 mars 1686) mourut monsieur Guyard notaire royal en cette ville. Il est mort d’une maladie de langueur.
  • Le 11 (mars 1686) mourut monsieur de Narcé Aveline, conseiller honoraire au siège présidial de cette ville, âgé de 58 ans. Il avait épousé la fille de défunts Mr de la Boulaisière Guilbault marchand de bétail et de la dame Paytrineau. Il était fils de feu Mr Aveline qui faisait un gros commerce de vin et de la dame Louise Beauchêne ; il a laissé un garçon et 4 filles dont deux sont religieuses au couvent de St Fleurant. Il fut enterré le lendemain dans l’église de Saint Michel du Tertre.
  • Le 17 (mars 1686) mourut la femme de Mr de la Richelière Toublanc bourgeois de cette ville ; elle s’appelait … Elle a laissé deux garçons dont le fils aîné a épousé Melle …
  • Le même jour mourut subitement la femme de feu Mr de Lizières Margariteau avocat, âgée de 59 ans. Elle s’appelait Garciau ; elle a laissé 13 enfants ; son mari est aussy mort d’apoplexie.
  • Le 19 (mars 1686) un soldat du régiment d’Alsace fut passé par les armes pour avoir tué son camarade.
  • Le 30 (mars 1686) mourut le sieur Bouët marchand de dentelles.
  • Le 1er (avril 1686) mourut le Sr Martin, marchand cirier
  • Le 4 (avril 1686) mourut mademoiselle Martineau, fille de monsieur Martineau conseiller honoraire au siège présidial de cette ville et de la feu dame … Cette fille était du beau monde et de la belle galanterie ; elle n’a été malade que 4 heures.
  • Le 2, 4, 5 et 6 (avril 1686) seize cent hommes du régiment d’Alsace qui étaient icy en quartier d’hyver depuis le 25 de novembre dernier partirent pour le camp Maintenon pour travailler à la continuation des ouvrages.
  • Le 10 (avril 1686) mourut le sieur Poitras, bourgeois.
  • Le 22 (avril 1686) Mr de la Maurinière Margariteau cy-devant assesseur en l’élection de cette ville, fils du feu sieur Margariteau marchand et de la dame Avril épousa la fille de défunt Sr Trochon marchand droguiste en la ville de Nantes époux de la dame Panetier ; une autre fille a cy-devant épouse Mr Bruneau avocat.
  • Le 23 (avril 1686) Mr Rousseau fils de feu Mr Rousseau conseiller au présidial de cette ville épousa mademoiselle Charbonneau.
  • Le même jour (23 avril 1686) mourut Mr de la Chalerie Héard ; il avait épousé une femme de Paris, que sa famille n’a jamais voulu considérer.
  • Le 28 (avril 1686) Mr Louët fils de feu Mr Louët l’aîné, cy-devant conseiller au siège présidial de cette ville et de la dame Grimaudet épousa la fille de défunts Mr Gueniveau Durceau éleu et de la demoiselle Guedier.
  • Le 30 (avril 1686) mourut Mr Pierre Sr de la Plante, bourgeois, fils du feu Sr Pierre marchand droguiste et de la dame Barbier. Il avait épousé le 11 de juin dernier la fille des feus Sr du Brossé Ganches, et de la Delle Toublanc. Il n’a point laissé d’enfants ; il était âgé de 36 ans.
  • Le 1er mai (1686) les sieurs de Fougeray Artaud et Guitteau marchand furent élus échevins.
  • Le 2 (mai 1686) le sieur Richard marchand droguiste épousa la fille du sieur Henriette marchand.
  • Le 6 (mai 1686) mourut le sieur Boussion, fils de Boussion boucher, cy-devant marchand de draps de soye ; il tomba aussitôt après son mariage dans la disgrâce ; il avait épousé la fille du sieur Plé Me chirurgien. Il est mort d’hydropisie.
  • Le 17 (mai 1686) mourut Mr Antoine Gasté avocat. Il était savant et plaidait bien. Il avait épousé en premières noces la demoiselle de Boisguérin dont il y a plusieurs enfants, Mr Gasté avocat qui a épousé Melle Nairault, deux religieux Augustins, un prêtre chanoine à St Pierre.
