Mémoire des victimes du naufrage du Saint-Philibert 14 juin 1931


Au cimetière Saint-Jacques à Nantes, il y a une immense tombe à la mémoire du naufrage du Saint-Philibert qui fit près de 500 victimes au retour de Noirmoutier le 14 juin 1931. Quand j’étais petite, chaque Toussaint mes parents s’y arrêtaient car elle était sur notre chemin, et nous contaient ce drame.

Cette tombe est toujours entretenue et fleurie par les services municipaux (photo en 2011). En fait cette tombe contient les 54 victimes non réclamées par de la famille. Ces victimes « sans famille » avaient d’abord été inhumées dans divers cimetières Nantais, dont Toutes-Aides, puis la ville de Nantes eu la bonne idée de les regrouper et rassembler toutes les 84 au cimetière Saint-Jacques.

Le 14 juin 1931 naufrage du Saint-Philibert sur le site de la Cote de Jade, très riche de photos et documents
et plus bref sur Wikipedia

les loisirs en 1931 

Les ballades en voiture n’existent pas encore, car la France ne compte que 201 000 voitures en 1931, dont celle d’Edouard Halbert, le premier et seul en 1930 à posséder une voiture à Nantes Sud Loire St Jacques.
Mais le train existe, entre autres pour Pornic… ou l’été on peut prendre un bateau pour Noirmoutier.
Le Gois n’est pas encore pavé :
« Après un premier empierrement réalisé en 1868, le Gois est consolidé, balisé puis empierré dès 1924. Le pavage de la chaussée et la construction des balises-refuges interviennent entre 1935 et 1939 achevant de transformer le gué d’origine en voie d’accès à l’île mais aussi aux parcs ostréicoles de la Baie de Bourgneuf proches de cette voie. Le passage du Gois entre alors définitivement dans la légende attirant, chaque année, une foule impressionnante de curieux et de pêcheurs à pied. » 
On se déplace souvent en bateau et les Messageries de l’Ouest assurent beaucoup de liaisons par eau, plus nombreuses en été, et elles offrent même aux Associations des voyages spéciaux, à partir de Nantes, comme ce sera le cas avec l’association Loisirs au départ de Nantes sur le Saint Philibert.
Vous voyez sur leur annonce ci-contre qu’elles offrent plusieurs excursions qui étaient alors une découverte de loisirs pour la population Nantaise.

Nantes est une ville ouvrière, avec entre autres l’usine des Batignolles « offrant à une partie de son personnel des maisons individuelles avec jardin, l’accès à une école primaire, à un cinéma ou à un dispensaire. Alors que les cadres prennent possession de bâtisses en pierre, les ouvriers héritent de pavillons en bois au confort rudimentaire, et les célibataires, souvent étrangers, occupent des chambres dans des bâtiments collectifs ou des wagons désaffectés. Car l’Europe s’est donnée rendez-vous aux Batignolles, l’usine ayant recruté une partie de son personnel qualifié au-delà des frontières nationales, en Pologne comme en Allemagne, en Italie comme en Tchécoslovaquie ou en Autriche. »

 

 

Un dimanche à Noirmoutier, 1924 

Ma tante Odette Guillouard 15 ans est pensionnaire à Châvagnes à Nantes en 1924 et on lui impose la rédaction  : « racontez une belle journée »….  Je suppose que le temps employé était aussi imposé, car ce passé  que nous ne parlons plus me semble venu de très loin… Pour avoir bien connu ma tante, je puis vous certifier qu’elle ne parlait jamais ainsi, mais que ne lui a-t-on faire faire à l’école. J’appartiens à la génération qui n’a pas utilisé ce passé.
A travers ce récit je comprends pourquoi ma famille avait gardé un si grand souvenir du Saint Philibert, puisque mon grand père l’utilisait avec ses enfants, par chance, par beau temps… En 1924 Odette 15 ans, Robert 13, Thérèse 10 et Monique 4.

