Histoire de la Croix des Herses, Nantes

J’ai écrit ces lignes le 8.1.1989 et je vous les offre en ligne, en souhaitant que dans le PLUM de la ville de Nantes, on conserve avec respect ce calvaire (toutes les photos en noir et blanc sont de 1938, et vous pouvez les zoomer) :

La Croix des Herses est située au milieu de cette vue du ciel au bout de la ligne des nouveaux Ponts. Elle fera l’entrée de l’accès prévu par le PLUM de la ville de Nantes aux espaces verts.
Les Herses et la Gilarderie étaient des terres autrefois dépendantes de la paroisse de Saint Sébastien d’Aigne. Les habitants y étaient surtout des laboureurs, par opposition à Saint Jacques de Pirmil où les habitants étaient surtout des artisans.
L’église paroissiale était si éloignée, que les laboureurs de la Gilarderie allaient souvent recevoir les sacrements au Prieuré St Jacques de Pirmil, plus proche. Si vous faites des recherches de vos ancêtres, il est indispensable d’aller aux Archives Municipales pour Pirmil, et aux Archives Départementales pour l’église de St Sébastien.
Un calvaire se dressait avant la Révolution à l’entrée du terrain vague communal à l’emplacement de l’actuel feu tricolore qui commande le pont de la route de Clisson sur la pénétrante Sud.
Ce calvaire fut détruit en 1793 à l’époque de la persécution des catholiques. Quelques années plus tard, on le remplaça par une croix de bois sur un piédestal.
Cette croix des Herses marquait le début de la pièce des Herses et de celle de la Gilarderie plus étendue. Les fermiers, qui avaient des parcelles de terre dans cette pièce des Herses, avaient pris l’habitude de passer à travers un terrain vague situé le long du moulin des Gobelets.

Ce plan retrace les lieux au 19ème siècle, ainsi que raconté ci-dessous.
Le moulin à vent des Gobelets était situé à l’emplacement actuel de la pénétrante Sud, presque en bordure de la route de Clisson. Vers 1840, Marie-Judith LEBRAIRE qui en était alors propriétaire le fit détruire. Avec les matériaux, elle fit contruire en bordure de la route de Clisson une modeste maison basse constituée uniquement de 2 chambres : l’une située sur la route de Clisson, l’autre derrière. Mais la maison supprimait le passage aux fermiers.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une servitude, mais d’une simple tolérance, les fermiers intentèrent un procès à l’issue duquel Melle LEBRAIRE fut condamnée à démolir sa maison. Elle fit appel à Rennes et obtint finalement une transaction : elle conservait sa maison et en contrepartie elle cédait un passage de l’autre côté de la maison.
Le chemin de la Gilarderie était né ! tel qu’il exista pendant près de 140 ans, pour devenir depuis peu la rue Georges LE MEVEL.
La maison de Marie-Judith LEBRAIRE ne fut détruite qu’en 1982 pour laisser le passage à la nouvelle pénétrante Sud. On se souvient encore de ces 2 petites maisons basses dans lesquelles un laboratoire et une société d’assurances s’accrochèrent longtemps résistant aux COUPS de bulldozers des démolisseurs !
Dans les années 1920, la croix de bois située à l’angle de la route de Clisson et du chemin de la Gilarderie menaçait ruine.
En 1930, la municipalité Nantaise fit demander à Monsieur le Curé de Saint Jacques à qui appartenait cette croix. Les recherches qui furent faites à cette occasion n’aboutirent à aucun résultat.
Bien qu’elle fût propriétaire des maisons touchant la croix, la famille HALBERT ne voulut pas en reconnaître la propriété.
En vue de la sécurité publique, la municipalité, d’un commun accord avec Mr le Curé, décida de la démolir. Tous les matériaux furent remis à Mr le Curé…
On ne pouvait pas songer à rétablir la croix sur le même emplacement. Il était frappé d’alignement. La famille HALBERT sollicitée refusa d’abord de donner le petit triangle de terrain situé a droite de l’entrée des magasins à fourrages. C’était pourtant le seul emplacement où la croix des Herses pouvait être rétablie. Les histoires (1928) de l’école chrétienne n’étaient pas encore très éloignées. Heureux peut-être de manifester un petit reste de mécontentement, Mr HALBERT s’y opposa nettement. Puis l’affaire tomba en sommeil.
Elle se réveilla en 1936. Dans l’intervalle, Mr HALBERT était mort (février 1932).
En 1936, février et juillet, Mme HALBERT maria les deux ainées de ses jeunes filles. Au premier mariage elle manifesta à Mr le curé le désir d’offrit un cadeau à l’église. Celui-ci lui dit que le seul cadeau qu’il désirait était le sacrifice du petit terrain triangulaire qui se trouvait à droite de l’entrée des magasins à fourrages, afin d’y rétablir la Croix des Herses.
« Je vais en parler à mes enfants, répondit-elle. Vous savez combien Mr HALBERT y était opposé. »
Les pourparlers duraient encore, quand survint le second mariage (juillet 1936) et avec lui, l’offrande d’un nouveau cadeau à l’église. Mr le Curé fit savoir que son désir était toujours le même que l’offrande à l’occasion du premier mariage. Quant au cadeau, à l’occasion du second mariage, la famille HALBERT n’avait qu’à faire élever une croix sur ledit terrain, et la reconstruction de la Croix des Herses serait ainsi réalisée.
Mme HALBERT demanda à réfléchir, mais peu de temps après, poussée par ses deux gendres, elle fit savoir qu’elle acceptait les deux propositions.
En 1937, Mr DROUIN, architecte, dressa un plan (malheureusement trop mesquin). Mr REFFÉ fit la croix en ciment armé. La croix était sans Christ.
Mais au mois de Juin 1937 eut lieu le mariage Georges HALBERT-Thérèse GUILLOUARD. En guise de cadeau Mr GUILLOUARD offrit un Christ qui coûta 500 F.
La bénédiction fut décidée pour le carême 1938. Mme HALBERT, à plusieurs reprises, manifesta le désir que Monseigneur 1’Evêque vint lui-même procéder à cette bénédiction. Pour lui être agréable, Mr le Curé en parla à son Excellence, qui accepta aussitôt la proposition. Elle fixa elle-même la cérémonie au dimanche 13 mars 1938, à 14 heures.

