Marchand poudrier, ou comment les marchands tanneurs obtenaient le tan autrefois.

Le terme poudre a beaucoup de sens, et le métier de poudrier par conséquent lui aussi. Voici en bref, les sens alors les plus connus (selon Encyclopédie Diderot, qui en donnent des pages et des pages) :

POUDRES OFFICINALES, (Pharm. thér.) on garde dans les boutiques des Apothicaires, sous forme de poudres, un grand nombre de médicamens tant simples que composés. Il est traité des poudres simples dans les articles particuliers destinés aux diverses matieres qu’on réduit en poudre pour l’usage de la Médecine. Ainsi il s’agit de la poudre d’iris, de la poudre d’hypecacuanha, ou plutôt de l’iris en poudre & de l’hypecacuanha en poudre, etc…
POUDRE A CANON, composition qui se fait avec du salpêtre, du soufre, & du charbon mêlés ensemble, & mise en grains qui prennent aisément feu, & qui se raréfient ou s’étendent avec beaucoup de violence par le moyen de leur vertu élastique
POUDRE A CHEVEUX, en terme de Gantier-Parfumeur ; c’est un amidon bien passé & bien pulvérisé pour sécher les cheveux naturels & les perruques. Ce sont les Gantiers-Parfumeurs qui la fabriquent, & en font le commerce.
POUDRE DE SENTEUR, (Parfumeur) ce sont des poudres que les Gantiers tirent des fleurs ou des drogues aromatiques, comme la poudre de violette, la poudre de Chypres, & autres. Elles servent à donner de l’odeur aux poudres à cheveux.
POUDRE, (Tannerie) c’est le tan pilé dont se servent les Tanneurs pour tanner leurs cuirs. Les cuirs forts reçoivent jusqu’à cinq poudres, c’est-à-dire, qu’on y remet cinq fois de nouveau tan.

Autrefois, le Maine et le Haut-Anjou étaient pays de Forges, et qui dit forges, dit forêt. A côté de ces forêts vivaient aussi un nombre incalculable de marchands tanneurs, sur lesquels je reviendrai longuement souvent car je les connais bien… Voici un contrat fort intéressant car il montre le lien entre forges et tanneurs, par la forêt. Il illustre également comment la fabrication de tan aidait singulièrelement les maîtres de Forges, puisqu’ils prenaient la coupe de bois à leurs frais.

  • L’acte notarié qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E
  • Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 9 février 1685 après midy, par devant nous Pierre Poulain, notaire royal résidant à Laval, furent présents et établis, Julien Delépine et Gervaise (forme utilisée autrefois pour Gervais) Touchard marchands poudriers demeurants au forsbourg de la Rivière à Ste Suzanne, étant de présent en cette ville d’une part, et Jean Briceau aussi marchand poudrier demeurant audit forsbourg de la Rivière à Ste Suzanne, étant aussi de présent en cette ville, d’autre part, entre lesquelles parties après soumission requise a été fait ce qui suit
    c’est à scavoir que lesdits Delepine et Touchard ont vendu et par ces présentes vendent audit Briceau l’écorce du nombre de 10 arpents et demi de bois taillis (l’arpent est une ancienne mesure agraire qui vaut 100 perches carrées, mais la perche a des dimensions essentiellement variables, ce qui met l’arpent de 12 ares à 50 ares, voire plus, le tout selon les régions, et j’ignore celui de Chemiré en Charnie) faisant partie de l’écorce du nombre de 40 arpents de bois taillis que lesdits Delepine et Touchard ont acheté du Sr du Grand Jardin Me des Forges à Chemiray (Chemiré-en-Charnie), suivant l’écrit que lesdits Delépine tant pour lui que pour ledit Touchard a fait avec ledit Du Grand Jardin sous leurs seings de toute la vente de ladite écorce, lequel nombre d’écorce de 10 arpents et demi de bois ledit Briceau prendra dans un lot de bois nommé le Chêne creux situé dans la forêt de Bouillé où lesdits 40 arpents sont à prendre, et sera tenu de déclarer ledit Briceau auxdits Delepine et Touchard dans huitaine par quel côté il voudra prendre l’écorce dudit nombre de 10 arpents et demi de bois, et de continuer jusques à ce que ledit nombre lui soit fourni, laquelle écorce dudit nombre de 10 arpents et demi de bois ledit Briceau fera ôter de dessus ledit bois qu’il sera tenu de faire abattre à ses frais et dépens, en sorte que ledit bois sera abattu et pelé dans le jour de fête de St Jean Baptiste prochain,
    au moyen de ce que ledit Briceau a promis et s’est obligé de payer auxdits Delepine et Touchard pour ladite vendition d’écorce cy-dessus la somme 400 livres, savoir 100 livres dans le 1er jour de mai prochain, pareille somme de 100 livres dans la fête de Notre Dame Angevine, autre pareille somme de 100 livres dans la fête de Toussaint prochaine, et les 100 livres restantes dans la fête de Noël prochaine, à peine etc, ce que les parties ont ainsi voulu etc accordé dont les avons jugé etc
    fait et passé audit Laval ès présence de Jean Bellanger marchand et Jean Belot clerc praticien demeurant audit Laval – Signé Delespine, Briceau, Bellanger, Belot, Poulain

    Les forges des Chemiré (1494) et leur fenderie de Rochereuil (vers 1643) selon carte de l’évêché du Mans… publiée par H. Julliot, 1706, AN, NN 34716 (reproduite in  »La Métallurgie du Maine, de l’âge du der au milieu du 20e siècle, » Cahiers du Patrimoine, Inventaire Genéral, 1996)

    Prix de construction d’une charpente neuve, Mozé, 1683

    Ma grand’mère, née en 1886, disait qu’elle avait traversé une époque remarquable :

    elle avait connu l’arrivée de l’eau courante et potable, l’électricité, le train et l’automobile.

    Dans les années 70, lors de mes longues traversées nantaises en autobus, il m’est arrivé de saisir au vol des conversations, dont celle de ces 2 femmes, parlant des jeunes. Elles avaient l’âge de ma mère, c’est à dire nées dans les années 1910. Elles devisaient sur tout ce qui avait tellement changé que les jeunes (des années 70) avaient la vie facile et en particulier tout oublié du mode de vie qu’elles avaient connu :

    elles citaient leur jeunesse sans eau, sans toilettes autres que dans le jardin etc…

    J’ai personnellement vécu 1 an sans chauffage, ni eau courante : étudiante je louais une chambre haute dans un manoir du 15e siècle, et je montais tous les soirs mon broc plein et mon seau hygiénique vide, puis j’ai vécu encore 3 ans sans chauffage à l’époque où je travaillais. C’était dans les années 50 et 60.

    Nos logements ont en effet connu une telle évolution au 20e siècle que beaucoup aujourd’hui n’ont plus aucune idée de ce qu’il fut autrefois. Mais moins de confort, c’était aussi beaucoup moins cher. Nous payons aujourd’hui le confort !

    Lors de mes recherches dans les archives notariales, j’ai toujours été frappée par le coût peu élevé des travaux de construction et rénovation, et des prix de vente des maisons. Non seulement nous ne construisons plus sans tout un tas de règles de confort, mais pire, notre époque est marquée par la spéculation délirante. Le but de ce billet est de vous rappeler que nos ancêtres ont connu un tout autre logement.
    Pourtant, autrefois les constructions étaient faites pour durer des siècles, alors que nous construisons de nos jours l’éphémère.
    Ceux qui voudraient convertir les livres d’antant en euros actuels pour comprendre un budget logement, tenteraient de comparer des choses incomparables. Pour la construction d’une maison sans chambre haute : cas du logement des métayers et closiers :

      1-Enlever les frais d’architecte, inutile autrefois pour les maisons d’agriculteurs, que le maçon et le terrasseur savaient faire eux-mêmes.
      2-Enlever le prix du terrain, car aujourd’hui il est spéculatif et hallucinant, ce qui n’existait pas autrefois.
      3-Enlever l’électricité
      4-Enlever toute la plomberie : pas d’eau courante pas de gaz, pas de salle de bains, pas de latrines, pas de cuisine, pas de chauffage (cuisine et chauffage sont assurés uniquement la cheminée).
      5-Enlever les vitres aux fenêtres.
      6-Enlever le carrelage au sol : le plus souvent terre battue.
      7-Enlever les cloisons : tout le monde ensemble dans la grande salle basse, qui est salle à tout faire. Et dans la foulée, enlever les papiers peints, etc…
      8-Prendre tous les matériaux sur place : en Haut-Anjou, pays de schiste ardoisier et de grès roussard, pas de problème.
      9-Tout est recyclé : la pierre des châteaux (demandez à ceux de Noyant-la-Gravoyère et de l’Isle-Baraton toute proche !), et celle des maisons en ruines (j’ai trouvé des contrats qui le précisent), mais aussi les charpentes comme dans le contrat ci-dessous.
      10-Enlever les charges sociales (pas d’assurance maladie, pas de retraite etc…)
      11-Par contre construire une grande cheminée dans la salle basse, laquelle recevra l’air nécessaire à sa ventilation par la fenêtre, laquelle fenêtre sera donc située de manière à favoriser le feu.
      12-Pour séparer le grenier de la salle basse, seulement des poutres et ce qu’on appelle une terrasse.
      13-Les réparations de la terrasse et de la couverture sont aux frais du preneur du bail (nous les verrons prochainement) et représentent généralement quelques journées de travail par an.
      14-Pour une ou deux chambres hautes, dans une maison manable (manoir, gentilhommière…), ajouter un escalier et les cheminées des chambres hautes. Au fait, les pièces se nomment chambre basse et chambre haute, le mot chambre étant équivalent à notre pièce, à ceci près que son usage n’est pas différencié, et qu’on fait tout en milieu rural dans la chambre basse : dormir, cuisine, manger, vivre etc…

    Voici un marché de charpente, qui vous donnera une idée du prix de la construction, fort peu élevé. Attention, il concerne 3 chantiers de réparations différents :
    Le 25 août 1683 avant midy, par devant nous René Rontard notaire de la baronnie de Blaizon, résidant à Mozé, furent présents en leurs personnes establis et soumis sous ladite cour chacun d’honorable homme André Aubert marchand bourgeois de la ville d’Angers, et y demeurant, paroisse de St Pierre, d’une part, et Jean Bernier charpentier demeurant au village de la Roche paroisse dudit Mozé d’autre part, entre lesquels a été fait le marché qui ensuit, c’est à savoir que ledit Bernier s’est obligé faire pour ledit Sr Aubert, toute la charpente d’un corps de logis appelé la Hairarye en cette paroisse où demeure François Benoist, de longueur de 44 pieds (soit 14,30 m) ou environ qui est d’y mettre à neuf 33 chevrons, 2 sabliers, 2 filières, un tirant et un poinçon avec ses liens et branchettes, et le faîtage et au surplus se servira de la vieille charpente en ce qui s’en trouvera qui pourra servir, qu’icelui Bernier reliera avec le neuf et la posera en sorte qu’il y ait 4 chevrons sous latte, et audit lieu, il étaiera le plancher de la principale chambre pour le soutenir pendant que l’on maçonnera et refera le pignon où est la cheminée en sorte qu’il ne tombe, et encore de faire et retailler pour ledit Sr Aubert la charpente sur une chambre de maison sise à Bourneuf paroisse de Mûrs de longueur de 25 pieds en laquelle charpente s’oblige y mettre à neuf le nombre de 15 chevrons, 2 filières, de longueur dudit bâtiment et un chevron vieil sur l’étable dudit lieu, même un étaie sous la poutre de ladite étable, et au surplus de ladite charpente, se servira de la vieille charpente et fera en sorte qu’il y aura 4 chevrons sous latte, pour tout quoi faire se fournira de tout bois pour ce faire pour ce qui regarde le neuf et comme aussi de faire à neuf un écrou et une vis et un futeau qu’il posera et mettra au pressoir du lieu de la Farferye après qu’icelui Sr Aubert l’aura rendu à place cela étant fait ledit Bernier s’oblige de mettre et poser lesdits écrou, vis et fusteau dans 15 jours prochainement venants, et quant à l’esgard des autres charpentes cy-dessus promet et s’oblige les rendre faites et parfaites bien et duement comme il appartient dans le 15e jour de novembre prochain, et pour lesquels besogne et charpente iceluy Sr Aubert promet et s’oblige payer et bailler audit Bernier scavoir pour le lieu de la Hairearye la somme de 105 livres, pour le lieu de Bourneuf 47 livres et pour la Farferye 18 livres, sur laquelle somme iceluy Sr Aubert en a payé audit Bernier la somme de 36 livres 10 sols et le surplus de ladite somme icelui Sr Aubert promet et s’oblige la payer audit Bernier en travaillant payant fin de besogne fin de payement, ce qui a été ainsi voulu consenti, stipulé et accepté, et à ce tenir etc obligent etc renonçant etc dont etc fait et passé au bourg dudit Mozé maison dudit Sr Aubert en présence d’honorable homme Claude Rondeau Me chirurgien et Jacques Benoist marchand serger demeurant à Mozé témoins à ce requis et appelés, ledit Sr Bernier a dit ne savoir signer. Constat, accordé en faveur dudit marché qu’icelui Bernier passera un pan de bois qui y est présentement pour faire séparation du grenier audit lieu de la Harearye en l’endroit où il y sera marqué aussi pour faire séparation dudit grenier afin d’en faire deux en lequel pan de bois icelui Bernier y laissera la place d’une porte de largeur de 2 pieds 8 pouces. Signé Aubert, Benoist, Rondeau, Rontard

    Plus nous avons de confort et de spéculation sur les terrains, plus nos logements coûtent cher… et plus nous laissons d’exclus… Voyez tout le mal que se sont donnés Mr Borloo et Mme Boutin… Et, dans tous les cas, il serait vain de convertir des livres de 1623 en euros pour comprendre le prix d’une maison de nos ancêtes. Pour comparer, faut-il encore que les choses soient comparables…

    Vous pouvez visiter sur mon site de nombreuses montrées de l’habitat, lors de baux à ferme, en particulier le bail des terres dépendant de Mortiercrolles, situé autrefois en Haut-Anjou, aujourd’hui en Mayenne.

    NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905 Chapitre X. CARNAVAL

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Des affiches multicolores avaient annoncé que le « Carnaval à Nantes n’est pas mort ». On croit toujours qu’il veut mourir. Chaque année assiste à son désossement. Les commerçants s’ingénient pourtant à le ranimer de leurs efforts. Mais la défiance et la jalousie sont telles que leur succès reste stérile. Quoique rnal secondés les organisateurs avaient fait de leur mieux.
    Dès le matin une vive animation s’entrecroisait les rues. Les baladeuses aux tas de confettis, aux rnains courbes soutenant des sacs jaunes, des chasse-belles-mères et autres fantaisies anodines, s’allaient caler sur le bord des carrefours, sur le centre de la place Graslin et de la place Royale, déjà encombrées de marchandes de violettes et d’oranges. Les cafés préparaient leurs tables, ornaient leurs devantures. La ruche nantaise terminait ses préparatifs de plaisirs. Le monde ouvrier surtout s’apprêtait au franc rire.
    Quand deux heures sonnèrent chacun son tour aux cadrans de la ville, les groupes se tassèrent rue Crébillon, place Royale et placé Graslin. Toutes les autres rues de la ville vomissaient ce sang de bonne humeur sur un même point. Chère aux Nantais, la bousculade commença parsemée de luttes en couleurs ; les confettis flottaient comme des poussières échappées des ailes de papillons variés. Les serpentins se rendaient visite de croisées en croisées. C’était un dôme de tapisserie claire en fils de satin brillamment entrelacés. En avant, les jolies filles aux dents blanches, aux yeux humides de rires, aux lèvres bavardes, en avant, dans les poussées formidables des tourbillons humains ! Hardi, les giffles aux indiscrets. Les confettis sont des diables curieux. Où vont-ils parfois se nicher ? C’est une marée de libéralités qui passe, n’est-il pas vrai ? Osez donc, c’est jour de liesse et l’on ne se fâche que pour la forme ! Carnaval, jour de mascaraderies, jour qui ne compte pas dans l’année de la sagesse ! Il faudra bien ce soir dénouer ses bandeaux bourrés de poussières et rêver d’avoir pu les laisser dénouer en rêve. Audacieux ou rosses, c’est une fusée de moqueries où le plus trompeur est trompé lui-même. Ouvrez le parapluie de l’inconstance sous le déluge des vaines promesses et des menteuses futilités ! Qui saura la vérité de ce regard, de ce geste matin effeuillant les papiers roses ? Qui pénétrera le secret rapide de ce front mince où vous avez posé les doigts ? Que dit sous les corsages la chanson des coeurs essoufflés ? Quel refrain répètent-ils à l’unisson ? Un rythme affolant d’ivresse se déploie au grand air, plane en des accords martelés de cris rauques, d’effarouchements crédules ou rusés. Un tambour de basque sonne la charge délirante de la folie des mots, de la débauche des esprits, des étincelles gauloises et, hardies. Ouvrières habilleuses, gamines, étudiants, calicots, barbes grises, surveillantes, et autres, les grelots battent la mesure du vaste chahut légendaire de vos tranquillités, de vos laisses habituelles et de vos paix sournoises.
    Parmi le fluctueux hurlement quelques travestis tachent le noir d’une ponctuation vive. Des groupes chantaient des airs populaires, les mêmes scies bornant l’horizon de leurs esprits fêtards. Et les filles criaient qu’on les pincait, qu’on les chatouillait fort, se débattaient comme des couleuvres prises au piège. Il y avait aussi des voleurs de baisers sur les nuques distraites et les fouilleurs de gorges discrètes. Il y avait encore des brutes malfaisantes qui amusaient bestialement à la façon des chiens en rut : la plaie honteuse des foules qui s’étale contagieusement comme un eczéma.
    Remuée par les pieds la peluche épaisse des confettis dissipait un nuage compact de poussière. Une pluie en flocons imitant les grains de tabac à priser s’infiltrait au fond des nez, des paupières et des gorges. La fontaine de la place Royale s’épanouissait d’eau, et le vent collant les confettis sur les torses sombres, ils semblaient couverts de pustules saignantes où suppurantes. Dans le bassin se noyaient les papiers ronds. Ça le transformait en un étang fardé de goëmon millicolore.
    La cavalcade trancha la foule de la beauté funambulesque ou ironique de ses chars et des voitures fleuries. Les humains, faisant abstraction de leur dignité d’êtres supérieurs, formaient le cortège du Bœuf Gras royalement entouré de sa cour de futurs bourreaux. L’énorme roi que l’on applaudissait, à qui l’on jetait des fleurs et des baisers, arrondissait ses gros yeux placides, ses yeux inquiets de tout ce bruit, de ces honneurs étranges. Peut-être son étroite cervelle devinait-elle le rire de la mort dans les cris de joie qui le saluaient ? Nul ne saura le drame effroyable qui se passe au creux de ses prunelles élargies ! Son indifférence n’est-elle que l’héroïque résignations à l’échafaud où le char enjolivé le conduit ? Qui sait, si dans son attitude impassible, il n’y a pas du mépris pour les lâches qui l’acclament, polir les tortionnaires qui demandent sa tête derrière le bouquet offert ? Royauté carnavalesque, mensonge stoïque, pauvre innocent, dont on mangera les reins, sublime captif, paré de chaînes d’or pour la plus sincère des fêtes, la mort ! Sur l’autel de la folie, il faut du sang, du sang comme un sanglot sauvage excitant la foule au charivari monstrueux.
    Les bouquets s’arquent-en-ciel. Les violettes parfument discrètement les corsages. Les oranges font la joie des enfants petits ou grands. Des voitures fleuries à la foule, et aux fenêtres pleuvent les lazzis, les saluts, les bombes. Le boa bariolé du cortège glisse lentement au bruit de ses écailles à travers les rues.
    Charles et René regardaient nonchalamment dans leur voiture ornée de fleurs jaunes la masse grouillante des curieux. On les interpellait, étonnés de les voir en dominos jaunes avec des masques verts. Dédaigneux, ils laissaient errer leurs yeux sur l’océan moutonné de têtes flottantes. Jouir de l’amusement insane de leurs concitoyens ; les hommes et les femmes riant bêtement de leurs jeux ridicules, comme un moutard qui rirait d’effeuiller les pétales d’une rose ! Inconsciemment grisés de bruit fantômale, ils gesticulaient au bout de la corde, la corde des pantins de foires aux pains d’épices.
    Puis le soir s’était affolé sur la gaieté ambiante. Les cafés blancs de lumières se gavaient de consommateurs. Au café de France, sur la place Graslin, les deux amis allèrent s’attabler. Il se déroula une trame plus fantaisiste. Un mendiant de circonstance chanta des airs abracadabrants et fit la quête pour les pauvres. Les sous tintaient. Renversant verres et soucoupes une sultane singeait la danse du ventre, s’accompagnant de gestes ignobles et provocateurs, ennivrée des souillures qu’elle devinait en l’âme de ses admirateurs. Une autre s’évanouissait pour exhiber ses seins et les faire caresser des voisins. Plus audacieuses les grues, fières de leurs travestissements, guettaient les mâles, les frôlaient d’impudences.

  • Allons, beaux museaux verts, leur dit-une clownesse, en portant les mains à son corsage, il y a ici de quoi travailler toute une nuit sans repos.
  • Si ça t’arrive souvent, ricana Charles, ils doivent être flasques.
  • Viens donc voir, mon petit. Flasques, tu sais, faudrait pas me le dire deux fois.
  • Charles haussa les épaules. La femme recommença son offre ailleurs.

    A la nuit, l’électricité vidait ses ventres lumineux sur les carpettes des rues. Un flot nouveau s’amoncela. Les chansons cascadèrent plus nombreuses, plus brutales, hurlées par des poumons enthousiastes. Vers le cours de la République, les groupes se pressaient. Entre les grilles d’entrée, deux grandes tentes abritaient les humains des étoiles. Ou les avait remplacées plus près du sol par des lampions en guirlandes. Des orchestres primitifs et surtout tapageurs gueulaient des chachuts enlevants, des valses populaires. Et ça sautait, ça tournait, ça broyait les pieds, déchirait les robes, renversait les chaises. Des bandes de filles bras dessus, bras dessous cherchaient des cavaliers.

  • Masques verts, venez avec nous. Nous sommes gentilles et nous savons de jolies farces.
  • Passez, passez, les belles.
  • Les familles venaient avec leurs jeunes filles chastes. Des voyous leur pinçaient le derrière en passant. Le père roulait des yeux terribles. Joli bal des familles au milieu d’une promiscuité de vice qui forme glue. Hors des tentes, dans l’ombre, des couples s’écartent, cherchent du secret pour de calmes marchés. Au centre, la statue du général Cambronne grommèle encore une fois à l’adresse de son entourage fantoche le fameux mot, le résumé philosophique de ce bal à toutes les laideurs.
    Minuit vomi dans la tempête des gosiers, le peintre et le poète entrèrent au grand théâtre.
    Le bal.
    Les costumes scintillaient leurs satins précieux et leurs dorures. Une gamme féerique de couleurs à jets indiscontinus d’éblouissements sonores. Glissaient au vent de l’insensé les chamarris diaprés. Ondulaient les groupes étincelants de velours d’or ou de soie, à travers les buées folâtres de la joie. Et des beaux inconnus passaient doucement au bras sur des chemins de miel et de charmeuses causeries. Dans une atmosphère de secrets, semblant les ailes de moulins illusoires, arlequins, gnômes, pierrelets, tournaient au froufou des satins et des moires. Les intimes grelots de passagères amourettes tintaient de jolis airs dévots dans le parfum des collerettes.
    Les dames du ballet esquissèrent de gracieux pas, plus gracieux qu’un vol d’anges, semant les lueurs dé leurs riches décors. Les galeries des spectrateur étaient combles. Badauds enfantins venus pour s’égayer des projections d’une lanterne magique, étalant une mêlée fluctueuse de va et vient, fragiles accoutumances de tableaux disparates ! Vieillards passionnés s’efforçant de cueillir sur la frivolité des trames de ces longues tapisseries en fête les flammes d’amour qui s’y consument ! Et ceux qui ont besoin d’oublier, d’emplir leurs crânes de fantastiques vêpres de démences ! Et ceux qui s’amusent de riens, ceux qui n’ont pas de pensées, ceux qui ne savent pas pourquoi ils sont à regarder leurs semblables grimacer.
    Est-ce encore une grimace sincère ? Une grimace oublieuse du passé, insoucieuse de l’avenir qui ne sait pas que le présent paie le fossoyeur de sa tombe ! Gens de plaisir, jetez-vous au creux de la fosse d’oubli des brassées de pleurs, des brassées de ris, des brassées de douleurs fraîches ; inapaisées ? Une heure de foi sublime s. v. p ! Adorez le bénévole dieu des farces sur les débris du vieux préjugé ! Raillez les cervelles ritournelles de sermons ! Puisez à la tiédeur des épaules des ferments de sève galante ! Sonnez aux portes de la gaieté un carillon funambulesque ! Mêlez devant l’éternité, le diable à polichinelle, l’inanité sublime au grotesque !