Mon premier voyage à Noirmoutier

Longtemps déjà papa nous avait promis un voyage sur mer, celui de Noirmoutier, et nous brûlions d’impatience depuis cette promesse de connaître ce nouveau pays et voici que ce jour si heureux et si ardemment attendu arriva.
Après avoir entendu la messe[1] de sept heures à la Bernerie, nous montâmes, papa, mon frère et moi à la gare  où nous devions prendre le train[2] de huit heures et demie.
Les billets pris, nous allâmes nous asseoir sur un banc car nous étions en avance de quelques minutes. A huit heures et demie le train arriva chargé comme de coutume de nombreux voyageurs. Après avoir freiné le train s’arrêta et le chef de gare cria de sa voix rude : « les voyageurs pour La Bernerie descendent , La Bernerie ». Les portières s’ouvrirent en grand nombre pour laisser passage à des gens descendant à La Bernerie. Nous montâmes donc dans un wagon[3] vide et nous entendîmes bientôt le sifflet, signal du départ. Nous ne fîmes qu’un petit voyage dans le chemin de fer, car nous ne nous sommes arrêtés qu’au Clion et puis ensuite à Pornic où nous devions descendre.
A la descente du train, nous nous sommes dirigés vers la porte de sortie, puis nous avons pris le chemin du bateau.
Nous passâmes par le port où les bateaux allaient et venaient sans cesse. Après avoir pris une sucette chez le patissier nous arrivâmes au bateau.
Neuf heures sonnaient lorsque nous prîmes place que le pont supérieur du bateau où déjà un certain nombre de personnes prenaient place. Nous attendîmes quelques minutes avant le départ du bateau lorsque tout à coup, le capitaine monta dans sa petite cabine. Le bateau siffla plusieurs fois, puis il démara. Nous sortîmes du port à une faible vitesse car nous accostâmes à la Noëveillard afin de prendre quelques personnes.
Vers neuf heures un quart, nous partîmes, en pleine mer pour ne plus s’arrêter qu’à Noirmoutier.
Le temps était radieux, la journée s’annonçait belle. Le ciel, couleur d’azur, ne présentait aucun nuage. La mer, loin d’être fougueuse et déchaînée semblait d’huile et le bateau ne secouait pour ainsi dire pas. Le trajet se fit sans encombre. Nous étions assis non loin des cheminées et de la chaudière, et nous voyions très bien le capitaine. La mer, boueuse à La Bernerie, moitié bleue à Pornic, devint bleu couleur du ciel, de plus en plus que l’on se rapprochait de l’île.
Plus le bateau avançait, plus l’île se découpait. En avançant toujours nous pûmes distinguer le bois de la Chaise, le grand Hôtel Beau Rivage. Le chemin se continuait toujours. Enfin nous voici arrivés. Le bateau fit une grande manœuvre et nous débarquâmes. Là, se trouvait des gens, un certain nombre, qui attendaient des voyageurs. Arrivés sur l’esplanade, une petit garçon, chargé de donner pendant la traversée des feuilles de réclame pour une hôtel, laissa tomber par mégarde sa casquette dans la mer, mais un bateau vint la prendre.
A la sortie de l’esplanade nous fîment notre entrée dans le bois. C’était charmant, ce petit coin était très pittoresque. A la sortie du bois, nous vîmes une grande plage s’étaler sous nos yeux occupée par quelques baigneurs.
Nous louâmes un sapin[4] qui devait nous mener au bourg même de Noirmoutier, mais il devait auparavant nous descendre à l’hôtel St Paul (ci-contre).
Arrivés à Noirmoutier, nous furent descendus auprès de l’église. Nous y entrâmes quelques secondes car c’était la grand’messe. Nous firent une petite promenade dans le bourg et nous visitâmes l’église la messe terminée, elle était très jolie. Elle renferme les restes de St Philibert mais comme la crypte était fermée nous n’avons pu visiter son tombeau. Ensuite nous avons pris le chemin de l’hôtel, car, je l’avoue, nous avions bien faim. Après avoir bien mangé, nous allâmes faire une promenade à pieds dans le bois. Il y faisait frais, il y faisait bon y respirer la suave odeur émanée par les pins ; nous avons examiné de près le phare rouge, nous avons vu un beau bateau à voile accoster.
Après s’être ainsi promenés, nous allâmes louer des ânes. L’on fit monter papa sur « La Parisienne », mon frère sur « Caroline » et moi sur « Martin ». Mon âne ne voulait faire que du trot et je l’avoue encore je n’étais pas très rassurée là-dessus.
Notre promenade à âne finie, nous nous sommes rafraichis puis nous envoyâmes des cartes postales. Quatre heures arriva bientôt, heure où le bateau retourne à Pornic. Nous partîmes très tranquillement prendre le bateau St Philibert. Assis sur le St Philibert, nous attendîmes le départ un bon moment. Notre attention se tourna vers la place près de laquelle sur la mer dormante de nombreuses périssoires[5] évoluaient. Une course de périssoires s’engageait, une dizaine participait au concours, mais les périssoires tournèrent près des rochers et ceux-ci nous interdisaient de suivre la course des yeux.
Après avoir fait entendre son appel, le bateau démarra et nous partîmes sur la mer encore plus tranquille et plus dormante que le matin.
Plus le bateau s’éloignait, plus l’île faiblissait à nos yeux, et, au contraire plus le bateau avançait plus la côte opposée devenait apparente.
Partis de Pornic sur le petit St Nazaire, nous revinrent à Pornic sur le grand St Philibert. Enfin après une heure de bateau nous accostâmes à Pornic à la Noëveillard. Nous allâmes à pieds jusqu’à la gare de Pornic où nous prîmes le train pour La Bernerie. Après un petit parcours de vingt minutes à peine nous entrâmes en gare de La Bernerie. De nouveau l’employé de gare crie : « les voyageurs pour La Bernerie descendent, La Bernerie ». Nous ouvrîmes la portière et nous descendîmes du train, nous sortîmes et nous partîmes heureux et contents du beau voyage de Noirmoutier.
Comme Noirmoutier est en face La Bernerie, j’essaie tous les jours à retracer les différents lieux où je suis passée car on voit très bien Noirmoutier de La Bernerie.
Odette Guillouard, non daté (mais ma famille situe ce voyage en 1924).
[1] Odette Guillouard est élève à Chavagnes, donc dans sa rédaction elle prend soin de noter un zèle religieux
[2] ce train existe toujours (voyez le site des TER Pays de Loire)
[3] non un « compartiment vide », car les wagons voyageurs de l’époque avaient de multiples portes latérales, une par compartiment.
[4] nom populaire du fiacre hippomobile, qui tire son nom du bois du véhicule
[5] canot

