L’âge au mariage avant septembre 1792

Merci de m’avoir posé la question, car en vous préparant ce billet, j’ai même découvert avec stupeur la date à laquelle le consentement des parents a été supprimé.

  • conditions légales
  • Elles relèvent de 2 droits : le droit canon et le droit coutumier.

  • le droit Canon
  • En France, jusqu’au 20 septembre 1792, l’état civil est tenu par l’église catholique.
    L’église catholique a des règles qui sont fixées par le Droit Canon
    Selon le Droit Canon, l’âge pour contracter mariage est de 14 ans pour les garçons, 12 ans pour les filles.
    Ce n’est que bien plus tard, au 19ème siècle que le Droit Canon sera modifié pour les fixer respectivement à 16 et 14.
    Le droit canon est toujours en vigueur pour le mariage devant l’église catholique, mais vous voyez qu’il a été légèrement modifié quant à l’âge. Et l’âge a toujours été si bas qu’il n’a pas dû poser problème.

  • le droit coutumier
  • Outre le Droit Canon, la France était couverte de droits coutumiers, qui différaient selon les provinces. Ce n’est qu’avec Napoléon que le droit sera unifié dans le Code Civil

    Mais 2 points communs à tous ces droits provinciaux :

    Le premier point est l’âge de la majorité civique, à savoir le droit de gérer seul ses biens, qui n’a strictement rien à voir avec l’âge au mariage.
    Ce sont 2 notions totalement différentes et c’est sans doute ce point qui trouble beaucoup d’entre vous, d’autant qu’il y a un fossé énorme entre l’âge au mariage autorisé par l’église et celui de la majorité civique, soit pour les garçons de 14 ans à 25 ans et pour les filles de 12 ans à 25 ans.

    Le second point : l’âge au mariage est une affaire de consentement parental

  • le consentement parental
  • Il est la base du droit coutumier, mais les formes diffèrent selon les provinces. Pour le peu de provinces de l’ouest que je connaisse, j’ai rencontré beaucoup de formes, allant du simple consentement par présence ou écrit devant notaire en l’absence de déplacement des (ou le seul vivant) des parents, jusqu’à des formes bien plus juridiques très variables, et même le consentement de 23 parents !!! Attention le terme « parents » est au sens large et oncles, tantes et cousins ont leur mot à dire lorsque père et/ou mère sont décédés.

    Et ce consentement n’a strictement rien à voir avec l’âge de la majorité, donc à 25 ans (âge générale de la majorité d’alors pour gérer seul ses biens) on n’avait pas pour autant le droit de se marier sans le consentement parental.

  • histoire du consentement parental
  • Selon le Dictionnaire du la culture juridique de Denis Alland et Stéphane Rials, PUF, 2003, qui retrace l’histoire du consentement parental :

    En 1556 le roi rend le consentement parental obligatoire jusqu’à 30 ans pour les garçons et 25 pour les filles, au mépris du Concile de Trente, marquant l’opposition du pouvoir laïc au pouvoir religieux.
    L’ordonnance de Blois de 1579 ramenera l’âge du consentement obligatoire à 25 ans pour tous.
    La Révolution et Napoléon n’abaissent en rien ce dispositif règlementaire.
    « La famille légitime demeure alors aux députés la plus apte à remplir la fonction procréatrice, pour accroître la population au lendemain de 1870. Ils vont donc progressivement alléger les formalités (loi de 1896 et 1907) à la demande notamment de l’abbé Lemire, et supprimer l’autorisation parentale au-delà de 21 ans. La loi de 1907, qui accomplit cette suppression laisse néanmoins subsister jusqu’à 30 ans le principe du consentement parental, permettant seulement de passer outre en cas de refus, un mois après notification ; Maintenus jusqu’à 25 ans par la loi de 1927, cette notification ne disparaîtra qu’en 1933. Le consentement d’autorité s’est alors définitivement mué en consentement de protection jusqu’à l’âge de la majorité. »

    Eh oui, vous avez bien lu !!! Il a fallu attendre 1933 !!!

  • en fait de consentement, c’était le choix et la décision des parents !
  • En fait, le droit coutumier enterrinait clairement le droit des parents (au sens large) à décider du mariage des enfants, et à choisir pour eux. Ainsi, tantes (ou oncles), curé, etc… ne se privaient pas de jouer les intermédiaires pour choisir l’élu(e), et le mariage était le plus souvent une affaire de raison sociale et économique décidé en famille le plus souvent sans en informer au préalable l’intéressé(e).

    En vous écrivant j’ai en mémoire, le plus marquant mariage de mes grands-mères, celui de Charlotte Hunault, 17 ans, demeurant près de Rennes, que le père conduit à cheval en 2 jours à Angers, chez le notaire à Angers, où une foule (plus de 50 et 2 pages de signatures) de messieurs (jamais de femmes sur les contrats de mariage de la bourgeoisie) de tous âges réputés proches parents, sont là pour lui faire épouser un veuf, qui deviendra mon ancêtre. Cette scène me hante toujours et c’est pour moi l’image même du mariage autrefois, et je me souviens fors bien que Séphane Bern avait, parmi ses innombrables émissions sur la noblesse, parlé du mariage d’une princesse (j’ai oublié le pays) au 20ème siècle, mariée jeune de la même manière, et que l’on avait retrouvé si je me souviens bien pleurant sous l’escalier du château.
    Ma Charlotte avait un papa originaire de Méral, marchand fermier angevin, ayant pris le bail à ferme d’une seigneurie bretonne. Le veuf était avocat à Angers fils de notaire de Senonnes. Ils sont mes ascendants.

  • Les mariages sont affaire de conditions économiques et sociales
  • Autrefois, et j’en ai même observé les effets en Allemagne dans les années 1960 pour y avoir mariage il fallait pouvoir monter son ménage.
    Bien souvent il fallait pour cela attendre le décès des parents, lesquels ne vivaient pas si longtemps que de nos jours, mais seulement 47 ans en moyenne.
    Inversement si les parents disparaissaient jeunes, on se mariait jeune, en particulier lorsqu’il s’agissait de d’exploitants agricoles et/ou artisans car il fallait des bras pour travailler.
    Même lorsque la mère vit encore, toujours devant la nécessité de bras pour travailler, la (ou les) filles sont mariées jeunes.

    Donc on se marie dans son milieu, sauf les garçons nobles fauchés, trop heureux d’épouser une fille de bourgeois aisé à la dot bien ronde, et inversement, les filles nobles fauchées trop heureuses d’épouser un petit (ou gros) bourgeois pour éviter le couvent et vivre bourgeoisement avec domestiques dans une maison manable.

    On rencontre des mariages en âge assez jeune, et j’ai ainsi à Ménéac et Merdrignac, à cheval sur l’Ille et Vilaine et les Côtes d’Armor, des suites de mariage des filles à 13 ans. J’ai bien dit « suites », c’est-à-dire sur plusieurs générations. J’ai été très impressionnée lorsque j’ai fait ce travail et j’avais alors tout retranscrit pour être certaine de ne pas faire d’erreurs.

    Lors des épidémies ou famines, les choses s’accéléraient parfois !

    Et comme je suis curieuse, je suis allée voir les statistiques de l’INSEE et vous pouvez consulter le détail de 1946 à 2014 pour la France Métropolitaine, on passe de 24 à 30,9 ans : on se marie de plus en plus tard.

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    2 réponses sur “L’âge au mariage avant septembre 1792

    1. Bonjour,
      Je viens de lire votre très intéressante étude sur l’âge au mariage.
      en complément, dans le paragraphe relatif au consentement des parents – qui était le plus souvent le choix des parents ou des proches- j’ai trouvé dans mes recherches le cas d’un curé qui a changé de paroisse dans le même évêché (Bazas en Guyenne) et qui avait apporté avec lui sa liste de garçons et filles à marier. Bien que les deux villages soient éloignés de 45 km, il y a eu soudain de nombreux mariages entre les deux villages alors qu’avant sa mutation il n’y avait rien
      dans un autre domaine, j’espère que les excités de la cgt se sont calmés et vous laissent en paix
      cordialement

        Note d’Odile :

      Oui, c’est vrai, les curés étaient d’excellents marieurs, il n’y avait pas que les tantes.
      Ceci dit, vous allez voir ces jours-ci un énorme travail sur les RACINOUX.
      Mais en attendant bon dimanche
      Odile

    2. Bonjour Madame,
      j’ai lu soigneusement votre étude sur les Racinoux, mais la confusion entre les prénoms Marguerite ou Madeleine, selon les actes m’avait fait prendre une autre piste.
      tout d’abord voici les générations communes entre nous :
      Jean Pointière et Magdelaine -(Marguerite) Racinoux : x 10/05/1615 St Aignan
      Jean Hilaireau et Nicole Pointière : x 20/07/1637 St Aignan
      Julien Tessonneau et Marie Hilaireau : x 21/07/1681 St Aignan
      Pierre Couperie et Jeanne Tessoneau : x 12/01/1706 Basse Goulaine
      ensuite nos arbres divergent puisque
      vos ancêtres sont François Coupperie (2°mariage) et Marie Lottin x 3/02/1750 à St Sébastien
      et les miens Jacques Coupperie, frère de François, avec Perrine Allaire x 7/02/1741 à Escoublac – Jacques Coupperie se mariera 5 fois après le décès de ses 4 premières épouses, la 5° épouse n’avait pas peur ! En fait, elle l’a enterrée en 1785 et s’est remariée 10 mois plus tard à Escoublac
      Ce qui plaide en faveur de votre option, c’est bien sûr que :
      – Madeleine Racinoux a une sœur Marguerite, et que le prêtre a pu les confondre sur l’acte de naissance de Nicole Pointière
      – Madeleine Racinoux épouse en seconde noces Jean Pointière, après un 1er mariage avec André Rassinoux

      Pour autant je vous explique mon choix :
      Nicole Pointière est la fille de Jean et de Marguerite alias Madeleine Racinoux.
      Nicole P., a sans doute une sœur Marie Pointière (°8/09/1617 St Aignan; +18/06/1659 St Aignan) fille de « Jan Pointière et Magdellayne Racynoux »

      Comme il existe une autre Marguerite Racinoux(°6/07/1595 St Aignan), fille de Julien Racinoux le jeune et Julienne Bernard, cette autre Marguerite pouvait aussi être l’épouse de Jean Pointière.
      C’est la solution que j’avais choisie en conservant les dates de mariage et décès de Marguerite alias Madeleine Racinoux.
      Avec votre solution, l’âge de la mère est de 43 ans à la naissance de Nicole Pointière, ce qui me paraissait un peu âgé, vu la mortalité à cette époque. Mais il devait bien y avoir des exceptions.
      Dans ma version, la mère de Nicole a 28 ans.
      on avait alors les générations successives :
      1°) Marguerite Racinoux °6/07/1595; x jean pointière 10/05/1615; +13/10/1639 à St Aignan
      – fratrie Jan Racinoux°17/11/1597; Guillemette°7/03/1601; André 12/05/1602
      2°) Julien Racinoux le jeune (°10/06/1569) et Jullienne Bernard
      – fratrie Clémence °1/12/1564; Marie °10/04/1566;
      3°) Julien Racinoux °1/09/1507 et Guillemette Pidou °7/11/1526
      – fratrie François Racinoux °3/10/1511
      4°) Pierre Racinoux et Guillemette Gousset

      pour terminer, j’ai retrouvé dans mes notes deux mariages que je ne vois pas dans votre étude, dans la rubrique  » autres Racinoux »
      le 7 juin 1620 à St Aignan deux actes de mariage successifs, sans doute sœurs ou proches parentes
      Jacques Boyshaud de St Lumine avec Marguerite Racinoux de St Aignan
      André Bachellier avec Andrée Racinoux de St Aignan

      Ouf, j’ai terminé ! – Cordialement

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