Nicole, veuve de Jean Bouju, réclame la donation qu’il lui avait faite, Angers 1503

Lorsque j’ai tappé ici le Journal d’Etienne Toisonnier, Angers 1683-1714, j’avais été frappé par le nombre de couples décédés sans hoirs. En effet, lorsque les généalogistes établissent des descendances ils ont le plus souvent rarement la trace de ces couples puisqu’à part leur mariage, ils ne se manifestent pas.
Mais les actes notariés m’ont appris à connaître toutes ces successions collatérales, tous ces oncles, tantes, cousins éloignés, décédés sans hoirs. Et, je dois dire que c’est souvent que vous en voyez ici sur mon blog.
Je vous mets ces temps ci plusieurs transactions pour un cas plus délicat, à savoir lorsque l’époux sans hoirs décède avant son épouse, et la malheureuse a certes légalement des droits, mais rencontre le plus souvent des difficultés pour avoir son douaire (usufruit d’un tiers) et j’ai trouvé des cas forts opposés, l’un socialement classe moyenne (pintier et hôtelier), l’autre noble plus fortuné, et vous allez voir qu’il fallait souvent aller en justice pour faire valoir ses droits.
Il est vrai qu’on raconte qu’autrefois une femme sans enfants était une MAUVAISE, et que cela ne devait pas être rien. D’ailleurs, je suis certaine que les hommes leur imputaient la faute, et si mes souvenirs sont exacts, c’est de mon temps qu’on a connu les tests de fertilité des hommes, et qu’on a pu distinguer la fertilité des femmes et celle des hommes, et je ne suis pas certaine que les femmes aient un pourcentage d’infertilité supérieur à celui des hommes. Il faudrait pour cela consulter les statistiques… toujours intéressantes.

Bref, ici le mari décédé a 2 héritiers à savoir un neveu du côté maternel et un oncle du côté paternel, et bien entendu ils n’ont pas laissé à la veuve sa part.

J’ai trouvé cet acte aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E5 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle) :

Le 27 juin 1503, en la cour du roy notre syre Angers etc (Cousturier notaire Angers) comme procès fussent meuz et pendant par devant le juge de la prévosté royale de ceste ville d’Angers entre Nycolle veufve de feu Jehan Bouju en son vivant l’un des maistres pintiers de ceste ville d’Angers d’une part,
et Jehan Symon aussi pintier frère en ligne maternelle et héritier pour une moitié dudit feu Jehan Bouju
et Jehan Bouju sieur de lostelerie (sic, lisez à haute voix et vous comprendrez) ou pend pour enseigne la vierge Noire en la rue saint Aulbin de ceste dite ville d’Angers oncle en ligne paternelle et héritier pour l’autre moitié dudit feu Jehan Bouju d’autre part
touchant ce que ladite Nycolle disoit que ledit feu Jehan Bouju son mari par son testament et dernière volonté luy avoit donné et legué partie de ses biens meubles et outre tous et chascuns les hostels à luy appartenant et servans audit mestier de pintiers avec une robe noyre à l’usaige dudit feu, laquelle donnaison ladite veufve avoir signiffiée et fait à scavoir auxdits dessus dits mesme audit Symon et iceulx sommés priés requis de luy consentir ladite donnaison ou legs testamentaire lesquels Jehan Bouju et Symon auroient esté refusans
et à ceste cause ladite Nycolle veufve susdite avoir fait amener et aparoir par devant le juge de ladite prévosté par devant lequel lesdits héritiers avoient et ont procédé par plusieurs procès et delais et est encours ledit procès pendant
aussi disoit ladite Nycolle que pour avoir son douaire sur les biens choses héritaulx dudit feu Symon escheus par la mort et trespas dudit Jehan Bouju elle avoit fait amener et aparoir ledit Symon par devant ledit juge de la cour pour piecza passé