  • Le 22 (mai 1686) mourut Monsieur Goureau Sr de … Il avait épousé …
  • Le 23 (mai 1686) mourut la femme de Mr Grimaudet sieur de la Roirie. Il avait épousé la dame de la Chausseraye Bérault, dont elle a laissé un enfant ; elle n’a été mariée que 10 mois ; cette femme était très vertueuse.
  • Le 26 (mai 1686) le sieur Bouët marchand de dentelles épousa la fille du St Viot marchand droguiste.
  • Le 27 (mai 1686) monsieur de la Maurousière Boylesve président au siège présidial de cette ville, fils de feu monsieur de la Maurousière Boylesve maître d’hôtel du Roy et de la dame Lanier, épousa la fille de feu monsieur de Ménardeau et de la dame Ayrault
  • Le 28 (mai 1686) Mr Saget, fils de défunts Me Saget commis au greffe de la prévôté de cette ville épousa la fille du feu Sr Poilpré et de la dame Bachelot.
  • En ce même temps, Mr de la Marsilière Musard, capitaine au régiment de Pompone, fils du Sr Musard secrétaire de Mr l’évesque d’Angers et de la dame Le Masson, épouse la demoiselle … fille du sieur … procureur au parlement.
  • Le 4 juin (1686) monsieur de Longueil épousa la fille de monsieur de la Béraudière Cupif et de Delle Leroyer.
  • Le même jour (4 juin 1686) monsieur Brouard avocat épousa la veuve du feu Sr Pelletier de Terrière, Me chirurgien.
  • Le 7 (juin 1686) mourut monsieur du Tertre Babin avocat au siège présidial de cette ville. Il était retenu au lit depuis 8 ans par les gouttes ; il était très habile homme et plaidait avec un grand feu.
  • Le 10 (juin 1686) monsieur de l’Étoile de Bouillé gentilhomme épousé mademoiselle Claude Lefebvre fille de défunts Mr de la Guiberdrie Lefebvre gentilhomme ordinaire chez le Roy et de la dame Guedier.
  • Le 10 (juin 1686) monsieur Dumas Gurie major du château de Saumur, épousa mademoiselle Moncelet.
  • Le même jour (10 juin 1686) monsieur de la Haye Grandet épousa la fille de Mr Hardy sieur de la Jouannière avocat au siège présidial de Château-Gontier ; elle était veuve du sieur …
  • Le même jour (10 juin 1686) mourut madame Trochon veuve du défunt sieur Trochon marchand. Elle a laissé plusieurs enfants ; un garçon est religieux Carme, une fille a épousé Mr Allard cy-devant marchand de soye ; elle s’appelait Gault de Beauchêne.
  • Le même jour (10 juin 1686) monsieur de Fontenay Thomas se fit installer en la charge de conseiller honoraire au siège présidial possédée par Mr de la Rousselière Thomas son oncle.
  • Le 12 (juin 1686) le fils de Mr Jameron procureur du Roy à Beaufort épousa la fille de défunt sieur Tissier clerc juré au greffe du siège présidial de cette ville.
  • Le 15 (juin 1686) les lettres accordées par le Roy pour l’établissement d’une académie royale française en cette ville furent lues et enregistrées à l’audience sur les conclusions de Mr l’avocat du Roy Martineau qui parla fort éloquemment.
  • Le 22 (juin 1686) un orage de grêle d’une grosseur prodigieuse tomba sur les paroisses de Chalonnes, St Laurent de la Plaine, St Germain, Ste Christine et plusieurs autres qui en désola toutes les campagnes et brisa les bleds vignes et bois en sorte qu’il n’y a rien à recueillir cette année, tout étant entièrement perdu.
  • Le 24 (juin 1686) mourut Melle Hardy, fille, âgée de 78 ans ; son père était avocat qui mourut huguenot corrompu par les sollicitations d’un clerc.
  • Le 30 (juin 1686) mourut Mr Maugin ; il était garçon, âgé de 56 ans ; il est mort d’apoplexie.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930
    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.Collections privées – Reproduction interdite, y compris sur autre lieu d’Internet comme blog ou site

    NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905 CHAPITRE VIII. LES ÉCAILLES.

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Ils se réunissaient chaque soir à l’heure de l’apéritif dans une petite salle au premier étage du café de Nantes. Buvant des bocks, fumant des pipes, jouant au billard, les amis causaient d’art, de femmes, du mauvais temps. Léris débitait parfois un monologue comique pour les dérider ; Geray chantait ses romances sur le vieux piano du coin.
    Alors que la pluie curieuse frappait du doigt contre les vitres et que le brouillard y collait ses yeux gris, Channel contait des blagues ensorcellées de soleil méridional. Il exhibait ses caricatures in- vraisemblables qu’il piquait le lendemain sur le mur de sa chambre. Ormanne crayonnait des angles de ruelles tristes, les égayant d’un coloris étincelant. De Remirmont, était la gazette. On apprenait les dernières nouvellés locales, les petits potins passionnants, les grands mariages, les spectacles en vogue, le dernier scandale. Il intervenait pour calmer les rages de Delange et les tempêtes de Mussaud. Ce dernier travaillait dans l’atelier de son père, fabricant talentueux de statues pour églises. Cependant, dans cette athmosphère d’anges et de vierges, il s’était passionné d’un réalisme charnel effréné. Il sculptait des femmes nues, d’une nudité saillante. Là était son idéal entier, la matière captivante par elle-même. Delange le jugeait avec sa brutalité ordinaire.

  • Tes oeuvres, ç’a vous met bêtement en rut !
  • A Verneuil on ne disait rien. En pleine tranquillité il dessinait ses paysages surchagés d’une couleur presqu’unique qu’il savait merveilleusement modifier. Un jour il leur apporta une toile représentant la cale aux foins un matin de printemps. On aurait dit voir le quai chargé de meules à travers une émeraude finement éclairée.
    Ensemble l’on blaguait cruellement l’idole qui exposait rue Crébillon chez Laugé. L’idole favorite du grand public routinier. Celui qui fait des pastels comme des chromos, celui qui a un génie pour les lavis, les choses bien propres, les bonnes copies d’un élève de dessin. Le monsieur peintre devant lequel des groupes s’extasient, s’entassent, s’étonnent, s’émerveillent, qui croque des chairs nues, de simples chairs sans voiles, de simples chairs, comme les chairs de tous ceux qui n’ont pas eu la petite vérole. Le brocanteur de toiles qui aurait fait, un excellent photographe ou décalqueur avec un peu d’exercice. Et l’on n’épargnait jamais les malheureux peinturlureurs des crânes graves et d’occiputs glorieux, de bouquets naïfs et de marines qui vous donnaient le mal de mer à regarder leur eau verte.
    Le méditatif Monnés toujours côtoyé de l’infatigable Trémat venait mêler sa voix impérative aux discussions artistiques. Médiocrement estimé, pas aimé, on lui faisait cependant bon accueil. René le trouvait commun, Mussaud trop fat ; il donnait à Delange la sensation d’un crapaud. Un soir il déclama son fameux drame en cinq actes. Ses joues se gonflaient de vers sonores ; ses bras scandaient les scènes énergiques. Une sueur épaisse coulait sur son animation. A la fin de chaque acte, il s’arrêtait. Charles hurlait :

  • Garçon, un bock !
  • A minuit le sobre auteur en avait bu six. Il fut obligé de prendre le bras de Trémat pour se rendre chez lui. A sa porte il eut un suprême effort.