    Note d’Odile : Cette page est numérisée de l’ouvrage Nantes la Brume,1905. Vous verrez ici d’autres auteurs et thèmes du vieux Nantes. Vos souvenirs seront les bienvenus sur ce blog. Merci !

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Dispense de consanguinité, Bourg-d’Iré (49), 1755, entre Yves Jallot et Mathurine Bellouis, par Georges Blouin

    du 4 au 4e degré : étant aisés ils ont dû passer par la bulle du pape

    Nous avons vu jusqu’à présent des dispenses de gens peu aisés, qui suivaient donc la filière courte, c’est à dire au niveau de l’évêché, sans avoir à payer les frais de passer par Rome. Dans le cas présent, il s’agit de fermier de campagne (comme Toisonnier aime à les appeler), qui sont des hobereaux aisés. Le parcours était véritablement un parcours du combatant, il fallait aller trouver un banquier en cour de Rome, lequel envoyait à Romes. Puis Rome envoyait, en latin bien sûr, une bulle signée du pape, que l’official (juge ecclésiastique de l’évêché) devait traduire, puis recommencer la procédure à l’évêché.

    Cette dispense fait 15 pages au lieu de 3 habituelles, mais à chaque paragraphe il est vrai que l’official commence par aligner sur plusieurs lignes tous ses titres… etc… Je dirais volontiers que ce type de dispense illustre le mariage entre gens du même milieu social, qui a eu cours durant des siècles… et il est vrai que plus on montait, plus c’était difficile de trouver, même si, à mon avis, il y a un gros mensonge, car avec ce rang social on possédait cheval et voiture à cheval, et on pouvait trouver une épouse à 35 km à la ronde, au moins… donc l’arguement de la petitesse des lieux est un énorme mensonge à mon avis, et il ne faut pas le prendre à la lettre, mais bien comme un moyen d’obtenir la dispense.

    Voici la dispense : Par devant nous Joseph Houdbine prêtre docteur en théologie chanoine de l’église d’Angers vicaire général au spirituel et temporel de monseigneur l’illustrisime et révérendissime évêque d’Angers, official d’Angers, ont comparu Yves Jallot et Mathurine Anne Bellouis, lesquels nous ont représenté une bulle apostolique en forme de dispense de mariage par eux obtenue de notre St père le pape Benoist 14e à présent séant au St Siège à nous adressée, que nous avons receue avec toute la révérence à nous possible et nous ont très humblement supplié et requis de vouloir bien accepter la commission à nous donnée par notre St père le pape, ce faisant faire procéder en les formes ordinaires à la fulmination de ladite bulle et les faire jouir et user de la grâce à eux accordée par icelle, sur quoi, lecture faire de la bulle, dont est question, nous avons accepté avec respect la commission à nous donnée par notre St père le pape, donné acte aux parties de leur présentation dires et réquisition avant de faire droit ordonnons que ladite bulle sera transcrite de mot à autre à la suite des présentes pour y avoir recours en temps lieu que lesdites parties comparaîtront devant nous pour prêter serment de déposer vérité sur les faits par eux annoncés dans ladite bulle pareillement que témoins pour aussi prêter serment et déposer vérité sur la connaissance qu’ils pourraient avoir des faits pour le tout communiquer au vénérable promoteur afin qu’il prit telles conclusions qu’il avisera et par nous statué ce qu’il appartiendra, donné à Angers par nous official juge susdit ayant avec nous maître Germain Leroy notre greffier ordinaire le 30 mai 1755 Signé Yves Jallot, Mathurine Anne Bellouis, Houdbine
    Suit la bulle en latin … (à partir d’ici je fais court car on y serait encore dans 15 jours, avec les 15 pages de cet acte)

    puis, le 1er juin, toujours devant le même, Yves Jallot, impétrant, duquel serment pris de dire vérité sur les faits résultants de la bulle de dispense de mariage qu’il nous a présentée et de laquelle lui a été fait lecture, a déposé comme s’ensuit : a dit se nommmer Yves Jallot, âgé de 28 ans, marchand fermier, demeurant paroisse du Bourg d’Iré – a quel degré il est parent ou allié d’Anne Bellouis impétrante, a dit qu’ils sont parents du 4 au 4e degré de consanguinité comme s’ensuit (en italique mes notes complémentaires et remarques)

    Georges Blouin (époux Claude Le Breton)

  • Françoise Blouin – 1er degré – Anne Blouin
  • Marie Lechamp – 2e degré – Louise Créhon (il semble qu’avec les aller retour à l’évêché et à Rome, le passage des noms du français en latin puis refrancisé, il y a pas des transformations dans les patronymes et les prénoms : Cochon est devenu Créhon, Marie (Chevallier) devenue Renée, Marie Anne (Bellouis) devenue Mathurine Anne) (Mariage à Montguillon (49), le 23 août 1695, de honnêtes personnes René Chevalier marchand, fils de Mathurin Chevalier et de Jeanne Deserrée, et Louise Cochon, fille de défunt h. h. Jean Cochon vivant marchand et d’honorable femme Anne Blouin … en présence d’honorables personnes Mathurin Chevalier marchand et Jeanne Deserrée père et mère dudit Chevalier, Anne Blouin veuve de h. h. Jean Cochon vivant marchand mère de l’épouse, Ambroise Blouin Sr de la Balangeraie oncle maternel, et Mathurin Bellouis cousin germain de ladite Cochon.) (On note au passe que Mathurin Bellouis est bien dit cousin de Louise Cochon en 1695)
  • Mathurin Belouis – 3e degré – Renée Chevalier (d’après la généalogie les Chevallier-Chantepie par le Général de Peyrelongue, manuscrit, AD53 : Marie Chevallier x Yves Jallot était fille de Mathurin et Jeanne Dezerée, il s’est visiblement trompé d’un génération. Les Chevalier sont issus du Ménil (53) paroisse que le Général, décédé en 2005, avait longuement étudiée)
  • Mathurine Anne Bellouis – 4e degré – Yves Jallot (cet arbre est simplifié car je n’y vois pas les alliances des parents, enfin on passe des Blouin aux Bellouis… qui se ressemblent bien mais diffèrent…)
    1. si à cause de la petitesse des lieux de naissance de l’impétrant et de l’impétrante, l’impétrante ne peut trouver homme de l’état et condition pareille à la sienne avec qui elle puisse se marier qui ne lui soit parent ou allié :

    a répondu que l’impétrante à cause de la petitesse du lieu de sa naissance et de celle de l’impétrant ne peut trouver d’homme de l’état et condition pareille à la sienne avec qui elle puisse se marier qui ne lui soit parent ou allié –

      s’il n’a été fait aucune violence à l’impétrante pour la faire consentir à se marier avec lui impétrant :

    a dit que non si il fait profession de la religion catholique apostolique et romaine : a dit que oui lecture à luy faire de nos présents interrogatoires et de ses réponses a dit que ses réponses contiennent vérité et a signé

    Suit le même interrogatoire pour Mathurine Bellouis

    Suit Jacques Bellouis de la Cussionnière, âgé de 57 ans, marchand fermier demeurant à Ste Gemme d’Andigné, … a dit qu’il les connaît et qu’ils sont parents du 4 au 4e degré de consanguinité … mêmes questions

    Suit Jacques Poilièvre, âgé de 48 ans, marchand tanneur demaurant à Angers paroisse de la Trinité, … mêmes questions

    Suit Charles François d’Andigné, comte de Ste Gemmes, âgé de 60 ans, demeurant à St Michel de la Palud (Angers) … mêmes questions (tant qu’à faire prendre des témoins, autant en prendre qui ont du poids, car bien sûr il ne s’agit pas d’un parent.)

    Suit Joseph Claude Fontaine de Mervé, âgé de 44 ans, prêtre chanoine de l’église collégiale St Pierre (Angers) … mêmes questions … y compris s’il fait profession de la religion catholique… (on n’est jamais trop précis ! s’agissant d’un chanoine ! la question me semble saugrenue… mais atteste d’une certaine rigueur dans la méthode. Je fus chimiste et j’en conviens il faut toujours tout vérifier…)

    Et enfin la dispense signée G. Louet promoteur, puis Joseph Houdbine official (soit 15 pages). Ouf ! Même après avoir reçu la bulle de Rome, il aura fallu se rendre tous en choeur 2 jours à Angers… et si vous voulez bien vous en souvenir, pour les dispenses courtes que nous avons déjà vues, on ne se déplaçait, au pire que chez le curé voisin de sa paroisse… En somme, mieux valait ne pas posséder… enfin, j’entends pour la dispense…

    Ces Jallot ne sont pas les miens, mais je les ai beaucoup travaillés car ils sont voisins des miens. Mes travaux ont mis en lumière un milieu social certes équivalent aux miens, qui étaient tous marchands tanneurs, mais à la profession différente : d’abord marchands de fil puis marchands fermiers. Notez bien que tous ces métiers constituent les hobereaux de campagne… un peu plus riche que la moyenne, mais à la campagne seulement, car en ville ils auraient fait petite mine face à la grande bourgeoisie… D’ailleurs Toisonnier nous aide à découvrir ce clivage… Souvenez-vous qu’il utilise même le terme fermier de campagne

  • Voici la généalogie connue :
  • Georges Blouin sieur de la Blancheraie, épouse Claude Le Breton, dont 4 enfants

      Ambroise x Marie Juffé
      Perrine x Julien Le Mercier
      Anne x Jean Cochon
      Françoise, alliance ou descendance inconnues
  • génération 2 : Anne Blouin, épouse Jean Cochon, dont 2 filles
    1. Anne Cochon x Mathieu Bodin
      Louise x 1695 Montguillon (49) René Chevallier, marchand fermier de la Bourgonnière (la généalogie Chevallier-Chantepie ne leur donne qu’un fille Claude, il semble donc qu’ils aient eu Renée x Jallot parent d’Yves)

    d’après généalogie Chevallier-Chantepie (par le général d’Auber de Peyrelongue) ce René Chevallier avait une soeur : Marie Chevallier x d’Yves de Jallot, qui d’après la dispense pourraient être les parents de Yves Jallot qui épouse sa couine Mathurine Anne Bellouis

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    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

