L’office de greffier des Foires de Champagne et Brye cédé pour 250 livres mais à rente, et la rente impayée, Provins 1561

Introduction

Les fonds des notaires de Provins en 1558-1561 montrent que la majorité des ventes se font à rente perpétuelle, et le paiement comptant est plus que rare… Donc les notaires sont très occupés par les différents qui s’ensuivent, que ce soient les changements de destinataires par succession ou autre, et les impayés. L’acte qui suit explique un différend à la suite d’une cession d’office mais l’acte a surtout le mérite de nous donner le montant de cette cession, à savoir 250 livres ce qui est à l’époque une somme très élevée, puisque les biens fonciers y compris maison que je vois ne s’élèvent qu’à 10 à 50 livres au maximum.
Mieux, à cette époque peu de ventes se font en termes d’argent, car l’immense majorité des transactions même foncières se font en nature et je vous avoue humblement que j’ai bien du mal à évaluer à quelle somme les rentes en septiers de blé froment correspondent … mais ici, dans la vente de l’office de greffier des Foires de Champagne et Brye on est en argent pas en nature. J’ai lu quelques études historiques sur ces rentes en natures, et elles semblent attester qu’à cette époque on est encore face aux rentes en nature mais c’est leur fin, et en outre les ventes et/ou rentes en argent ne sont alors que dans les milieux aisés. Mais vous l’avez compris, le greffier des Foires de Champagne et Brye est du milieu aisé de Provins.

Différent suite à la vente de l’office de greffier

AD7761056E475 – 1561.01.29 n.s. (1560 on est dans le calendrier Julien et donc en 1561 en grégorien notre calendrier actuel) -p283 vue 302- … noble homme et sage Me Simon Denise licencié ès loix demeurant à Provins au nom et comme procureur et soy faisant fort de noble homme Me Jacques Denise procureur en la cour de parlement à Paris son frère d’une part, et François Peze praticien demeurant audit Provins d’aultre part, disant lesdites partyes que par cy devant par le moyen dudit Me Jacques Denise Me Nicole Moreau lors greffier des Foires de Champagne et Brye au siège de Provins auroit passé procuration pour résigner ledit office de greffier desdites foires au proffit dudit Me François Peze lequel (f°2) office iceluy Moreau auroit délaissé audit Me Jacques Denise moyennant certaine somme de deniers envers lequel Me Jacques ledit Peze auroit en ce faisant constitué la somme de 20 livres tz de rente racheptable de la somme de 250 livres tz des arrérages de laquelle ledit Peze n’auroit aulcune chose payée synon 12 livres tournois et n’auroit iceluy Peze moyen de soy faire pourvoir dudit estat … sur ce recognurent lesdites partyes scavoir est ledit Peze qu’il n’entend soy ayder de la procuration à luy passée par ledit Moreau pour ledit office ny en vertu d’icelle soy faire pourvoir d’iceluy ains s’en est déporté et déporte par ces présentes au proffict dudit Me Jacques Denise ce stipulant et acceptant par ledit Me Simon Denise son frère en quoy faisant iceluy Me Simon Denise audit nom de procureur a quicte et quicte desdits 20 livres tz de rente consentant par cesdites présentes ledit Peze et ses héritages en estre ores et pour l’advenir du tout libres quictes et deschargés et que les les lettres de la vendition et constitution d’icelle luy soient rendues comme cassées …

Don du conservateur des Foires de Champagne et Brye à son fils étudiant à Paris, Provins 1559

Introduction

Provins était une ville sans université, et la majorité des étudiants allaient à Paris, enfin seulement ceux qui avaient des parents aisés, car il fallait financer les années à Paris. Les notaires que j’ai déjà dépouillés montrent que les parents faisaient un don foncier mais il m’est difficile de comprendre comment l’argent utile à Paris à l’étudiant pouvait parvenir à Paris ? Dans la donation que je vous mets ce jour on comprend même que la maison donnée est grêvée d’un remboursement annuel et perpétuel de rente, car le père qui avait acquise la maison ne l’a pas payée comptant, mais à rente annuelle et perpétuelle comme l’immense majorité des ventes foncières de l’époque, enfin du moins celles que je vois dans les fonds déjà vus de 1558 à Provins. Donc je comprends mal comment faisait l’étudiant sauf à rentrer à Provins au moins une fois pas an ?

Les foires de Champagne et Brye avaient un conservateur

Simon Denise, le père donateur, est lieutenant et conservateur des Foires de Champagne et Brie. J’avoue que lors de mes études secondaires, il y a 70 ans de cela, j’avais entendu parler des Foires de Champagne, mais il me semble bien que la Brye était passée totalement inaperçue !

Donation de Simon Denise à son fils, Provins 1559

Lisez bien la date pour vous rendre compte de l’écriture de Ponthus Baisela, car il utilise les chiffres romains formés à sa manière !!!

AD77-1056E475 Ponthus Baisela notaire à Provins – vue prise par Monsieur Miraucourt du CGHSM de Melun, avec son aimable autorisation

1559.05.10 -p102 vue 110- noble homme Simon Denise lieutenant et conservateur des Foires de Champagne et Brye au siège de Provins confesse avoir donné ceddé et transporté donne cèdde et transporte par ces présentes à Symon Denise son fils escollier estudiant en l’université de Paris de luy émancippé une maison ses appartenances et déppendances avec ung jardin devant de à l’opposé d’icelle maison la rue entre deulx ladite maison et jardin assis et situés en la ville de Provins actenant la grosse tour duit Provins naguères acquise par ledit ceddant de Loys Leroy et sa femme à cause d’elle à la charge touttefoys de payer par an par ledit escollier 11 sols 6 deniers de rente enviers messieurs de St Quiriace et de 15 livres tournois de rente racheptable envers lesdits Leroy et sadite femme par an seulement pour en jouyr d’icelle maison par ledit escollier et jardin …

Association entre 2 libraires pour concurrencer celle de Charles Debougne et Jean Alexandre, Angers 1524

table des actes sur les libraires à Angers

  – Charles Debougne, libraire à Angers, baille à ferme la pêche de Juigné : 1519Contrat d’apprentissage de libraire de Jean Beauchesne chez Charles Debougne : Angers 1519Thomas Blandin et Jean Elys, libraire, et Julien Barbarin, laboureur, pour cautions de création de rente, Angers 1520  – Jean Varice, libraire, à court d’argent, emprunte à un proche parent, Angers 1520Comptes entre libraires de Paris et d’Angers, 1525Philipe Bourguignon, libraire, réclame 7 ans après son mariage ce que son beau-père avait promis et non versé au mariage, Angers 1537  –  Gabriel Babou est venu de Bourges à Angers se mettre en apprentissage chez un libraire, Angers 1593   –  René Segretain, libraire, avait ses parents du côté de La Selle Craonnaise, 1605 –  

introduction

Un ouvrage est paru en 1932 Imprimeurs et libraires de l’Anjou, Emile Pasquier et Victor Dauphin. Il n’est pas mis en ligne.
Tous les actes que j’avais pu relever ont 5 siècles concernant les libraires à Angers, et pour mémoire on a même imprimé à Angers en
1476 : Premier livre imprimé à Angers, la Coutume du Maine et de l’Anjou.

L’Association Jean Alexandre et Charles Debougne

Charles Debougne libraire de 1494 à 1530 était associé à Jean Alexandre et ils ont édité en commun 10 ouvrages entre 1495 et 1503. Au décès de Jean Alexandre en 1505, Charles Debougne poursuit l’association avec un de ses fils Clément Alexandre. Et selon le dictionnaire de Célestin Port, il se serait aussi associé avec Varice en 1529. Il s’est aussi associé avec les libraires nantais pour un Missale ad usum ecclesiaie Namnetensis en 1520. Leurs ouvrages sont très rares en ligne aujourd’hui, mais le peu que j’ai pu voir montre des caractères si anciens qu’ils ne sont pas aisément lisibles sans une formation ou habitude que je n’ai pas. Ces 2 libraires d’Angers furent sans doute des pionniers dans la forme commerciale d’association pour produire en commun ce qu’un seul aurait eu du mal à réaliser. J’y vois pour ma part une immense évolution dans le commerce et ses formes, ici devant l’innovation que fut l’imprimerie.

analyse de l’acte qui suivra

L’acte est en mauvais état et je ne vous livre donc qu’une partie, mais on y lit sur les premières pages que 2 libraires sont associés depuis 2 ans en affaires de marchandise de librairie, sans doute pour leurs approvisionnements, ce que je trouve très moderne pour être déjà il y 5 siècles. Mais ils ont oublié de passer pour cette association chez un notaire pour valider leur contrat, donc l’acte est un entérinement devant notaire de leurs modalités d’association. Il semble que lorsqu’un livre manquait chez l’un l’autre assurait la livraison etc… Mais, ce qui m’a paru le plus surprenant c’est que Varice, l’un des 2 libraires, avait fait faire un inventaire de toute sa librairie par 2 autres libraires, ce qui signifie qu’il y a 5 siècles il y avait au moins 4 libraires à Angers, qui certes vendaient dans tout l’Anjou, mais c’est tout de même remarquable.
Je souligne ici, que pour avoir passé beaucoup de temps dans les liasses des notaires d’Angers du 19ème siècle, on y rencontre très rarement des actes de ce type signifiant une association en affaires. J’ai également dépouillé beaucoup d’inventaires après décès, mais plus que rarement vu des livres, et lorsqu’il y en a ils concernent surtout la religion et peu l’histoire et encore moins des romans.

Ma retranscription (partielle) de l’acte

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E121

Le 12 avril 1524 après Pasques, (Nicolas Huot notaire Angers) Sachent tous présents et avenir comme ainsi soit que dès la feste de Sainct Jehan Baptiste qu’on disoit 1520 honnestes personnes Jehan Varice le jeune marchand libraire demourant à Angers et Jacques Binaudier (orthographe qu’il utilise en signant) aussi marchand libraire demourant audit Angers se soient acompaignés et associés en leur fait de marchandise de librairie jusques à 10 ans après ensuivis et suivant l’un l’autre sans aulcun intervalle de temps, mais que … ladite association faire chacun desdits Varice et Binaudier firent déclaration de ce qu’ils pouvoient avoir et a ledit Varice faict inventorier et priser sa marchandise de librairie par Pierre Avril et Jehan Clys marchands libraires demourans en ceste ville d’Angers, laquelle marchandise ils ont trouvé monter et valloir la somme de 608 livres 17 sols tz toutes debtes paiées et … aussi a fait ledit Varice inventorier et priser chacuns ses autres biens meubles par Jehan de la (f°2) Mothe priseur juré de ceste ville d’Angers lesquels il a trouvé monter et valloir la somme de 200 livres 8 sols 4 deniers tz qui est en somme toute tant pour ladite marchandise de librairie que pour les autres biens meubles la somme de 809 livres 5 sols 4 deniers tz, et est ce que ledit Varice a rapporté, et ledit Jacques Binaudier a déclaré et rapporté avoir seulement la somme de 66 livres 10 sols tz … laquelle déclaration fust faite et raportée l’un à l’autre lesdits Varice et Binaudier eulx associés et acompagnés ensemble au fait de ladite marchandise de librairie en la manière qui s’ensuit, c’est à savoir que à la fin desdites 10 années … (f°3) que de ce que en conviendroit assemblement sans ce que deladite association il en soit fait ou passé aulcune lettre quoique ce soit qu’il fust vallable se sont transporté iceulx Varice et Binaudier par devers Nicolas Huot notaire royal audit Angers luy supplier que de leursdites associations il leur en voulust faire et passer lettres, ce que ledit Huot a bien voulu faire ; pour ce est-il que en notre court royal à Angers etc personnellement establiz lesdits Jehan Varice et Jacques Binaudier marchands demeurant à Angers soubzmectans etc confessent les choses dessudites estre vrayes et que dès ledit jour et feste de Saint Jehan Baptiste 1520 ils firent ladite association jusques à 10 ans après et encores en tant que besoing seroit ils ont fait et firent ladite association aux deux tierces parties et au dixième de leurdite association seulement en la manière que dit est davant … et ce que dit est dessus promys que … tout ainsi que ung homme de bien doibt faire … (f°4) marchandise ou besoing seroit … du prouffilt et utilité d’icelle … au mieulx qu’il pourra … entre lesdites parties que si ledit Binaudier … et sera nourry luy sa femme … ladite communauté d’entre eulx ceomme ledit Varice …