  • C’est étrange, jamais la lecture de mon oeuvre ne m’a tant grisé qu’aujourd’hui.
  • Hum !!! Bonsoir, répondit Trémat en lui serrant la main.
  • Le mois de décembre allait se terminer suivant son habitude dans une chlorose de boues et de pluies. Delange proposa à ses amis la préparation d’une exposition dans son atelier pour le mois de mars prochain. Mussaud exposerait ses statues, Frayssère ses cannes et ses marrons sculptés, Charmel ses satires, Ormanne ses vieilles masures, Verneuil et lui quelques toiles. Le jour de l’ouverture René réciterait ses poèmes, Géray ses compositions musicales. On applaudit le projet. Une exposition étrange, formidable, de quoi renverser les idées neutres du hourgeois Chacun se creusa la tête pour trouver l’idée meurtrière.
    Quelques jours avant Noël, Delange semblait triste ; les dents serrées il fumait avec rage, ne causait pas. René soupçonna quelque chagrin, et se rappelant avoir vu plusieurs fois Malteigne, le procu¬reur de femmes, rôder dans la rue Prémion, il interrogea son ami au café.

  • Qu’as-tu, Charles ? Est-ce Berthe qui te cause de l’ennui ?
  • Je n’ai rien, grommela Delange.
  • Allons donc, tu ne causes plus depuis deux jours. Est-ce donc un mystère que nous ne puissions connaître ?
  • Tous insistaient amicalement.

  • Tenez, foutez-moi la paix !
  • Et il s’en alla.
    Pendant trois jours il fut impossible, même à René, de voir le peintre. Ses amis s’inquiétaient. Quel chagrin pouvait-il avoir ? Ils soupçonnaient Berthe d’en être la cause. Un soir René força la porte de Charles. Il le trouva fumant sa pipe couché sur son lit, les yeux indécis dans les spirales de la fumée.

  • Charles, tu n’es pas gentil envers moi. Tu manques de confiance.
  • Le peintre sauta du lit et prenant la main de son ami,

  • Viens voir, René, mon chef d’oeuvre.
  • Il lui montra une toile au milieu de la chambre.

  • Je l’ai terminée aujourd’hui.
  • Parmi des touffes de nuées violettes comme une pluie indiscontinue de tristesses, Berthe, demi-nue, laissait flotter ses lourds cheveux d’or. Son corps se dessinait sous les plis d’une tunique de gaze transparente. Les dents riaient un rire devenu cruellement ironique en l’expression des yeux. La main gauche soutenait dans sa coupe un des seins, l’autre écrasait d’une crispation brutale les plumes de l’aile d’un cygne planant à ses pieds. Le cygne fusait un foyer de neige sur le fond douloureux, et sa tête se tournait vers l’aimée avec deux regards frémissants d’orgueil surhumain et d’un noble chagrin silencieux.

  • Elle est partie !… Sans raison !.. J’ai voulu conserver d’elle un souvenir… Nuit et jour dans la paix et la peine sa pensée m’a conduit la main… La souffrance !… merveilleuse maîtresse d’art !
  • Il avait pris le poignet de René, et le serrait dans un étau de fer.

  • Son image était gravée là en mon cerveau brûlant,… plein de son corps… de ses cheveux de feu… Je ne suis même pas bien certain d’avoir allumé une lampe… l’éclat de ses regards resté dans mes yeux m’éclairait… René.,. les heures pénibles… mes larmes, elles flottent dans ces nuages, ce sont elles seules, ces nuages, l’atmosphère de mon coeur meurtri… La femme, bonne souffrance… sans elle, aurais-je fait cette œuvre ? Si elle revenait maintenant, je lui dirais merci… Merci d’avoir ouvert la barrière de l’art pur, de l’inspiration sublime… Je suis tranquille, je ne souffre plus… J’ai tout mis là, tout, trois jours d’hypertrophie douloureuse de l’âme et du corps… tout le passé, tout le présent… tout mon moi des hier… A mes tâtonnements infructueux il manquait cela… Je me repose un instant au but … Demain, je reprendrais une autre route incertaine. Cette fois qui allumera la lampe indicatrice ? Le hasard, un inconnu, un passant d’une seconde qu’on ne reverra plus jamais nous rendre visite en notre salon d’espoir !
  • Il haussa les épaules en riant du coin des lèvres.

