Location de la corderie Poirier, et apprentissage du fils Poirier orphelin, Angers 1711

Voici un contrat remarquable, car il nous livre l’âge de l’apprenti, 15 ans, mais aussi la quantité de vin à laquelle il a droit par jour, et là, je suis sans voix, et vous allez être comme moi !
Mais aussi l’apprenti aura droit d’apprendre à lire et écrire, c’est tout bonnement merveilleux et résolument moderne : un peu de formation à l’école, un peu d’apprentissage chez un maître !
Et dernier point intéressant, l’apprenti est orphelin, mais fils de cordier, et possède avec sa soeur la corderie, qu’ils louent donc durant l’apprentissage au maître cordier qui va le former.
Une corderie est un très long batiment, donc rarissime. Le plus souvent, avant l’apparition des corderies royales, les cordiers exerçaient dehors, soit sur les quais soit sur les ponts, le tout passablement encombrés, aussi devaient-ils demander l’autorisation au corps de ville, et je me souviens fors bien, lorsque j’ai participé au dépouillement d’un registre de délibérations du corps de ville de Nantes pour 1598, de ces mentions des cordiers avec le corps de ville.
Enfin, on comprend que le maître ne possède pas en propre de corderie, et est l’un de ces cordiers qui travaillent dehors.

Bien sûr, au temps de la marine à voile, et au temps, avant le rail, la Loire était encombrée de bateaux de marchandises et de voyageurs, et les cordes nécessaires en grande quantité, d’autant qu’il fallait les renouveler. D’ailleurs, je vous ai mis ici il y a 3 semaines, la location d’une gabarre sur laquelle il y avait l’armement détaillé, dont les cordes.

    Voir mon billet sur la location d’une gabare sur la Loire

Et à défaut d’illustrations sur la corderie, je vous remets pour mémoire la Montjeannaise, actuelle gabare de Loire reconstituée

Amarrée au port de Montjean, la gabare  » La Montjeannaise « , fidèle reconstitution d’un chaland de transport en Loire de 1830, reste un des meilleurs moyens de découvrir le dernier fleuve sauvage.
On peut aussi faire des ballades sur la Montjeannaise !

P. Grelier a trouvé l’acte qui suit aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E1 – Voici sa retranscription et mes commentaires : Le 16 novembre 1711 avant midy devant nous notaires royaux à Angers soussignés (Gasnier notaire) furent présents establis et soumis Pierre Rousseau Me cordier en cette ville paroisse de la Trinité d’une part
et Nicolas Poirier aagé de 15 ans émancipé procédant sous l’autorité de Jean Sallin voiturier par eau son oncle et curateur aux causes à ce présent demeurant savoir ledit Poirier paroisse St Jacques de ceste ville et ledit Sallin de St Maurice dudit Angers d’autre part,
lesquelles parties sont demeurées d’accord du marché d’apprentissage qui s’ensuit c’est à savoir que ledit Poirier s’est mis et met en apprentissage avec et en la maison dudit Rousseau ce acceptant pour le temps et espace de 2 années entières et consécutives qui ont commencé ce jour et finiront à pareil jour pendant lequel temps ledit Rousseau promet et s’oblige de montrer et enseigner à sa possibilité audit Poirier apprenti ledit métier de cordier et tout ce qui en dépend sans lui en rien cacher ne sceller le nourrir comme luy à sa table luy donner un septier de vin par chaque jour,

    Le setier est une mesure de capacité. Lorsqu’on mesure des céréales avec lui, c’est en litres en fait, et non en poids. Le setier est donc aussi une mesure pour le vin, mais il varie selon les régions. Généralement il fait 8 pintes, et à Paris la pinte fait 0,931 litre, et je reste sans voix devant la quantité journalière de ce garçon de 15 ans, à moins que l’un d’entre vous nous déniche la valeur du setier de vin en Anjou, sans doute moindre !
    Il est aussi possible que le notaire ait fait un lapsus et que le setier de vin ne soit par jour mais par semaine voire par mois !