Un photographe de rue à bord 

Y avait-il un photographe de rues à bord du Saint Philibert lorsqu’il quittait Nantes à 6 h 30 pour Noirmoutier ? En effet, la France est pionnière de la photo de rues en 1930, et cette photo, transmise par Elisabeth, atteste une pose exceptionnelle car l’homme est seul (généralement en famille), il a une pose inhabituelle à l’époque, enfin la photo montre la bouée portant le nom SAINT PHILIBERT et est manifestement prise du pont inférieur, ce qui serait tout à fait un travail très rare en famille.
J’ajoute que ma famille a des photos de cette époque, mais bien moins nettes et plus posées en famille, donc j’émets cette hypothèse. Donc, je suppose qu’il y avait un photographe professionnel à bord, et que d’autres familles ont des photos de ce type. Si vous en avez vous pouvez les adresser (en supprimant les espaces : odile h @odile-h a lbert.com

Nombre et liste des naufragés 

Autrefois, seuls les adultes étaient comptés à l’embarquement, et ils étaient 457 à  bord, mais ils avaient avec eux des enfants, et même beaucoup, d’où le nombre plus élevé de victimes car les enfants étaient nombreux.
Liste des victimes sur Geneanet

Identification des victimes 

Certaines victimes ne furent identifiées que des mois plus tard. Voici l’exemple de Charlotte Martinetti épouse Tableau dont le père, corse né à Tasso fut gendarme à Douarnenez :


Etat-civil de Nantes 4°C : « Le 26 décembre 1931 nous retranscrivons le décès dont la teneur suit : Extrait du registre des actes de décès de la commune du Croisic (Loire-Inférieure) le 26 juin 1931 à 13 h 30 minutes nous avons constaté le décès d’une personne de sexe féminin qui a été trouvée ce jour en mer au large du phare de la Banche, par le bateau de pêche « Sam Both » n°612 de St Nazaire-Le Croixic, patron Jean Lehuédé, domicilié au Croisic, et dont l’identité n’a pu être établie. Le signalement est le suivant …. Dressé le 26 juin 1931 à 14 h sur la déclaration de Pierre Belliot, 41 ans, garde-champêtre, domicilié au Croisic, qui, lecture faite, a signe avec nous Auguste Masson, maire du Croisic – Mention en marge : Rectifié par jugement du Tribunal Civil de première instance de l’arrondissement de Saint-Nazaire, rendu le 4 décembre 1931, en ce sens que l’acte de décès ci-contre s’applique à Charlotte Martinetti, née le 3 octobre 1891 à Douarnenez (Finistère) de François et de Marie Antoinette Moracchini, épouse de Tableau Félix Joseph, institutrice publique, domiciliée à Nantes 25 avenue du Grand Clos, décédée en mer le 14 juin 1931 lors du naufrage du vapeur Saint-Philibert » Son corps est donc retrouvé le 26 juin au large du Croisic et on trouve son inhumation le 29 octobre 1931 au cimetière Miséricorde à Nantes, mais le jugement civil  n’est que le 4 décembre. J’ignore comment la famille a participé à l’identification… et je suppose que les frais, certainement élevés de transport des corps etc… étaient pris par les pouvoirs publics…

Seconde vie du St Philibert 

Renfloué et transformé en remorqueur sans les 2 ponts pour passagers en promenade, et rebaptisé « les Casquets », il part d’abord à Bayonne transporter des marchandises sur l’Adour. Il n’y restera pas, regagnera la Bretagne, sous divers noms, et ne sera désarmé qu’en 1979, soit 48 ans après son naufrage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le procès


Malgré une certaine lucidité en cour d’appel : « le Saint-Philibert était un bateau de rivière et d’estuaire, qui ne  possédait aucune des qualités nautiques pour effectuer par gros temps une excursion en mer avec un aussi grand nombre de passagers à bord »
la Cour d’Appel ne fera qu’enterriner purement et simplement la parodie de justice du tribunal civil de Saint-Nazaire et aucun responsable ne sera poursuivi…

 

 

 

Les 4 auberges de Nantes Sud Loire rue St Jacques et route de Clisson en 1846

Les auberges ont alors toujours des écuries et même cour ou remise pour la voiture à cheval.  On voit toujours en 2023 le porche près la boulangerie face à l’hôpital St Jacques, qui était l’auberge de Jean Paquereau en 1846. Il en était seulement locataire et son propriétaire étant un certain Ligneau. Pour les 3 auberges de la route de Clisson, elles sont toutes 3 très proches et au tout début de la route de Clisson. Hélas les numéros indiqués par le recensement ne reflètent par les numéros ultérieurs et impossible de vous dire laquelle deviendra l’Hôtel de la Maison Rouge, même si je suppose que c’est celle de Brelet. Cet Antoine Brelet est l’ancêtre de ma tante Gabrielle, épouse d’Adrien Guillouard. Je suppose que l’auberge de Cassard était en face.
L’existence d’autant d’auberges reflète l’attrait de Nantes où l’on venait parfois uniquement à la journée depuis Clisson ou environs etc…
Voici donc ces 4 auberges selon le recensement [rue, n°, nom, prénom, âge, profession, propriétaire, description du logement avec P pièce, RZ rez de chaussée]

Rue St Jacques 127 Pasquereau Jean 45 aubergiste Ligneau 2P rz, 1P 1er, écurie
Rue St Jacques 127 Reneau Jeanne 42 femme
Rue St Jacques 127 Pasquereau Henriette 20 fille
Rue St Jacques 127 Pasquereau Louise 19 fille
Rue St Jacques 127 Pasquereau Marie 16 fille
Rue St Jacques 127 Pasquereau Joséphine 14 fille
Rue St Jacques 127 Pasquereau Nonette 13 fille
Rue St Jacques 127 Pasquereau François 7 fils
rte de Clisson 1 Brelet Antoine 54 aubergiste Brelet 4P rz, 2P 1er, écuries, remises
rte de Clisson 1 Gautron Jeanne 53 femme
rte de Clisson 1 Brelet Gabriel 25 fils
rte de Clisson 1 Brelet Hortense 21 fille
rte de Clisson 10 Cassard Julien 32 aubergiste Ve Ciron 3P rz, 4P1er, écuries, jardin
rte de Clisson 10 Guillon Anne 33 femme
rte de Clisson 10 Cassard Julien 5 fils
rte de Clisson 10 Cassard Marie 2 fille
rte de Clisson 10 Philippe François 17 domestique
rte de Clisson 10 Albert Jeanne 16 domestique
rte de Clisson 12 Burlau Jacques 36 aubergiste Touchy 3P rz, 3P 1er,écuries
rte de Clisson 12 Dubois Jeanne 60 femme
rte de Clisson Touchy 2P rz

Grève des cochers, Nantes 1893

LA GRÈVE DES COCHERS (Le Phare de la Loire, 10 mai 1893)

Il y a une dizaine de jours, les cochers de fiacre étaient convoqués au café Cambronne pour y fonder le syndicat des cochers.
Bien que le nombre des cochers présents ne fût pas important, le syndicat fut fondé. Des adhésions arrivèrent et depuis quelques jours le syndicat fonctionne.
Un des premiers actes du syndicat a été la révision des règlements et tarifs concernant les cochers de remises, car il faut remarquer que les cochers de place sont en dehors du mouvement.
Les maisons de remises ne sont pas nombreuses à Nantes, mais il y en a comme celle de MM. Cobigo et Lumineau et de M. Fortun qui occupent quarante cochers.
Il ne faut pas croire, par suite de cela, que les grévistes sont nombreux. Il y en a une cinquantaine tout au plus, car dans chacune des maisons de remises, il est resté un certain nombre d’ouvriers fidèles qui, pour aujourd’hui, suffisent aux besoins du service.
Les grévistes ont compté, en commençant le chômage aujourd’hui, arriver à une solution rapide, car pour les jours des courses il y a toujours une surcharge de travail. Mais certains patrons nous ont assuré que la grève ne les gênéra pas outre mesure et qu’en prenant leurs mesures ils pourront satisfaire aux exigences de leurs clients.
Quoi qu’il en soit, voici ce que réclament les cochers :

  1. La suppression des amendes et des mises à pied ;
  2. Le port libre de la moustache ;
  3. Un iour de congé par mois, ce jour payé par le patron.
  4. Un roulement de courses établi par l’ordre de l’arrivée du cocher au bureau.
  5. Porter les appointements à 50 francs par mois avec la nourriture ou à 90 francs pour les cochers se nourrissant eux-mêmes.
  6. Pour les déplacements, 2 fr. pour un repas ; 4 fr. pour deux et 5 francs quand ils couchent hors ville.

7* Enfin affichage du tarif municipal dans toutes les voitures.

Il convient de dire que les cochers n’ont actuellement que 30 francs par mois avec la nourriture. Ils disent que cela est insuffisant pour faire vivre leur famille et qu’ils préfèrent, pour ceux mariés, une somme de 90 francs qui serait beaucoup plus profitable avec la vie en famille.
Les cochers ajoutent à leurs revendications qu’il est vrai qu’ils reçoivent des pourboires, mais cela ne saurait entrer en ligne de compte pour les appointements, car ils ne peuvent réclamer à des gens qui ne leur doivent rien.
Nous avons pris l’avis de quelques loueurs de voitures au sujet des réclamations de leurs ouvriers et voici les objections qu’ils font.
Sur le premier point, suppression des amendes et des mises à pied, ils répondent que les cochers n’ont qu’à faire leur devoir et à être à leurs postes, il n’y aura ni amende ni mise à pied. Ils n’emploient ces pénalités que pour ne pas congédier immédiatement un employé fautif.
Sur le deuxième point, port libre des moustaches, les patrons ne maintiennent cette mesure que dans un but de propreté et d’uniformité.
Le troisième point, un jour de congé, est à discuter entre les parties.
Sur le quatrième point, établissement du roulement de course dans l’ordre d’arrivée, les patrons répondent qu’ils sont les serviteurs des clients. A une personne qui demande un coupé, on ne peut donner une calèche ; à une personne qui demande une voiture propre, on ne peut en donner une vieille ; de même pour les voitures basses et élevées. Or, dans l’intérêt de la conservation et de l’entretien du matériel, chaque cocher a sa voiture attitrée et on ne fait de changement que dans des circonstances particulières.
Il y a aussi des clients qui demandent tel ou tel cocher.
En présence de ces considérations, les patrons déclarent ne pouvoir faire droit à cette demande.
Sur le cinquième point, divisé en deux parties, les patrons trouvent la demande exagérée. Pour la seconde partie, concernant les cochers mariés, deux objections sont faites. La première est que, du moment où on fait la cuisine pour vingt-cinq personnes, il ne coûte pas beaucoup plus de la faire pour quarante.
La seconde objection est que si les cochers se nourrissent eux-mêmes, les patrons ne les ont pas sous la main.
Sur le sixième point, le paiement des repas pendant les déplacements, les patrons refusent catégoriquement, car la réclamation est inutile.
En effet, quand les cochers vont à la campagne, ils s’arrêtent soit dans des propriétés où ils sont nourris, et il serait alors injuste de faire payer les repas aux clients, soit dans des hôtels, et dans ce cas les patrons paient les repas sur présentation de la note de l’hôtel. Les clients le savent, puisqu’avant de faire un prix, le loueur demande qui nourrira le cocher, et, si c’est la maison, la note du client est augmentée d’autant.
Si les patrons acceptaient la demande des cochers, ils pensent que les clients en souffriraient, car ils paieraient deux fois les repas.
Enfin, sur le dernier point, les patrons ne font aucune objection.
Nous avons tenu à exposer les demandes des cochers et les réponses des patrons, sans prendre aucun parti dans le débat, car la question pendante est d’administration interne.

 

A Couëron
— Voici le texte de l’affiche que M. le maire de Couëron a fait placarder sur les murs de la ville.
Mes chers concitoyens. — M’inspirant uniquement de vos intérêts, qui me sont chers, je VOUS adjure de reprendre demain votre travail. Cette attitude de votre part faciliterait beaucoup, j’en suis persuadé, l’entente avec la Société des fonderies, et éviterait la fermeture des ateliers, dont vous seriez les premiers à souffrir. Toute ma sollicitude vous est acquise ; mais je vous demande, surtout, dans les résolutions à prendre, de ne vous inspirer que de vous-mêmes, de savoir résister aux théories souvent trompeuses que des étrangers à notre ville pourraient vous donner comme la vérité même. Reprenez donc le travail avec confiance sans vous laisser intimider. La municipalité s’engage à protéger efficacement la liberté du travail. Travailleurs ! je compte sur votre sagesse pour hâter la solution d’une crise préjudiciable à tous.