  • Tu les rassureras mes braves amis qui me croyaient perdu. Je les inviterai à venir voir l’enfant de mon chagrin.
  • La semaine suivante le peintre entendit gratter doucement à sa porte — le frôlement d’une souris qui veut se faire savoir. C’était Berthe, un peu timide malgré son aplomb habituel.

  • Bonsoir, Charles.
  • Bonsoir, répondit Delange très calme.
  • Arrêtée au milieu de la chambre, n’osant ni avancer, ni reculer, elle le regardait en dessous. Il ne dit rien.

  • Tu ne m’attendais plus ?
  • Non.
  • Elle leva les yeux plus franchement. Le peintre n’avait rien de sévère.

  • Tu me renvoies, mon petit Charles.
  • Non.
  • Si tu savais… Je te dirais tout sans mentir.
  • Non.
  • Elle baissa complètement la tète et fixa le plancher, tortillant ses gants dans ses deux mains.
    Le silence dura quelques secondes. Comme elle ne disait plus rien, Charles, très doux, la conduisit près du tableau.

  • Voici le pardon, murmura-t-il simplement…
  • Et il l’embrassa, dévot, sur le front.

    Janvier comme la momie d’un pape embaumé sous son catafalque de verglas. Gels et dégels, bougies qui coulent de la graisse noire sur les pavés, sur les miroirs ramoneurs des trottoirs. Les rues ont des tapis moelleux entaillés de fioritures. Les souliers balourds s’y font l’illusion de pantouffles, les sabots à clous de lapper du beurre. La ville est engourdie, malade de névrose monomane, et le ciel bienveillant sème dans ses entours la paille du silence. Nul ne songe à lever les carpettes moirées de la boue. Le caricaturiste nantais l’affiche à la salle des dépêches du journal « Le Populaire » de sa légende ironique : « Vu l’impossibilité de laver les rues les habitants sont invités à se munir d’échasses. »
    Emmitoufllés courageusement dans des débris de bêtes ou fourrures, Lolette et René se hasardaient au dehors. Ils pataugeaient au milieu du cloaque. Des points d’exclamation s’imprimaient au passage des voitures sur les vêtements, s’y collaient tenaces comme des poux affamés. Leur amour s’éternisait de tendresse, soit sous les grandes voûtes du plein air, soit dans l’intimité des nuits bien closes.
    Devant la cheminée flambante, il lisait ses chères préférences, recopiait les vers nés ça et là d’un effort d’imagination hâtive, elle brodait quelque chaussette détériorée. Sur la table toujours, tachant de son doigt jaune, un livre de poèmes. Et le piano accompagnait aussi des chansonnettes, des ballades que René chantait par les soirs d’inspiration. La liseuse vernie emplissait son ventre d’œuvres modernes de poètes nouveaux, ceux que la province ignore, de romans quelle ne comprend pas. Et l’on éteignait la lampe à l’heure des baisers, la lampe, le candide fermoir du missel de leurs veillées tranquilles.
    Des plaisirs enfantins, insignifiants, les trouvaient passionnés. Ils prenaient des numéros de loteries sur la place Bretagne ; ils perdaient, gagnaient de la vaisselle, des bibelots de rien, qu’elle conservait précieusement.
    La place Bretagne où se tenait la foire d’hiver était située dans le Marchix, un quartier pouilleux, verminé de crapules. Le cirque Plège arrondissait sa forte corpulence jaunasse. Il semblait le soir, un gros pachyderme à l’oeil circulaire du sommet jetant des flammes. Deux rangs de baraques foraines s’appuyaient à l’ombre du colosse. Bateleurs gueulant une réclame affriolante, orgues de barbarie nasillant cent airs différents à la fois ; ça faisait avec les grosses caisses et les tambours un charivari monstre comme un vent de tempête qui ramasserait des grelots, des piécettes d’argent, des castagnettes, des tuiles et des rochers. Les roues de la machine électrique luisante du cinématographe sursautaient les pistons ; l’électricité s’omnipotait aux frontons de la baraque brune peinturlurée de scènes grotesques. Dans