Broyage des graines de lin dans les années 1920 dans la presqu’île Guérandaise

table des actes traitant des Fagault de Guérande et Belmont

   La saga des Fagault de Louplande à la Turballe, ou la petite histoire de la sardineLa saga des Fagault de Louplande (72) à Belmont (La Turballe, 44) ou la petite histoire de la conserve de sardines de la Turballe au Maroc  – Darracq et Cie, Chenard et Walcker, et autres innombrables fabricants de voitures du début du 20ème siècle –  La tour crénelée de la Villa Belmont : La Turballe 1936 –  Les boeufs pour cultiver 1925 Testament de Marie Mélanie Séraphine Dubois veuve Fagault à Guérande 1912Menhirs et calvaire de Belmont, aujourd’hui disparus : La Turballe   –  Pêche sur le mouille-Q, mini catamaran des années 1925 : Belmont, La Turballe – Livre de bord de Belmont, tenu par René Fagault : années 1923-1925années 1926-1927 ; années 1928-1929 finLe canot des évadés de la colonie pénitentiaire de Belle-Ile a échoué à Belmont, 10 août 1921 –  Obsèques du Dr Alcime Rousseau, Herbignac 21 janvier 1923  – Broyage des graines de lin dans les années 1920 dans la presqu’île GuérandaiseLe gardien jardinier et pêcheur, Belmont, contrat de travail 1935  –  Le mât de Belmont avant la seconde guerre mondiale – La saga des FERRAND de Chalinargues (Neussargues-en-Pinatelle, 15 Cantal) à VannesFiliations des familles Dubois et Fagault

introduction

Le commentaire de Christine vient de réactiver mon intérêt pour cette famille, et fouillant dans mes papiers j’en trouve encore. Ainsi, je viens de découvrir que dans la presqu’île Guérandaise, entre les deux guerres, dans les années 1920, 1930, les Fagault vendaient un moteur à moudre les graines de lin. Je comprends donc qu’il y avait encore alors du lin dans la presqu’île Guérandaise, et qu’on savait aussi utiliser sa farine dans le pain, car  je pensais qu’autrefois on n’utilisait le lin que pour les draps ! Et, stupéfaite, je découvre sur Internet les broyeurs actuels, électriques bien entendu. 

Carte du commerce de gros Fagault Guérande années 1920 

Épicerie en gros et détail
Maison Dubois, fondée en 1814
Fagault successeurs, Guérande
Mercerie – Brosserie
Droguerie – Graineterie
Engrais
Quincaillerie
Spécialités de conserves alimentaires
de farine de graines de lin et farine de moutarde
moteur à pétrole pour moudre le poivre, concasser l’avoine, broyer la graine de lin et la graine de moutarde
Charbons
Fer et Aciers, Meules
C’est assez varié, et je pense que la presqu’île Guérandaise s’étendait de Saint-Nazaire à Piriac

 

 

Guy Lailler sieur de la Roche de Noyant n’a pas payé les draps de laine, 1606

Je poursuis l’analyse des signatures LAILLER. Guy LAILLER sieur de la Roche de Noyant est le fils aîné d’Antoine, et son principal héritier. Il épouse avant 1597 Anne de PIERRES.  Ils acquièrent en janvier 1619 la seigneurie de la Gravoyère. Il décède sans postérité en 1620, entre le 5 mars, date à laquelle Anne de Pierres est dite son épouse dans le registre paroissial, et le 26 octobre date à laquelle elle est dite sa veuve. Il laisse les terres de la Roche et de la Gravoyère à son frère puiné Jacques.
L’acte qui suit est une contre-lettre à son caution car il est condamné à payer ses dettes de draps de laine et manifestement n’a pas encore l’argent pour payer. La signature de Guy Lailler, sur tous les actes, dont celui ci-dessous, est clairement LAILLER. Et j’ajoute ici que le drap de laine n’est que le tissu de laine pour faire les vêtements, et comme je suis une fervente de la laine et des tissus anciens, je peux affirmer qu’ils étaient chauds.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E8 :

