Une affaire de retrait lignager, Chatelennie de la Motte-Glain, 1774

Les archives privées de Pierre Grelier contiennent un longue affaire de retrait lignager, à travers laquelle on entrevoit quelques détours et autres astuces de procédures. Cette affaire sera intégralement suivie dans les jours qui viennent, afin que vous n’en perdiez rien.
Nous commençons par une pièce rédigée par le procureur des demandeurs en retrait, qui synthétise fort bien le différent en date du 13 août 1774. Nous allons voir apparaître une astuce de prête nom, méthode bien souvent utilisée autrefois, et sans doute de nos jours.
Pour vous facilitez la compréhension, j’ai ajouté des alinéas.

13 août 1774
Pour maître Louis Pottin sieur de Villeneuve, fils et héritier de deffunte demoiselle Perrine Fontaine, demandeur en reprise d’instance en promesse et retrait lignager, à lui joints
le sieur Jean Louis Robert et demoiselle Anne Pottin sa femme
le sieur Michel Morineau de la Chetais et demoiselle Renée Pottin sonépouze
le sieur Jan Bazin et demoiselle Perrine Pottin sa femme
le sieur Louis Michel et demoiselle Louise Pottin sa femme
et maître Mathurin Pierre Cordeau et demoiselle Michel Pottin son épouze
les tous aussi héritiers de ladite deffunte demoiselle Perrine Fontaine leur mère et belle-mère, en cette qualité demandeurs en continuation de ladite reprise d’instance,
Me Gicqueau procureur,

contre maître Jean Baptiste Guittard sieur de la Richardière comme acquéreur d’héritages d’avec maître François Raoul et demoiselle Anne Daniau son épouze
du sieur Louis Manceau et demoiselle Appoline Daneau son épouze
et demoiselle Janne Levoyer et autres consorts, les tous vendeurs, en cette qualité ledit sieur Guittard défendeur audit retrait,
maître Heurtin procureur

et de la cause demoiselle Anne Ragaru de la Tousche, prétendue nommée pour associée audit acquéreur par le jugement du 18 septembre dernier, aussi défendresse en sa chatelenie de la Chapelle et Motte Glain et annexes
maître Rouesné procureur

On observera à la justice que par exploit du 10 mai 1773, la deffunte demoiselle Perrine Fontaine, mère et belle-mère desdits demandeurs, forma sa demande en promesse et retrait lignager audit maître Guittard acquéreur desdits sieurs Raoul et Manceau et femmes, et de la demoiselle (blanc) ses nièces, pour les héritages par eux vendus, et qu’ils venoient de partager avec elle de la succession de deffunte demoiselle Agnesse Fontaine sa sœur, et aussi leur tante, c’est-à-dire que le partage en fut fait entr’eux et les enfants de deffunte demoiselle Anne Fonteine, et ceux du feu sieur Julien Fontaine, tous ensembles fondés pour une moitié des acquests de la demoiselle Aignesse Fonteine avec feu maître Pierre Lemarié sieur de la Chauvière son mari, et les héritiers de ce dernier pour l’autre moitié, au rapport de maître Rouesné notaire de cette chatelenie, le partage avoit été jugé en cette chatelenie et les experts y avoient prêté serment du temps que maître Guittard défendeur en était greffier, il en a délivré les actes, ainsi il n’a pas dû douter du lignage et ramage des demandeurs,
cependant par son insistance et ses diffuses il a reculé le jugement dudit retrait jusqu’à présent quoi que ce soit une matière des plus célaires suivant le règlement de la cour,
en effet, il affecte de laisser défaut sur l’assignation du 10 mai à l’audience du 13 juin 1773, et à celle du 27 juillet suivant il constitua pour son procureur maître Heurtin, et le requerant il lui fut ordonné de fournir des défenses,
il attendit jusqu’au 23 août suivant à fournir un long écrit sans fondement par ce qu’il ne pouvait opposer cette demande, et comme la demandresse ne s’attendait pas à un pareil superfuge mais seulement au silence du défendeur, elle, pour accélerer justice lui fit notifier par incident du même jour 23 août les extraits de son baptême, et de ladite Aignesse Fontaine sa sœur, et le contrat d’acquêt du 15 mai 1730 contenant les biens dont la communauté a été partagée, ces 3 pièces sont preuve du lignage et ramage que peut exiger un acquéreur défendeur en retrait, et il n’en fallait pas d’avantage,
cependant à l’audience du 31 dudit mois d’août, il fut ordonné aux défendeurs le requérant de fournir ses réponses à l’incident de la demanderesse, dudit jour 23 aoput,mais il prit ses arrangements pendant ce temps là pour s’approprier aux plaids généraux du 18 septembre suivant, comme il l’a fait
et la demanderesse étant décédée 8 à 10 jours avant les plaids généraux, le sieur Pottin son fils forma sa demande en reprise de ladite instance le même jour desdits plaids 18 septembre dernier par exploit en bonne forme
et par surabondance de bon droit, forma son invervention pour lui et consorts à l’appropriement dudit sieur Guittard défendeur le même jour, dont il lui fut donné acte
Mais ledit sieur acquéreur défendeur affecta de nommer pour associée avec lui pour unemoitié dans ledit acquest, la demoiselle Ragaru, ce qu’elle fit accepter par maître Rouesné son procureur
et s’est ce qui a retardé l’adjudication dudit retrait,

