Mémoire des victimes du naufrage du Saint-Philibert 14 juin 1931


Au cimetière Saint-Jacques à Nantes, il y a une immense tombe à la mémoire du naufrage du Saint-Philibert qui fit près de 500 victimes au retour de Noirmoutier le 14 juin 1931. Quand j’étais petite, chaque Toussaint mes parents s’y arrêtaient car elle était sur notre chemin, et nous contaient ce drame.

Cette tombe est toujours entretenue et fleurie par les services municipaux (photo en 2011). En fait cette tombe contient les 54 victimes non réclamées par de la famille. Ces victimes « sans famille » avaient d’abord été inhumées dans divers cimetières Nantais, dont Toutes-Aides, puis la ville de Nantes eu la bonne idée de les regrouper et rassembler toutes les 84 au cimetière Saint-Jacques.

Le 14 juin 1931 naufrage du Saint-Philibert sur le site de la Cote de Jade, très riche de photos et documents
et plus bref sur Wikipedia

les loisirs en 1931 

Les ballades en voiture n’existent pas encore, car la France ne compte que 201 000 voitures en 1931, dont celle d’Edouard Halbert, le premier et seul en 1930 à posséder une voiture à Nantes Sud Loire St Jacques.
Mais le train existe, entre autres pour Pornic… ou l’été on peut prendre un bateau pour Noirmoutier.
Le Gois n’est pas encore pavé :
« Après un premier empierrement réalisé en 1868, le Gois est consolidé, balisé puis empierré dès 1924. Le pavage de la chaussée et la construction des balises-refuges interviennent entre 1935 et 1939 achevant de transformer le gué d’origine en voie d’accès à l’île mais aussi aux parcs ostréicoles de la Baie de Bourgneuf proches de cette voie. Le passage du Gois entre alors définitivement dans la légende attirant, chaque année, une foule impressionnante de curieux et de pêcheurs à pied. » 
On se déplace souvent en bateau et les Messageries de l’Ouest assurent beaucoup de liaisons par eau, plus nombreuses en été, et elles offrent même aux Associations des voyages spéciaux, à partir de Nantes, comme ce sera le cas avec l’association Loisirs au départ de Nantes sur le Saint Philibert.
Vous voyez sur leur annonce ci-contre qu’elles offrent plusieurs excursions qui étaient alors une découverte de loisirs pour la population Nantaise.

Nantes est une ville ouvrière, avec entre autres l’usine des Batignolles « offrant à une partie de son personnel des maisons individuelles avec jardin, l’accès à une école primaire, à un cinéma ou à un dispensaire. Alors que les cadres prennent possession de bâtisses en pierre, les ouvriers héritent de pavillons en bois au confort rudimentaire, et les célibataires, souvent étrangers, occupent des chambres dans des bâtiments collectifs ou des wagons désaffectés. Car l’Europe s’est donnée rendez-vous aux Batignolles, l’usine ayant recruté une partie de son personnel qualifié au-delà des frontières nationales, en Pologne comme en Allemagne, en Italie comme en Tchécoslovaquie ou en Autriche. »

 

 

Un dimanche à Noirmoutier, 1924 

Ma tante Odette Guillouard 15 ans est pensionnaire à Châvagnes à Nantes en 1924 et on lui impose la rédaction  : « racontez une belle journée »….  Je suppose que le temps employé était aussi imposé, car ce passé  que nous ne parlons plus me semble venu de très loin… Pour avoir bien connu ma tante, je puis vous certifier qu’elle ne parlait jamais ainsi, mais que ne lui a-t-on faire faire à l’école. J’appartiens à la génération qui n’a pas utilisé ce passé.
A travers ce récit je comprends pourquoi ma famille avait gardé un si grand souvenir du Saint Philibert, puisque mon grand père l’utilisait avec ses enfants, par chance, par beau temps… En 1924 Odette 15 ans, Robert 13, Thérèse 10 et Monique 4.