    1687 : juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre

    Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 1er juin (1687) mourut d’apoplexie et de paralysie monsieur de la Perrière Foussier conseiller honoraire au siège présidial, mari de la dame Gardeau.
  • Le même jour (1er juin 1687) monsieur de la Martinière Girault, conseiller au présidial, fils du feu sieur Girault greffier en chef au siège présidial et de la Delle Baché, épousa la fille de monsieur de la Sauvagère Guinoiseau conseiller honoraire audit siège et de la dame Boizourdy.
  • Le 2 (juin 1687) monsieur Bernard, conseiller au siège présidial, fils de Mr Bernard, conseiller honoraire au même siège et de la défunte dame de la Blanchardière Audouin, épousa la fille de feu Mr Robert Sr de Rouzée avocat et commissaire des saisies réelles et de la Delle Bellière.
  • Le 6 (juin 1687) mourut la femme de monsieur de la Houssaye Boucault conseiller au présidial ; elle a laissé six petits enfants ; elle s’appelait Gandon, fille du feu Sr Gandon et de la dame Denyau, mariée en secondes noces à Mr de Grée Poulain doyen des conseillers.
  • Le 7 (juin 1687) mourut madame Balain ; son fils droguiste confiseur a épousé la dame Olivier.
  • Le 8 (juin 1687) le Sr Viot marchand droguiste épousa la fille du Sr Chantelou du bourg de Foudon.
  • Le 13 (juin 1687) mourut monsieur Artaud âgé de 90 ans. Il avait beaucoup d’esprit, de mérite et de vertu. Il avait épousé la demoiselle Toublanc, dont il y a deux garçons ; l’aîné a épousé la défunte Delle de la Lande de la ville de la Flèche ; et le cadet mademoiselle Lefebvre de Chambourreau. Il fut enterré le lendemain dans l’église de St Michel du Tertre.
  • Le 15 (juin 1687) mourut le Sr Loyseau peintre.
  • Le 17 (juin 1687) mourut la femme de Mr Burolleau marchand de draps de soye ; elle s’appelait Guynoiseau, sœur de feu Mr Guynoiseau avocat ; elle a laissé plusieurs enfants.
  • Dans ce même temps mourut la femme de Mr de Lisle Me apothicaire.
  • Le 25 (juin 1687) le fils de Mr de la Roche Goizeau et de la Delle … épousa la fille de Mr du Brossé Mincé et de la Delle …
  • Le 26 (juin 1687) Mr Maussion conseiller au présidial, fils de Mr Maussion docteur en médecine et de la Delle Chedanne épouse Melle de la Gaudinière Poulain. Elle est sœur de madame Douasseau.
  • Le 3 juillet (1687) mourut à Château-Gontier monsieur de Chassonville cy-devant capitaine aux gardes ; il était oncle de Mr de Bailleur président à mortié au parlement de Paris, marquis de Château-Gontier.
  • Dans ce même temps mourut monsieur de la Hauterivière gentihomme.
  • Le 4 (juillet 1687) mourut la femme du Sr Camus commis aux traites ; elle s’appelait Geslin ; elle n’a point laissé d’enfants.
  • Le 7 (juillet 1687) mourut la femme de Mr de la Saulaye Guynoiseau avocat.
  • Le 13 (juillet 1687) monsieur Denis Guilbault avocat, fils du feu Sr Guilbault et de la dame Voirie, épousa la veuve du feu Sr Audiau ; elle s’appelle Hardy sœur de Melle Bassecourt Gault.
  • Le 26 (juillet 1687) messieurs François de Crespy fils de Mr de la Mabilière de Crespy procureur du Roy au siège présidial et de la dame Chauvel, et Georges Daburon fils de monsieur Pierre Daburon et de la défunte demoiselle Audouis plaidèrent leur première cause.
  • Le 3 août (1687) mourut la femme de monsieur Coiscault avocat ; elle s’appelait Chatelier ; elle a laissé trois enfants.
  • Le 9 (août 1687) mourut la femme du sieur Lourdais, marchand droguiste ; elle s’appelait Le Cout.
  • Le 12 (août 1687) mourut la femme du sieur Bedane, marchand de draps de laine ; elle s’appelait Caternault.
  • Le 13 (août 1687) mourut Legris, Me charpentier, âgé de 41 ans. Il était très habile et honnête homme dans son métier. Il a laissé cinq petits enfants. (il est rare que Toisonnier face place à un artisan dans son journal. On remarque que celui-ci est nommé uniquement par son nom de famille, non précédé de Mr)
  • Le 18 (août 1687) mourut madame Dupré de la Bourdrie ; elle avait été mariée en premières noces avec le feu Sr Mouteau dont il n’y a point d’enfant, en secondes avec le feu Sr Dupré dont il y a plusieurs. Elle avait été lontemps hôtesse de la maison de St Jean au faubourg St Michel du Tertre ; elle s’appelait …
  • Le 30 (août 1687) Mr Deniau et Mr Chantelou plaidèrent leur première cause.
  • Le 10 septembre (1687) mourut monsieur de Pontlevoy Froger, juge des traites.
  • Le 15 (septembre 1687) mourut la femme de monsieur Chauveau Me apothicaire. Elle s’appelait …
  • Le 28 (septembre 1687) mourut monsieur Cupif de Teildras conseiller au sièg eprésidial de cette ville, un des académiciens de l’Académie royale de belles lettres ; il avait épousé défunte dame Tréton duquel mariage il n’y a qu’une fille qui a épousé monsieur Boylesve conseiller au parlement de Bretagne.
  • Le même jour mourut madame Basile ; elle s’appelait Guérin.
  • Le 29 (septembre 1687) mourut Brulé Me boulanger.
  • Dans ce même temps mourut à Paris monsieur de la Grandière Laillé.
  • Le 2 (octobre 1687) mourut la femme de monsieur de la Jaille de St Offange ; elle n’a point laissé d’enfant.
  • Le 4 (octobre 1687) Mr Davy notaire veuf de la dame Boisard épouse Melle Marie Huet.
  • Le 13, le Sr Phelipeau marchand épousa la fille du feu sieur Saulay Me apothicaire.
  • Le 17 (octobre 1687) Mr Boylesve de Goismard, conseiller au siège présidial, fils de défunt Mr de Goismard Boylesve conseiller audit siège et de la dame Guinoiseau épousa la fille de Mr de Chazé Gaultier conseiller honoraire audit siège et de la dame de la Féaulté Renou.
  • Le 19, 21 et dernier (septembre 1687) arrivèrent onze cent hommes du régiment d’Alsace pour le quartier d’hyver.
  • Le 26 (septembre 1687) j’ai épousé mademoiselle Marguerite Guillot fille de feu Mr Guillot marchand en cette ville et de la dame Françoise Hodemont. Dieu donne sa sainte bénédiction à mon mariage.
  • Le 23 (septembre 1687) mourut madame Baillif, femme du feu Sr Baillif marchand ; elle s’appelait Audouin.
  • Le 17 novembre (1687) mourut la femme de Mr de Forges ; elle était fille de Mr de la Hurtaudière Chauvin avocat ; elle n’a point laissé d’enfant.
  • Le 18 (novembre 1687) mourut Mr de Hotteman, prêtre, curé prieur de Faye. Il était savant et très honnête homme.
  • Le 27 (novembre 1687) mourut Mr de Lusson prêtre doyen de St Lo.
  • Le même jour (27 novembre 1687) mourut madamoiselle Françoise Harangot, fille, âgée de 47 ans.
  • Le 29 (novembre 1687) mourut monsieur Lanier trésorier de l’église d’Angers, grand vicaire de monsieur l’évêque. Il fut enterré le mardy ensuivant dans la chapelle de Mrs Lanier dans l’église de St Michel du Tertre. Il était âgé de 86 ans.
  • Dans ce même temps mourut le Sr la Miche marchand poilier.
  • Le 2 décembre (1687) mourut le Sr Papillon marchand droguiste.
  • Le 15 (décembre 1687) le fils de Mr de la Porte Trochon, cy-devant grenetier, se fit installer dans la charge de lieutenant de Mr le prévôt possédée par Mr de Barault.
  • Le 19 (décembre 1687) mourut Mr Gault de Bassecourt, bourgeois de cette ville.
  • Le 21 (décembre 1687) mourut monsieur Jean Delorme avocat.
  • Dans ce même temps, mourut le Sr des Galachères Blouin. Il avait épousé la fille du Sr Binet.
  • Le 27 (décembre 1687) Mr Lezineau prêtre cy-devant avocat et maire de cette ville prit possession du doyenné de St Lo. (Note de Marc Saché, Archiviste du département du Maine et Loire, in Trente années de vie provinciale, 1930 : « René Lézineau, sieur de Gastines et de la Maronnière, avocat au Présidial, était fils d’un fermier de Saint-Macaire. Il fut nommé maire le 1er mai 1677 grâce à l’intervention du gouverneur de la province, Louis de Lorraine, comte d’Armagnac, grand écuyer de France, et malgré les protestations du Présidial et de plusieurs membres du conseil de ville qui lui faisaient grief « de sa basse naissance, du peu de suffisance et de mérite ». Il n’en fut pas moins continué dans ses fonctions jusqu’en 1681. Après son veuvage il entra dans le clergé, (voir sa mort en 1695). Il est bon de faire remarquer que le jugement sévère, porté sur lui lors de son avènement au mairat, doit être attribué à l’orgueil bourgeois du corps des magistrats plus intolérable et encore moins justifié que la morgue nobiliaire (voir C. Port, Dictionnaire, t2 p.514 ; Gontard de Launay, les Avocats d’Angers, 1888, p.176, Registre du Présidial p.98 note)
  • Cette année a été fertile en bled, vin et fruits.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
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    Auberge, hôtellerie, taverne et cabaret

