Accord pour la jouissance de la Raudière, Miré, 1599

Voici une situation totalement moderne !
Un papa, qui refuse de mourir (on n’a pas idée ! ce n’est pas bien de ne pas faire la place aux jeunes), possède une maison de maître, une métairie et une closerie. Il a un fils et 2 filles mariées, mais a imprudemment logé son fils avec lui dans la maison de maître, et ils jouissent des revenus de tout le patrimoine. (ceci dit que ferait un vieux monsieur seul dans une grande maison ?)
Cet énorme avantage concédé à son fils n’est pas du goût des 2 gendres, qui demandent des comptes, y compris par voie de justice. Tant et si bien qu’une transaction est négociée entre eux.

Et là, surprise, non seulement tout ce petit monde va partager les revenus du tout, mais le fils est prié de déguerpir !

    Pauvre papa, qui va rester tout seul dans sa grande maison, qui, à en juger par ce qu’en dit Célestin Port, était une vieillerie manifestement peu confortable… J’en grelote…

Mais avant de voir l’acte, partons d’abord en paléographie, identifier les lieux. Car bien souvent, ce que je vous rends si bien tappé, est le fruit d’une longue recherche dans mes usuels (Port, Angot etc…).
En paléographie, on aime bien les abréviations, et parmi elles, la chandelle en fin de mot, pour toutes sortes de terminaisons…
Voici donc une magnifique chandelle, que je n’ai pas vu du premier coup d’oeil, et j’ai d’abord cherché Randis, pour finir après moult recherches par identifier la Raudière.

la Raudière, commune de Miré. Ancien fief et seigneurie, avec antique château et chapelle fondée le 15 mai 1504 par Renée Duchemin, dame de Miré, femme de René Frézeau. La terre appartenait aux seigneuries de Miré jusqu’aux premières années du 16e siècle et fut de nouveau réunie par Victor Cohon du Parc qui en exerça le retrait féodal en 1696 sur Vincent Béron, acquéreur cette même année de René Hamon. Elle appartenait en dernier lieu à Denis-Edouard-René-Xavier Amelot du Guépéan, mort le 15 juin 1832 à Beaupréau et a été acquise de ses héritiers le 20 mai 1833 par M. Etienne Lemonnier de Lorière, propriétaire à Laval. (C. Port, Dict. du Maine-et-Loire, 1876)

Le site des Monuments Historiques ne relève pas cette maison, probablement disparue.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales de la Mayenne, série 3E19 – Voici la retranscription intégrale de l’acte : Le 5 février 1599 : comme par jugement donné à Sablé le 14 décembre dernier, honneste homme René Hamon eust esté condamné avecques Jehan Hamon son fils aîné faire lot et partaiges à Me Symon Lemaistre mary de Anne Hamon et Jehan Levarlet mary de Marie Hamon ses beaux frères du lieu de la Raudière en ladite paroisse de Myré pour en présence de chacune desdites parties chacun en son droit au prorata chacun de ce qu’il y est fondé ainsi qu’il est plus amplement rapporté par ledit jugement en exécution duquel ledit René Hamon estoit prest de faire procéder au cordelage desdites choses quoi faisant lesdites parties se seroient assemblées et eussent avisé ensemble que faisant lesdits partages lesdites choses demeureroient grandement que loppins et ne fussent de si grande valeur et revenu qu’elles sont estant exploitées sans les partaiger à quoi lesdites parties après mure délibération faite entre eulx ils en ont accordé et transigé comme s’ensuit
pour ce est il que ce jourd’huy 5 février 1599 après midy en la court royal de St Laurent des Mortiers par devant nous François Morin l’aîné notaire d’icelle demeurant à St Denis d’Anjou personnellement establiz chacuns dudit René Hamon demeurant à présent audit lieu de Raudière paroisse dudit Myré, Symon Lemaistre mary d’Anne Hamon demeurant à Sablé, Jehan Le Varlet mary de Marie Hamon demeurant en ladite paroisse de Myré, lesdits les Hamons enfants dudir René Hamon et de défunte Jacquine Gileberet d’autre part,

lesquelles parties ont accordé par entre eulx ce qui ensuit scavoir que pendant et durant la vie dudit René Hamon les lieux de la Raudière et Crepignon ne seront aucunement partaigés mais seront chacun desdits lieux exploités tout ensemblement les mestairies et choses à ceste fin en jouiront lesdites parties pendant la vie dudit René Hamon comme s’ensuit scavoir que dudit lieu de la Raudière lesdits Jean Hamon Lemaistre et Levarlet esdits noms pour ung tiers de tout ledit lieu tant en fief qu’en domaine et ledit René Hamon pour les deux parts et à ceste fin a ledit René Hamon remis à sesdits enfants l’usufruit à luy acquit par la mort de deffunts Jehan et Françoise les Hamons ses enfants puisnés,
et pour le regard dudit lieu de Corpigneul ledit René Hamon en jouira pour une moitié et lesdits Hamon Lemaistre et Levarlet pour l’aultre moitié et en seront les fruictz de chacun desdits lieux à commencer du jour d’huy partaigez entre lesdites parties à ceste raison au temps de moissons avec les mestayer et closier dudit lieu sans que l’une desdites parties y puissent rien prendre les ungs sur les autres

et à ceste fin promet et demeure tenu ledit Jehan Hamon vyder de corps ledit lieu de la Raudière dedans le jour de Toussaint prochainement venant pour estre tout ledit lieu tenu et exploité par les mestayers dudit lieu sans aucun empeschement

fors que ledit René Hamon poura luy seul disposer de la grand maison pressoir et celier dudit lieu sans que lesdits Jehan Hamon Lemaistre et Levarlet y puissent à présent faire leur demeure pendant la vie dudit René Hamon,

et payeront lesdites parties à raison de leur jouissance chacun leur part de la façon des vignes avias de la vendange et coustz des tonneaux
et pour le regard des boys que ledit Jehan Hamon auroit couppé et vendus de sus ledit lieu de la Raudière il a confessé en debvoir audit Lemaistre pour sa part 3 écus sol et audit Levarlet aussi pour sa part ung écu 20 sols, lesquelles sommes il leur promet payer toutefois et quantes
et au moyen des présentes demeure ledit Jehan Hamon quite de l’exploitation de ladite grand maison et jardin dudit lieu pour le passé et fera ledit Grand jardin jusqu’au dit jour de Toussaint à moitié de tous fruits et revenus
et est ce fait sans déroger et préjudicier aux accords cy davant faits entre lesdites parties passez par Chauveau notaire entre ledit René Hamon Jehan Hamon Symon Lemaistre en dapte du 22 janvier 1596 et aussi sans déroger au contrat de mariage fait par ledit René Hamon avecques ledit Levarlet dudit mariage de sa fille qui demeurent en leur entier et parfait,
aussi le présent accord faisant lesdits Jehan Hamon Lemaistre et Levarlet veulent et consentent que ledit René Hamon baille ledit lieu de la Randie sa vie durant à tiltre de moitié à tel mestayer que bon luy semblera à telles charges et conditions qu’il voyra sans le consentement desdits Jehan Hamon Lemaistre et Levralet
auquel accord tenir d’une part et d’autre obligent etc renonçant etc foy jugement etc
fait passé audit St Denis en la maison dudit René Hamon ès présence de Me Jehan Courtin régent

Miré, château de Vaux, collections personnelles, reproduction interdite
Miré, château de Vaux, collections personnelles, reproduction interdite

Voici un autre lieu de Miré, celui-ci conservé, et cliquez sur l’image vous voyez Miré

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci de laisser un commentaire sur ce blog.

5 réponses sur “Accord pour la jouissance de la Raudière, Miré, 1599

  1. La ferme de la Raudière existe toujours, au nord-ouest de Miré, à proximité de la limite de commune avec Saint-Laurent-des-Mortiers. Il est donc possible qu’il existe encore des vestiges de la maison noble, mais englobés dans une architecture plus récente ou considérablement modifiée.
    Le site des Monuments Historiques n’est pas toujours complets dans ses inventaires, loin de là même dans le cas de domaines appartenant à des privés en campagne. Une enquête sur place et une discussion avec les propriétaires actuels serait le meilleur moyen de s’en rendre compte.

    Le plan cadastral « napoléonien » montre une architecture laissant penser à des vestiges anciens encore en place : bâtiments installés autour d’une cour, aménagement d’entrée faisant penser à un porche, parcelles étroites autour qui sont peut-être la trace de fossés, etc. Une habitation certainement encore remarquable à ce moment-là puisque la section s’appelle aussi « la Raudière »
    Note d’Odile : je viens de m’apercevoir que j’avais fait une erreur dans ma source, et c’est par erreur que j’avais indiqué les Archives du Maine-et-Loire, car il s’agissait de celles de la Mayenne. En effet, le Haut-Anjou se partage entre les 2 départements, et cette fois c’était la Mayenne qui détenait un document concernant un lieu du Maine-et-Loire.
    Je ne suis pas concernée par ce lieu, mais j’ai pensé être utile un jour à quelqu’un, ne serait-ce qu’aux M.H. eux-mêmes pour leurs dossiers, car, à défaut de decription, je crois savoir qu’ils notent le propriétaire, et dans le cas présent le fait que cette maison ancienne était habitée à cette date.

  2. On peut s’étonner de constater des vignes dans le Haut Anjou et Bas Maine ;au moyen âge ,il y avait des vignobles dans tout l’ouest, du moyen âge au XIX siècle ,la vigne a de plus en plus reculé vers le sud ; dans la région de Château Gontier et du Craonnais la vigne ne disparaitra qu’au cours du XIXe , n’avait cesser de diminuer depuis le XVIe mais « recule à la fin de ce siècle à cause des grands troubles » La vigne a disparu car sa culture était artificielle et précaire ,on la cultivait par nécessité ;il ya trop de gelées précoces ou tardives, les températures d’été sont trop basses et les pluies d’été trop fréquentes, il était donc de médiocre qualité ,à Saint Sulpice (sud du Bas Maine)on en proscrit même l’usage pour le vin de messe…Le vin a été progressivement remplacé par le cidre depuis le XVe ,le vin devient une boisson de luxe (exporté et droits élevés).Au XVII et XVIII les pommiers sont plantés partout et les récoltes sont abondantes plusieurs cahiers de paroisse se plaignent que le fisc (toujours lui…))défende de brûler le cidre pour fabriquer l’eau de vie. « le Bas Maine » R Musset .

  3. Ajout :au début du XVIe ,les Lavallois « s’accrochent » à leur vin local :ils l’appellent « Monsieur » et le cidre « Gilles du Pommain breuvage de maçons »( gilles est un nom de valet) Reflexion perso : Entre du mauvais vin et du cidre ,c’est dur ;j’aurai peut être choisi le cidre…

  4. Comme propriétaire de la dite Raudière depuis 20 ans je confirme bien son existence. Les lieux conservent un porche brique et pierre de la seconde moitié du 16 eme et la chapelle fort abimée mais désormais hors d’eau, ainsi qu’une maison de maître autour de laquelle j’ai créé des jardins et j’ai reboisé à des emplacements cadastraux désignés en effet comme  » les vieilles vignes ».Le domaine n’est ni inscrit ni classé ni répertorié.

      Note d’Odile : Merci pour ces précisions, et en ces journées du patrimoine, classé ou non, permettez moi de vous souhaiter bonne continuation dans l’oeuvre de restauration utile !
  5. Merci à Odile pour son message d’encouragement, je lui signale qu’on peut aussi trouver à La Raudière une charpente d’une facture exceptionnelle eu égard à la profondeur de la bâtisse( traits de Jupiter, croix de St André etc)

      Note d’Odile : mon blog est lu par les MH, et qui sait, leurs pas viendront peut être vers vous un de ces jours, en tout cas ce que vous évoquez mériterait sans doute une inscription.

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