Mon premier voyage à Noirmoutier

Longtemps déjà papa nous avait promis un voyage sur mer, celui de Noirmoutier, et nous brûlions d’impatience depuis cette promesse de connaître ce nouveau pays et voici que ce jour si heureux et si ardemment attendu arriva.
Après avoir entendu la messe[1] de sept heures à la Bernerie, nous montâmes, papa, mon frère et moi à la gare  où nous devions prendre le train[2] de huit heures et demie.
Les billets pris, nous allâmes nous asseoir sur un banc car nous étions en avance de quelques minutes. A huit heures et demie le train arriva chargé comme de coutume de nombreux voyageurs. Après avoir freiné le train s’arrêta et le chef de gare cria de sa voix rude : « les voyageurs pour La Bernerie descendent , La Bernerie ». Les portières s’ouvrirent en grand nombre pour laisser passage à des gens descendant à La Bernerie. Nous montâmes donc dans un wagon[3] vide et nous entendîmes bientôt le sifflet, signal du départ. Nous ne fîmes qu’un petit voyage dans le chemin de fer, car nous ne nous sommes arrêtés qu’au Clion et puis ensuite à Pornic où nous devions descendre.
A la descente du train, nous nous sommes dirigés vers la porte de sortie, puis nous avons pris le chemin du bateau.
Nous passâmes par le port où les bateaux allaient et venaient sans cesse. Après avoir pris une sucette chez le patissier nous arrivâmes au bateau.
Neuf heures sonnaient lorsque nous prîmes place que le pont supérieur du bateau où déjà un certain nombre de personnes prenaient place. Nous attendîmes quelques minutes avant le départ du bateau lorsque tout à coup, le capitaine monta dans sa petite cabine. Le bateau siffla plusieurs fois, puis il démara. Nous sortîmes du port à une faible vitesse car nous accostâmes à la Noëveillard afin de prendre quelques personnes.
Vers neuf heures un quart, nous partîmes, en pleine mer pour ne plus s’arrêter qu’à Noirmoutier.
Le temps était radieux, la journée s’annonçait belle. Le ciel, couleur d’azur, ne présentait aucun nuage. La mer, loin d’être fougueuse et déchaînée semblait d’huile et le bateau ne secouait pour ainsi dire pas. Le trajet se fit sans encombre. Nous étions assis non loin des cheminées et de la chaudière, et nous voyions très bien le capitaine. La mer, boueuse à La Bernerie, moitié bleue à Pornic, devint bleu couleur du ciel, de plus en plus que l’on se rapprochait de l’île.
Plus le bateau avançait, plus l’île se découpait. En avançant toujours nous pûmes distinguer le bois de la Chaise, le grand Hôtel Beau Rivage. Le chemin se continuait toujours. Enfin nous voici arrivés. Le bateau fit une grande manœuvre et nous débarquâmes. Là, se trouvait des gens, un certain nombre, qui attendaient des voyageurs. Arrivés sur l’esplanade, une petit garçon, chargé de donner pendant la traversée des feuilles de réclame pour une hôtel, laissa tomber par mégarde sa casquette dans la mer, mais un bateau vint la prendre.
A la sortie de l’esplanade nous fîment notre entrée dans le bois. C’était charmant, ce petit coin était très pittoresque. A la sortie du bois, nous vîmes une grande plage s’étaler sous nos yeux occupée par quelques baigneurs.
Nous louâmes un sapin[4] qui devait nous mener au bourg même de Noirmoutier, mais il devait auparavant nous descendre à l’hôtel St Paul (ci-contre).
Arrivés à Noirmoutier, nous furent descendus auprès de l’église. Nous y entrâmes quelques secondes car c’était la grand’messe. Nous firent une petite promenade dans le bourg et nous visitâmes l’église la messe terminée, elle était très jolie. Elle renferme les restes de St Philibert mais comme la crypte était fermée nous n’avons pu visiter son tombeau. Ensuite nous avons pris le chemin de l’hôtel, car, je l’avoue, nous avions bien faim. Après avoir bien mangé, nous allâmes faire une promenade à pieds dans le bois. Il y faisait frais, il y faisait bon y respirer la suave odeur émanée par les pins ; nous avons examiné de près le phare rouge, nous avons vu un beau bateau à voile accoster.
Après s’être ainsi promenés, nous allâmes louer des ânes. L’on fit monter papa sur « La Parisienne », mon frère sur « Caroline » et moi sur « Martin ». Mon âne ne voulait faire que du trot et je l’avoue encore je n’étais pas très rassurée là-dessus.
Notre promenade à âne finie, nous nous sommes rafraichis puis nous envoyâmes des cartes postales. Quatre heures arriva bientôt, heure où le bateau retourne à Pornic. Nous partîmes très tranquillement prendre le bateau St Philibert. Assis sur le St Philibert, nous attendîmes le départ un bon moment. Notre attention se tourna vers la place près de laquelle sur la mer dormante de nombreuses périssoires[5] évoluaient. Une course de périssoires s’engageait, une dizaine participait au concours, mais les périssoires tournèrent près des rochers et ceux-ci nous interdisaient de suivre la course des yeux.
Après avoir fait entendre son appel, le bateau démarra et nous partîmes sur la mer encore plus tranquille et plus dormante que le matin.
Plus le bateau s’éloignait, plus l’île faiblissait à nos yeux, et, au contraire plus le bateau avançait plus la côte opposée devenait apparente.
Partis de Pornic sur le petit St Nazaire, nous revinrent à Pornic sur le grand St Philibert. Enfin après une heure de bateau nous accostâmes à Pornic à la Noëveillard. Nous allâmes à pieds jusqu’à la gare de Pornic où nous prîmes le train pour La Bernerie. Après un petit parcours de vingt minutes à peine nous entrâmes en gare de La Bernerie. De nouveau l’employé de gare crie : « les voyageurs pour La Bernerie descendent, La Bernerie ». Nous ouvrîmes la portière et nous descendîmes du train, nous sortîmes et nous partîmes heureux et contents du beau voyage de Noirmoutier.
Comme Noirmoutier est en face La Bernerie, j’essaie tous les jours à retracer les différents lieux où je suis passée car on voit très bien Noirmoutier de La Bernerie.
Odette Guillouard, non daté (mais ma famille situe ce voyage en 1924).
[1] Odette Guillouard est élève à Chavagnes, donc dans sa rédaction elle prend soin de noter un zèle religieux
[2] ce train existe toujours (voyez le site des TER Pays de Loire)
[3] non un « compartiment vide », car les wagons voyageurs de l’époque avaient de multiples portes latérales, une par compartiment.
[4] nom populaire du fiacre hippomobile, qui tire son nom du bois du véhicule
[5] canot

Un photographe de rue à bord 

Y avait-il un photographe de rues à bord du Saint Philibert lorsqu’il quittait Nantes à 6 h 30 pour Noirmoutier ? En effet, la France est pionnière de la photo de rues en 1930, et cette photo, transmise par Elisabeth, atteste une pose exceptionnelle car l’homme est seul (généralement en famille), il a une pose inhabituelle à l’époque, enfin la photo montre la bouée portant le nom SAINT PHILIBERT et est manifestement prise du pont inférieur, ce qui serait tout à fait un travail très rare en famille.
J’ajoute que ma famille a des photos de cette époque, mais bien moins nettes et plus posées en famille, donc j’émets cette hypothèse. Donc, je suppose qu’il y avait un photographe professionnel à bord, et que d’autres familles ont des photos de ce type. Si vous en avez vous pouvez les adresser (en supprimant les espaces : odile h @odile-h a lbert.com

Nombre et liste des naufragés 

Autrefois, seuls les adultes étaient comptés à l’embarquement, et ils étaient 457 à  bord, mais ils avaient avec eux des enfants, et même beaucoup, d’où le nombre plus élevé de victimes car les enfants étaient nombreux.
Liste des victimes sur Geneanet

Identification des victimes 

Certaines victimes ne furent identifiées que des mois plus tard. Voici l’exemple de Charlotte Martinetti épouse Tableau dont le père, corse né à Tasso fut gendarme à Douarnenez :


