Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

1691 : janvier, février, mars, avril, mai, juin

Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 8 janvier (1691) Mr Romain, fils de feu Mr Romain avocat au siège présidial de cette ville, veuf de la Delle Lezineau, duquel mariage il n’y a point d’enfant, épousa la fille de madame Duport veuve. (Je me permets d’insister, lourdement, sur ces couples sans enfants, qui sont nombreux lorsqu’on lit Toysonnier, car, en généalogie, on les occulte le plus souvent, alors qu’ils ont joué un rôle important dans les successions, tant ils ont été une mane pour leurs neveux, je crois que j’y reviendrai pas des exemples)
  • Le 15 (janvier 1691) la fille du sieur Pouneau marchand à Saumur et de la dame Pigeon veuve du feu Sr Carré fils de Mr Carré notaire et de la défunte dame Chesneau, duquel mariage il n’y a point eu d’enfant, épousa le sieur Hary Me apothicaire en cette ville.
  • On a commencé de ce jour (15 janvier 1691) à lever la somme de quarante et deux mil sept cent cinquante livres sur les habitants de cette ville, à laquelle elle a été taxée pour être déchargée des ustanciles de gens de guerre pendant le quartier d’hyver. Le rôle s’est fait sur un chacun suivant ses biens et facultés, mais toujours d’une manière fort inégale. Ce qui donne lieu à plusieurs plaintes. (Note de Marc Saché : L’ustencile désignait les fournitures dues à la troupe par les gens qui la logeaient ou l’impôt de remplacement. Pour le répartir, on faisait le recensement des habitants. Injonction est adressée par le maire à tous les particuliers non taxés ou qui ne l’ont pas été suivant le prix de leurs baux, voire même à ceux qui sont en pension et jouissent de leur bien, de faire leur déclaration à l’hôtel de ville sous peine de voir tripler la taxe imposée (Arch. Mun. BB 98, f°28). On envoyait même des garnisaires chez ceux qui refusaient de payer la taxe (Ibid, BB 99 f°37))
  • Ce même jour (15 janvier 1691) monsieur Dupont fils de Mr Dupont avocat à ce siège, et Mr Margariteau, fils de défunt Margariteau aussi avocat au siège présidial de cette ville, plaidèrent leur première cause.
  • Le 17 (janvier 1691) mourut madame Lezineau femme de monsieur Lezineau docteur régent ès-droit en l’université de cette ville. Elle a laissé quatre enfants. Elle s’appelait René Bouard fille de feu monsieur Bouard avocat au siège présidial de cette ville et de la demoiselle Renard. Elle fut enterrée le lendemain dans l’église de St Michel du Tertre.
  • Le 19 (janvier 1691) mourut la femme du Sr de la Touche barbier perruquier en cette ville ; elle n’a point laissé d’enfant. Ledit Le Touche avait épousé en premières noves la dame Jarry dont il y a quatre enfants.
  • Le 22 (janvier 1691) mourut la femme du feu Sr Lejeune marchand, âgée de 75 ans ; elle s’appelait … Elle a laissé plusieurs enfants ; une fille a épousé le Sr Sailland des Mazières, le Sr Lejeune de la Grandmaison, le Sr Lejeune de la Vincendière marchand à Nantes qui a épousé la fille du sieur de la Plante Mauvif marchand de laine en cette ville, et un garçon.
  • Le 28 (janvier 1691) le fils de monsieur Gilles Sr de Volaine, maître des Comptes à Tours, capitaine d’infanterie, épousa la veuve de feu Me de Gastines dit Bras d’argent, dont il y a cinq enfants.
  • Il y a trois mois que le sieur Gaspard Geslin chirurgien mourut âgé de 84 ans dans sa maison de Savigné. Il avait laissé un fils mort depuis quelques années qui avait épousé une nommée Goisbet, et une fille morte qui avait épousé le Sr Camus, duquel mariage il n’y a point eu d’enfants.
  • Le 3 février (1691) mourut la femme de monsieur Fleuriot avocat au siège présidial de cette ville, âgée de 54 ans. Elle a laissé plusieurs enfants ; elle s’appelait Cordier.
  • Le 5 (février 1691) mourut la femme du sieur Aubert marchand de soie en cette ville ; elle a laissé 7 enfants ; elle était âgée de 45 ans ; elle s’appelait Le Maçon.
  • Le 8 (février 1691) le fils aîné de feus monsieur de Chemant et de la dame Crespin épousa la fille de la dame veuve feu Mr de Chevreüe.
  • Le 18 (février 1691) mourut le Sr Bessonneau cy-devant marchand de soie en cette ville âgé de 80 ans. Il a laissé plusieurs enfants, un garçon chanoine à St Martin, l’autre marchand droguiste.
  • Le 19 (février 1691) le fils de Mr Jarry avocat, et le fils de Mr Reimbault Me apothicaire, plaidèrent leur première cause.
  • Le 21 (février 1691) la fille du sieur Boisard marchand confiseur en cette ville épousa la fille du Sr Lepage marchand tanneur.
  • Le 23 (février 1691) mourut monsieur Cherot avocat au présidial de cette ville, âgé de 54 ans. Il avait du mérite et plaidait avec beaucoup de netteté. Il était d’une humeur fort agréable et fort enjouée. Il n’a que deux filles, dont l’aînée est veuve de monsieur de Louzil Avril conseiller au présidial.
  • Le même jour (23 février 1691) mourut le Sr Potry, notaire royal en cette ville.
  • Le 26 (février 1691) monsieur Boulay, avocat au siège présidial de cette ville épousa la fille du feu Sr Dupré de Forge.
  • Le 14 mars (1691) mourut monsieur de Lorchère Varlet. Il avait autrefois été avocat au siège présidial de cette ville.
  • Le 9 avril (1691) mourut la dame Guillotin ; son mari avait été cy-devant messager de cette ville à Tours.
  • Dans ce temps, on a commencé à bastier la porte St Blaize et le Collège. On a aussi planté d’ormeaux la place Martineau devant le couvent des dames religieuses de la Fidélité.
  • Le 24 (avril 1691) Mr Constantin bachelier en théologie et recteur de l’université de cette ville, mit la première pierre du Collège. (Note de Marc Saché : Ce fut en effet Joseph Constantin qui posa la première pierre. A la fin de mars 1690, le maire, Grandet de la Plesse, et le procureur de l’hôtel de ville, Daburon, furent délégués auprès de l’intendant pour arrêter, de concert avec de Sainte-Marthe, supérieur général de l’Oratoire, l’emplacement du nouveau collège « tant pour la commodité de la ville et des écoliers que pour lui donner une décoration telle qu’il convient à un pareil établissement. » Après de nombreux démélés des Oratoriens avec les Ursulines, qui ne voulaient point de ce voisinage, l’adjudication des travaux fut faire pour 37 000 livres à l’architecte de la ville, Lecomte, le 5 août 1690. Mais le chiffre fut bien dépassé. (Arch. Mun. BB 98 f°40, 42, 55). On sait que la mairie actuelle occupe les bâtiments de ce collège)
  • Le 27 (avril 1691) monsieur Grandet, maire de cette ville, posa la première pierre de la nouvelle porte St Blaise. (Note de Marc Saché : Un arrêt du conseil autorisait la construction d’une porte de ville au bout de la rue de l’Hôpital, rue qui partait de l’hôtel de Lantivy, hôtel actuel de Chemellier, et se terminait à la place du Lion-d’Or, détruite par le prolongement de la rue Lenepveu. La porte ouvrait du côté des Minimes. On dut racheter, au prix de 1 200 livres, des maisons pour le dégagement de la nouvelle construction. Le 24 février 1691 le corps de ville décida qu’avec l’assentiment du lieutenant du roi « on fera graver sur une lame de cuivre, pour estre encastrée entre deux grandes pierres de marne et mise à ladite porte », une inscription commémorative composée par Frain du Tremblay (Voir le texte de cette inscription BB 99 f°14 in Bulletin historique et monumental, années 1867-1868, pp. 9, 10)
  • Le même jour (27 avril 1691) mourut subitement Mr Bault d’Aubdré, s’étant, dit-on, échauffé à la chasse.
  • Le même jour mourut la femme de feu Mr Allard droguiste ; elle s’appelait Phelipeau.
  • Le premier may (1691) furent élus échevins messieurs de la Blanchardière Gourreau conseiller au siège présidial et Bachelot bourgeois de cette ville.
  • Le 7 (mai 1691) monsieur Drouet de Grasigné se fit installer dans la charge de conseiller au siège de la prévôté de cette ville, qu’occupait Mr du Roger Dangené son beau-père.
  • Le 8 (mai 1691) Mr Blanchard avocat veuf de demoiselle Barbe Dugué, duquel mariage il y a une fille, fils du feu Sr Blanchard et de la dame Loyseau épousa la fille du feu Sr Provos ancien juge consul et de la feüe dame Barbereau.
  • Le 21 le fils de Mr de Grée Poulain conseiller au siège présidial de cette ville épousa la fille du feu Sr …
  • Le 4 juin (1691) mourut la femme de feu Mr Board avocat elle s’appelait Renard ; elle a été malade pendant neuf mois d’un cancer au téton. Elle n’avait qu’une fille morte depuis quelques mois femme de Mr Lezineau, docteur ès-loix.
  • