Les hardes de Renée Besson, Angers 1606

J’aime beaucoup fouiller les hardes d’autrefois, en voici, manifestement confisquées, que la malheureuse Besson a bien des difficultés à recouvrer, même si elles sont pauvres. Mais réjouissons nous, car dans son malheur, Serezin lui-même, le notaire important, vient faire le constat des hardes ! Comme quoi on pouvait être un grand notaire et traiter soudain de petites choses, sans doute pour rendre service à une voisine ! Car ce type d’acte était normalement le travail du sergent royal, qui n’a pas laissé d’actes, donc réjouissons nous de voir ici les hardes qui suivent :

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E8 – Voici la retranscription de l’acte : Le 5 juillet 1606 après midy, en la cour du roy notre sire à Angers endroit par devant nous René Serezin notaire d’icelle fut présent Renée Besson demeurant Angers laquelle a recogneu et confessé que Annibal Daudin luy a baillé présentement les hardes cy après spécifiées
scavoir ung cotillon d’estaulet ? viollet bordé de tripe de velours (voir commentaire) tel que tel
5 chemises de brin en réparon mi usées
ung corps de sarge noir bordé de velours presque neuf

corps : corset extérieur composé d’une piqûre, recouvert d’un tissu choisi par la cliente. La piqûre était faite d’une double toile très forte, ou « bougran », et de baleines de la hauteur du buste, placées côte à côte, et maintenues par des piqûres apparentes, d’où le nom. Il se fermait par un laçage, devant ou derrière ; le laçage de devant était dissimulé par la pièce de coprs. Les paysannes ont porté le corps en costume de cérémonie jusqu’à la Révolution. (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997)

ung autre Vieil corps aussi de sarge noire
6 quouvrechefs empesés
6 colletz
ung méchant manteau noir
2 cousteaux avec les pendens

    Cette vue est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Cliquez pour agrandir. Et voyez les quouvrechefs empesés, que je pense être des couvrechefs, mais voyez aussi les cousteaux avec les pendens, et là je n’ai pas compris du tout, mais une chose est certaine ce sont bien des hardes :

dont et desquelles hardes cy dessus ladite Besson s’est tenue contante et en a quicté et quicte ledit Besson (sic) ensemble des autres hardes qu’elle a receues et dont délivrance luy auroit esté faite faisant l’inventaire des hardes de ladite Besson, sans préjudice de ses autres hardes spécifiées par ledit inventaire qui sont :
ung cotillon noir
ung gardrobe de toile de lin teint en noir

garde-robe : tablier de toile que mettaient les femmes du peuple pour protéger leurs vêtements (idem)

ung autre gardrobe de toile de brin blanc
et ung autre méchant gardrobe de brin en réparon aussi teint en noir
une coiffe de linge à usage de femme
lesquelles hardes elle a sommé et requis ledit Daudin de les délivrer suivant et au désir du jugement donné en la juridiction temporelle du chapitre de l’église de saint Maurille d’Angers en date du 22 juin dernier duquel elle a présentement fait apparoir audit Daudin protestant ladite Besson à faulte que ledit Dauldin faire de les luy délivrer présentement de toutes pertes despens dommages et intérests à l’encontre de luy
lequel Dauldin a fait réponse que ce qui se trouvera de reste spécifié par ledit inventaire représenter à ladite Besson à luy délivré qu’il offre les bailler et délivrer dedans demain et ce qu’il feroit présentement sinon que l’absence de sa femme qui a les clefs des coffres où se peuvent estre les hardes qui restent à délivrer à ladite Besson du contenu audit inventaire
et partant proteste de nullité de la sommation de ladite Besson dont et de tout ce que dessus avons auxdites parties ce requérant décerné le présent acte pour leur servir à ce que de raison
fait et passé en la maison dudit Dauldin en présence de Me Pierre Boutet et Pierre Savary praticiens demeurant audit Angers tesmoins à ce requis et appelés
et a ladite Besson déclaré ne savoir signer

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog. Tout commentaire ou copie partielle de cet article sur autre blog ou forum ou site va à l’encontre du droit d’auteur.

2 réponses sur “Les hardes de Renée Besson, Angers 1606

  1. Quelle belle trouvaille ! Mais comme j’aurais aimé savoir pourquoi il possédait ces hardes et où était son épouse …

      Note d’Odile :
      J’ai cru comprendre que les hardes avaient été saisies, comme étant tout ce qu’elle possédait, et autrefois on saisissait vite en cas de dettes.
      Pour l’absence de l’épouse, je vais jusqu’à supposer qu’elle est sans doute là mais ne veut pas se montrer pour une raison quelconque. Alors le mari doit intervenir.
  2. « Tripe de velours »
    Sorte d’étoffe de laine ou de fil,qui est travaillée comme le velours ( des sièges de tripe de velours,un fauteuil de tripes.
    (Google » Le grand vocabulaire françois… » )

      Note d’Odile :
      Voici selon le Dictionnaires Historique des Etoffes, d’Elisabeth Hardouin-Fugier & Coll., 2005

    tripe : le nom viendrait de l’espagnol « tercio pelo » qui signifie « velours de laine », ou tout simplement « triple », ou bien de l’italien « trippa », ou encore de la ville libanaise de Tripoli. Fabriquée dès le Moyen Âge en Espagne, elle est mentionnée en France en 1458.
    Elle dérive des velours, des peluches et des tapis mécaniques ; c’est l’ancêtre de la moquette. Elle est unie, rayée ou ornée de figures en relief. Les poils sont en laine, le fond est en chanvre. On l’utilise pour l’ameublement, pour couvrir les souliers et les pantoufles, et, sous forme de pelottes, elle sert à lustrer les chapeaux. Elle est couramment fabriquée en Flandre en assez faible longueur autour de 15 m. On en trouve en particulier à Lille, à Orchies et à Tournai. (Bezon, 1856, tome 7 p. 332 , tome 2, P. 148 – Dideron, encyclopédie, tome 16 – Furetière, 1690 tome 3 – Larousse, 1865, tome 14 – Larousse 1965 – Markovitch, industrie laine – Michel tome 2, p. 250-252 – Piponnier, Moyen âge, p. 868 – Savary, tome 3 – Trévoux, 1771, tome 7)

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