Dispense de consanguinité, Méral, 1769 : Pierre Brielle et Jeanne Guinoiseau

Archives du Maine-et-Loire, série G

La 4 janvier 1769, en vertu de la commission à nous adressée par monsieur le vicaire général de monseigneur l’évêque d’Angers, en datte du 23 décembre dernier, signée Houdbinne vicaire général, et plus bas Ch. Seuret, pour informer de l’empeschement qui se trouve au mariage qu’ont dessein de contracter Pierre Brielle et Jeanne Guinoiseau tous deux de la paroisse de Méral, des raisons qu’ils ont de demander dispense dudit empeschement, de l’âge desdites parties et du bien qu’elles peuvent avoir, ont comparu devant nous commissaire soussigné lesdites parties, scavoir ledit Pierre Brielle, âgé de 35 ans, et ladite Jeanne Guinoiseau, âgée de 31 ans, accompagnés de Pierre Brielle père dudit Pierre Brielle, père dudit Pierre Brielle, de Michel Boisramé son beau-frère, de Jacques Guinoiseau père de ladite Jeanne Guinoiseau, de Louis Chartier son oncle par alliance, tous demeurans dans la paroisse dudit Méral, qui ont dit bien connaître lesdites parties, et serment pris séparément des uns et des autres de nous déclarer la vérité sur les faits dont ils seront enquis, sur le rapport qu’ils nous ont fait et les éclaircissements qu’ils nous ont donné nous avons dressé l’arbre généalogique qui suit :

de René Guinoiseau sont issus :

  • Jacques Guinoiseau – 1er degré – Anne Guinoiseau femme de René Brielle
  • Jacques Guinoiseau – 2e degré – Pierre Brielle
  • Jacques Guinoiseau – 3e degré – Pierre Brielle qui veut épouse Jeanne Guinoiseau
  • Jeanne Guinoiseau du mariage de laquelle il s’agit – 4e degré

    Nous avons trouvé qu’il y a un empeschement de consanguinité du quatrième au troisième degré entre ladite Jeanne Guinoiseau et ledit Pierre Brielle, ou ce qui revient au mesme du troisiesme au quatrième degré entre ledit Pierre Brielle et ladite Jeanne Guinoiseau. (on n’est jamais trop précis !!!)
    A l’égard des causes ou raisons qu’ils ont de demander la dispense dudit empeschement, ils nous ont déclaré que ladite Jeanne Guinoiseau est fille et âgée de 31 ans, sans avoir trouvé d’autre parti qui luy convient, ayant été seulement demandée il y a environ deux ans par un parent proche et qui ne luy convenait point, et que ledit Pierre Brielle, quoique son parent, luy convient à tous égards, que quoique ladite paroisse de Méral soit étendue, cependant les habitans sont presque tous parents ou alliés par les mariages qui de tous temps se sont contractés entre parents, nos seigneurs évêques ayant octroyé bien souvent de pareilles dispenses que les habitants de cette paroisse sont bien unis ensemble, qu’ils ont peine à parer à des mariages étrangers, que ce peuple naturellement timide, éloigné de ville, et habitans les bords de la Bretagne, et n’aime pas le caractère Breton, ne peut se résoudre à contracter mariage avec les Bretons, ce fait est constant, qu’il est rare de voir les habitans de cette paroisse contracter mariage avec leurs voisins, que si ladite Guinoiseau ne se marie avec ledit Brielle il y a lieu de craindre qu’elle ne trouvera point un party qui luy convienne si bien que celui qui se présente et ladite Guinoiseau demeurant avec une belle-mère depuis des années, elle désire recevoir un établissement qu’enfin ledit Brielle ayant demandé en mariage une fille qu’il n’a pu avoir et était âgé de 35 ans il désire épouse celle qui se présente.
    Et comme leur bien ne monte qu’à la somme de 700 livres en fond meubles marchandise et inventaire, ledit Brielle n’ayant aucun bien de fond, mais seulement 500 livres en meubles, bestiaux et marchandises, demeurant chez son père métayer et ayant 4 enfants et qui a déclaré appartenir du côté de leur mère déffunte en meubles, bestiaux et marchandises, 2 000 livres, en conséquence 500 L chacun, mais n’ayant point fait d’inventaire cette portion pourrait bien dans peu diminuer eu égard au malheur des temps, et ladite Guinoiseau n’ayant que 90 livres d’inventaire, comme il parait par l’acte qui en a été fait par devant notaire et qu’on nous a communiqué, et en bien de fond 14 livres sur lesquelles sont à diminuer les deniers royaux et les réparations ordinaires, lequelles parties n’ont point d’autre recours pour se soutenir dans un temps où les taux et autres impositions sont si onéreux, que la force de leur bras, et en conséquence ils se trouvent hors d’état d’envoyer en cour de Romme pour obtenir la dispense dudit empeschement ce qui nous a été certifié par lesdits témoins cy-dessus dénommés et qui ont déclaré ne scavoir signer fors ledit Jacques Guinoiseau père de ladite Jeanne Guinoiseau, fait dans la salle du presbitaire dudit Méral Signé : Guinoiseau

    Merveilleux n’est-ce pas ! Il semblerait que Mr le curé de Méral en rajoute un peu sur les Bretons…
    Car, je connais bien Méral pour l’avoir dépouillé autrefois. Tous les Mératais (il paraît qu’ils ne sont pas Méralais) n’ont pas eu une telle horreur des Bretons, la preuve, je descends des Goussé, des Marchandye, des Maugars, des Hunault, qui ont bougé, contrairement à ce raconte le curé de Méral en 1769. Il est vrai que c’était 150 ans avant !

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    Dispense d’affinité, Méral (Mayenne) 1757 : Thomas Leconte et Jeanne Marcillé

    Archives Départementales du Maine-et-Loire, série G

    Il y a affinité, lorqu’un veuf (ou une veuve) avait son conjoint décédé apparenté à cellle (celui) qu’il recherche en mariage. On a toujours des détails intéressants, même s’il faut tempérer :

  • ils disent toujours qu’ils ne savaient pas, en effet, difficile d’imaginer de se fréquenter en commençant par établir un arbre généalogique !!! Par la suite, il y avait toujours une langue assez bien pendue pour dénicher la chose et en parler au curé, si ce n’est lui qui vérifiait pour que le mariage ne soit pas annulé par la suite pour non conformité.
  • leur généalogie est orale, et peut être erronée, car de vous à moi, quand on n’a pas connu ses grands parents, ce qui est le cas le plus fréquent, difficile de s’en souvenir…
  • pour ne pas payer, ils peuvent en dissimuler un peu, même sous serment… enfin cela donne un ordre de grandeur. Dans le cas ci-dessous, pauvres (enfin très peu aisés). S’ils sont aisés, ils ont de quoi payer les frais en Cour de Rome, et ils ont droit (façon de parler) à la procédure lourde. Pour les pauvres, on règle généralement le problème au niveau de l’évêché, enfin, surtout dans un cas aussi léger que celui qui suit.
  • le cas ci-dessous évoque un enfant difficile, qui nous laisse sur notre faim… Serait-ce un enfant handicapé ?
  • enfin, ils disent toujours qu’on ne peut plus faire marche arrière car l’honneur de la fille est perdu. C’est un argument qui marche bien… donc on l’avance toujours, qu’on ait ou non couché ensemble. Ce qui signifie qu’on ne peut en tirer aucune conclusion hâtive.
  • Le 25 juillet 1757, en vertu de la commission à nous adressée par Monsieur le vicaire général de Monseigneur l’évêque d’Angers an date du 8 du présent mois de juillet 1757, signé Lepresle, vicaire général, et plus bas, par Monseigneur Jubeau secrétaire, pour informer de l’empêchement qui se trouve au mariage qu’on dessein de contracter Thomas Leconte maçon de la paroisse de Méral, veuf de Renée Fournier, et Jeanne Marcillé, fille de la même paroisse, des raisons qu’ils ont de demander dispense dudit empêchement, de l’âge desdites parties, et du bien précisément qu’elles peuvent avoir, ont comparu devant nous commissaire soussigné, lesdites parties, scavoir ledit Thomas Leconte âgé de 35 ans et ladite Jeanne Marcillé âgée de 31 ans, accompagnés de Renée Theard veufve de René Marcillé, mère de ladite Jeanne Marcillé, demeurante à Chantepie paroisse de Méral, de François Sommier son cousin demeurant paroisse de Saint Poix, de Jacquine Fournier veufve René Buhigné demeurante aux Planches à Méral, de Jeanne Fournier femme de Jean Monternau, closier à la Touche des Landes aussi en Méral. Lesdites deux Fournier sœurs de deffunte Renée Fournier, première femme dudit Thomas Leconte, tous lesquels thémoins ont dit bien connoître lesdites parties, et serment pris séparément des uns et des autres, de nous déclarer la vérité sur les faits dont ils seront enquis, sur le raport qu’ils nous ont fait, et les éclaircissements qu’ils nous ont donné, nous avons dressé l’arbre généalogique qui suit :

