L’incroyable vente fictive d’une maison à Pierre Godier, Angers 1590

L’acte qui suit est en forme de contre-lettre, faisant suite, le même jour, à un acte de vente.
Or, cette exceptionnelle contre-lettre raconte que le prix de la vente aussitôt touché par René Chardon, prêtre, le vendeur, a été rendu immédiatemetn après à Pierre Godier l’acheteur.
Si je tappe « vente fictive » dans un moteur de recherche sur Internet, je tombe bien sur ce type de fausse vente à prix nul ou inférieur au marché. Et la vente fictive est en fait une donation déguisée et actuellement bien entendu totalement illégale.
Donc, l’acte qui suit, daté de 1590, s’agirait d’une vente fictive, sans doute pour donation. L’ennui est que les ventes fictives actuelles, certes totalement illégales, ont pour but de tenter d’échapper aux droits de succession, actuellement élevés, mais en 1590 il n’y avait aucun droit de succession !!!
Pour passer en 1590 un tel acte, je ne vois pas la raison de déguiser ainsi une donation, et j’ajoute que à ce jour je ne vois pas de lien filiatif ou collatéral quelconque entre Godier et Chardon, mais manifestement il existe quelque chose entre eux.

Quoiqu’il en soit voici l’acte.

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E1 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 30 septembre 1590 après midy en la cour du roy notre sire à Angers par devant nous François Revers notaire d’icelle personnellement establiz honneste homme Pierre Godier marchand ciergier demeurant Angers paroisse saint Maurice soubzmetant etc confesse que combien que ce jour d’huy auparavant ces présentes vénérable et discret Me René Chardon prêtre naguères vicaire de l’église parochiale de la Jaillette luy ait vendu et transporté une maison jardrin et appartenances d’icelle sise en ceste ville d’Angers rue de l’Espinne paroisse de la Trinité pour la somme de 200 escuz sol avecq grâce de 7 ans de pouvoir rescourcer et rémérer ladite maison et jardrin comme le tout est plus amplement spécifié et confronté par le contrat de vendition de ce fait et passé par devant nous et combien qu’il soit dit par ledit contrat que ledit Godier ait payé fourni et baillé audit Chardon faisant ledit contrat la somme de 200 escuz sol pour le prix de ladite maison et jardrin que néanmoins la vérité est et confesse ledit Godier par devant nous que après ledit contrat de vendition fait il a eu reprins et receu dudit Chardon ladite somme de 200 escuz sol sans qu’il en soit demeuré part ne portion es mains dudit Chardon ne aulcune chose tournée à son profit, à ceste cause a promis et promet ledit Godier audit Chardon ne se aider à l’encontre d’iceluy Chardon de tout le contenu audit contrat par ce que c’est seulement ung contrat fictif et s’annulle pour quelques causes à ce mouvantes ledit Chardon, et aussy ce que en a fait ledit Godier a esté seulement pour faire plaisir audit Chardon, à l’effet et entretennement duquel contrat propriété et seigneurie desdites choses a ledit Godier renoncé et renonce pour et au profit dudit Chardon à ce présent stipulant et acceptant, et consent que ledit contrat dessus dit et tout le contenu en iceluy demeure nul et résolu comme si fait n’avoit esté, auxquelles choses susdites et chacunes d’icelles tenir etc dommages etc obligent lesdites parties à l’accomplissement du contenu en ces présentes elles leurs hoirs etc rnonczant etc foy jugement et condempnation etc fait à notre tabler Angers en présence de Pierre Delalande et Michel Lory praticiens et honneste homme Jacques Deschamps sirurgien (sic) demeurant audit Angers tesmoins

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog.

4 réponses sur “L’incroyable vente fictive d’une maison à Pierre Godier, Angers 1590

  1. -Bonsoir Madame.
    -Qu’entend t’on dans une donation par « céder ses droits par exprès « ?
    -Merci de votre réponse.
    -Bonne soirée.
    -M@rie.

      Note d’Odile :

    Bonjour Madame
    Merci de me préciser dans quel page de mon blog vous avez vu cette exression
    Odile

  2. Cette expression n’est pas tirée de votre blog,mais d’une généalogie Aveyronnaise
    et j’aurais aimé en comprendre le sens  » céder par exprès »,tous les droits qui pouvaient lui appartenir, pour raison des substitutions auxquelles il pourrait être appelé,tant du côté paternel que du côté maternel »
    (Sources Mémoire pour messire de Just- François de Fay,chevalier,marquis de Guerlande)
    Sans doute avec diligence ?
    Débats de succession entre parents ?

      Note d’Odile :

    Bonjour Madame
    Vous avez oublié la date !
    A tout hasard, je suppose que c’est très ancien, et voici le sens :

    Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) http://www.atilf.fr/dmf
    EXPRÈS, adj.
    [T-L : esprès1 ; GDC : espres ; FEW III, 313b : expressus ; TLF VIII, 497b : exprès1]
    I. –
    Empl. adj.
    A. –
    [D’une chose]
    1.
    « Qui est exprimé de façon à être bien clair et bien compris »
    2.
    [Avec une idée de pression, de contrainte]
    B. –
    [D’une pers.]
    II. –
    Empl. adv. loc. adv.
    A. –
    Adv.
    B. –
    Loc. adv.
    1.
    En exprès « En particulier »
    2.
    Par exprès
    3.
    Par fait exprès. « Intentionnellement, de propos délibéré »

    Vous voyez que « par exprès » est synonyme de « de sa propre volonté », et je vous ferais remarquer que dans beaucoup d’actes de mon blog, lorsqu’il a cession ou donation, le notaire écrit souvent « de sa propre volonté, sans aucun pourforcement »
    Bon WE froid
    Odile

  3. -Il s’agit d’un acte de donation du 31 janvier 1669.
    ( Sources :Coup d’oeil historique sur l’ancienne Baronnie de Peyre,par H.Affre.)

    -Froid ici, ce matin,mais nul besoin de sortir les antiverglas « Lulu »
    -Bon week-end.
    -M@rie.

      Note d’Odile :

    Donc, prenez le sens que j’ai donné ci-dessus
    Odile

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *