Les importantes différences de niveau social, d’après les contrats de mariage : Le Grais (61, Orne) 1678

Le Grais était une petite paroisse, avec tout au plus 1 000 habitants, et de nos jours moins de 200. J’y ai dépouillé plusieurs contrats de mariage, qui attestent que la majorité des habitants avaient une dot en don pécuniel de 150 livres et moins, auxquels il faut ajouter le don en nature : la vache, les brebis, les meubles… qui doublent cette somme. Dans cette tranche, peu savaient signer.

Il y avait peu de dots plus élevés et de classe sociale sachant toujours signer, mais ces rares personnes ne recoivent que 400 livres en don pécuniel. Les métiers n’étant jamais spécifiés, hélas !, on ne peut que supposer qu’il y avait quelques marchands. Mais leur fortune n’avait rien à voir avec celle des THIBOULT, car même si la baronnie de Juillé a dû être vendu par décision de justice en 1612 (voyez mes billets précédents), la famille de Thiboult a de beaux restes, ainsi voyez en 1678 la somme très élevée apportée par le future. Elle apporte 100 fois plus que la majorité des paroissiens du Grais. Et donc 50 fois plus que ces marchands.

Le 23 septembre 1678[1] traité de mariage entre messire Jacques de Thiboult chevalier seigneur et patron du Grès et seigneur des terres et seigneuries de Puisac et du Bigon et de Beauvais et seigneur de la terre et seigneurie de Grand Feillier, fils de défunt messire François de Thiboult en son vivant chevalier seigneur de Puisac et de feu noble dame Lucresse de Samay, et noble dame Charlotte Turpin veuve de défunt messire Guillaume de Chennevières en son vivant chevalier seigneur du Haut Bois fille de défunt Jacques Turpin en son vivant écuyer sieur de la Fontaine et de noble demoiselle Louise de Fromont … lesdites parties demeurent séparées de biens sans que le bien de l’un puisse être pris pour celui de l’autre, à laquelle fin répertoire et estimation de tous les meubles appartenant à ladite dame a été fait en la présence de Jacques Gueront écuyer sieur de Grouville, tuteur actionnaire des enfants mineurs dudit feu sieur de Chennevières et de ladite dame, duquel répertoire et estimation il en sera donné un extrait audit sieur de Grouville, laquelle estimation se trouve monter à la somme de 20 000 livres, de tous lesquels meubles tant morts que vifs brevets obligations et contrats de ladite dame après son serment saisi ledit seigneur du Grès pour s’en faire payer ainsi qu’il advisera bon être au moyen de ce que ledit seigneur du Grès a dès à présent remplacé ladite somme de 20 000 livres qui est le prix desdits meubles sur tous et chacuns ses biens et a ladite somme de 20 000 livres dès à présent constituée à procréer arrérages du jour de la dissolution dudit mariage toutefois s’il y avait des contats obligataires brevets caduques et sur gens insolvables après que ledit sieur aura fait ses diligences pour empescher la prescription et après avoir fait perquisition et diligence valable ledit seigneur demeurera déchargé du remploi et contribution du prix auquel lesdites obligations brevets ou contrats de cette nature se trouveront monter et aura ladite dame son hypothèque privilégiée à toutes forces de créanciers sur lesdits meubles, et en outre a ledit seigneur du Grès pris ladite dame sa future épouse avec tout ce qui lui peut appartenir tant en rentes douaires que meubles et est aussi accordé entre lesdites parties que ladite dame pourra si faire le veut remettre tout ou partie de son douaire qu’elle prend sur ses enfants à leur an d’âge et non plus tôt sans que cette présente stipulation puisse obliger en aucune manière ladite dame à en faire aucune remise si elle ne l’a agréable, et aussi demeure d’accord entre les parties que si décès de ladite dame arrivant et que le sieur peut jouir de tous les biens de ladite dame il en relachera en faveur des enfants 12 100 livres entrées en la maison du feu sieur de Chennevières et si il n’y avait point d’enfants de leur mariage ladite dame donne la jouissance dans ses biens audit seigneur du Grès son futur époux autant comme aun de ses enfants et comme pour don mobile et après la mort dudit seigneur du Grès la propriété en retournera à ses enfants, et en cas que ses enfants vinsent à décéder et leur ligne affessée, ladie dame a donné audit seigneur du Grès son futur époux tout ce que la coutume luy peut permettre de donner, et lors qu’il sera fait des amortissements des rentes des propres de ladite dame ledit seigneur du Grès les recepvra et les remplacera sur tous ses biens et en acquitera ses dettes et sera tenu d’employer dans ses contrats d’amortissement qu’il fera ou sans ses quittances qu’il retirera que les deniers proviennent des propres de ladite dame, laquelle demeurea subrogée au lieu et place des créanciers qui seront admortis sans aucune novation d’hypothèque d’iceux pour en préférer du jour et date qu’ils portent et si ledit seigneur du Grès acquite des dettes ou fasse des acquets de la somme de 20 000 livres ci-devant exprimée et constituée et remplacée au nom et ligne de ladite dame sur tous ses biens il emploira en iceux que des deniers de ladite dame, et a ledit seigneur du Grès dès à présent gagé douaire coutumier à ladite dame sa future épouse sur tous et chacuns ses biens en quelque lieu et province qu’il puisse être situés lequel n’aura lieu que du jour du décès dudit seigneur du Grès sans qu’il soit besoin d’en faire aucune autre demande en justice, dont et de tout ce que dessus lesdites parties furent contentes et demeurées d’accord et fut fait et passé le 23 septembre 1678 en présence de Jacques Gourout écuyer sieur de Grouville, Jacques Gautier marchand de la paroisse de Beslou et Jacques Letessier sieur de la Houssais du Grès témoins.