luy fournir de lit et draps pour se coucher luy faire reblanchir son linge et luy donner bon traitement sans pouvoir l’employer à autres choses qu’au dit métier et sans le pouvoir mettre à tourner la roue le tout au moyen de ce que ledit Poirier promet et s’oblige d’apprendre ledit métier à sa possibilité et y servir en iceluy ledit Rousseau et à toutes choses licites et honnestes qui luy seront commandées concernant ledit métier,
pourra ledit Poirier aller à l’escole pour apprendre à lire et écrire pendans les premiers 6 mois du présent marché d’apprentissage
pour et moyennant la somme de 120 livres en desduction de laquelle somme ledit Rousseau en a présentement reçu comptant au vu de nous la somme de 60 livres dont il s’en contente et le surplus montant à pareille somme de 60 livres ledit Sallin promet et s’oblige payer et bailler audit Rousseau dans d’huy en un an prochain venant,
et par ces présentes ledit Poirier apprenti et Jeanne Poirirer sa sœur aussy émancipée et procédant sous l’autorité dudit Sallin son oncle et curateur aux causes ont donné audit Rousseau ce acceptant pour le temps et espace de 2 années entières et consécutives qui ont commencé ce jour et finirontà pareil jour savoir la petite loge et corderie dont le défunt Nicolas Poirier, père desdits Poirier jouissait, à eux appartenant située sur la corderie qui va de la porte saint Nicolas sur la Prée d’Alloyau, pour en jouïr par ledit Rousseau pendant ledit temps comme un bon père de famille sans y commettre aucune malversation et l’entretenir en réparation de couverture d’ardoises et est ce fait pour en payer et bailler par ledit Rousseau par chacune desdites années la somme de 6 livres premier paiement commençant d’huy en un an prochain venant et à continuer
car ainsy lesdites parties sont demeurées d’accord voulu reconnu consenty stipulé et accepté et à ce tenir etc dommage etc obligent etc mesme le corps dudit appreni à tenir prison à défaut de l’entier accomplissement du présent marché d’apprentissage estre fidèle etc renonçant etc dont etc
fait et passé audit Angers estude desdits notaires lesdits jour et an que dessus lesdits Rousseau et Sallin et ledit Poirier ont dit ne savoir signer. Signé Nicolas Poirier, Maugrais, Gasnier
Le 22 novembre 1713 avant midy par devant nous notaires royaux Angers soumis furent présents établis et soumis ledit Pierre Rousseau desnommé au marché d’apprentissage de l’autre part lequel a reçu comptant au vu de nous dudit Poirier apprenti desnommé audit marché d’apprentissage de l’autre part à ce présent la somme de 60 livres restant à luy payer par ledit Poirier pour le prix dudit apprentissage en laquelle somme est compris 12 livres que ledit Rousseau devboit audit Poirier et à Jeanne Poirier la somme pour deux années échues le 16 de ce mois du loyer de la loge mentionnée par ledit marché d’apprentissage, de laquelle somme de 60 livres ledit Rousseau se contente comme dit est et en a quitté et quitté ledit Poirier, ensemble reconnaît que ledit Poirier a bien et dument fait le temps de sondit apprentissage s’en contente ensemble de sa fidélité et ledit Poyrier reconnu qu’audit payement de ces 60 livres son curateur aux causes à ce présent desnommé audit marché de l’autre part la somme de 48 livres par ledit sieur Gasnier sur les deniers qu’il a entre mains appartenant audit Poyrier etc dont etc
fait et passé audit Angers en l’étude desdits notaires lesdits jour et an que dessus lesdits Rousseau et Sallin ont déclaré ne savoir signer. Signé Nicolas Poirier, Honorin Notaire, Gasnier

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Une réponse sur “Location de la corderie Poirier, et apprentissage du fils Poirier orphelin, Angers 1711

  1. On lit, dans le dictionnaire du monde rural de Marcel LACHIVER: « A Paris on appelait aussi setier la chopine de 0,465 litres, soit la moitié de la pinte… »

      Note d’Odile : Merci, l’article de M. Lachiver précise qu’il y a confusion si on n’a pas écrit « demi-setier. Voici d’abord la totalité de son article :

    setier : Mesure pour les liquides. A Paris, mesure valant 8 pintes de 0,931 livres, soit 4,45 litres, ce qui représentait le 1/36 du muid de 268 litres. A Nancy, le setier pour les liquides valait 4 quartes de 2,44 litres, soit 9,76 litres. / A Paris, on appelait aussi setier la chopine de 0,465 litre, soit la moitié de la pinte, et le setier se trouvait donc être à la fois multiple et sous-multiple de la pinte. Pour éviter toute confusion, on n’employait le sous-multiple qu’à la demi-mesure, et le demi-setier représentait donc la moitié de la chopine, soit 0,25 litre. Ces mesures étaient surtout utilisées pour la vente au détail des boissons dans les cabarets. Boire un demi-setier.

      Hélas, l’Anjou n’était pas Paris, et il faudrait trouver la valeur en Anjou. Enfin, même pour Paris, j’ai compris de l’article de M. Lachiver que le setier en sous-multiple de la chopine, n’était alors utilisé que dans l’expression « demi-setier » afin de ne pas confondre les deux valeurs qu’il avait.

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