Taux obligataire et disponibilité des prêteurs : Angers 1628

Je poursuis la migration de quelques billets restés coincés sur mon ancien système en 2008

sur la piste de Louis Bourdais sieur des Places, à travers ses cautions

Ce sont les vacances aussi mon site tourne au ralenti. Alors, aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je vous parle d’un de mes ascendants, car d’habitude je parle de tout sauf des miens.

Depuis quelques jours, je suis sur une piste pour identifier la famille de la mère de mon Louis Bourdais, nommée Françoise Deffais, sur son mariage en 1618 à Daon (53).
Il s’agit de Louis Bourdais Sr des Places, fils de Louis Bourdais Sr de Pihu et de Françoise Deffais. Par son épouse, Renée Trochon, je descends comme tout le monde, ou à peu près, tant nous sommes nombreux, des Trochon de Château-Gontier.
Louis Bourdais Sr des Places était alors un parti très présentable puisque je « trochonne » à travers lui. Je situe ce milieu social parmi les gros marchands fermiers de campagne. Ce dernier terme pour s’amuser un peu à la manière de notre Toysonnier qui l’utilise d’un air condescendant, voire un peu méprisant du citadin vis à vis de la campagne. Il n’empêche que ces gros fermiers de campagne constituaient une véritable caste, qui prenaient à ferme la gestion de seigneuries assez importantes, et vivaient donc dans des châteaux.
En 1628, Louis Bourdais Sr des Places, alors fermier du château de Vernée en Champteussé (49), et y demeurant, se rend à Angers pour emprunter au moins 1 600 livres pour lui et Renée Trochon son épouse. Je suppose qu’il a alors une opportunité d’opération dans l’immobilier ou pour faire plus direct, dans la terre car nous allons voir que la somme dépasse l’investissement en maison.
Il se rend à Angers, car c’est là, dans la capitale de la province, qu’on peut trouver des opportunités de sommes immédiatement disponibles, surtout quand on veut emprunter une telle somme, car de vous à moi, 1 600 livres c’est à peu près le prix d’une bonne closerie en 1628 ! Un peu comme si vous arriviez chez votre banquier pour lui demander un prêt de 50 k€ (un kilo euro pèse 1 000 € et quelque soit le nombre de kilos, l’abréviation est toujours k€ et k doit rester minuscule et sans pluriel. Ainsi les Kg ou Kgs, formellement interdits, me font grincer des dents d’horreur tant ce sont des fautes d’orthographe ! L’autre soir, devant la Carte au Trésor, mes dents on tellement grincé que toute la tour de béton a dû vibrer, et je suggère à cette émission de bien vouloir m’éviter à l’avenir de tels grincements de dents…)
Il y a seulement 26 km de Champteussé à Angers, mais je ne pense pas qu’on pouvait faire l’aller-retour dans la journée, compte-tenu de tout ce qui suit, et je crois qu’il fallait une nuit d’auberge, voire deux.
Arrivé à Angers, il se rend d’abord chez ses proches parents pour leur demander de se porter caution avec lui. Compte tenu de l’importance de la somme, je peux émettre l’hypothèse d’un lien probable de parenté entre mon Louis Bourdais et ses 2 cautions, qui sont Jean Lory et Claude Chevrollier.
Les 2 cautions décidés, on frappe chez un notaire royal. S’il n’a pas la somme immédiate chez un de ses clients en cours, il envoie aussitôt son portefaix habituel porter un petit billet chez les confrères, alors fort nombreux, puisqu’Angers compte toujours pas moins de 30 à 35 notaires royaux. Et dans l’heure qui suit, le téléphone à jambes aidant, on sait qui a la somme disponible dans Angers, et l’affaire est dans le sac.
1 600 livres, c’est une somme importante et il ne trouve pas la somme immédiatement disponible chez un seul prêteur, mais chez 2 prêteurs, aussi il passe le même jour 2 obligations. Il y a souvent 2 prêteurs pour faire la somme exacte car ceux qui ont le disponible ont rarement la même somme que la demande.
Les 2 obligations pour un total de 1 600 livres :

Les 2 contrats de constitution de rente sont extraits des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E2

Voici la retranscription du constrat de constitution de rente hypothécaire à 6,25 % : Le 28 mars 1628, devant nous Guillaume Guillot notaire du roy à Angers furent présents en personne soubmis et obligés chacuns de

honorable homme Loys Bourdays Sr des Plasses demeurant au château de Vernée paroisse de Chanteussé tant en son nom que se faisant fort de Renée Trochon sa femme par laquelle il a promis et demeure tenu faire ratiffier ces présentes et obliger solidairement à les renonçiations requises à l’effet et entretien d’iclles et en fournir rattification vallable,
honorable homme Jehan Lory marchand demeurant en cette ville paroisse Saint Maurice
et noble homme Claude Chevrollier conseiller du roi au siège de la prévosté de cette ville y demeurant paroisse Sr Maurille,
lesquels chacun d’eux seul et pour le tout sans division de personne ne de biens ont confessé avoir ce jourd’huy vendu créé et constitué et par ces présentes vendent créent et constituent dès maintenant promis et promettent faire valloir par hipothecque général et général sur tous et chacuns leurs biens tant meubles que immeubles rentes et revenus présents et futurs de proche en proche
à noble homme René Heard Sr de la Chaslière conseiller du roy audit siège de la prévosté de cette ville y demeurant paroisse de St Michel Dutertre présent et acceptant qui a achepté et achapte pour luy ses hoirs

la somme de 75 livres tournois de rente annuelle et perpétuelle paiable et rendable franchement et quittement par lesdits vendeurs esdits noms solidairement audit acquéreur ses hoirs … pour 1 200 livres tournois. (j’avais fait d’abord une erreur de lecture, et lu UNZE au lieu de DOUZE, ce qui faussait tout le calcul du taux, et il est donc bien de 75 livres pour 1 200 livres soit du 6,25 % qui était le taux en cours alors. Je remercie vivement Jacques qui a attiré mon attention et en bon comptable surveillé mes chiffres avec une grande connaissance. Donc, voici ci-dessous le texte sur lequel j’ai lu trop vite UNZE pour DOUZE et j’aurais dû tapper la mention en marge, qui suit désormais, car dans cette mention en marge, le chiffre écrit en toutes lettres est bien écrit DOUZE)

Fait audit Angers en notre tabler en présente de René Raimbault et Jehan Goubault.
en marge : Et le 23 juillet 1641 avant midy, fut présent ledit Sr Chevrollier nommé au contrat et Guillaume Delantre lequel a recognu avoir ce jourd’huy receu contant de Renée Trochon veuve Loys Bourdais la somme de douze cens vingt trois livres tournois en monnaie courante assavoir douze cens livres pour l’extinction et admortissement des 75 livres de rente qui avoient esté crées et constituées par ledit feu Bourdais et par ledit St Chevrollier par ledit contrat …
Le second contrat est identique si ce n’est que le prêteur est le couvent des dames Ursulines et la rente de 25 livres pour 400 livres soit du 6,25. Ainsi, les prêts des couvents suivaient parfois le taux en vigueur, et ici c’est le laïc qui est usurier.

Jean Lory, l’un des 2 cautions, était époux de Marguerite Bourdais :

Revenons aux 2 cautions, Jean Lory et Claude Chevrolier. Car, je viens de dénicher un acte qui me semble une piste. Il est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5.

Voici la retranscription exacte de l’acte : Le 9 mars 1632 avant midy, par devant nous Nicolas Leconte notaire royal à Angers furent personnellement establiz

honorables personnes Jan Lory marchant bourgois de ceste ville et Jaquine Bourdaye sa femme de luy authorisée par devant nous quand à ce demeurant en la paroisse de St Maurice de ceste ville soubzmettant chacun d’eux seul et sans division etc
confessent etc avoir vendu quitté cedé vendent quittent délaissent et transportent promis et promettent garentir de tous troubles hipotecques empeschements quelconques
à honorable homme Pierre Trochon sieur des Places marchand de soye demeurant à Chasteaugontier présent et lequel a achapté et achapte pour luy ses hoirs
tous et tel droit part et portion d’héritage advenus et eschus à ladite Bourdaye des successions de Charles, Claude et Marguerite Deffaye vivants sieurs et dames de Mortreux
à prendre lesdits droits tout ainsy que ussent fait et faire pourroient lesdits vendeurs cessant ces présentes par lesquelles ils ont mins et subrogé ledit acquéreur en leur droictz et actions lequel a dict bien scavoir et cognoistre lesdits droictz et les tenir du fief ou fiefs et seigneuries dont ils relèvent et en payer les cens rentes et debvoirs seigneuriaux et féaudaulx entiens et accoustumez ainsy qu’ilz seront deubz transportant etc
ceste présente vendition cession delaye et transport faicte pour et moyennant la somme de 166 livres 13 solz et 4 deniers payée et fournye présentement content par ledit acquéreur auxdits vendeurs qui l’ont receue en pièces de 16 solz et autre bon payement ayant cours suivant l’ecdit du roy s’en contentent et quittent ledit acquéreur tellement que audit contract de vendition et ce que dict est tenir garentir et entretenir et ains obligent lesdits vendeurs chacun d’eux seul et pour le tout sans division de personne ne de biens leurs hoirs et ayant cause avecq tous et chacuns leurs biens meubles et immeubles présents futurs quel-conques renonçant à tout à ce contraire spéciallement au bénéfice de division discussion et ordre de priorité et postériorité dont à leur requeste et de leur consentement les avons jugez et condempnez par le jugement et condemnation de ladite cour (la somme de 166 livres n’est pas énorme, mais s’agissant d’un partage collatéral où les héritiers devaient être nombreux et il ne s’agit ici que d’une partie)
fait audit Angers maison de nous notaire en présence de Me Pierre Lemasson notaire royal du ressort de Baugé rézidant à Chemiré et Jan Nepveu praticien demeurant audit Angers. Signé Trochon, Lory, Lemaczon, ladite Bourdays a dit ne savoir signer.

Cette carte postale du château de Mortreux en 1904 est extraite de ma page de cartes postales de Daon. Reproduction interdite, collections privées. »

Marguerite Bourdais femme de Jean Lory est très probablement parente de mon Louis Bourdais Sr des Places, puisque son époux le cautionne.

Ici, elle vend une part d’héritages situés à Daon, de collatéraux Deffais, donc elle était parente de ces Deffais possédant en partie des biens à Mortreux à Daon
Mon Louis Bourdais était fils d’une Françoise Deffais, selon son mariage à Daon.
Marguerite Bourdais pourrait être soeur voire tante de mon Louis Bourdais, et mes Deffais être ceux de Mortreux à Daon. Voyez le texte sur Mortreux sur ma page de cartes postales de Daon.
L’abbé Angot, dans le texte que vous avez vu sur ma page sur Daon, dit bien qu’une partie des terres de Mortreux fut divisée au fil des successions, et que certains rachetaient les parts des autres. Inutile de vous dire que j’ai refait en vain le registre de Daon pour la Nième fois… mais que j’espère qu’un jour un autre acte notarié viendra compléter mon puzzle et confirmer cette piste, qui reste cependant une piste très crédible.
En conclusion, je suis sur la piste de ma Deffais, je la sens, je brûle. Je sais, ce que je fais, à travers tous ces actes notariés, c’est du gagne-petit dans un immense puzzle donc chaque petite pièce sera un jour un morceau indispensable, lorsque d’autres plus tard, aussi mordus que moi, reprendront le flambeau et courageusement comme moi, liront à Angers des km linéaires de notaires du 16e siècle et début 17e siècles, car dans ma vie je n’aurai pas le temps de tout y lire !

  • Commentaires
  • 1. Le samedi 16 août 2008 à 09:49, par Josette

    Daon … Je trouve Marigné près d’Aon : Est-ce une proximité de votre Daon ? Kgs et autres … Il faut voir ce qu’écrivent certains enseignants et qui sert de modèle à nos petits-enfants !

    Note d’Odile : Ce Marigné est en Maine-et-Loire, mais à 4 km au sud de Daon, et c’est à la création du département de la Mayenne que ces 2 bourgs se sont séparés de juridiction, mais autrefois les échanges y étaient très nombreux.Ce Marigné, qui s »écrit désormais Marigné tout court a une page sur mon site que vous prenez à la page http://www.odile-halbert.com/Paroisse/vivre.htm

    2. Le dimanche 17 août 2008 à 13:04, par Odile

    ATTENTION, j’ai fait une GROSSE erreur de lecture le 16 août, et il fallait lire DOUZE et non UNZE cent livres. Je dois à l’attention de Jacques, le comptable, la remise en cause de ma lecture, car il rencontre toujours 6,25 % et dès lors soupçonnait, à raison, que j’ai pu lire trop vite la somme. Donc j’ai remis les taux à 6,25 % tous les deux et revu en conséquence mon billet. Encore merci à Jacques !

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