Etat-civil de Nantes 4°C : « Le 26 décembre 1931 nous retranscrivons le décès dont la teneur suit : Extrait du registre des actes de décès de la commune du Croisic (Loire-Inférieure) le 26 juin 1931 à 13 h 30 minutes nous avons constaté le décès d’une personne de sexe féminin qui a été trouvée ce jour en mer au large du phare de la Banche, par le bateau de pêche « Sam Both » n°612 de St Nazaire-Le Croixic, patron Jean Lehuédé, domicilié au Croisic, et dont l’identité n’a pu être établie. Le signalement est le suivant …. Dressé le 26 juin 1931 à 14 h sur la déclaration de Pierre Belliot, 41 ans, garde-champêtre, domicilié au Croisic, qui, lecture faite, a signe avec nous Auguste Masson, maire du Croisic – Mention en marge : Rectifié par jugement du Tribunal Civil de première instance de l’arrondissement de Saint-Nazaire, rendu le 4 décembre 1931, en ce sens que l’acte de décès ci-contre s’applique à Charlotte Martinetti, née le 3 octobre 1891 à Douarnenez (Finistère) de François et de Marie Antoinette Moracchini, épouse de Tableau Félix Joseph, institutrice publique, domiciliée à Nantes 25 avenue du Grand Clos, décédée en mer le 14 juin 1931 lors du naufrage du vapeur Saint-Philibert » Son corps est donc retrouvé le 26 juin au large du Croisic et on trouve son inhumation le 29 octobre 1931 au cimetière Miséricorde à Nantes, mais le jugement civil  n’est que le 4 décembre. J’ignore comment la famille a participé à l’identification… et je suppose que les frais, certainement élevés de transport des corps etc… étaient pris par les pouvoirs publics…

Seconde vie du St Philibert 

Renfloué et transformé en remorqueur sans les 2 ponts pour passagers en promenade, et rebaptisé « les Casquets », il part d’abord à Bayonne transporter des marchandises sur l’Adour. Il n’y restera pas, regagnera la Bretagne, sous divers noms, et ne sera désarmé qu’en 1979, soit 48 ans après son naufrage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le procès


Malgré une certaine lucidité en cour d’appel : « le Saint-Philibert était un bateau de rivière et d’estuaire, qui ne  possédait aucune des qualités nautiques pour effectuer par gros temps une excursion en mer avec un aussi grand nombre de passagers à bord »
la Cour d’Appel ne fera qu’enterriner purement et simplement la parodie de justice du tribunal civil de Saint-Nazaire et aucun responsable ne sera poursuivi…

 

 

 

Obsèques du Dr Alcime Rousseau, Herbignac 21 janvier 1923

table des actes traitant des Fagault de Guérande et Belmont

   La saga des Fagault de Louplande à la Turballe, ou la petite histoire de la sardineLa saga des Fagault de Louplande (72) à Belmont (La Turballe, 44) ou la petite histoire de la conserve de sardines de la Turballe au Maroc  – Darracq et Cie, Chenard et Walcker, et autres innombrables fabricants de voitures du début du 20ème siècle –  La tour crénelée de la Villa Belmont : La Turballe 1936 –  Les boeufs pour cultiver 1925 Testament de Marie Mélanie Séraphine Dubois veuve Fagault à Guérande 1912Menhirs et calvaire de Belmont, aujourd’hui disparus : La Turballe   –  Pêche sur le mouille-Q, mini catamaran des années 1925 : Belmont, La Turballe – Livre de bord de Belmont, tenu par René Fagault : années 1923-1925années 1926-1927 ; années 1928-1929 finLe canot des évadés de la colonie pénitentiaire de Belle-Ile a échoué à Belmont, 10 août 1921 –  Obsèques du Dr Alcime Rousseau, Herbignac 21 janvier 1923  – Broyage des graines de lin dans les années 1920 dans la presqu’île GuérandaiseLe gardien jardinier et pêcheur, Belmont, contrat de travail 1935  –  Le mât de Belmont avant la seconde guerre mondiale – La saga des FERRAND de Chalinargues (Neussargues-en-Pinatelle, 15 Cantal) à VannesFiliations des familles Dubois et Fagault

introduction

Il se déplaçait encore à cheval, mais quelques médecins de campagne avaient déjà une automobile. Les accouchements relevaient encore des médecins de campagne. Certes, auparavant pour les accouchements il n’y avait que les matrones désignées… 

« Les obsèques de M. le Dr Rousseau ont eu lieu dimanche 21 janvier 1923[1], en présence d’une foule considérable, venue de tous les alentours, à 20 km à la ronde.

discours du Dr Amédée Monnier

Sur la tombe, le Dr Amédée Monnier, professeur à l’école de Médecine de Nantes, et ami personnel du défunt, prononça un magnifique discours que nous avons tenu à reproduite ici intégralement :

C’est avec une indicible émotion et une douloureuse surprise que j’ai appris la mort du Dr Alcime Rousseau. Avec une grande émotion, car il était mon ami depuis la jeunesse, et aussi l’ami des vieux jours, ami sûr, ami fidèle. Avec surprise, car rien ne faisait prévoir que sa fin fût si proche. Son activité était restée la même. Le jeudi 18 janvier, il avait continué ses habitudes professionnelles. Dans la soirée survient un cas d’obstétrique urgent, particulièrement pressant. Prévoyant que des complications sont susceptibles de se produire, et jugeant que de sa résolution dépend le sort de 2 êtres, que dès lors sa présence est indispensable, bien que déjà en pareille occurrence il avait ressenti une fatigue réelle, sans hésiter et malgré des conseils opposés, il part, il se précipite au grand galop de son cheval. Le cas est sérieux en effet : l’intervention sera laborieuse. Qu’importe ? Il déploiera tout son art, il y mettra s’il le faut, toute sa force. La manœuvre est habilement exécutée ; elle s’achève heureusement. La mère et l’enfant sont sauvées. Le tâche accomplie, il accuse un malaise, il s’assied et tombe foudroyé comme tombe sur son champ de bataille après un dur combat le soldat victorieux mais épuisé et à bout de souffle.
Ainsi « ce bel ouvrier est mort l’outil à la main » et son dernier geste aura été un geste de générosité héroïque au service d’une malade en péril. Pouvait-on demander plus au médecin, qui depuis 35 ans, dans des conditions qu’il est inutile de préciser ici, se dépensait pour les autres sans compter ? N’est-ce par là le couronnement le plus magnifique d’une vie, qui se résume dans les mots : Intelligence, Travail, Dévouement, Probité, Modestie. Des médecins de cette trempe méritent d’être signalés. Inclinons-nous respectueusement. Comme elle est pour ceux qui ont vécu dans son intimité, cette brusque mort est pour la contrée une perte cruelle. Sans nul doute elle laissera un vide dont bientôt on appréciera l’importance, car on peut l’affirmer, sans porter préjudice à qui que ce soit, le poste que le Dr Alcime Rousseau remplissait d’une façon admirable, personne ne le remplira comme lui.
Les débuts de sa vie ont été difficiles et rudes. De très bonne heure orphelin, il ne perdit point courage. Il n’avait point de fortune, mais il avait mieux déjà : un cerveau et une volonté. Il sut, par des procédés multiples, qui pour d’autres auraient pu paraître humiliants, mais qui ne faisaient qu’ennoblir une âme comme la sienne, donner du premier coup à sa vie l’orientation la meilleure et la plus sûre. Il avait en outre hérité des sentiments et des principes excellents d’une famille aussi modeste que naturellement distinguée. Et il garda une fidélité invariable aux exemples reçus de ses premiers maîtres, aux principes et aux idées qu’il en avait reçus et qu’il savait justes.
Sa réputation était celle d’un laborieux, d’un laborieux obstiné et fervent de la méthode. Au Collège, à l’Ecole de Médecine, à l’Hôpital il a tenu le premier rang parmi les élèves. Il a vécu à cette époque surtout dans le monde « des livres ». Durant sa vie d’étudiant ou d’interne, on était sûr de le rencontrer dans sa chambre, au travail, et aussi d’être reçu avec le plus parfait accueil ; Il n’en sortait d’ailleurs que pour aller prendre ses repas ou donner des répétitions, – son gagne-pain, – ou visiter sa sœur, la seule survivante de sa famille, dont il avait un peu la charge. Quant aux réunion ou fêtes publiques il les fuyait pour la raison qu’elles sont la plupart du temps d’un profit douteur et qu’elles auraient pu diminuer son entraînement au travail.
A sa sortie du Collège, le Dr Rousseau possédait déjà un bagage bien assorti de connaissances non seulement des auteurs français mais aussi des auteurs grecs et latins à l’instar de beaucoup de jeunes gens de l’époque, sous l’influence bienfaisante de programmes bien établis. Il garda jalousement le goût de telles études et dans la suite, malgré les soucis et les multiples occupations d’une clientèle étendue et dense, il aimait à se tenir au courant de certaines publications de choix, les goûtait sûrement et s’en délectait entre deux courses, comme on se délecte d’un délicieux aliment. Ainsi, sous des apparences simples, peu communicatives, quelque peu froides ou même timides, il cachait un esprit brillant, d’une finesse originale, un caractère à la fois plein de douceur et d’énergie, un cœur très bon. Ses causeries étaient aimables, spirituelles, agrémentées d’une érudition parfaite, dont il ne cherchait certes pas à se prévaloir. D’ailleurs aux mérites incontestables de son esprit s’ajoutait, comme complément, une saine modestie. Et je ne suis pas certain que cette modestie ne lui ait porté parfois préjudice. Ceux qui l’ont connu ne l’ont point connu ambitieux. Il vivait loin du bruit, en dehors du monde, en dehors des « clans ». Il regardait comme préférable de laisser à d’autres, qui n’avaient pas sa valeur, le soin de ravir les places, de « décrocher » les honneurs, de « violenter » la renommée.
C’est avec de telles qualités d’esprit et de cœur qu’il se présenta dans le canton d’Herbignac, pour y exercer la médecine. Ses connaissances étaient à point. Pour les acquérir et les parfaire il n’avait rien négligé. Il avait plutôt entamé sa santé qu’il n’avait gaspillé son temps. Ses maîtres, ses camarades, tant de l’hôpital que de l’Ecole de Médecine, savaient reconnaître et apprécier unanimement sa grande valeur. Tous s’attendaient à le voir poursuivre plus loin ses actives et complètes études, et à porter ses vues vers de plus hautes sphères. Mais lui était la simplicité même comme il était le désintéressement en personne. Un oncle qui fut un protecteur et un ami, et qui avait été toujours pour lui un sage conseiller l’engagea, vu son influence dans le pays, à venir à ses côtés. Par déférence plus que par goût peut-être, le Dr Rousseau écouta cette voix, qui retentissait comme un doux écho du foyer familial, dont de si bonne heure il avait été privé. La décision fut prise en ce sens. Voilà pourquoi la petite ville d’Herbignac fut dotée en l’année 1888, d’un médecin de haute valeur, d’un clinicien avisé, d’un praticien aussi modeste que distingué, doublé d’un homme charmant et plein d’esprit. Et pendant 35 années, il y a vécu d’une vie qu’un biographe aurait à décrire. Et il y a vécu, durant ce long intervalle de temps, sans presque en sortir, attaché qu’il était à sa besogne de médecin de campagne. A 60 ans et plus, on l’a vu aussi ardent au travail qu’il l’était à 10 et surtout à 20 ans. Que dis-je ? Avant-hier encore il s’attelait à une tâche qu’il n’aurait pas dû faire et qui lui a été si fatale. Aussi bien a-t-il jamais refusé à quelqu’un ses services, ses conseils, son appui ? Prenait-il même le temps de reposer son corps fatigué, un peu usé même ? « Prendre du repos » est un terme bien vague et une impossibilité quand il s’applique au médecin qui comme le Dr Rousseau était sans cesse sur la brèche, c’est-à-dire au service de ceux qui souffrent, peinant le jour et combien de fois la nuit, ayant pour principal souci de faire son devoir en soulageant, heureux et fier de porter très haut et très droit le drapeau médical, dont il était un si signe représentant.
Il était en effet de ceux qui se font gloire d’être médecins et qui mettent la science médical au-dessus de tout ; à coup sûr, il la prisait plus que le prestige mesquin d’une richesse sèche et stérile ou d’un blason improductif et sans mérite. Enfin il pensait justement que c’est le médecin qui fait sa situation et non la situation qui fait le médecin. Cela se sentait dans son attitude. Fût-on prince, fût-on paysan, il semblait avoir, quand on l’abordait, un air quasi grave avec un langage peu familier. Unique effet, marque évidente de cet esprit de distinction, dont il était fortement imprégné et dont il ne s’est jamais départi. Ce n’était chez lui ni parade ni pédantisme. Personne ne s’y trompait. Tout le monde l’estimait. Il était surtout aimé de deux à qui il livrait sans compter les trésors de sa science, de sa bienveillance et de son dévouement absolu. Il y aurait beaucoup à dire sur cette vie de labeur et d’effacement. Les limites d’une esquisse aussi rapide l’interdisent. Mais si l’on en juge par l’affluence énorme et recueillie qui s’est empressée autour de sa tombe, on en déduit aisément que le Dr Rousseau a été compris, que chacun lui est reconnaissant d’avoir accompli sa rude tâche avec une conscience, une fidélité et un zèle qui sont allés jusqu’au sacrifice de sa vie.
Déjà cette certitude doit réconforter ceux qui le pleurent si amèrement. Mais ce réconfort s’accroît encore du fait que ce médecin de grand cœur et d’esprit élevé était un chrétien dans toute l’acception du terme. Et sa foi n’était pas une foi de surface. Elle s’appuyait sur des convictions solides, puisées dans une étude approfondie des récits historiques anciens. Il avait étudié avec réflexion, attachant une grande importance aux traductions authentiques et aux faits rapportés par les témoins d’une époque. Il ne rejetait jamais de parti pris un texte, sous prétexte que la clarté n’apparaissant pas à son intelligence, qui malgré tout avait des bornes, comme toute intelligence.
De tous points de vue donc, on ressent un réel chagrin de voir disparaître une aussi noble figure, de voir s’en aller l’un des meilleurs et l’un des plus parfaits ouvriers de la médecine. Et n’avais-je pas raison au début de ce discours de proclamer qu’une mort aussi subite est pour tous une perte cruelle. Et si maintenant je reporte ma pensée au foyer que cette belle âme a quitté, à cette femme éplorée qu’un tel drame accable, à ces fils, à cette famille dont il était le soutien, la force, la lumière, la fierté, le bonheur enfin, mon émotion grandit, ma voix devient de plus en plus hésitante. Je n’ai plus qu’à garder le silence et à verser des larmes avec eux, aucune parole n’était capable de consoler ou d’adoucir une semblable douleur.

