Bail à ferme d’une île proche de l’abbaye de Buzay, 1532

appartenant au chapitre de l’église d’Angers, et les preneurs demeurent à Nantes pour l’un et à Angers pour les 4 autres, ce qui est pour le moins intriguant, compte-tenu de l’éloignement. J’ai donc compris que ceux qui demeurant à Angers se portent seulement caution de celui qui demeure à Nantes. Celui qui demeure à Nantes est manifestement natif d’Angers et proche marchand de ceux d’Angers. C’est lui qui baillera chez un notaire de Nantes un bail à un exploitant direct.
Ce point délicat, ainsi interprété par moi, un second point reste obscur sur cet étonnant bail à ferme. En effet vous allez découvrir qu’il faut fournir 5 douzaines de langue de boeuf, et j’ai lu pour le terme qui suit « fumées », donc si elles sont fumées ce n’est pas de la bourrache, plante médicinale qui porte vulgairement le nom de « langue de boeuf », mais bien la langue des animaux, et compte tenu du nombre il faut 60 boeufs !
Je vous ai mis toutes les vues nécessaires afin que vous tentiez avec moi de comprendre.
Merci d’avance pour ce délicat bail !!!

Car, par ailleurs, je trouve sur Internet que la langue de boeuf fumée se consomme de préférence crue, froide, finement émincée, en entrée avec une mayonnaise et des cornichons. On la sert également chaude, braisée au four, après une marinade dans du vin et des aromates. Elle se fabrique dans la jura, également dans les Vosges, en Alsace et dans le Nord, ainsi qu’en Allemagne et en Suisse.
En fille de l’ouest (Nantes), je ne la connais pas, et j’ai été étonnée de découvrir que les chanoines l’aimaient tant !!!

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E8 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 6 mars 1531 (avant Pâques qui est le 31 mars 1532, donc le 6 mars 1532 n.s. ) en notre cour royale à Angers par devant nous (Guyon notaire royal) personnellement estably honneste personne Marin Cerisay marchand demeurant en ceste ville d’Angers ayant le droit des doyen et chapitre de l’église d’Angers d’une part et chacuns de Jehan Denyau marchand paroisse de saint Nicollas de Nantes, Benoist Saliot, Guillaume Coustau et Pierre Moreau marchands paroisse de Notre Dame de Lesvière les Angers d’autre part, soubzmetant lesdites parties eulx leurs hoirs mesmes lesdits Denyau Saliot Coustau et Moreau chacun d’eulx seul et pour le tout sans division de personnes ne de biens confessent avoir fait et font entre eulx les marchés et accords tels et en la manière qui s’ensuit, c’est à savoir que ledit Cerisay a baillé et baille par cesdites présentes aux dessus dits Pineau (sic, mais curieusement écrit « Denyau » plus haut), Saliot, Coustau et Moreau qui de luy ont pris et accepté pour eulx leurs hoirs à titre de ferme et non autrement et à tous périls et fortunes pour le temps et espace de 5 années et 5 cueillettes entières et parfaites ensuivant l’une l’autre sans intervalle commanczans du jour et feste de la saint André denière passée et finissant à pareille jour lesdites 5 années révolues et escheues l’isle vulgairement appellée l’isle vulgairement appellée l’Isle Pineau appartenant auxdits doyen et chapitre de l’église d’Angers sise et situé au dessoubz du porteau à l’endroit de l’abbaye du Bussay au conté de Nantes en Bretaigne

ainsi qu’elle se poursuit et qu’elle a accoustumé estre tenue possédée et exploitée par iceulx doyen et chapitre pour en jouir et prendre par lesdits preneurs ou autres de par eulx tous et chacuns les fruits revenuz et esmoluements et en faire et disposer bien et duement comme de chose baillée à ferme sans aucune chose en excepter, et garderont les droits et abords d’icelle ysle sans y faire ne souffrir estre fait aucunes entreprinses et si aucunes y sont faites seront tenuz lesdits preneurs advertir ledit Cerisay pour le faire savoir auxdits doyen et chapitre, et est faite ceste présente baillée et prinse à ferme à la charge desdits preneurs et de chacun d’eulx seul etc de poyer et acquiter toutes et chacunes les charges et debvoirs si aucuns sont deuz pour raison de ladite ysle et en poyer rendre et bailler à leurs despens en ceste ville d’Angers audit Cerisay bailleur par chacune desdites 5 années au jour et feste de saint André la somme de 140 livres tz, premier paiement commenczant au jour et feste de st André prochainement venant, et en payer rendre et bailler en oultre par lesdits preneurs audit bailleur en ceste dite ville d’Angers le nombre de 5 douzaines de langues de beuf fumées bonnes et marchandes

