Jean Martin, d’Ancenis, soldat de milice pour Montreuil-sur-Maine, en 1701

« mis au chapeau ». Retenez bien l’expression, car il illustre un faux tirage au sort, que voici :

Le 20 novembre 1688, (c’est alors la guerre de la Ligue d’Augsbourg) les intendants reçoivent l’ordre de lever dans chaque paroisse, en fonction de sa contribution à la taille, des célibataires de 20 à 40 ans. La population rurale va être très affectée par cette mesure.
Le soldat de milice, ou « milicien » est équipé et soldé par sa paroisse.
Le tirage au sort fut institué le 23 décembre 1692. Des garçons se précipitaient dans le mariage tandis que d’autres se mutilaient.
Je lis dans le Dictionnaire de l’Ancien Régime de Lucien Bély (PUF, 1996, p.831) que pour être exempté il fallait mesurer moins de 5 pieds. Le pied de roi ou pied de Paris fait 32,483 cm, ce qui donnerait 162,4 cm. Cela me semble bien grand car du temps où je relevais des rôles d’incorporation début 19e siècle, les garçons de moins de 150 cm n’étaient pas rares du tout ! Je reste donc sur un grand point d’interrogation !
On pouvait aussi être exempté pour raison familiale (fils unique), sociale (domestique de noble ou d’ecclésiastique) et économique (manufactures royales).
Les familles des garçons se cotisaient pour engager un volontaire à leur place. Celui-ci remplaçait un milicien désigné.

A Montreuil-sur-Maine (49), en 1689, lors du tirage au sort tout nouveau (sans doute même le premier, voyez ci-dessus), un incident éclate : celui qui a tiré le billet noir refuse de partir. Cet incident a dû marquer profondément la paroisse, car si je ne dispose pas de la suite de cet incident, tout laisse à penser qu’il y eut des poursuites, puisque le garçon devenait de fait un déserteur. Cet incident explique ce qui va suivre.

En 1701, le volontaire de Montreuil-sur-Maine est listé dans le rôle avec les garçons qui sont appelés à tirer, et on s’est alors arrangé pour que ce soit lui qui tire le billet noir. Il vient d’Ancenis. La paroisse, unanime, s’est organisée pour un simulacre de tirage au sort, qui désignera le volontaire qu’elle a engagé. Bel exemple de détournement de la loi !

A Montreuil, chaque garçon de Montreuil a versé la même somme, sans distinction de fortune, pour payer le volontaire engagé par la paroisse, représenté par les membres de la fabrique. Cette somme est de 3 L par graçon, et elle est élevée pour une famille pauvre.
Ce procédé de substitution (absence de tirage au sort réellement effectué, et paiement d’un volontaire de remplacement) sera interdit le 12 novembre 1733. Il est connu sous le nom de « mettre au chapeau », sans doute par allusion au chapeau dans lequel étaient mis les billets pour tirer au sort ?
A ce propos, je n’ai pas bien compris comment un billet noir parmi des billets blancs pouvait être tiré au sort dans un chapeau. Avez vous une idée ?

Le document notarial du contrat d’engagement de Jean Martin pour la paroisse de Montreuil sur Maine en 1701 conserve plusieurs pièces intéressantes.

Outre le contrat proprement dit signé devant notaire par Jean Martin, la petite liasse donne le rôle des garçons de Montreuil-sur-Maine, qui est en fait un décompte village par village du nombre de garçons devant tirer au sort, et pami ceux-ci on a ajouté le volontaire, Jean Martin. Cette liste n’est pas nominative (ou très peu) mais recense en fait les célibataires tombant sous le coup de la loi et devant tirer au sort. Elle m’apparaît comme un document important sur le plan social, car la plupart de ces garçons sont des serviteurs d’un métayer ou closier. La lecture de ce document semble montrer que ces garçons auraient eu un peu plus de mal à se marier que les autres.

On a aussi la liste des garçons ayant payé, inscrits soit avec leur nom soit avec le lieu. Il faut dire qu’autrefois les personnes étaient souvent désignées par le lieu où elles demeuraient.
On voit que la somme est identique pour chacun d’entre eux, et se monte à 3 livres. Bien entendu cette liste donne les mêmes que la liste précédente, mais rédigée d’une manière nominative totalement différente. Il semble qu’elle ait été faite après la fausse cérémonie du faux tirage au sort, lorsque tous les garçons furent d’accord pour payer à part égale le volontaire.

On dispose aussi dans cette mini-liasse, d’un document fort intéressant qui est le compte du notaire pour ses frais. Il est fort rare de trouver des frais de notaire. Tout comme les frais de notaire actuels, ils se composent en 1701 du papier timbré et des frais propres au notaire. Donc, on apprend que pour avoir fait ce travail de greffier et notaire, il prend 3 livres qui lui reviendront net.
Un tel document, même s’il donne peu de chiffres, est rarissime, et je signale donc sur ma page notaires, déjà fort riche, son existence.

Ce compte nous apprend par ailleurs que 2 archers de la maréchaussée d’Angers sont venus apporter à Montreuil l’ordre de de départ, et ils ont facturé ce déplacement 3 L, que 2 membres de la fabrique ont conduit Jean Martin à Angers et ce déplacement est facturé 6 L 15 s

Je considère personnellement que cette ponction sur les paroisses étaient un impôt, et j’ai donc mis sur ma page impôts, les anecdotes diverses que j’ai déjà sur ces soldats de milice.

Bonne journée. Les apothicaires d’Angers en 1559 arrivent…

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