Mon cher Alcime
En toi j’ai perdu un excellent ami. Ma tristesse sera éternelle. Ne m’en veux pas d’avoir pris la parole sur ta tombe. Notre amitié était si vieille et si forte – vieille et forte – nous nous le répétions souvent – de plus de 50 ans, que j’ai regardé comme une obligation de jeter un peu de lumière sur les beautés de ton caractère d’homme et de médecin, sur « les inconnues » de ton âme résignée. Cette âme, se réflétait entière dans ta franche, douce et réconfortante amitié. Cette âme, ta compagne si signe, si dévouée, si pieuse, si sincère, l’a reconnue dans l’affection dont tu n’as cessé de l’entourer. Tes fils l’ont certainement comprise. Ils t’imiteront, eux qui se sont distingués sur les champs de bataille de la Grande Guerre, eux qui savent que l’honneur n’est pas un vain mot. Aussi bien ils tiendront à conserver intact l’héritage fameux que tu viens de leur transmettre. Ainsi ils perpétueront ton souvenir et par eux nous en vivrons.
Mon cher Alcime, ta vie a été celle d’un sage et d’un chrétien. Ta mort a été glorieuse. Repose maintenant dans la Paix et que Dieu te donne dans le Ciel promis aux élus la place qu’il t’a destinée.
Ami, au revoir.
En cette douloureuse circonstance, nous renouvelons nos très vives condoléances aux familles Rousseau et Fagault.

 

[1] AD44/Presse : Le Guérandais

Autrefois on lavait le linge à la rivière, quand on en avait une à proximité : sinon covoiturant en charette à boeufs pour faire plusieurs km

Internet fourmille de sites vous expliquant la lessive autrefois. Tous ont un point commun : la rivière.

Alors, comment faisaient ceux qui n’avaient pas de rivière à proximité ? J’ai un acte des archives en série U qui vous relate comment on faisait et je viens vous le commenter.

Donc, en l’absence de rivière à proximité, on se regroupait pour remplir une charette de linge et les femmes par dessus les piles de linge. On pratiquait donc entre particuliers et/ou voisins ce que nous appelons en 2019 le COVOITURAGE. Mieux, on louait ainsi à plusieurs la charette car toutes les métairies ou closeries de l’épopque ne possédaient pas une charette.

Et encore mieux, comme je vous l’expliquai hier, en Anjou, ce ne sont pas les chevaux qui travaillaient mais les boeufs.

L’acte que je vous mets ci-dessous relate un tragique accident survenu entre Gené, bourg sans rivière, et Le Lion d’Angers, où il y a rivière et lavoirs. Nous sommes en plein hiver le 1er février 1803, à 18 h la charette à boeufs cahote dans les ornières du chemin creux qui rentre du Lion à Gené par la Jaudonnière. Mais une ornière plus profonde qu’une autre fait basculer la charette et 4 des femmes assises tous en haut des piles sont basculées vers l’avant et tombent. La roue de la charette écrase la tête et le bras de l’une d’entre elles, tuée sur le coup.

Parmi les particuliers qui ont envoyé le linge à laver Jean Guillot, marchand fermier, qui possède un cheval, mais ce cheval ne sert qu’aux déplacements personnels, en aucun cas au trait. Et Jean Guillot a envoyé sa servante sur la charette de covoiturage « lessive au Lion d’Angers » depuis Gené.

En résumé :

  • en l’absence de rivière dans le bourg, on doit aller laver le linge parfois à plusieurs km à la rivière la plus proche
  • on se regroupe à plusieurs et on emprunte une charette
  • la charette est tractée par des boeufs
  • Jean Guillot a un cheval pour ses déplacements de marchand fermier mais ne s’en sert pas pour tirer la charette à linge au Lion

Et le covoiturage n’est pas une invention récente, nos ancêtres le pratiquaient même pour la lessive ! Et nul doute que pour aller de la campagne à Angers aux jours fixés par les baux pour apporter chappons, beurre en pot, poulets et fouace, ils pratiquaient aussi le covoiturage et comme nous le voyons dans l’acte que je vous mets ci-dessous, il ne s’agissait pas de charette à cheval mais bien de charette à boeufs.

Gené n’est pas situé sur une rivière. Pour laver le linge il fallait se rendre au Lion sur les bords de l’Oudon, donc à 7 km du bourg. On s’y rendait à plusieurs en charette à boeufs. Le 1er février 1803, Jean Guillot, alors adjoint au maire, envoit sa servante, Marie Rousseau, 22 ans, faire la lessive au Lion d’Angers. Elle rejoint la charette à boeufs de Valennes que Pierre Fessard, sabotier de son métier, a empruntée pour les y conduire. Au retour, il fait déjà nuit  et la charette emprunte le chemin creux qui passe par la Jaudonnière,  lorsqu’une ornière fait basculer vers l’avant la charette, et 4 filles tombent. L’une, la servante de Guillot, est blessée par une roue à la jambe et reste au lit le lendemain, souffrante, et deux autres ont de légères contusions, mais la quatrième, Madeleine Rousseau, est morte, la tête et un bras passés sous la roue. Ses compagnes lui enveloppent la tête dans un tablier, et aidées de Pierre Fessard la remettent sur la charette, pour faire les 6 km qui restent jusqu’à Gené, puis ils la déposent chez Jean Guillot, qui possède la grande maison de la Chouannière au bourg de Gené. C’est là que Louis Vallin, le médecin, vient établir le certificat de décès qu’il remet à Jean Guillot en tant qu’adjoint au maire.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 4U17-12 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle)

 Le 1er brumaire XI (1er février 1803) nous Claude Mathurin Jérôme Faultrier juge de paix et officier de police judiciaire du canton du Lyon d’Angers, assisté de notre greffier, sur l’avis à nous donné par Jean Guillot adjoint du maire de la commune de Gené par sa lettre de ce jour qu’environ 6 h du soir du jour d’hier plusieurs femmes montées sur une charette revenant du Lyon d’Angers laver la lessive, en descendant un chemin près la Jaudonnière dite commune du Lyon, 45 d’entre elles tombèrent par une secousse par le devant de la charette, que la fille Magdeleine Rousseau se trouvant la tête sous une des roues en fut écrasée et resta morte, en conséquance de ce nous sommes transporté audit Gené maison dudit cité Guillot où le cadavre était déposé accompagné de Louis Vallin officier de santé audit Lyon d’Angers, où étant avons trouvé ledit cadavre sur un lit dans une chambre servant de boulangerie audit Guillot, examen fait dudit cadavre par ledit Vallin, il résulte que la cause de la mort a été occasionnée par la fracture du pariétal droit, et d’une partie du coronnal, fait par la pression de la roue de la charette qui comprimant le cerveau a donné le coup de mort, de plus a reconnu ledit Vallin que l’humerusse (sic) droit à sa partie supérieure était fracturé totalement, et qu’il n’a rien reconnu de plus sur les autres parties du corps, et de suite sont comparus sur notre demande les cy après témoins de l’avènement : 1/ Marie Chatelain femme de Sébastien Huau commune de Gené âgée de 43 ans, a déclaré que le jour d’hier environ 6 h du soir, revenant du Lyon laver la lessive de Pierre Fessard, étant sur une charette avec plusieurs autres, dans un chemin creux près la Jaudonnière une secousse fit tomber plusieurs d’entre elles au nombre desquelles était Madeleine Rousseau, qu’elle entendit qu’aussitôt le conducteur fit arrêter les boeufs, qu’elles descendirent toutes pour les secourir, qu’elles en trouvèrent plusieurs avec des meurtrissures, et ladite Rousseau morte ayant au bras fracassé et la tête, et morte, qu’elles lui enveloppèrent la tête avec un tablier et la remirent dans la charette qui la ramena audit Gené… – 2/ Marie Durand femme de Pierre Fessard sabotier audit Gené, âgée de 50 ans, a déclaré que le jour d’hier environ 6 h du soir revenant du Lyon laver la lessive et montée sur une charette avec plusieurs autres une pente occasionna une secousse qui en fit tomber 4 d’entre elles par le devant de la charette, qu’aux cris qu’elles firent le bouvier arrêta ses boeufs et descendirent pour les secourir, que 3 furent meurtries seulement, et ladite Rousseau morte sur la place la roue luy ayant passé sur un bras et sur la tête, qu’on la remit dans la charette qui l’amena à Gené … 3/ Perrine Provost veuve de François Gagneux, âgée de 50 ans, journalière, a déclaré que le jour d’hier environ 6 h du soir revenant de laver la lessive pour Fessard et montée sur une charette avec plusieurs autres, 4 d’entre elles tombèrent pas le devant de la charette dans un chemin creux, qu’elles firent arrêter les boeufs et descendirent pour voir s’il y avait du mal, elle y trouvèrent ladite Rousseau morte ayant un bas et la tête fracturés par l’effet de la roue qui avait passé dessus, qu’elles la relevèrent et la mirent dans la charette qui la ramena à Gené … 4/ Nicolas Rousseau, fils de Pierre Rousseau et Perrine Guillery, serrurier demeurant audit Gené, âgé de 12 ans, a déclaré que le jour d’hier étant allé audit Lyon séparément avec sa soeur Magdeleine, ils montèrent tous les deux sur une charette chargée de lessive qui se rendait à Gené, que sur les 6 heures du soir, un cahot en avait fait tomber plusieurs des femmes qui étaient dessus, que la charette étant arrêtée il est descendu et trouva sadite soeur Magdeleine morte ayant un bras et la tête fracturés par une roue de la charette… /5 Marie Huau fille de Sébastien Huau grêleur audit Gené, et de Marie Chatelain, âgée de 23 ans, a déclaré que le jour d’hier revenant de laver la lessire au Lyon d’Angers et montée sur la charette qui revenait de la lessive avec plusieurs autres, sur les 6 h du soir environ, passant dans un chemin creux un saut en fit tomber 4 d’entre elles, qu’elle en fut meurtrie à la hanche et à un pied, et que Magdeleine Rousseau tombée avec elle la tête dans l’ornière une roue passa dessus et la tua… /6 Marie Rousseau, fille à gage chez ledit Guillot, fille de René Rousseau journalier et Mathurine Thierry, âgée de 22 ans, a déclaré que le jour d’hir revenant de laver du linge audit Guillot et montée avec plusieurs autres sur une charette qui emmenait à Gené la lessive de plusieurs particuliers, elle déclarante étant sur le timon, que sur les 6 h du soir dans un chemin creux près la Jaudonnière un saut en fit tomber 3 de dessus la charettte, que Magdeleine Rousseau la plus proche d’elle l’ayant pris par la main la fit tomber comme les autres, mais qu’elle resta sous la charette ou une pierre et une froisseur ? de la roue lui a occasionné une douleur considérable au côté gauche, qui la retient au lit où l’avons trouvée, et que ladite Magdeleine Rousseau qui l’avoit pris par la main atant tombé la tête la première, la tête roula dans l’ornière où une roue la fracassé ainsi qu’un bras… 7/ Pierre Fessard sabotier audit Gené, âgé de 30 ans, a déclaré que le jour d’hier conduisant le harnois du lieu de Valennes ramenant des lessives à différents particuliers passant sur les 6 h du soir dans un chemin creux près la Jaudonnière, entendant crier vit en se détournant des femmes tombées de la charette, sauta de suite entre ses boeufs pour les arrêter, qu’il ne le put dans l’instant vu que la charette était chargée, mais que sitôt qu’il put le faire fut de suite voir, qu’il y avait 3 relevées et vit ladite Magdeleine Rousseau qu’on venait de relever de l’ornière sans vie, la tête fracassée et un bras cassé, qu’il la prit avec une autre femme et la mirent dans la charette et la ramena à Gené… – De tout quoi nous juge de paix susdit et soussigné avons fait et dressé le présent procès verbal par lequel appert qu’il n’y a eu aucune mauvaise volonté dans cet évenement malheureux »

NON SEULEMENT LE CHEMIN ETAIT CREUX MAIS IL FAISAIT NUIT ET JE ME DEMANDE COMMENT LE BOUVIER POUVAIT CONDUIRE SES BOEUFS DANS LE NOIR car le 1er février le jour ne dure que 9 h 20 et  la nuit est déjà tombée à 18 h

 

 

Acte de notoriété constatant l’abscence de Pierre Hamelin, assassiné en 1794 : Le Lion d’Angers

Voici la carte IGN qui donne le moulin de Saint Hénis, et il a certainement été tué dans cette zone, mais je ne suis pas parvenue à trouver les noms qui sont indiqués dans l’acte qui suit.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 3U5-12– Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle)

Le 22 février 1810 devant nous Mathurin Jérôme Faultrier juge de paix du canton du Lyon d’Angers assisté de Richard Delavigne greffier, est comparu dame Françoise Hamelin épouse de Mr Victor Coudret capitaine au 34e régiment d’infanterie de Ligne, demeurant ville et commune du Lyon d’Angers, laquelle nous a dit qu’e le sieur Pierre Hamelin, allant à Segré pour ses affaires, profita d’une troupe de militaires républicains, se rendant audit Segré, que cette troupe fut attaquée par les chouans près le moulin de Saint Thénis en la commune d’Andigné, et en s’en revenant fut tué près le pont d’amvurelet dans la commune du Lyon d’Angers, qu’il fut enterré sur les lieux avec plusieurs autres qui perirent dans cette rencontre, qu’étant sans connaissance des affaires elle ne prit aucune précaution pour faire porter son décès sur les registres de l’état civil, que demoiselle Marie Hamelin sa soeur étant sur le point de contracter mariage ne peut y parvenir sans prouver le décès dudit Hamelin sonpère, ou produire un acte de notoriété publique qui constate le décès dudit Hamelin, mais que ne pouvant trouver de témoins en nombre compétent pour prouver le décès dudit Hamelin elle se résout à demander un acte de notoriété publique qui constate l’absence dudit Hamelin son père qui a eu lieu en décembre 1794 ou janvier 1795, pouquoi s’est pourvue devant nous en demande, que en conformité de l’article 155 du code Napoléon, et a requis de nous un acte de notoriété passé pour constater le décès ou l’absence dudit Pierre Hamelin son père, et pour prouver la sincérité de ses dires, nous a présenté les 4 témoins cy après et ne sait signer. De suite sont comparu lesdits 4 témoins par nous indiqués (f°2) savoir François Voisine métayer au lieu de la Bintière âgé de 45 ans, Joseph Boulay métayer au lieu de la Gasillonnais, âgé de 38 ans, Pierre Pasquier marchand âgé de 36 ans et Jean Bruneau marchand tous en la commune du Lyon d’Angers, lesquels après serment prêté en nos mains de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, ont fait séparément leurs déclarations comme il suit. 1/ Ledit François Voisin a déclaré que dans le temps sus évocqué il vit passer avec le détachement de troupe républicaine qui allait à Segré ledit Pierre Hamelin, qu’au retour de la troupe au Lyon il ne l’aperçu point, qu’il apprit qu’il avait été tué proche Andigné dans le même jour lors de la rencontre de ladite troupe et les chouans, qu’il avait entendu dire qu’il avait été enterré avec plusieurs autres dans la chataigneraie des Vaux au dessus du pont d’Amouvelle en la commune du Lyon d’Angers, et qu’il ne l’a pas vu réaparaître depuis… 2/ Ledit Joseph Boulay a déclaré qu’à l’époque cy dessus nommée faisant partie de la troupe chouanne, que étant embusqué près le moulin de Saint Thénis attaquèrent la troupe républiquaine qui était dispersée, qu’il la firent reculer en la poursuivant jusque autour de la chataigneraie des Vaux, qu’après avoir dépassé le pont d’Amourette il vit et reconnu ledit Pierre Hamelin étendu mort … 3/ Ledit Pierre Pasquier a déclaré que dans le temps cy dessus nommé il était pareillement dans la bande des chouans, mais qu’il n’était point avec eux dans cette rencontre, mais qu’il sut le lendemain par d’autres chouans que ledit Pierre Hamelin fut tué dans la rencontre qui eut lieu entre lesdits chouans et la troupe républicaine, (f°3) que lesdits chouans dont il le tenait l’avaient vu et reconnu étendu mort entre le pont d’Amourette et la chataigneraie des Vaux en la commune du Lyon d’Angers, qu’il apprit aussi que le lendemain ou le surlendemain de l’affaire il fut enterré dans la susdite chataigneraie des Vaux et qu’il ne l’a pas revu depuis…. 4/ Ledit Jean Bruneau a déclaré que dans l’heure de 1794-1795 après Noël sans se rappeler précisément l’époque, il demeurait à Andigné et y était, qu’il y eut une rencontre entre les troupes du gouvernement et une harde de chouans, que la plupart des militaires étant dispersés, furent attaqués près le moulin de Saint Thénis en ladite commune d’Andigné, et éconduit jusqu’à la chataigneraie des Vaux près la Quinollais en celle du Lyon d’Angers, qu’au premier coup de fusil il partit d’Anditné et vint au Lyon avec un nommé Boureau prenant un chemin abandonné, mais qu’il sut dès ce jour par différentes personnes qui se trouvaient dans cette recontre que ledit Pierre Hamelin père de la requérante avait été tué entre ledit pont  d’Amourette ? et ladite chataigneraie des Vaux, que le jour suivant il apprit qu’il avait été enterré dans ladite chataigneraie et qu’il ne l’a pas vu reparaître depuis cette époque. Et est tout ce qu’il dit savoir … Sur tout quoi nous juge de paix susdit et soussigné avons donné acte à ladite dame Coudret de sa réquisition et avons fait et rédigé le présent acte de notoriété publique constatant que le sieur Pierre Hamelin son père a disparu du pays peu de temps après Noël 1794 et qy’uk a été tué dans une rencontre qui eut lieu à cette époque entre les troupes du gouvernement et les insurgés connus sous la dénomination de Chouans, en allant à Segré sous la protection de la troupe du gouvernement, et qu’il fut enterré dans la chataigneraie des Vaux sur les confins de la commune du Lyon d’Angers     voir mon blog