[1] AD61-La-Forêt-Auvray

Une réponse sur “Les importantes différences de niveau social, d’après les contrats de mariage : Le Grais (61, Orne) 1678

  1. Chère Odile,

    Vos actes de Thiboult sont passionnants. Descendant de la famille Turpin, par un oncle de Charlotte, je me suis intéressé à cette dernière et elle a eu … trois maris.
    Voici ce que je sais d elle:
    Charlotte TURPIN, née vers 1642, Sainte-Marguerite de Carrouges, décédée le 4 novembre 1701, Le Grais (dite pourtant âgée de 52 ans, femme de Me Jacques de Thiboust, chevalier, seigneur et patron du Grais).

    Mariée 1) vers 1660 avec Jacques BELLIER, né vers 1625, décédé avant septembre 1662.

    Mariée 2) le 20 mai 1669 avec Guillaume de CHENNEVIÈRES, né le 31 juillet 1627, Bellou en Houlme, baptisé le 4 juin 1630, Bellou en Houlme, décédé avant 1677, Bellou en Houlme, Ecuyer, sieur du Hautbois. dont :
    – Jean de CHENNEVIÈRES, né le 31 mai 1670, Bellou en Houlme, baptisé le 6 juin 1670, Bellou en Houlme, décédé le 11 mai 1737, Bellou en Houlme, village de la Fresnaye (à l’âge de 66 ans), Ecuyer, sieur de la Fresnaye. Marié le 12 mai 1709 avec Marie de CATEY, née vers 1690, décédée le 1er septembre 1748, Saint-Denis de Briouze (à l’âge de peut-être 58 ans).
    – Gaspard de CHENNEVIÈRES, né le 21 octobre 1671, Bellou en Houlme, décédé le 8 juin 1721, Bellou en Houlme (à l’âge de 49 ans), Ecuyer, sieur du Hautbois. Marié le 29 août 1697, Saint-Front, avec Anne d’ORGLANDES, née vers 1666, Briouze, décédée.

    Mariée 3) le 23 septembre 1678, Notariat de la Forêt-Auvray, avec Jacques de THIBOUST, Seigneur du Grais, né vers 1645, Le Grais, décédé après 1707, Chevalier, Seigneur et patron du Grais. dont:
    – Jacques de THIBOUST, né vers 1680, Le Grais, décédé avant 1741, Chevalier, seigneur et patron du Grais et de St-Christophe, Marquis de Durcet, seigneur de Landigou, Ste-Opportune et autres lieux. Marié le 28 août 1707, Le Grais, avec Marie d’ANZERAY, née vers 1685, Durcet, décédée.

    Son père Jacques Turpin, né vers 1595 à Sainte-Marguerite de Carrouges, décédé entre janvier 1656 et 1659 à Carrouges, écuyer, sieur de la Fontaine, maître de la grosse forge à fer de Rânes (1650). Déjà l’alliance de la noblesse et de l’industrie…

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