    Réponse à la question « mon ancêtre était aubergiste et sergent »

    Si votre ancêtre exerce 2 métiers, c’est que ni l’un ni l’autre n’assurent de revenus suffisants, ou une occupation à plein temps… Le cumul des emplois était très fréquent autrefois, car nombre d’entre eux, surtout dans le milieu rural, ne permettait pas toujours de survivre. Le cumul n’est pas rare de nos jours, et si on ajoute le travail au noir actuel, il est même assez important. En 2008, et ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres, on peut avoir un emploi déclaré et tenir gîte déclaré, ce qui est comparable au cas que vous citez. D’ailleurs, j’ose dire qu’il vaut mieux avoir un autre emploi dans ce cas… car le gîte est le plus souvent un complément de ressources, etc…

    Revenons à l’Ancien Régime : même un métayer du Haut-Anjou, aisé et bien occupé par la surface à cultiver, occupe la saison d’hiver par divers travaux (j’y reviendrai). Mon boucher à Segré, relativement aisé, est aussi fermier de campage, comme les appelle si joliement Toisonnier, c’est à dire gestionnaire de biens pour un propriétaire vivant au loin.

    La question posée « mon ancêtre était aubergiste et sergent » semblait en forme d’étonnement qu’un sergent soit obligé de tenir auberge pour vivre, et vice-versa. Il semble que beaucoup d’entre vous aient donc des images toutes faites sur le niveau de vie de chacun, et j’impute ceci à la manière dont on nous apprend l’histoire. Pour moi, dans les années 50, ce fut une catastrophe, car lorsque j’ai commencé les notaires, j’ai dû oublier un grand nombre d’idées qu’on m’avait inculquées…
    C’est grâce à l’ouvrage de Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté, la petite noblesse en Bretagne XVe- XVIIIe siècle, SHAB 1993 que je suis parvenue à me débarasser de toute cette scorie que j’avais dans les neurones.
    Cet historien actuel brosse un portrait saisissant de la petite noblesse en Bretagne et montre comment et pourquoi elle s’appauvrissait. Ainsi, selon Michel Nassiet, même les closiers peuvent descendre de nobles. Or, j’ai déjà rencontré ces cas en Haut-Anjou, qu’il cite en Bretagne.
    On m’avait appris l’existence de nobles donc riches, mais on avait omis de me préciser qu’il s’agissait de l’aristocratie, couche très aisée de la noblesse, qui représentait un faible pourcentage de tous ceux auxquels on a joyeusement coupé la tête sous prétexte. Et je ne parle pas de la riche bourgeoisie, se comportant souvent beaucoup plus durement que les nobles pour engranger les cens, rentes et autres devoirs féodaux.

    Montigné, Mayenne
    Montigné, Mayenne

    Regardez bien cette maison, elle est dite gentilhommière, sur cette carte postale des années 1905 environ. Or, un gentilhomme est un noble. Ces petits gentilshommes n’étaient pas si rares, et, parlant de noblesse qui s’appauvrissait aux 15 et 16e siècles, nous arrivons tout droit à l’auberge et la taverne, car ce sont des activités non dérogeantes. Une activité non dérogeante permet au noble de conserver la noblesse, tout en exerceant cette activité.
    Vous savez maintenant que beaucoup de gentilshommes s’appauvrissaient et certains, qui possédaient chambre haute (souvenez vous de la chambre haute) ouvrirent leur maison à titre payant.
    Bonchamps-lès-Laval, Mayenne
    Bonchamps-lès-Laval, Mayenne

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    Cette auberge illustre la gentilhommière tenue au 16e siècle environ par un gentilhomme fauché qui ouvrit sa porte au gîte et couverts payants au lieu de l’hospitalité gratuite. Par la suite, les auberges et hôtelleries furent acquises par des roturiers.

    Auberge ou hôtellerie offrent le gîte et le couvert, taverne ou cabaret offrent seulement la boisson au détail.

    AUBERGE. s. f. Maison où l’on donne à manger à tant par repas, & où on loge en chambre garnie.
    HÔTELLERIE. s.f. Maison où les voyageurs & les passans sont logés & nourris pour leur argent.
    TAVERNE. s. f. Cabaret. Lieu où l’on vend du vin en détail (Dictionnaire de L’Académie française, 1st Edition,1694)

    Auberge et hôtellerie sont à mon sens équivalents, même si beaucoup d’auteurs prétendent le contraire, et il s’agit plutôt de variantes de vocabulaire local, car elles ont tous deux la même fonction. De même pour taverne et cabaret, mais cette fois seulement débit de boissons (cidre, vin, eau-de-vie)

    Et le sergent dans tout cela ? Il viendra la semaine prochaine … à bientôt, et souvenez-vous, je parle de ce que je connais, le Haut-Anjou, or, la France d’alors est si diversifiée que rien n’est transposable ailleurs sans de grandes vérifications au préalable.

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