En mairie, à Couëron, le 7 mai 1893. Le maire de Couëron,

Marcel DE LA PROVOTÉ.

D’autre part, notre correspondant de Couëron nous écrit, lundi, 8 mai :

Nos grévistes ont droit à toutes les félicita¬tions des honnêtes gens pour le calme dont ils n’ont cessé de faire preuve.

Les ouvriers rendent également justice à l’at-titude conciliante du maire et de M. Robert, le sympathique directeur de l’usine.

Ce matin, à 6 heures, une entente étant sur-venue entre le directeur et les grévistes, ceux-ci ont repris le travail. La rentrée dans les ateliers s’est effectuée sans aucun incident.

La grève est donc complètement terminée. — Disons, à ce propos, que, ce matin, est arrivé aux estacades des usines de Couëron, le Jason, steamer anglais, chargé de 800 tonnes de plomb.

Un autre correspondant de Couëron nous donne quelques détails sur les conditions de la rentrée :

Les ouvriers en cuivre, tréfilerie, laminoirs, etc., rentrent aux mêmes conditions. Cependant, ils ont obtenu plusieurs améliorations, telles que la paie régulière tous les quinze jours, qui avait lieu toutes les trois semaines lorsque le 15 ou la fin du mois se trouvait trop près du dimanche.

  1. le directeur leur a promis, en outre, de faire son possible pour obtenir une heure et demie au lieu d’une heure qu’ils ont actuellement pour le repas de onze heures ; diverses améliorations intérieures, etc.

Nous recevons la lettre suivante : Monsieur le Directeur. — J’ai l’honneur de vous informer que l’Association amicale des tapissiers-décorateurs organise une grande kermesse pour le dimanche 11 courant, jour de la Pentecôte, sur le cours de la Republique, avec le concours d’une musique de la ville, d’artistes Nantais et Parisiens. De nombreuses attractions y seront installées, L’Association organise aussi un grand concours de tir à la carabine sous le patronage de la Société de tir de France et d’Algérie, avec des prix très sérieux, lesquels seront exposés, à partir du dimanche 4 courant, chez M. Paul-Renaud, photographe, rue Guépin. Un café-chantant y sera également installé ; les meilleurs amateurs nantais et parisiens s’y feront entendre ; puis, pour clôturer la fête, grande bataille de fleurs.

Veuillez agréer, etc. — Paul PELTIER, président de l’Association.

Les joctiers de Pirmil, Dos d’Ane : Nantes 1790

Le joctier est un voiturier par eau et son nom dérive du haquetier le conducteur de haquet, sorte de charette souvent tirée par l’homme et non le cheval, donc une sorte de conducteur de carriole qui fait toutes les livraisons, en quelque sorte l’ancêtre de nos livraisons à domicile dont vous connaissez le nom et que vous utilisez sans doute. Autrefois, à Pirmil et rue Dos d’Âne ils étaient nommés joctier, jocquetier et même hocquetier, selon les sources très nombreuses dans les rôles de capitation et les recensements.

Ci-dessus, Pierre Porcher hocquetier en 1741. Je m’étais intéressée à lui car je descends des Porcher de la rue Dos d’Âne avant la Révolution.
Les joctiers étaient un peu au dessus de la misère comme l’atteste l’impôt dit capitation de 1790 ci-dessous.
Le terme de joctier est utilisé le long de la Loire dans la région, mais est inconnu ailleurs en France et voici à titre d’exemple les innombrables termes utilisés pour les voitutiers par terre, en 1837, selon le journal des transports automobiles du 15 mai 1837 : roulier, rouleur, bannelier, bennelier, baroteur, barrotteur, bandelier, brioleur, binardeur, carrioleur, carreilleur, conducteur de carriole, haquetier, conducteur de haquet, tombellier, conducteur de tombereau, transporteur d’arbres, schlitteur
Voici la capitation (impôt par foyer) en 1790, année au cours de laquelle Pirmil est encore et pour la dernière fois en Saint Sébastien avant d’être absorbée par Nantes. Le rôle de capitation donne le montant de l’impôt ici en sols.

Loizeau Louis, fils joctier 135
Loizeau Louis, père joctier 135
Patron Julien joctier 120
Joyer Louis Jacques joctier 180
Renaud joctier 10
Fauvel Jean joctier 125
Heurtin joctier 60

La voiture à cheval non gardée en stationnement était autrefois cause d’accidents lorsque le cheval s’emballait : Pirmil Nantes 1844

National de l’Ouest, le 22 novembre 1844
« Mercredi, vers 6 h du soir, un évènement grave s’est passé dans le quartier de Pirmil, théâtre des accidents qui affligent le plus notre ville, et sur lequel nous ne saurions trop appeler la surveillance de la police et la sollicitude de l’autorité supérieure.
Un cabriolet bourgeois dont le cheval s’était probablement emporté, car il n’avait aucun conducteur, et venant de la rue Saint-Jacques, a renversé sur le pont de Pirmil un joctier qui revenait de son travail, et lui a passé sur les jambes. Ce malheureux, qui relevait de maladie, a été aussitôt transporté chez M. Batard, aubergiste voisin, où les soins que réclamaient son était lui ont été prodigués. Nous ignorons si le cabriolet a été arrêté. Ce matin, le pavé du pont de Pirmil était encore teint de sang.
L’Administration municipale, dont la sollicitude ne peut être mise en doute, pourrait adopter une mesure qui préviendrait bien des accidents de ce genre. Il s’agirait d’obliger tout maître de voitures bourgeoises et de voitures de place à avoir toujours un homme à la tête du cheval ou des chevaux pendant qu’elles sont arrêtées. Il arrive trop souvent que des équipages stationnent sur la voie publique sans qu’aucun homme ne soit là pour prévenir le départ inopiné des chevaux, et conséquemment pour empêcher les accidents qui peuvent en résulter. »
Manifestement le pont de Pirmil n’avait pas de trottoirs en 1844 ! car la victime était à pieds

Agrandissement de voirie : les Arrêts de Vertais, Nantes 1715

Je vous ai mis les défauts d’alignement dont la mairie de Saint-Sébastien-sur-Loire était capable, mais voici comment autrefois on respectait bien mieux la notion de voirie, en s’entendant bien, et même très bien, entre voisins pour céder une partie de terrain, refaire les murs en ligne droite en partageant les frais, et en se dédomageant les uns les autres, pour laisser passer les charettes. Et c’est seulement après cette magnifique entente qu’on passe chez le notaire pour entériner les modifications des terrains. Le pied faisait 32,483 cm, enfin celui qui était le plus utilisé, le pied de roi. Donc la venelle qui suit mesurait 4 pieds de large soit 1,299 m et pour une charette il fallait au moins 2 m

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de Loire-Atlantique, série 4E2/261 – Voici la retranscription de l’acte (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 7 juillet 1715, (devant Bertrand notaire) Sur ce que la venelle commune conduisant de la rue de Vertais en la prée dabas (d’en bas), bornée d’un côté tant la maison qui appartenait au feu sieur Leauté que la muraille du jardin appartenant à Pierre Renard marchand sieur des Nöes Bregeon, et d’autre côté la maison et jardin appartenant au sieur Doüet boulanger, le tout relevant en proche fief du roy à cause de sa juridiction des Ponts en Vertais, ne contient au commencement d’icelle vers la rue que 4 pieds de large et environ de 6 depuis la muraille du jardin dudit sieur Renard jusque celle du jardin dudit Doüet, et que pour cela une charrette n’y peut entrer pour le service, utilité et commodité des maisons magazins et logements qui sont situés sur ladite prée et endroit vulgairement appelé Les Arrêts reignants le tour de la rivière de Loire vers Pirmil, les propriétaires desdites maisons, magazins et logements des Arrêts auroient entre eux résolu et déterminé de se faire un chemin et passage libre à charrette pour l’utilité servitude et commodité des mesmes maisons logements et magazins jardins et prés en dépendant, par ladite venelle et pour cet effet de la faire élargir suffisamment, mais comme ils ne pouvaient y parvenir sans disposer entre autres choses de la muraille et d’une partie du fonds du jardin dudit sieur Renard reignant sur ladite venelle ayant actuellement une sortie et passage sur icelle, ils l’auroient prié de les en accomoder, à quoi il auroit répondu être pressé de contrinuer à l’exécution de leur dessain, non par la vente de la muraille et une partie de sondit jardin mais bien en (f°2) consentant qu’ils en disposent sous l’expresse condition et non autrement : premièrement, que ladite venelle chemin et passage demeureront à perpétuité communs en toute longueur et largeur tant à ses deux maisons situées sur ladite rue de Vertais dont dépend ledit jardin, qu’à ses deux maisons magazins granges logements terrains prés et jardins lui appartenant et à ses enfants, situés à l’une des extrémités de ladite prée du côté de la rivière qui joint le couvent des révérends pères Récollets et le pont de Brisebois, et que luy sesdits enfants leurs hoirs successeurs et cause ayant propriétaires desdites 4 maisons granges logements terrain prés et jardins et leurs fermiers jouiront librement et perpétuellement dudit chemin et passage pour le service desdits choses à cheval, charrette et autrement ainsi et de la même manière que feront les propriétaires desdites maisons magazins logements et dépendances des Arrêts, sans que lui ni sesdits enfants soient tenus à aucunes autres contributions pour l’établissement dudit chemin en tout son entier jusques l’accomplissement de sa première perfection, et secondement que lesdits propriétaires feront aussitôt faire à leurs dépends une muraille à pierre chaux et sable en toutes sa longueur pour fermer le surplus de sondit jardin auquel elles demeurera prénative ? et sera de pareille épaisseur que celle qui y est présentement et avec 9 pieds au dessus de l’encavement ? ou (f°3) pavé dudit chemin, qu’ils feront faire en icelle muraille portes qu’ils feront boucher et remplir de maçonnerie pour être néanmoins débouchées ouvertes et pratiquées sur ledit chemin toutefois et quand bon semblera audit Renard et à sesdits successeurs, lesquelles réponses et conditions dudit Renard ayant été agréées par les propriétaires dudit lieu des Arrêts, ils se transportèrent avec lui sur sondit jardin ou après avoir considéré et mesuré ce qu’il en faut pour l’élargissement de ladite venelle afin de faire le chemin et passage projetté, ils auroient arrêté de démolir la muraille d’iceluy jardin reignant sur ladite venelle et de mettre joindre et réunir à la même venelle pour faire ledit chemin et passage à charrette, non seulement le fonds d’icelle muraille mais encore une partie dudit jardin en toute sa longueur à la largeur savoir environ 6 pieds par le bout d’ahaut à prendre au niveau de la dalle ou goutière de bois qui est actuellement à la maison du nommé Lemaitre et environ 3 pieds par l’autre bout vers la rue d’abas, en sorte que la muraille qui renfermera le restant dudit  jardin sera perpendiculaire et faite et construite de l’un à l’autre bout à la même épaisseur et hauteur, laquelle épaisseur sera prise pour une moitié sur ledit restant et pour l’autre sur ladite quantité de 6 et 3 pieds, à cette cause devant nous notaires royaux à Nantes, ce jour 7 juillet 1715 après (f°4) midi a comparu ledit sieur des Noës Bregeon Renard, demeurant paroisse de St Sébastien en ladite rue de Vertais

 

Rue de Vertais

1499 – On voyait à Vertais, dans une venelle, près du Pont de Pirmil, une chapelle nommée la Chapelle de Perrot Drouet (Travers, II, 249)

1524 – Vertais, dont Pierre Landais était seigneur, l’an 1483, avait encore son seigneur en 1524 et formait une juridiction, sous le nom de la Juridiction du Pont en Vertais, avec sénéchal et officiers. Le prieur de la Magdeleine sur les Ponts s’en disait seigneur, avant ces temps, et en a un titre, vrai ou faux, qui commence la juridiction du pont, au mur de la ville, et la termine au grand pont de Pirmil (Travers, II, 289)

(sans date) – Vertais, de Vert, le même que bert, beau, en altique et ais habitation : la belle habitation ; on y jouit de la plus vue. (Gaignard, Voyage autour de Nantes, 44)

1761 – … maison située aux Arrêts de Vertais (Aumones, affiches… pour la ville de Nantes, 1761 n°35 p137)

Il est certain qu’avant 1792, une partie des Ponts (Vertais et Piremil) dépendait de la paroisse de Saint-Sébastien, et que l’octroi l’arrêtait au pont des Récollets (Annales de la Société Académique de Nantes, 1853, p344)

L’endroit où était situé ce bureau d’octroi portait le nom d’Arrêts de Vertais

1840 – L’ordonnance royale du 26 septembre 1837, qui fixe à 10 m la largeur de la traverse dans les rues de Biesse, Vertais et Dos d’Ane, 180 maisons qui doivent céder à la voie publique une superficie totale d’environ 3 500 m. Parmi ces maisons 102 surtout présentent une suite de saillies véritablement intolérables, et leur démolition immédiate ou prochaine a été arrêtée en principe (Le Breton, 7 mais 1840, p2)

L’île de Vertais était en dehors de la ville, dont les limites ne devaient pas être bien au-delà de la Porte Gelée, démolie en 1665, laquelle porte était à l’angle de la rue de Beau-Séjour.

Il existait au commencement du XIXème siècle, un peu au dessus des Récollets, à droite en sortant de la ville, au pied de la chaussée qui précède les deux arches du Pont des Récollets, il existait, dis-je, le reste de la maçonnerie ou d’une base sur laquelle s’élevait autrefois une Croix. La tradition dit que cette Croix indiquait la limite de Nantes.

Cette Croix existait alors sur le bord du bras de la rivière qui, d’un côté, embrasse l’Île de Vertais, et, de l’autre, borne le terrain où est établie la raffinerie N. Cézard.

Cette Croix se voit sur le plan de Cacault, à l’angle N.O. du Pont des Récollets.