Le vendredi 29 décembre 1606 après midy, par devant nous René Serezin royal à Angers feut présent personnellement estably Guy Lailler escuyer sieur de la Roche de Noyant la Gravoière demeurant au lieu seigneurial paroisse de Noyant lequel soubzmis soubz ladite cour luy ses hoirs etc a recogneu et confessé que combien que aujourd’huy noble homme Jehan Jary sieur de la Tousche à ce présent et acceptant ayt baillé à sire René Lemesle marchand de draps de laine Angers cédulle et promesse de la somme de 137 livres tz à cause de prest et icelle rendre et payer dedans Pasques prochainement venant néantmoins la vérité est que ce que ledit sieur de la Tousche en a faict a esté à la prière et requeste et pour faire plaisir audit sieur de la Roche, auquel au moyen de ladite promesse et cédulle ledit Lemesle auroit baillé acquit de pareille somme de 137 livres tz qui luy est deue par ledit sieur de la Roche pour vendition et livraison de marchandise de draps il auroit obtenu jugement au siège présidial d’Angers le 19 mars 1605 que pour frais et despends adjugés par ledit jugement et autres frais en conséquece d’icelui jusque à ce jour, lequel jugement ci-devant mentionne et procès et procédures que ledit Lemesle (f°2) avoit iceluy Lesmesle auroit rendue et baillée et encore solvée et acquitée audit sieur de la Roche par le moyen de ladite cedulle et pour raison aussi que ledit sieur de la Roche a confessé ; partant ledit sieur de la Roche a promis et promet audit sieur de la Tousche de payer audit Lemesle ladite somme de 137 livres tz dedans ledit jour et feste de Pasques prochainement venant et lui rendre sa cédulle et promesse dedant ledit temps comme nulle solvée et acquitée, à peine de touttes pertes despens dommages et intérests, stipullez et acceptez par ledit sieur de la Touche en cas de deffault, à laquelle contrelettre promesse et tout ce que dessus tenir etc oblige ledit sieur de la Roche luy ses hoirs renonczant etc foy jugement et condemnation, fait et passé audit Angers maison de nous notaire présents Pierre Leveau sieur du Préneuf et François Bernier demeurant audit Angers tesmoins

Histoire de la quincaillerie en gros Guillouard, rue St Jacques, Nantes

De la graineterie à la quincaillerie en gros

Je vous ai déjà parlé de la graineterie Moriceau à l’angle de la rue St Jacques et la rue du Frère-Louis 1814-1860 La petite-fille des Moriceau, Victorine Grelet, est aussi issue de maçons et serruriers qui avaient la bonne idée de ne pas avoir trop d’enfants, mieux d’avoir des célibataires qui gagnaient bien leur vie, et laissaient tout à l’unique nièce, de sorte qu’elle était aisée. Elle épouse un bel homme du quartier, Francis Guillouard, et ensemble ils reconstruisent le bâtiment un peu vétuste de l’ancienne graineterie et y créent un magasin de quincaillerie en gros, qui répond sans doute à un tel besoin qu’il va bientôt livrer plusieurs départements, de la Vendée au Morbihan.
Francis et Victorine vont vivre dans l’appartement au dessus du magasin toute leur vie. Ils vont avoir 7 fils, aucune fille. Sur ces 7 fils, 2 meurent en bas âge, un meurt au front en 1914, 2 vont créer en 1911 l’usine ALG et 2 vont avoir en partages égaux la quincaillerie en indemnisant les autres. Ils vont élever leurs fils non dans les études supérieures mais dans une multitude de contacts avec les fournisseurs, leur visite, et la visite de l’exposition universelle de 1890 foires à Paris etc…, leur inculquant ainsi des connaissances de la fabrication des articles ménagers.

articles de ménage et de bâtisse

Le papier à lettre de la maison de commerce de François Guillouard en 1909 montre l’étendue des produits, alors surtout destinés à des artisans plus qu’aux particuliers : Pointes fines et ordinaires – Clouterie forgée et mécanique – Clous à cheval – Vis à bois, boulons – Fourches acier – Baldaquins – Outils de forge, de charpentier, charron, menuisier, plâtrier, couvreur, sabotier – Carton bitumé – Poterie de fonte – Grillages, fil fer, meules à aiguiser – Fourneaux, cuisinières – Chaines – Huile, essence, vernis – Peinture – Verres à vitre  

la livraison avec 19 chevaux

Pour livrer il faut beaucoup de chevaux, et ils sont en partie rue de Bonne Garde, en partie à Rezé, et pour mesurer les distances des lieux géographiques éloignés, et même très éloignés, Francis Guillouard a des cartes et même un ouvrage qui donne les distances, alors mesurées en lieues. Donc il sait combien de lieues pour atteindre le FInistère etc… Il faut aussi beaucoup de personnel, et les photos ci-dessous datent d’avant la première guerre mondiale, environ 1909. Il faudra attendre après la seconde guerre mondiale pour voir la disparition des chevaux de livraison.

le magasin rue St Jacques et rue du Frère Louis

Pour stocker les marchandises, Francis Guillouard loue des maisons à l’arrière, donnant rue du Frère Louis, et il les acquiert pour 8 500 F en 1899, d’un vendeur incroyable : la ville de Nantes, qui est le plus généralement acquéreur pour expulser et agrandir les voies.

Cet acte, rare, car le vendeur est la ville de Nantes, concerne :
Un immeuble sis rue du Frère-Louis, porté au plan cadastrail de la commune de Nantes sous les n°2022 de la section P, comprenant une maison composée d’un rez-de-chaussée, de trois pièces et un cabinet servant actuellement de magasin – une cour à l’est et au sud de cette maison – hangar, puits et water-closets dans la cour, le tout en un seul tenant, d’une contenance de 350 m2
environ, borné au Nord par Mr Guillouard acquéreur, à l’Est par la propriété Haudemont, au Sud et à l’Ouest par la rue du Frère-Louis avec entrée sur cette rue. Suivent 4 pages sur l’’origine de propriété et on apprend que « ladite parcelle avait été distraite d’une propriété qui était échue aux consorts Maillard et Grelet sus-nommés, dans diverses successions, ainsi qu’il est expliqué ». Ainsi, pendant des décennies, on peut se demander à quoi la ville de Nantes jouait en spoliant pour revendre enfin.

En 1909 vient l’heure de placer les 5 fils

Et ce n’est pas rien, mais tous ont appris la dynamique de la fabrication, des circuits commerciaux, des besoins évolutifs des clients, et la comptabilité, tous les 5 sont armés pour l’avenir, et les parents font les partages, et y installent un atelier de ferblanterie, car le fer-blanc, acier doux étamé, est à la base des boîtes de conserve qui se développent et des articles de ménage comme seaux, brocs, lessiveuses… Edouard et Charles prennent la quincaillerie, qui vend toujours à des artisans menuisiers, charpentiers, forgerons, charrons et le bâtiment.

 

1914 arrive la guerre

Edouard passe les 4 années au front, notant tout, tandis que le lieutenant Leglaive photographie. J’ai publié ces rares documents de la guerre de 14-18 Joseph meurt au front dès les premières hostilités. Charles garde la quincaillerie, et Adrien et Louis sont plus utiles à la France à fabriquer des seaux etc.. pour l’armée, et bientôt des armes. L’une des images du cahier de guerre d’Edouard Guillouard résume cette production utile, car pour ces millions de soldats il fallait tant de seaux, gobelets pour boire, etc… pour la nourriture etc… et Edouard quand il voyait une nouvelle munition allemande, s’empressait de l’envoyer à Adrien, le surdoué en inventions.

La guerre enfin terminée, le commerce qui a manqué de clients, la plupart au front, va cahin caha, tandis que l’atelier de production a prospéré.

La quincaillerie est bombardée en 1943

Le 23 septembe 1943, la seconde vague des bombardiers alliés touche St Jacques, détruit des immeubles, fait un immense trou devant l’église et touche la quincaillerie Guillouard. Comme de nombreux magasins bombardés, le commerce s’arrête, le personnel est sans travail, et le pillage, fléau de toutes les guerres, mais dont on parle généralement moins, s’ajoute à la douleur.

reconstruction de la quincaillerie

Fin de la quincaillerie

Dans les années 1950 le plastique remplace beaucoup le fer galvanisé ; il est bien meilleur marché et le chiffre d’affaires baisse en conséquence. Puis dans les années 1960 les grandes surfaces apparaissent et détruisent tous les commerces au détail de proximité, y compris les quincailleries donc la quincaillerie de gros. La fermeture entraîne les primes de licenciement des salariés, reste seul le bâtiment, qui est loué en 1982 à Meuble Inter jusqu’au 17 février 1989 ou un feu de poubelle sur la rue entraîne l’incendie du magasin. C’est la fin, et le bâtiment est vendu à un promoteur immobilier quelques mois plus tard.

Voici la cadastre moderne montrant bien la plan de l’immeuble de l’angle de la Rue du Frère-Louis, qui fut l’ancienne quincaillerie Guillouard.