La Roche-d’Iré, in « Histoire de la baronnie de Candé » par le Comte René de l’Esperonnière Angers, Lachèse Imprimeur, 1894, tome 2 page 523-526

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J’ay veu une transaction ès archives de Chasteau-brient, entre monsieur Guillaume de Rougé, tant pour luy que pour sa femme d’une part, et monsieur Bonabes de Rochefort, pour luy et pour son fils, par raison d’Anne femme dudit fils, et de ladite Anne en nom d’elle, par laquelle ledit sire de Rougé veut que ledit fils de Bonabes ait dès à présent (c’est à dire dès la date dudit accord, qui est de l’an mil trois cens quatorze) toute sa portion de toute la terre qui fut monsieur Emery de Neuville, et de Madame de la Roche-d’Iré sa femme, et est tenu le délivrer de toutes les debtes où il fut tenu par raison de la succession dessusdite, et de la commune d’entr’eux. Le sire de Rougé baille audit fils tout ce qu’il avoit par raison de sa femme en la ville de Candé, tant en coustumes, que cens, que ventes, et tout ce qu’en dépend ; c’est à sçavoir que la Dame de la Roche-d’Iré y avoit quand elle mourut. Et luy bailla aussi ledit sire de Rougé ce qu’il avoit en la Vicomté de Donges (1), et en la Coustume de Loire à Nantes. Et si ces choses ne suffisoient pour sa portion, il luy devoir parfaire ès pièces de Précorpt ; et cela ne suffisoit, ledit sire de Rougé le luy devoit parfaire en la terre de la Cornouaille, et ne jouira ledit fils desdites choses, sinon après le décès de la Dame de la Vouste, qui les tenoit à douaire. Ledit sire de Rougé y doit faire consentir madame sa femme. Ladite dame de la Roche-d’Iré avoit par son testament fait des donations audit monsieur Bonabes de Rochefort, chevalier, et avoit ordonné qu’il seroit dédommagé de ce qu’il avoir mis et employé pour garder sa terre. Sur quoy lesdits Guillaume de Rougé et Bonabes de Rochefort accordent et transigent. Ce qui montre que ladite Dame de la Roche-d’Iré, estant veufve dudit Emery de Neuville, s’estoit remariée avec ledit Bonabes de Rochefort estant veuf de sa première femme, de laquelle il avoit eu ledit Thébaud son fils aisné, mary de sa seconde fille et dudit Emery, estant l’aisnée mariée audit monsieur Guillaume de Rougé » (2).
(1) DONGES, commune, canton de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure)
(2) Histoire généalogique …, par A. du Paz, p.165

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Guillaume de Rougé (1), sire de Rougé et de Derval, et seigneur de la Roche-d’Iré par son seconde mariage avec N. de Neuville, eut de celle-ci :
Jean, sire de ROUGÉ et de Derval par héritage de son demi-frère Bonabes, décédé sans postérité, et seigneur de la Roche-d’Iré, de Neuville et de la Cornuaille, par succession de sa mère. Il prit parti pour Charles de Blois et périt au siège de la Roche-Derrien, le 20 juin 1347. Il épousa une fille de Guy de Montalais, qui lui apporta la seigneurie de la Motte-Cesbron (2) en la paroisse de Loiré, et lui donna deux fils. L’aîné fut tué avec son père à la Roche-Derrien, et le second fut :
Bonabes, quatrième du nom, chevalier, sire de ROUGÉ, de Derval, de la Roche-d’Iré, de Neuville et de la Cornuaille. Il quitta le duc de Bretagne et, s’étant mis au service du roi de France, fut fait prisonnier à la bataille de Poitier (18 juin 1356). Ayant payé sa rançon, il fut désigné parmi les otages de Jean le Bon et emmené en Angleterre. En récompense de ses services, le Roi
(1) ROUGÉ (de) : De gueules à une croix patée d’argent. – Cette ancienne maison, l’une des premières de la province de Bretagne, a sa filiation établie depuis le XIe siècle. Hervé de Rougé eut pour fils Eudes, qui signa la lettre de fondation du prieuré de Saint-Sauveur de Béré, près Châteaubriant, en 1056. – Bonabes, premier du nom, sire de Rougé, s’allia avec plusieurs seigneurs bretons contre Henri II, roi d’Angleterre (1174). – Bonabes, deuxième du nom, assistait aux États de Vannes en 1202. – Olivier, croisé en 1248 (Cabinet Courtois), épousa, vers la moitié du XIIIe siècle, Alice de Derval. Depuis lors, les seigneuries de Rougé et de Derval furent réunies. – Guillaume, fils du prédécent, devint seigneur de la Roche-d’Iré par son mariage avec l’héritière des Neuville. – Jean, mari de Béatrix de Rieux, décédé sans enfant mâle, le 8 février 1415, fut le dernier représentant de la branche aînée, fondue par sa soeur Jeanne dans la maison de Châteaugiron (1400). Une branche cadette, établie en Anjou, au château des Rues, paroisse de Chenillé-Changé, reprit le nom de Rougé et a continué la descendance. Parmi les personnages illustres qu’elle a produits, nous citerons : Pierre, marquis de Rougé, maréchal de camp, tué au combat de Filinghausen, le 16 juillet 1761. – Jacques de Rougé, marquis du Plessis-Bellière, capitaine général des armées du Roi, mourut de ses blessures à Castellamare, en 1654. – Son fils, François-Henri, maréchal de camp, commanda le régiment d’infanterie du Plessis-Bellière et décéda en 1692, etc.
(2) Voir MOTTE-CESBRON (la)

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lui donna la vicomté de la Guerche en Touraine. Mais le duc de Bretagne, mécontent de son abandon, lui confisqua le château de Derval et le donna à Robert Knolles, l’un des principaux chevaliers anglais. Jean de Rougé, fils de Bonabes, ne rentra en possession de son manoir qu’à la paix de 1380.
Ce fut pendant cette période, en 1359, que les Anglais occupèrent la Roche-d’Iré. Ils durent l’évacuer l’année suivante, puisque le traité de Brétigny (8 mai 1360) stipulait pour le roi d’Angleterre l’obligation d’abandonner les forteresses qu’il occupait au pays d’Anjou.
Bonabes de Rougé mourut en 1377 et fut inhumé dans l’abbaye de la Meilleraye. Il s’était allié à Jeanne de l’ISLE (1) qui lui apporté la seigneurie de Cinq-Mars-la-Pile (2) et lui survécut. Quatre enfants naquirent de ce mariage :
1° – Jean, qui suit
2° – Galhot, qui vient après Jean.
3° – Jeanne, qui eut en partage la terre de la Cornuaille ; elle épousa Geoffroi de la Tour, seigneur de la Tour-Landry et de Bourmont (3).
4° – Huette, mariée à Brisegaud d’Usaiges, seigneur de Vouens, vidame du Mans, vers 1353.
Jean de Rougé, de Derval, de la Roche-d’Ir2, etc., était encore mineur en 1378. Le 7 février de cette année, il passa un appointement avec Guy de Laval, seigneur de Candé, mari de Louise de Châteaubriant, pour terminer un procès qui avait été intenté à son père au sujet du droit de haute justice dans la terre de la Roche-d’Iré.
Voici ce document :
« Sur les debaz et pledaeries meues, ja piecza, entre nobles hommes le Sires
(1) ISLE (de l’) : D’azur au léopard d’argent.
(2) CINQ-MARS-LA-PILE, commune, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire).
(3) Voir BOURMONT

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de Laval et de Chastiaubriend et dame Loïse, sa compaigne, dame des dix lieux, d’une partie, et feu monsr. Bonnabes, sire de Derval et de Rogé au temps qu’il vivoit, auquel Deix pardonne, d’autre partie ; De ce que ledit feu monsr. Bonnabes avoit usé de haute justice en sa terre de Rochediré et autres qu’il avoit et tenoit ou povair des diz sires de Laval et de Chastiaubriend en leur chastelenie de Candé, et usé de Justice ès grans chemins qui sont ès dites terres dudit feu monsr. Bonnabes, et ès sorties d’icelles. Lesquelx justicemenz et congnouessances de ce, disoient que cela … monsr. Bonnabbes ne povoit ne ne debvoit faire, ne à li appartenoient. Celi feu monsr. Bonnabbes, au temps qu’il vivoit, avouoit les causes dessus dites et droit de faire ; dont plusours proceiz sourdirent entr’éulx en la court de Parlement du Roy, notre Sire, et est encore en Parlement.
Est troictié et acordé, si il plaist à la Court du Parlement, entre les dessus diz de Laval et de Chastiaubriend d’une partie, et monsr. Jehan, sire de Derval et de Rogé, filz et héritier principal dudit feu monsr. Bonnabbes, d’autre partie, que les enquestes, procès et erremenz faiz sur les causes de sur dites en Parlement et aillours, tant d’une partie que d’autre, seront trairrés de la Court de Parlement, mises, livrées et baillées par devers ledit de Laval et de Chastiaubriend qui les vira et fera voairs. Et en oultre, veult et est d’assentement, celi sire de Derval et Rogé, que celi sire de Laval et Chastiaubriend soit chargé à sa consiance et ordene à sa volunté des chouses dessur dites en saisine et propriété, senz nul resort, ne jamès venir en contre ; laquelle charge et ordenance celi sire de Laval et Chastiaubriend a prinse et acceptée.
Et pour tant comme touche les domapges et despans, en est et sera à l’ordennance de noble homme le sire de Cliczon et de Belleville (1), laquelle sera tenue des dites parties et chacune, sens venir en contre ; et le congié donné dudit Parlement et les dites causes en mises hors, comme dit est celi
(1) Olivier de Clisson, connétable de France