La population en fut avisée et, à l’heure marquée, une foule considérable se trouvait massée aux abords de la Croix. Monseigneur en fut charmé. A 14 heures sonnant il était là.
Les tambours et clairons du patronage, qui paraissaient pour la première fois, battent et sonnent « aux champs ». Une magnifique cantate à la Croix est exécutée par la chorale paroissiale, à laquelle se sont joints les aveugles de la Persagotière. Le R.P. MALO, le prédicateur de carême, prend la parole. Monseigneur bénit solennellement la croix et attache 50 jours d’indulgence à la récitation d’un « Pater et d’un Ave » devant elle. Il adresse la parole à la foule pendant quelques minutes et lui annonce officiellement que bientôt il reviendra (15 jours plus tard) à St Jacques pour assister à la représentation du beau drame de la Passion. Enfin, le cantique populaire « Vive Jésus ! Vive sa Croix ! » chanté par tout le monde, termine la cérémonie.
Après la cérémonie. Monseigneur accepta bien simplement d’aller sabler le champagne, avec les invités, dans le salon de la famille HALBERT. Le R.P. de Porgues, supérieur de la Joliverie, et Mr Lemerle, directeur de la Persagotière, étaient présents.
En 1974, à la mort de Georges HALBERT, Mr et Mme Bernard LANDRON achetèrent le magasin de grains et fourrages pour y transplanter leur carosserie, devenant ainsi propriétaires de la Croix des Herses. Bien que non pratiquants, les nouveaux propriétaires de la Croix des Herses eurent à coeur de la respecter et de l’entretenir.
C’est ainsi que depuis 14 ans, la Croix des Herses entretenue, nous rappelle la Croix du XVIIIème siècle, tout en faisant face à la pénétrante Sud qui a coupé notre quartier en deux.
fait à Nantes, le 8.1.1989
selon les sources :
– HALBERT Paul, « Histoire de la famille HALBERT », 1939
– Archives Municipales de Nantes, Dossier Croix des Herses » (1844, pour le procès de Melle LEBRAIRE)
– Cure de Saint Jacques, livre de Paroisse (pour la reconstruction en 1938 du calvaire actuel)

2 réponses sur “Histoire de la Croix des Herses, Nantes

  1. Joyeuses Paques chère Madame Halbert pour Vous et vos fidèles lecteurs .
    Meilleurs souhaits .

    1. Merci Marie-Laure
      Je n’en reviens pas de votre fidélité, et vous en remercie vivement. Joyeuses Pâques à vous.
      Odile

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