dedans le dimanche de Casimodo prochainement venant, à laquelle baillée et choses susdites tenir etc garantir etc et à ladite ferme pendant ledit temps etc et aussi à poyer et acquiter ladite ferme par chacun desdits preneurs leurs hoirs audit bailleur etc dommages et amendes etc obligent lesdits parties scavoir est ledit Cerisay soy ses hoirs et lesdits preneurs eulx et chacun d’eulx seul et pour le tout sans division et les biens de chacun d’eulx à prendre vendre etc renonçant au bénéfice de division etc foy jugement condemnation etc présents à ce ? Regnaud et Pierre Cerizay marchands demeurant audit Angers tesmoins

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog.

10 réponses sur “Bail à ferme d’une île proche de l’abbaye de Buzay, 1532

  1. -Les bons chanoines aimaient « bonne chère et bon vin.. ».
    -Les livres de cuisine d’autrefois,unanimes,le mentionnent,comme un mets de choix,longtemps considéré comme le morceau le plus fin de l’animal,et déja fort estimé dans l’Antiquité.
    -La langue de boeuf,était tellement estimée,sous Louis XII (1452-1515),qu’il existait un droit féodal dans certaines régions de France,selon lequel, toutes les langues de boeuf tués,appartenaient au seigneur du lieu.
    (Cuisine collection.)
    Ce droit féodal existait il en Anjou ?

      Note d’Odile :

    a priori, on pourrait penser que ce droit féodal n’existait pas en Anjou, puisque dans l’acte ci-dessus ils en font venir d’ailleurs, alors qu’ils ont beaucoup de terre situées en Anjou et beaucoup de boeufs dessus.
    Odile

  2. Il devait donc y avoir un nombre important de boeuf à mettre sur cette île : l’a-t-on identifiée ? si oui, quelle est sa taille, disons, sur le cadastre napoléonien ?
    Etait-ce courant à cette époque et dans cette région de mettre des animaux en pâturage sur des îles ? Cela leur donnait-il un goût différent ou bien était-ce la seule solution pour les exploiter ?

      Note d’Odile :

    Bonjour Jérôme
    La Loire-Atlantique a connu beaucoup d’îles du fait de la côte, des marais, et de la Loire.
    Mais une bonne partie de ces îles avaient la particularité de varier de surface au gré des flots, voire apparaître ou disparaître.
    Comme je ne suis pas une spécialiste de Buzay, ni des son environnement et histoire, je ne peux mieux réponde, il faudrait que ce soit les historiens du pays de Retz qui nous répondent.
    J’ajoute cependant, juste à titre anecdotique, que mon appartement domine des îles de Loire, et c’est à ce titre que je sais, un peu, la variabilité des îles.
    Je suis bien d’accord avec vous, le nombre impressionnant de langues de boeuf requis dans l’acte ci-dessus est impressionnant, mais je suppose tout de même que le commerce en était florissant sur Nantes, où demeure le fermier, et qu’il pouvait composer avec d’autres fermiers nantais pour obtenir le nombre de langues.
    Je veux dire que si en Bretagne le droit féodal cité par Marie était exercé, cela faisait beaucoup de langues de boeur disponibles sur Nantes, et probablement pas bon marché.
    Et ce la renforcerait l’hypothèse que ce droit n’a pas existé en Anjou ?
    Je ne sais où trouver la réponse.
    Bien cordialement
    Odile
    PS je suppose que vous habitez un pays de montagne, là où les changements des îles au gré des flots n’est pas le quotidien. Dans mon département, Loire et mer conjuguent leurs efforts pour que tout change, même bien avant les menaces du changement climatique.

  3. Bonsoir, merci pour tous ces détails très intéressants.
    Effectivement j’habite dans un pays où il y a de hautes montagnes, mais je suis finalement beaucoup plus proche de la mer mais dans un secteur où il n’y a aucune île ni même de fleuve qui puisse en compter sur son cours.

    Pour ce qui est du droit féodal, peut-être dans l’ouvrage sur les « coutumes et institutions de l’Anjou » ?