    de Jean Pierre et Renée Gaudin, souche commune, sont issus : (dur dur de faire un tableau au forma WIKI dans un blog, aussi visualisez bien gauche-droite les deux lignées)

  • Jean Pierre | 1er degré | Renée Pierre mariée à René Theard
  • Jean Pierre | 2e degré | René Theard
  • Renée Pierre mariée à Jean Fournier | 3e degré | Renée Theard mariée à René Marcillé
  • Renée Fournier première femme de Thomas Leconte | 4e degré | Jeanne Marcillé qui veut épouser Thomas Leconte
  • Ainsi, nous avons trouvé qu’il y a un empêchement d’affinité du 1 au 4e degré entre ledit Thomas Leconte et ladite Jeanne Marcillé ;
    à l’égard des causes ou raisons qu’ils ont pour demander la dispense dudit empêchement, ils nous ont déclaré que ladite Jeanne Marcillé est fille et âgée de 31 ans, sans avoir trouvé d’autre parti qui luy convient,
    que ledit Thomas Leconte est veuf et chargé d’un enfant difficile à élever et qu’étant tous les jours absent de sa maison à cause de son métier, il a besoin d’épouser ladite Jeanne Marcillé pour l’éducation et la garde de son enfant et pour le bien de ses affaires, que depuis environ 5 mois ils se sont recherchés de bonne foy pour le mariage sans qu’ils seussent (attention, participe du verbe savoir) qu’il y eut affinité entre eux,
    et que depuis quelques mois ils se sont vus avec tant de familiarité que le public en a été scandalisé au point même que s’ils ne se marient ensemble, il y a lieu de craindre et grande apparence que ladite Jeanne Marcillé ne trouvera point à qui se marier.
    Et comme leur bien ne monte qu’à la somme d’environ 200 livres en meubles, hardes ou marchandises, sans aucun bien de fond, ledit Leconte n’ayant qu’environ 50 écus (soit 150 livres) en meubles et hardes et ladite Marcillé n’ayant guère qu’environ 50 livres, ils se trouvent hors d’état d’envoyer en Cour de Rome, pour obtenir la dispense dudit empêchement,
    ce qui nous a été certifié véritable par lesdits thémoins dénommés de l’autre part qui nous ont déclaré ne scavoir signer fors ledit Leconte et ledit Sommier de ce ensuis,
    fait et dressé ledit procès verbal lesdits jour et an 25 juillet 1757 en notre maison presbitérale de Saint Poix. Signé F. Sommier, Thomas Leconte, Jarry curé de St Poix

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    Les sommations respectueuses : pour avoir de ses parents l’autorisation de se marier, même après la majorité (25 ans)

    Pour se marier, il faut l’accord parental, même après la majorité, laquelle est pourtant à 25 ans, ce qui est beaucoup, d’autant que la vie est courte jusqu’en 1880. Pour mémoire, en 1880, l’’espérance de vie à la naissance, autrement dit l’âge moyen au décès, était de 40,8 ans pour les hommes, 46,4 pour les femmes.
    S’il faut leur accord, c’est que leur présence et don en avancement d’hoir est obligatoire au contrat de mariage.
    On essuie parfois un refus. Eh oui, cela arrivait ! Vous avez l’un de ces refus dans la famille des Lemanceau de Champteussé sur Baconne. La mère (Françoise Loyseau veuve de Pierre Manceau) ne fit donc aucun contrat de mariage et aucun avancement d’hoir à sa fille, Catherine Lemanceau, 27 ans, qui veut épouser Jacques Lemesle ! Mais, après les 3 sommations respectueuses obligatoires et ses 3 refus devant notaire, elle fait un autre acte devant notaire, autorisant le curé à marier sa fille, mais précisant bien qu’elle n’entend faire aucun avancement de droit successif.

    En cas de refus (3 fois, ce nombre est obligatoire, c’est pour cela qu’on a toujours le pluriel à Sommations respectueuses) cela n’est pas rien, même majeur. Il faut aller voir tous les proches, pour tenter de les mettre de son côté, et de faire pression si possible sur le parent peu coopératif. Si le refus est toujours là, il faut demander au notaire d’assister physiquement à la demande d’autorisation, en la demeure du parent refusant, en compagnie de tous les parents favorables qui tentent encore de convaincre le refusant. Puis le notaire devait enregistrer le refus dans un acte, signé de deux témoins.

    Voici le mécanisme, expliqué par l’Encyclopédie de Diderot :

    SOMMATION RESPECTUEUSE : acte fait par deux notaires, ou par un notaire en présence de deux témoins, par lequel, au nom d’un enfant, ils requierent ses père & mère, ou l’un d’eux, de consentir au mariage de cet enfant. On appelle ces sortes de sommations, respectueuses, parce qu’elles doivent être faites avec décence, & sans appareil de justice ; c’est pourquoi l’on y emploie le ministere des notaires, & non celui des huissiers.
    Ces sommations ne peuvent être faites qu’en vertu d’une permission du juge, laquelle s’accorde sur requête, l’objet de ces sommations de la part de l’enfant, est de se mettre à couvert de l’exhérédation que ses pere & mere pourroient prononcer contre lui, s’il se marioit sans leur consentement.
    Mais pour que ces sommations produisent cet effet, il faut que l’enfant soit en âge de les faire, & qu’il ait trente ans, si c’est un garçon, ou vingt-cinq ans, si c’est une fille.
    L’enfant qui consent de courir les risques de l’exhérédation, peut se marier à 25 ans, sans requérir le consentement de ses pere & mere. Voyez l’arrêt de réglement, du 27 Juillet 1692, au journal des audiences.

    Ce dernier paragraphe, conjugué à tout ce que j’ai mis sur l’exhérédation sur mon site, explique tout. En effet, autrefois la dot, ou avancement de droit successif, était obligatoirement versée par les parents (lorsque l’un ou les deux vivent) lors du contrat de mariage. Dès lors, on comprend mieux que certains parents aient hésité à donner leur bien à quelqu’un qui ne leur revenait pas ! enfin, c’est ainsi que je vois les choses… Pas vous ?

    Et soyons réaliste jusqu’au bout. Si on trouve si peu de sommations respectueuses, c’est que la plupart du temps les jeunes gens en âge de se marier avaient déjà perdu leurs parents et hérité, et étaient libérés de curatelle après 25 ans, donc libres de se marier sans toutes ces formalités.

    Voici le dernier refus que j’ai relevé, qui ne me concerne en rien, mais illustre le mode de vie d’antant. Elle a 27 ans, et mis un oncle dans sa poche, mais rien n’y fait :

    Le 20 juin 1654 après midy, en présence de nous Jean Chedran, notaire royal à Angers et des témoins cy-après nommez honorable fille Agathe Boivin demeurant en cette ville paroisse St Pierre s’est transportée vers la personne d’honnorable homme René Boivin Me orphèvre en cette ville, son père, trouvé en sa maison située rue St Laud de cette ville dite paroisse St Pierre, auquel parlant ladite Agathe Boivin sa fille a dit estre âgée de 27 ans ou plus, avoir tousjours témoigné le respect et honneur qu’elle doibt à sondit père, lequel a eu agréable la recherche que Me Arnault marchand faict de sa personne et tous ses parents, a humblement supplié et requis ledit Sr Boivin son père de consentir au mariage dudit Marchand avecq elle et en passer contract, déclarant que son refus sans en rien le départir du respect et honneur qu’elle luy doibt, elle jouit des droits et privilèges de l’ordonnance au sujet dudit mariage, et à ce que dessus a aussy esté à ce présent honnorable homme François Cochon marchand demeurant en cette ville oncle de ladite Agathe Boivin, qui a prié et supplié ledit sieur Boivin son beau-frère de consentir audit mariage et que tous les autres proches parans de ladite Agathe Boivin en sont d’advis, ledit Boivin a dit ne vouloir… (AD49)

    Vous avez noté le terme respect à plusieurs reprises. Par contre, dans ce refus, je n’ai pas compris pourquoi le père refusant est dit avoir toujours eu pour agréable la recherche … ce qui signifierait (si j’ai bien compris) que le père n’est pas défavorable au mariage de sa fille, mais bien qu’il n’a pas envie de payer de dot.

    Et demain, je vous donne des dispenses de consanguinité en Haut-Anjou. Mais rassurez-vous, il y a des provinces où tout était plus rapide, car dans ma branche Bretonne (Merdrignac et Ménéac) j’ai une quantité très impressionnante de filles mariées à 15 voire 13 ans, et tout le monde était d’accord.
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    Mariage illégitime et enfants illégitimes

    , suite du billet d’hier.
    Avec exercice de paléographie.

    Parfois, le père, reconnaissait l’enfant dans son testament, mettant sans doute sa conscience en paix avant de paraître devant Dieu. Parfois, l’enfant est reconnu lors du mariage, même, s’il avait été déposé à sa naissance sans mention du nom de la mère. Nous possédons un acte notarié de cette nature, dont le nom restera du domaine de la vie privée…

    Le mariage aussi pouvait être décrété illégitime en cas de consanguinité découverte après coup, probablement par dénonciation…, entraînant les enfants issus de ce mariage dans l’illégitimité. Cette règle fut organisée au 4e siècle.
    Elle a été étudiée par Jack Goody dans son ouvrage l’évolution de la famille et du mariage en Europe, Armand Colin, 1985, préface de Georges Duby. Voici le résumé :

    Stimulés par les ethnologues et les démographes, les historiens depuis vingt ans se sont mis à scruter l’histoire des réalités familiales en Europe. Jack Goody refuse les idées reçues. Guidé par son expérience d’anthropologue acquise en Afrique, il entreprend d’interroger sur la longue durée les modèles de parenté, soucieux notamment d’expliquer les différences qui ont clivé le bassin méditerranéen au IV » » siècle. Il souligne ainsi le rôle déterminant joué par l’Église dans l’Occident médiéval.
    Secte minoritaire, elle devient alors une organisation dont les intérêts exigent qu’elle constitue et défende un patrimoine elle va ainsi construire un système de règles où sont proscrites des pratiques telles que l’adoption, le divorce, le concubinage, les unions entre proches. Prenant en main les institutions du mariage, des donations et de l’héritage, elle favorise la mobilité de la terre, son aliénation, donc sa dévolution éventuelle à l’Église, et l’accumulation du capital entre ses mains. Le mariage sur consentement mutuel, la liberté de tester, les préceptes de la morale conjugale qu’elle impose assurent son pouvoir spirituel mais aussi temporel, celui du plus grand seigneur foncier.
    Traduit d’un ouvrage tout récent, cet essai « remarquable et dérangeant « , selon Georges Duby, fournira aux historiens et aux anthropologues un cadre rigoureux de réflexion et il séduira par l’originalité de ses perspectives le public des non spécialistes désireux de mieux connaître l’évolution de nos structures familiales.
    Jack Goody, ancien directeur du département d’anthropologie de l’université de Cambridge et récemment chargé d’enseignement à l’École des hautes études en sciences sociales, est mondialement connu pour ses recherches africanistes et son effort pour concevoir les modèles familiaux dans leur complexité et leur universalité.


    Cet arbre de consanguinité, dressé au 11e siècle, est l’une des multiples représentations de la consanguinité à l’époque.
    L’actualité veut qu’un Colloque international ait lieu les 24-26 janvier 2008 à l’ENSSIB École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques Écritures : sur les traces de Jack Goody autre aspect de son œuvre.

    Ainsi, la préservation du patrimoine a fixé des règles. C’est ce que je viens de redécouvrir en préparant ce billet et surtout à la lumière d’un acte notarié que j’ai récemment lu et qui m’a refait voir les dispenses de consanguinité aussi sous cet angle, ce qui m’avait jusqu’à présent totalement échappé. Le voici :

    Pour progresser en paléographie, retranscrivez vous-même ce passage. Vous avez un zoom de cette vue pour mieux la retranscrire.

    Le 6 mai 1573, Julienne Bonvoisin, veuve de †Jean Colin juge magistrat à Angers, fille de Jehan Bonvoisin Sr de la Riveraye et de Jacquette Leconte, fait une demande à monsieur l’official, expéditeur des demandes de consanguinité, afin d’obtenir une dipsense de consanguinité du 3° au 4°degré avec Jehan Bonneau, en vue de mariage.

      « desdites parties tel ne se pourra condamner le
      mariage qu’il y a entre ledit Bonneau et
      Julienne Bonvoisin et quant auxdits constituants
      ils ont voulu et consenty, veulent et consentent
      ledit mariage et que les enfants qui
      proviendront du mariage soyent déclarés
      légitimes et habiles à succéder et desrogeant
      comme dès lors et dès lors comme dès à présent tiennent
      lesdits enfants qui proviendront dudit mariage légitimes
      et habiles à succéder tout ainsi que si lesdits
      Bonneau et Julienne Bonvoisin ne se touschayent
      d’aucune consanguinité et à l’entrement de tout »

    Cet acte qui vient de me faire prendre conscience de l’importance autrefois de la transmission du patrimoine. Je n’avais pas vu la consanguinité sous cet angle jusqu’à présent. Demain nous voyons la succession des bâtards, puis nous verrons le premier acte notarié rencontré au cours d’une vie. A votre avis, quel acte rencontrait-on d’abord au cours de sa vie ? Et avez-vous le temps ce WE de répondre à mon jeu paléographie d’hier.

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    Illégitime, bâtard : termes infâmants, heureusement disparus

    L’INSEE nous apprend que désormais en France, 50,5 % des enfants naissent hors mariage, soit plus d’un sur deux.

    ILLÉGITIME. adj. Qui n’a pas les conditions, les qualités requises par la loi pour être légitime. Enfant illégitime. Mariage illégitime.
    BÂTARD, ARDE. adj. Qui est né hors de légitime mariage.
    MARIAGE. s.m. Union d’un homme & d’une femme par le lien conjugal. Le mariage est un contrat civil & un des sept Sacrements de l’Église. (Dictionnaire de L’Académie française, 4th Edition, 1762)

    L’enfant né hors mariage autrefois était exclu des successions… et bien souvent exclu de la société. Cela commençait parfois par un baptême noté à l’envers ou en fin du registre (ou les deux), le plus souvent marqué du terme infâmant illégitime ou bâtard. Mais pas toujours, car rien n’autorisait les prêtres à commettre ces mesures vexatoires, et bon nombre d’entre eux se montraient plus ouverts, voire même accueillants.

    Ainsi à Lonlay-le-Tesson (Orne), le prêtre notait l’acte en son rang, et miraculeurement il obtenait toujours le nom du père de la sage-femme. Celle-ci, personne jurée, était seule habilitée à donner le nom de la mère, et avait mission de lui faire dire le nom du père dans les douleurs de l’enfantement. Lequel père ainsi noté, était le père ou ne l’était pas, car il était facile de faire endosser une paternité, quoique la peur de l’enfer a dû faire dire le plus souvent la vérité à la plupard de ces filles.
    A Chanveaux (Maine-et-Loire), le prêtre accueillait tous les enfants nés hors mariage de la paroisse voisine de Challain. Il est vrai que Chanveaux était une si petite paroisse que le prêtre n’avait guère de travail sur ses registres, tandis que sa voisine Challain était débordée… mais tout de même, quand on lit les 2 registres, on a le sentiment que Challain se débarassait du problème… et à Chanveaux, ces enfants étaient notés en leur rang, ce qui est déjà une grande marque de reconnaissance. Comme quoi on ne doit jamais faire de statistiques de enfants naturels sur une paroisse.

    J’avoue ici, que lorsque je lis des sépultures, et que je vois de ces petites âmes parties en bas âge, je me dis aussitôt que ce fut mieux ainsi. Et oui, j’ai ces mauvaises pensées lors de mes lectures de registres !
    Parfois, ces filles obtenaient, devant notaire une maigre indemnité du père, lorsque celui-ci avait bien voulu le reconnaître. Parfois même j’ai vu tel père doter dès la naissance l’enfant.

    Ceci dit, après tant de lectures de registres, je ne suis pas certaine que toutes les paternités légitimes soient vraies, car la paternité endossée a existé, ne serait-ce que parce qu’autrefois on ne pouvait pas divorcer, donc il fallait bien faire la paix en famille et trouver une solution, surtout une solution honorable pour sauver l’honneur de la famille.

    J’ai trouvé un acte notarié tout à fait surprenant, dont je ne citerai pas les noms car s’il existe des descendants ils pourraient m’insulter pour avoir dit la vérité (ma BAL est ainsi polluée) : monsieur avait engrossé une autre, et madame prenait à son compte l’enfant à venir pour sauver la famille. Il suffisait ensuite d’alerter trop tard la sage-femme officielle et le tour était joué.
    Je me souviens être restée longuement interdite devant cet acte, dont à vrai dire je soupçonnais l’existence, tant le poids de la famille était énorme… et le poids des intérêts patrimoniaux encore plus…
    Demain, soit je vous parle des grandes lignes de l’évolution de la famille et du mariage en Europe, selon l’ouvrage de Jack Goudy, Cambridge 1983, soit je vous parle du droit de succession de bâtards. A vous de voir.

    Par ailleurs, pour que vous puissiez vous échauffer les neurones, je vous propose un exercice de paléographie pratique : trouver l’erreur dans l’acte suivant (la solution viendra ensuite bien sûr). C’est un baptême à Château-Gontier en 1574 :

    Cette image est la propriété des Archives Départementales de la Mayenne.
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    Le temps de l’avent

    Nous sommes entrés dimanche dernier dans le temps de l’avent, ce temps de l’église catholique pendant lequel on attend l’arrivée, l’avénement de Jésus-Christ. Il tire son nom du latin « adventus », arrivée, de advenire, avenir : c’est-à-dire l’arrivée. Il commence le dimanche le plus proche de la Saint-André (30 novembre) donc entre le 27 novembre et le 3 décembre, et il se termine le 6 janvier.

    Autrefois, on ne se mariait pas pendant l’avent, aussi fin novembre les mariages étaient relativement nombreux, ainsi qu’en janvier et février. Mais je suis certaine que vous l’aviez remarqué n’est-ce pas !

    En 1990, j’ai publié un ouvrage MEMOIRE D’AVENT (voyez ma page OUVRAGES NUMERISéS) dont le nom suggère ce temps respecté même dans les pires moments de clandestinité pendant la Guerre Civile de la Vendée