il ne s’agit plus au fons que de discuter cette nomination et de savoir si elle est admissible lors de l’appropriement comme elle aurait pu l’estre auparavant
mais non, elle est trop tardive et affectée
En effet, les demandeurs en retrait ont consulté la matière à différents avocat en Parlement, et ils sont d’avis que quoi qu’il soit stipulé dans le contrat d’acquest du défendeur, ainsi qu’il le dit, qu’il aura la liberté de nommer dans l’an un associé pour une moitié du prix de son contrat,
Ce qu’on ignore : il n’est plus en droit de le faire après avoir pris possession lui seul, fait faire les bannies et suivi l’appropriement en son privé nom,
Il devait notifier son contrat aux retrayants pour leur faire connaître sa liberté ; ce qu’il a toujours caché. Mais en tout évenement, cette liberté est éteinte et anéantie par la prise de possession, car la nomination pour estre valide a dû précéder l’acte de prise de possession par un acte antérieur, et acceptée de l’associée par acte devant notaire dans la même forme du contrat, et l’associée a dû se faire connaître par son assistance à la prise de possession, et pour suivre sans son nom les formalités de l’approprirement jointement avec l’acquéreur, ce qui n’ayant été observé la nomination n’a pas lieu : elle n’est pas valide.
C’est une pure vente frustatoire et qui ne peut estre jugée valide au préjudice des retrayants, or, ils ont communiqué par originaux leurs actes justificatifs du lignage et ramage au défendeur, par inventaire du 4 juillet dernier et ils ne connaissent que lui pour leur partie, et ils ne peuvent en connaître d’autres, et il pouvait d’autant moins grever le retrait par sa procédure que la demande lui en avait été formée longtemps auparavant ses bannies, et son appropriement de sorte même que sa prétendue demande de partage était prématurée étant formée avant son appropriement et sans son seul et privé nom : sans avoir annoncé aucuns associés.
Ce qui prouve une conivance affectée de sa part entre lui et l’associée dont il se sert du nom.
L’arreste de la cour en règlement sur les matières de retraits lignagers en date du 21 août 1756 fait défense à tous juges de multiplier les jugements d’instructions aux audiences, et aux greffiers de les expédier à peine de 3 livres d’amende, et il en a déjà dans cette instance au nombre de 6, y compris celui du 18 septembre dernier.
C’est trop pour une matière aussi simple que l’est celle-cy et c’est contrevenir aux règlements de la cour pour quoy sans qu’il soit besoin d’en dire d’avantage les demandeurs sont bien fondés à conclure comme ils font ici avec confiance

A ce qu’il plaise à la justice sans s’arrester à ladite prétendue nomination faite par ledit sieur Guillard, ny à toutes ses écritures, non plus qu’à la prétendue coaccpetation de ladite demoiselle Ragaru, dont ils seront totalement déboutés, et condamnés dans tous les dépens qu’ils ont occasionnés comme frais frustatoires, ledit retrait legnager leur soit adjugé vû ce qui résulte de leur communication du 4 juillet dernier, joint leurs offres de payer et rembourser audit sieur acquéreur dans le temps de la loi tous principaux loyaux couts frais et remises, sous leurs protestations de tout ce qui pouroit estre fait au contraire et à leur préjudice, et de se pourvoir contre par avis de leur conseil, déclarant lesdits demandeurs continuer pour leur procureur en cette dite chatelenie de la Chapelle et Motte Glain, et Annexes, maître Dominique François Gicqueau, et avec lui, chez René Derouet marchand au Bourg de La Chapelle-Glain, leur première élection de domicile
Signé Gicqueau