  4. Bonjour Jérôme
    Je me souviens avoir lu il y a quelques années un numéro spécial sur la Loire d’une revue dont le nom m’échappe.
    Cela commençait par une indication qui m’avait alors profondément marquée, moi qui vit sur le bord de la Loire et qui la domine du haut de ma tour et qui domine des îles de Loire.
    En effet il était dit que tous les hydrologues (je pense que c’est le terme) du monde entier venait la voir car elle le dernier fleuve indompté d’Europe, et qu’à travers son étude ils en apprenaient beaucoup.
    Par ailleurs, lorsque j’ai autrefois entrepris la recherche de mes ancêtres, moi qui suit Sud-Loire à Nantes, et non au coeur de Nantes qui est Nord-Loire, j’avais découvert les plans anciens de Nantes montrant 7 ponts depuis le coeur de la cité jusqu’au Sud-Loire, lesquels pont sont de nos jours au nombre de 2 seulement. Et j’avais aussi découvert que parfois à ces époques multi-ponts, Nantes était surnommée la Venise de l’Ouest.
    C’est vous dire si les îles sont ici un élément de notre patrimoine.
    Cordialement
    Odile
    J’habite donc une région tout à fait particulière.

  5. Bonjour à tous
    hier soir, Des Racines et des Ailes à la télé sur la Loire entre Tours et Angers, nous a illustré ce fleuve sauvage, et j’ai compris le dernier fleuve sauvage d’Europe, avec ses bancs de sable qui se déplacent sans cesse, et ses innombrables îles, formées par ces bancs de sable, aussi se déplaçant.
    J’ai mieux compris que la Loire était si différente des autres fleuves d’Europe !
    Odile

  6. -Super reportage en effet.
    -Un régal.
    -Bonne journée.
    -M@rie.

      Note d’Odile :

    et j’ai aussi aimé les vignes en ville : celles de l’abbaye saint Nicolas à Angers, et celles du rempart du château d’Angers.
    Il me semble qu’ici sur ce blog quelqu’un s’inquiétait de cette abbaye il y a peu de temps
    Odile

  7. L’ABBAYE DE SAINT-NICOLAS.
    -Cette illustre abbaye,située sur un rocher,au bas duquel coule le torrent de Brionneau,fut fondée et bâtie dans l’onzième siècle(2) par Foulques Néra,comte d »Anjou,pour s’acquitter d’un voeu,fait par lui,pendant une cruelle tempête qu’il essuya,en passant d’Italie à Jérusalem.Elle a été depuis rebâtie plus magnifiquement par Geoffroy Martel son fils,qui,se voyant,chargé d’années et sans enfants,s’y fit religieux et y mourut l’an 1067,après avoir distribué ses biens à Foulques le Réchin et à Geoffroy le Barbu,ses neveux(i)
    -Voici l’épitaphe qu’on voit sur son tombeau:
    -Dum viguit tua,dum valuit,Martelle,potestas.
    -Fraus latuit,pax magna fuit,regnavit honestas.
    -On lit dans plusieurs auteurs,que ce comte fit beaucoup de bien à cette abbaye et que Geoffroy Martel II du nom(2)fils de Foulques,comte d’Anjou,et d’Ermengarde de Bourbon,y fut aussi inhumé auprès de lui.
    (2)En 1020,le 1er décembre,fut une première fois consacrée l’église;le monastère était achevé en 1033.
    (2) Tué au siège de Candé,le 19 mai 1106.)
    (Description de la ville d’Angers. Péan de La Tuillerie.)

  8. Bonjour à tous. Oui très beau reportage sur la Loire . cela ma rapeller de merveilleux souvenirs . j ai habiter plusieurs années à Saumur lorsque mon mari était à l école de cavalerie… j ai pu visiter beaucoup de monuments et chateaux … souvent Madame Halbert parle de la vue extraordinaire qu elle a et bien nous avions un appartement situer sur la plus haute partie de Saumur ( les violettes) ou l on avait la vue jusqu au puits notre dame . moi j adore les bord de Loire sans savoir que nos ancetres etaient d angers. notre fils habite toujours Angers.. j ai ete très intriguer par l Abbaye S Nicolas . j ai les info avec Madame Halbert et Marie.. Bon dimanche à tous . Cordialement Mme de la Hardouinaye.

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