de quoy ladite Nycolle veufve dudit feu Boujou et Jehan Symon estoient en grand danger de nourrir ung autre procès pour ce voulant ledit Symon iceluy éviter à son pouvoir nourrir et entretenir paix et amour avec ladite Nycolle luy a requis de transiger paciffié et accorder et faire quelque accord entre eulx pour raison dudit procès intenté pour ladite donnaison legs testamentaire et saisies dusdites à l’occacion dudit douaire et que ladite Nycolle à cause et par l’advis de Jehanne veufve feu Denis Courau ses père et mère et autres ses parents et amys
pour ce est-il que en la cour du roy notre sire à Angers endroit etc ledit Jehan Symon pour luy seulement et non pour ledit Jehan Bouju d’une part et ladite Nycolle d’autre part soubzmectant confessent avoir paciffié transigé appointé et accordé et encores paciffient transigent et accordent par entre eulx de et sur les différends et chacuns d’iceulx en le forme et manière sui s’ensuyt c’est à savoir que ledit Symon pour tant que à luy touche s’est du joud’huy délessé et désisté de ses défenses dudit procès par devant le dit juge de ladite prévosté pour ladite donnaison ou legs testamentaire pour et au profit de ladite Nycolle ses hoirs et luy a consenty par ces présentes consent pour tant que à luy touche et peult toucher esdites donnaison ou legs testamentaire nous l’avons jugé et ce fait ladite Nycolle et pourtant que à luy touche seulement comme ont transigé et appointé …

à ladite Nycolle sur les immeubles choses héritaulx appartenant audit Symon à cause de ladite succession dudit feu Jehan Bouju mary de ladite Nycolle la somme de 60 livres tournois laquelle somme de 60 livres ledit Symon a promis doibt et sera tenu poyer et bailler à ladite Nycolle ou autres ses hoirs etc dedans Noël prochainement venant la somme 20 livres et le reste montant 40 livres tournois par demi termes au jour et feste de St Jehan Baptiste lors prochain ensuivant ledit jour et feste de Noël prochain et 20 livres tournois ou jour et feste St Jehan Baptiste prochain venant
de ce faire tenir et accomplir par les termes voye et manière dessusdite ledit Symon a promis est et sera tenu bailler à ladite Nycolle ung ou plusieurs pleges bons suffisamment ratiffiés dedans 18 jours prochainement venant à la peine de 15 livres tz en cas de deffault ces présentes néanmoins etc
et ce faisant ledit Symon ses hoirs demeurent quites indempnes vers ladite Nycolle ses hoirs desdites choses pour le prix dessus dit et chacune d’icelles et quant à tout ce obligent etc foy etc renonçant etc
a esté ad ce présent ladite veufve dudit feu Denis Courau père et mère de ladite Nycolle qui a confessé par devant nous avoir eu content dudit Symon la somme de 15 livres tz moitié de la somme de la somme de 30 livres tournois aussi baillés par ledit Denis à sadite veufve audit feu Bouju et Nycolle par le mariage d’entre eulx et la somme de 10 sols que ledit Symon a promis rendre et poyer à ladite veufve dudit feu Courau dedans dimanche prochainement venant
fait en présence de Mathurin Renier et Jehan Lecommandeux cordonniers tesmoings

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog. Tout commentaire ou copie partielle de cet article sur autre blog ou forum ou site va à l’encontre du droit d’auteur.

Une réponse sur “Nicole, veuve de Jean Bouju, réclame la donation qu’il lui avait faite, Angers 1503

  1. ‘sans hoirs’
    Je pense que nos ancêtres paysans devaient être assez ‘fatalistes ’ sur ce point ,en plus ils avaient la connaissance des animaux et de la nature..
    Je me souviens d’une expression d’une femme âgée quand j’ai débuté mon activité dans la France dite ‘profonde’ du Maine .
    Elle m’avait expliqué l’absence d’enfants dans son couple par cette expression ‘ça n’a point prris’ comme une greffe sur un arbre en quelque sorte …(je mets deux r car le r se roule encore dans nos campagnes)
    Sur le moment , j’en été un peu amusée mais finalement ,c’est une bonne conclusion ,cela évite de se rejeter la faute mutuellement …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *