Soldat de milice déserteur à La Selle-Craonnaise, 1689

Ce site + blog, vous propose plusieurs traces des soldats de milice à travers les actes notariés :

    soldats de milice du Haut-Anjou
    tirage au sort
    impôt pour l’entretien
    décès près de Roanne
    Soldat de milice, Thorigné, 1689
    Milicien pour Saint-Lambert-du-Lattay (49), 1719
    Jean Martin, d’Ancenis, soldat de milice pour Montreuil-sur-Maine, en 1701

L’acte qui suit se situant en 1690, il convient de rappeler les dates importantes de la milice, généralement appelée la milice provinciale

La milice provinciale est crée au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg pour augmenter les effectifs de l’armée. Le 20 novembre 1688, levée dans chaque paroisse, en fonction de sa contribution à la taille, des célibataires de 20 à 40 ans. La population rurale fut alors à peu près la seule astreinte à la milice.
Équipés et soldés par leur paroisse, les miliciens étaient incorporés dans des compagnies commandées par un officier originaire de la Province, puis allaient rejoindre l’Armée.
Louvois dut menacer du fouet le 16 mars 1689, les hommes qui quitteraient leur village pour échapper à la milice.
Le tirage au sort, institué le 23 décembre 1692, rendit plus effective la contrainte. Des garçons se mariaient à la hâte, d’autres simulaient la folie ou se mutilaient l’index pour ne pas tirer au billet.
La hantise de la milice culmina pendant la guerre de succession d’Espagne, au cours de laquelle elle a fourni 46 % des effectifs engagés.
De 1708 à 1711, il devint plus difficile de payer la troupe que de la recruter, aussi le Rois substitua un impôt à la milice.
L’âge minimal est abaissé à 18 ans en 1693, il passera même un moment à 16 ans !
Il y eu souvent un billet noir sur 5, mais à travers les exemptions, les infirmités voire de fugitigs, on a parfois atteint un sur 4.
Les familles des garçons qui avaient tiré un bon numéro se cotisaient pour procurer au milicien une sorte d’indemnita. Quoiqu’il eut été interdit, depuis le 12 novrembre 1633, de « mettre au chapeau », les subdélégués fermaient les yeux. Ils ont même souvent autorisé les communautés d’habitants à affecter le produit des cotisations à l’engagement d’un milicien volontaire. (Selon L. Bély, Dict. de l’Ancien Régime, 1996)

L’acte qui suit est extrait des Archives départemantales de la Mayenne, série 3E1 Voici la retranscription de l’acte : Le 6 avril 1690 avant midy devant nous André Planchenault notaire de Craon y demeurant, furent présents establis et soumis chacuns de Pierre Bouesseau procureur marguiller de la paroisse de La Selle Craonnaise, Jacques Delanoë, André Denouault, Jean Epron, Michel Bodinier, Jean Gendry, René Douineau, Michel Grignon, tous particuliers habitants de ladite paroisse de La Selle,

lesquels ayant cy-devant nommé avecq le général des habitants de ladite paroisse de La Selle pour servir sa majesté dans sa milice Pierre Eschard lequel aurait déserté en sorte que s’étant trouvé hors d’état de pouvoir fournir un soldat pour marcher en compaigne au lieu où ladite milice sera commandée aller une compagnie de laquelle partit dudit Craon le jour de mardy dernier sous la conduite et le commandement de monsieur de la Pasqueraye capitaine de la compagnie dudit Craon, en laquelle le soldat de ladite paroisse doit estre incorporé

ils ont esté obligés de nommer pour servir en ladite milice pour leur dite paroisse au lieu et place dudit Eschard le nommé Gerault de ladite paroisse et crainte qu’il déserte comme ledit Eschard, ils ont esté contraints de s’assurer de sa personne et l’emmener en cette ville de Craon pour le mettre entre les mains d’honneste homme Guillaume Boisgontier messager ordinaire dudit Craon en la ville d’Angers, demeurant audit Craon, à ce présent estably et soumis et obligé, lequel a promis et s’est obligé mener ledit Girault en ladite ville d’Angers et iceluy mettre entre les mains de monsieur de la Pasqueraie capitaine de ladite compagnie de milice dudit Craon demain au soir septième du courant et en apporter certificat signé de la main dudit Sr de la Pasqueraie, de l’acceptation ou du refus qu’il en fera et en cas de regus le laissera libre de s’en retourner auxdits establis lesquels pourla conduite, voiture et nourriture dudit Girault ont promis et se sont solidairement obligés chacun d’eux seul et pour le tout sans division et qui ont renoncé etc avec tous et chacuns leurs biens etc tant en leurs propres et privés noms que pour le général desdits habitants de La Selle payer et bailler dans le jour de lundy prochain venant audit Boisgontier lequel a reconnu que lesdits establis lui ont présentement mis entre mains la personne dudit Girault la somme de 12 livres à laquelle ils ont convenu pour ce que dessus est dit, dont de leur consentement nous les avons jugés,
fait et passé audit Craon en notre étude présents honnestes personnes Jacques Berchault marchand mégissier et Guillaume Lefrère hoste demeurant audit Craon, témoins à ce requis et appelés, lesdits establis, fors les soussignés, ont déclaré ne savoir signer de ce enquis et sommés de ce faire. Signé : Delanoë, Denouault, Bouesseau, Epron, R. Douesneau, Bertault, G. Lefrère, A. Planchenault

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Jean Martin, d’Ancenis, soldat de milice pour Montreuil-sur-Maine, en 1701

« mis au chapeau ». Retenez bien l’expression, car il illustre un faux tirage au sort, que voici :

Le 20 novembre 1688, (c’est alors la guerre de la Ligue d’Augsbourg) les intendants reçoivent l’ordre de lever dans chaque paroisse, en fonction de sa contribution à la taille, des célibataires de 20 à 40 ans. La population rurale va être très affectée par cette mesure.
Le soldat de milice, ou « milicien » est équipé et soldé par sa paroisse.
Le tirage au sort fut institué le 23 décembre 1692. Des garçons se précipitaient dans le mariage tandis que d’autres se mutilaient.
Je lis dans le Dictionnaire de l’Ancien Régime de Lucien Bély (PUF, 1996, p.831) que pour être exempté il fallait mesurer moins de 5 pieds. Le pied de roi ou pied de Paris fait 32,483 cm, ce qui donnerait 162,4 cm. Cela me semble bien grand car du temps où je relevais des rôles d’incorporation début 19e siècle, les garçons de moins de 150 cm n’étaient pas rares du tout ! Je reste donc sur un grand point d’interrogation !
On pouvait aussi être exempté pour raison familiale (fils unique), sociale (domestique de noble ou d’ecclésiastique) et économique (manufactures royales).
Les familles des garçons se cotisaient pour engager un volontaire à leur place. Celui-ci remplaçait un milicien désigné.

A Montreuil-sur-Maine (49), en 1689, lors du tirage au sort tout nouveau (sans doute même le premier, voyez ci-dessus), un incident éclate : celui qui a tiré le billet noir refuse de partir. Cet incident a dû marquer profondément la paroisse, car si je ne dispose pas de la suite de cet incident, tout laisse à penser qu’il y eut des poursuites, puisque le garçon devenait de fait un déserteur. Cet incident explique ce qui va suivre.

En 1701, le volontaire de Montreuil-sur-Maine est listé dans le rôle avec les garçons qui sont appelés à tirer, et on s’est alors arrangé pour que ce soit lui qui tire le billet noir. Il vient d’Ancenis. La paroisse, unanime, s’est organisée pour un simulacre de tirage au sort, qui désignera le volontaire qu’elle a engagé. Bel exemple de détournement de la loi !

A Montreuil, chaque garçon de Montreuil a versé la même somme, sans distinction de fortune, pour payer le volontaire engagé par la paroisse, représenté par les membres de la fabrique. Cette somme est de 3 L par graçon, et elle est élevée pour une famille pauvre.
Ce procédé de substitution (absence de tirage au sort réellement effectué, et paiement d’un volontaire de remplacement) sera interdit le 12 novembre 1733. Il est connu sous le nom de « mettre au chapeau », sans doute par allusion au chapeau dans lequel étaient mis les billets pour tirer au sort ?
A ce propos, je n’ai pas bien compris comment un billet noir parmi des billets blancs pouvait être tiré au sort dans un chapeau. Avez vous une idée ?

Le document notarial du contrat d’engagement de Jean Martin pour la paroisse de Montreuil sur Maine en 1701 conserve plusieurs pièces intéressantes.

Outre le contrat proprement dit signé devant notaire par Jean Martin, la petite liasse donne le rôle des garçons de Montreuil-sur-Maine, qui est en fait un décompte village par village du nombre de garçons devant tirer au sort, et pami ceux-ci on a ajouté le volontaire, Jean Martin. Cette liste n’est pas nominative (ou très peu) mais recense en fait les célibataires tombant sous le coup de la loi et devant tirer au sort. Elle m’apparaît comme un document important sur le plan social, car la plupart de ces garçons sont des serviteurs d’un métayer ou closier. La lecture de ce document semble montrer que ces garçons auraient eu un peu plus de mal à se marier que les autres.

On a aussi la liste des garçons ayant payé, inscrits soit avec leur nom soit avec le lieu. Il faut dire qu’autrefois les personnes étaient souvent désignées par le lieu où elles demeuraient.
On voit que la somme est identique pour chacun d’entre eux, et se monte à 3 livres. Bien entendu cette liste donne les mêmes que la liste précédente, mais rédigée d’une manière nominative totalement différente. Il semble qu’elle ait été faite après la fausse cérémonie du faux tirage au sort, lorsque tous les garçons furent d’accord pour payer à part égale le volontaire.

On dispose aussi dans cette mini-liasse, d’un document fort intéressant qui est le compte du notaire pour ses frais. Il est fort rare de trouver des frais de notaire. Tout comme les frais de notaire actuels, ils se composent en 1701 du papier timbré et des frais propres au notaire. Donc, on apprend que pour avoir fait ce travail de greffier et notaire, il prend 3 livres qui lui reviendront net.
Un tel document, même s’il donne peu de chiffres, est rarissime, et je signale donc sur ma page notaires, déjà fort riche, son existence.

Ce compte nous apprend par ailleurs que 2 archers de la maréchaussée d’Angers sont venus apporter à Montreuil l’ordre de de départ, et ils ont facturé ce déplacement 3 L, que 2 membres de la fabrique ont conduit Jean Martin à Angers et ce déplacement est facturé 6 L 15 s

Je considère personnellement que cette ponction sur les paroisses étaient un impôt, et j’ai donc mis sur ma page impôts, les anecdotes diverses que j’ai déjà sur ces soldats de milice.

Bonne journée. Les apothicaires d’Angers en 1559 arrivent…

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