L’incendie du Bazar de la Charité, le 4 mai 1897

Je vous en parlai l’an dernier, mais ce jour il est mis d’actualité.

Et relisant l’histoire de ma famille GUILLOT pour vous mettre le lien exact entre ma collatérale qui périt dans l’incendie du bazar de la Charité et mon ancêtre, je constate que mon histoire familiale est franchement riche d’enseignements sociologiques.

Car si la femme de l’arrière petit fils de Mathurin Guillot et Madeleine Vergnault est décédée dans cet incendie c’est qu’elle est le fruit d’une ascendance sociale due au cheval, en particulier à son élevage et à des méthodes d’agriculture tournées vers l’avenir. Cette branche s’était enrichi grâce au cheval. Et si je descends de Mathurin Guillot et Madeleine Vergnault, c’est par un autre de leurs enfants, dont le fils fut aussi passionné de cheval, mais au lieu de les élever, il joua aux courses, certes à une époque où la loi n’avait pas encore cadrer les paris, mais si malade et obstiné de paris, qu’en peu de temps il perdit non seulement ses biens mais aussi ceux de son épouse, et se retrouva SDF avec femme et 3 très jeunes enfants, et disparut au lieu de se mettre ouvrier. Je descends de la 3ème qui n’avait que 18 mois et fut élevée par une tante célibataire (les célibataires sont parfois utiles).

Destinés bien différentes n’est-ce pas ?

Mais, cet ancêtre joueur était aussi neveu de Jean Guillot, le jeune garçon qui mourut à 17 ans en 1814 dans les armées de Napoléon, et dont je vous avais mis autrefois sur mon site les merveilleuses lettres. Or, dans ces lettres, il crie son amour de la patrie et son dévouement pour elle, sans aucune animosité contre ses « cousins » restés à l’arrière…. cousins que faisaient des affaires tandis qu’il se battait pour Napoléon.

Mathurine Arnaud inhumée dans le cimetière : Clisson Saint Jacques 1688

Je me souviens des enterrements de 1ère et 2ème classe à l’église dans ma jeunesse (je suis née en 1938), et ceux qui avaient plus payé avaient droit entre autres à de belles tentures noires accrochées aux murs à l’intérieur de l’église.
Vous vous souvenez de ces tentures noires n’est-ce pas ?

et vous fredonnez  avec Georges Brassens :

Mais où sont les funéraill’s d’antan ?
Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards
De nos grands-pères… 

 

Mais avant la Révolution et jusqu’à une date que j’ignore, il y avait l’inhumation souhaitable au plus près de Dieu donc dans l’église, ou le cimetière auprès de l’église jusqu’à ce qu’on l’interdise pour des raisons d’hygiène.

Je suis actuellement en train de retranscire exhaustivement les plus anciens registres de Clisson et j’y rencontre quelques inhumations pour le moins curieuses, car on aurait pu penser, du moins c’est ce que je pensais, que ceux qui étaient inhumés dans l’église avaient payé alors que les autres, inhumés au cimetière, avaient moins payé, donc étaient moins aisés voire pas aisés du tout.

Alors pourquoi par exemple Mathurine Arnaud est elle inhumée le 7 décembre 1688 au cimetière et pas dans l’église. Elle vient tout juste de donner le jour le 30 novembre précédent à « Jacques fils de Jacques Leauté et Mathurine Arnaud parrain h. homme Jacques Leauté marchand de draps marraine h. femme Renée Martineau femme de Me Jean Leauté notaire royal et procureur »

J’avoue que dans mes exercives de retranscription lentement, je suis parfois très surprise et même je ne comprends pas. Ainsi, Mathurine Arnaud ne méritait pas cela !!!