PS : Le 13 août 1774, à la requeste du dit maître Gicqueau, procureur audit nom, signifié et fourni copie de ce que des autres parts à chacun de maîtres François Heurtin, procureur dudit sieur Guittard, défendeur originaire, et Jan Rouesné, procureur de ladite demoiselle Ragaru, aussi défendresse, parties adverses, à ce qu’ils n’en ignorent et ayent à faire ce qui leur incombe en parlant à leurs clercs à domiciles ordinaires

    à suivre…

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2 réponses sur “Une affaire de retrait lignager, Chatelennie de la Motte-Glain, 1774

  1. Bonjour,
    Je viens de retomber par hasard sur cette publication d’un document très intéressant, qui pourrait nous faire comprendre le fonctionnement exact d’un retrait lignager. Serait-il possible d’en connaître exactement les tenants et les aboutissants ? Sauf erreur de ma part, il n’y a pas eu de suite à celui-ci.
    Merci beaucoup !

  2. Bonjour
    Je réponds ici à Yves Lestourmy qui pose la question suivante :
    Bonjour Madame, je me permets de vous déranger pour vous demander un éclaircissement. J’ai, profitant du confinement, dépouillé un certain nombre de minutes notariales de Cérans ( Sarthe) et suis tombé sur un contrat lignager ; ne connaissant pas , j’ai fait des recherches sur Internet et suis d’abord tombé sur votre site , j’ai ensuite lu les textes de la coutume du Maine et de l’Anjou sur Gallica . j’ai bien compris ce qu’était le contrat lignager , mais je voudrais savoir jusqu’à quelle degré dans le lignage on peut remonter . Voici un extrait du texte : « Ambroise Lestourmy lesné laboureur demeurant paroisse de serans d’aultre lesquels sont demeurés d’accord de ce qui sensuit cest asavoir que ledit Touchard aiant aquis certaine vigne de Michel Lestourmy et son fils par contrat atesté par nous notaire y …… si besoin est et ledit Lestourmy aiant fait bailler assignationaudit Touchard par Sassier sergent royal en demande de restrait lignaiger etc ( 19 Juin 1645) ».
    Ambroise est le fils d’Ambroise Lestourmy , lui-même fils a priori d’Alexandre Lestourmy.
    Michel me semble , d’après l’ensemble des parrainages croisés, mais sans certitude, être le fils de Philippe Lestourmy.
    Mon problème est de savoir si, à votre connaissance, l’on doit remonter au grand -père ( ce qui voudrait dire que le premierAmbroise et Philippe sont frères) , ou si l’on remonte jusqu’à l’arrière grand-père.
    Avec mes remerciements anticipés si vous avez une réponse et , de toute manière, mes remerciements pour votre site qui est une mine .

    Bonjour monsieur
    Merci de votre question
    Vous ne me dérangez pas du tout et c’est avec plaisir que je viens vous faire part de mes expériences.
    Les affaires à cette époque de retrait lignager comme d’ailleurs de succession collatérale que j’ai rencontrées montrent qu’on pouvait remonter beaucoup de générations. Donc, on considère la lignée, ou lignage, sur plusieurs générations, ce qui signifie qu’il y a quelque part un ancêtre qui vous le permet.
    J’ai même rencontré 2 cas qui manipulaient plusieurs générations avec des preuves de filiations plus ou moins douteuses, l’objectif étant d’obtenir la terre ou la somme convoitée. Et on n’hésitait pas à quelques entorses avec la vérité.
    Donc, si vous avez la clause de retrait lignager n’hésitez pas à vous dire qu’il y a quelque part un ancêtre commun.
    Et si vous avez d’autres questions n’hésitez surtout pas, mais je me permets de vous expliquer comment fonctionne le blog. Il a des CATEGORIES qui sont dans un menu déroulant colonne de droite à laquelle on a accès si on clique sur le titre du blog MODES DE VIE
    Le blog a aussi des mots clefs (selon le vieux vocabulaire des documentalistes français d’autrefois) que le système moderne fait figurer sous l’article, et quand vous cliquez sur un de ces mots clefs vous avez accès à tous les articles qui traitent du même sujet.
    Enfin pour accèder aux commentaires d’un article, cliquez sur son titre. Ainsi, j’ai remis la réponse à votre question sous un article traitant du retrait lignager pour la bonne compréhension de mon blog.
    Bonnes recherches à vous
    Bon déconfinement, et pour ma part je ne me déconfine pas.
    Odile

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