des trous noirs au silence dune lampe à huile, on montrait quelque phénomène : la femme tigre, le veau à deux têtes, — les minuscules barnums vidant les poches des naïfs badauds. Et puis, plus clairs, les marchands de nougats à leurs tables joyeuses délicatement ordonnées. Les papiers dorés et argentés, les faveurs bleues et jaunes, les gommes rouges et vertes, un méli-mélo d’yeux vifs qui s’entre-regardaient, narguaient de colorés sourires les passants qui les épiaient du coin de l’oeil, les séduisaient d’un signe de tête gourmand. La tringle de laiton grinçait des dents sur les manivelles des loteries. Celles-ci virotaient reflétant des étincelles de porcelaines miroitantes, de couvertures de sucre d’orge. Et les macarons étageaient leurs petits pâtés près du plat rouge bossé de trous à numéros où la roulette saccadait son bedon de bois. En rang de quilles des bouteilles de champagne le goulot ceint d’un cache-nez d’or recevaient les anneaux des joueurs dont elles étaient l’enjeu. Les tapisseries de vaisselles croulaient des vagues lumineuses du fond des concavités polies, de la transparence des flacons de cristal, du mat net des poteries bizarres. Chaque tente fusait un foyer excentrique de lumière crue sur les promeneurs en foule barbotant jusqu’aux chevilles dans la boue nauséeuse jonchant la place éternellement comme les roses noires échappées au corsage de Dame la ville des brouillards. Pour six sous on montre la passion de N. S. Jésus-Christ par des pitres massacrant de leur mascarade les mystères religieux. Ici, ce sont des exhibitions féroces de tableaux militaires ; des soldats morts sur le champ de bataille, des nonnes soignant les blessés ; la leçon criarde du patriotisme à la foule des bambins et des retraités impotents. S’il fut jadis un art mangeant la soupe à la table des forains, il est crevé au coin d’une route, il a culbuté cul par dessus tête au fond de quelque égout irretrouvable. De ces mesquineries affreuses ne jaillit qu’une foule braillarde à la curée des gains de hasard, de veuleries abêtissantes ou érotiques. Pitres et badauds, avilisseurs inconscients de la nature humaine.
    Au cirque les bancs étaient entièrement recouverts de leur nappe humaine. La piste semée de sable fin se remplissait de clowns, de chevaux, de sauteuses.Tous ces pantins d’amusement gesticulaient dans la cuvette fauve sous le nez des spectateurs béats. Là, comme partout ailleurs, le talent des gymnasiarques les fatiguaient vite. On réclamait la pantomime. Oeuvre dégénérée du scénal primitif. Qu’ils sont loin de vous, mimes Romains, ceux qui farandolent leurs lamentables singeries ! Contorsionnistes de la laideur physique, croyez-vous en votre nécessité ? Pauvres gens qui salissez la volonté morale de votre créateur ! Tristes criminels que d’imbéciles complices entraînent au meurtre de l’honneur du soi !
    Pendant l’entracte, sous le pourtour, les deux amants rencontrèrent le banquier Delange. Il avait le visage grave et froid, une barre soucieuse comme la peur d’un malheur inévitable sur le front. René salua. Le Banquier vint à lui.

  • Bonsoir, Monsieur de Lorcin, bonsoir, mademoiselle, j’ai eu l’occasion de vous défendre aujourd’hui même près de votre oncle.
  • Me défendre ?
  • Je me suis trouvé nez à nez chez lui avec Mme Derrin une de mes clientes, qui s’était fait la confidente de vos amours auprès de ce brave M. de Lorcin. Je ne sais ce qu’elle lui a conté, mais il était furieux, d’une fureur terrible. Il rumine contre vous projets coercitifs. Il ne parle rien moins que de mater ce qu’il appelle votre rébellion. J’ai fait mon possible pour le calmer… Il faut bien que jeunesse se passe… Mon coquin de Charles fait ce qui lui plaît. Ce pauvre Charles… Il avait prononcé tout bas, dans un murmure, ces derniers mots. René surpris le regarda fixement.

  • Merci, Monsieur Delange, de votre bonté. J’attendrai mon oncle de pied ferme. Qu’ai-je à craindre ? Ne suis-je pas libre ? Ais-je besoin de lui ?
  • Vous êtes jeune, mon cher ami, modérez-vous. Les discordes ne valent jamais rien. Le bonheur même que l’on croit avoir n’est souvent qu’un leurre. J’ai simplement voulu vous prévenir, pour vous montrer ma sympathie.
  • Les deux hommes se serrèrent la main.

  • As-tu remarqué, René, quelle tristesse en ses yeux, dit-elle quand il fut loin.
  • René ne répondit pas ; il avait aussi remarqué. Cela l’intriguait d’un pressentiment de mauvais augure.
    Aux abords de l’écurie, à demi-cachées par un pilier, deux gamines causaient avec un vieux monsieur. A leur approche, le monsieur s’éclipsa derrière une toile, pas assez tôt pour que René ne reconnût l’architecte Varlette. Quant à Belle et Line, — c’étaient elles, – elles vinrent leur dire bonjour.

  • On vous y prend, mes petites, sourit René, à faire la cour aux vieux.
  • Oh ! C’est, lui, répliqua Belle.
  • Que vous a-t-il dit ?
  • Rien, dit Line
  • Comment rien ?
  • Tu peux bien le dire, sotte, reprit Belle.
  • Il nous a dit qu’on était très gentilles, qu’on devait faire de jolis bébés jumeaux comme il en rêvait, que si on voulait aller de suite avec lui, ils nous donnerait un louis.
  • Je vous ai alors interrompu.
  • Non ! C’était fini.
  • Ah ! Il vous attend ?
  • A la sortie. Nous allons bravement aller voir ce qu’il nous veut.
  • Allez, allez, bon courage, et amusez-vous bien, vous me raconterez la suite.
  • Détails complets.
  • Chez eux la cheminée se dorlotait de tisons rouges. La cendre chaude chauffait les prunelles de René rêveur, tandis que Lolette tirait la couverture et préparait les chemises de nuit. La lampe sur la table bavardait silencieusement comme une vieille avec l’abat-jour vert.
    René, tu ne te couches pas ? Je suis fatiguée.
    Couche-toi, j’ai bien le temps.
    Comme tu me parles ! T’ai-je fait quelque chose ?

    Elle s’approcha de lui se penchant pour regarder ses yeux.
    Il eut un geste agacé.

  • Laisse-moi. Va te coucher ; j’irai te rejoindre tout à l’heure.
  • Méchant, tu ne m’aimes plus ?
  • Sotte, tu ne peux donc pas me laisser une seconde en paix.
  • Dix, répondit-elle vexée.
  • Elle se déshabilla lentement. René continua de rêver.
    Un profond silence montait à la lueur de la lampe troublé par la sempiternelle romance du bois qui brûle, le crépitement des crochets du corset, le criss des boucles de jupons qu’on délie, le frôlement de moire et des étoffes. Les jarretelles claquèrent, les bas glissèrent leur fin murmure le long des mollets blancs. Puis dans la glace elle défit ses cheveux, jeta épingles sur le marbre de la toilette, un bruit de petits doigts d’acier pianotant.
    René n’avait pas bougé. Alors, de la descente de lit où elle se tenait debout en chemise et pieds nus, elle appela suppliante.

  • René !
  • Il ne bougea pas davantage. Craintive de cette scène inaccoutumée, elle s’assit à ses pieds sur le paillasson du foyer, exposant ses cuisses à l’ardeur grillante de la chaleur. Ses cheveux encadraient son visage tendre et ses grands yeux inquiets.

  • Mon petit René, qu’as-tu ce soir ? Dis à ta Lolette chérie ? J’ai peur de te voir ainsi. Mon coeur me fait mal. Ma gorge me pique. Suis-je la cause de ton ennui ? Ce sont peut-être les paroles de M. Delange ?… Ton oncle ?
  • Oui, reprit enfin René d’un ton âpre, j’ai de la colère dans tout le corps, contre ces gens qui s’occupent de ma vie, de mon existence intime. De quel droit ces pignoufs de mon voisinage s’érigent-ils en contrôleurs de ma conduite et voudraient-ils entraver ma route ? Il n’est pas possible de prendre au grand jour une femme que l’on aime ! L’amour est-il donc si terrible qu’il leur fasse peur ? Je ne leur vole pas leur femme aux bourgeois, je ne trouble pas leurs ménages ! Nombre de gens qu’ils saluent bas leur font porter des cornes si longues que pas un chapelier n’a de formes assez hautes pour les y cacher. Je les laisse en paix dans leurs chenils de préjugés, dans leurs épiceries de routines, qu’ils ne m’insultent pas derrière leur comptoir d’ineffables âneries !… Cette Derrin, de quoi s’occupe-t-elle ? Prévenir mon oncle de mes faits et gestes. J’aurais du plaisir à la gifler. Quant à mon oncle je m’en moque. Tiens, voici une carte de lui que j’ai trouvée en rentrant : M. de Lorcin prie son neveu de venir sans retard lui parler pour une affaire urgente. Un discours de reproches, les calembredaines de la tante ramollie par les priéres et l’odeur des chapelles. Il peut attendre le vieux fou, ce ne sera pas cette fois-ci. Si sa langue lui démange trop, qu’il vienne ! Je rage, vois-lu, ma Lolette, je rage de ne pouvoir d’un crispement de main mincer tons ces imbéciles. Je sens qu’ils me narguent dans la nuit. Du haut de leur échafaudage d’embûches, ils vont m’accabler de pierres cruelles. Je serais obligé de recevoir les coups sans pouvoir frapper des adversaires trop lâches pour se montrer, ou se cachant derrière la haie du défensif devoir. J’entrevois ce soir une lutte violente et souterraine, une mine creusée sous notre bonheur si tranquille. Alentour notre idylle aimée, les « chulos » d’une morale idiotisée agiteront leurs manteaux agaçants. Et pourtant, Lolette, parle, leur avons-nous cherché querelle ? N’avons nous pas vécu jusqu’à ce jour en dehors de leur commerce sournois ? N’avons-nous pas chéri notre solitude exquise, n’avons-nous pas agi de même que s’ils n’existaient pas ?
  • Lolette lui avait passé ses bras autour du cou et s’était attirée sur ses genoux.

  • Mon René, ne pense pas à ces choses. Laisse de côté ce qui te préoccupe. Aimons-nous. Caresse-moi plus fort. Pourquoi chercher si loin le trouble et la tristesse ? Ici nous sommes uniquement le bonheur et je suis ton aimée.
  • Elle se pressait contre lui. Et René oubliait. Il oubliait sa rancune au contact de la chair tiède qui le voulait, des lèvres folles qui cherchaient les siennes comme le moineau cherche les chauds raisins d’une grappe dorée. Il glissa ses mains sous la chemise, caressa la nudité entière de son amante. Il posa ses lèvres sur le ventre poli et les petits seins durcis de passion. Elle l’appelait, lui criait son désir en un délire d’enivrement, l’appel enfiévré du bonheur de la possession complète, de l’unification voluptueuse de leurs deux corps en une seule âme.
    René comprit la voix puissante de l’amour, la source du courage, la consolation de la douleur, la communion eucharistique du pain transfigurateur. Ils mêlèrent leurs râles de plaisir devant la flamme qui mélodiait un rythme très doux de bénédiction.
    Et peu à peu la lampe s’éteignit faute d’huile. La cheminée comme un tabernacle d’or éclairait le délicieux sacrement d’amour sur l’autel des divins mystères.

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.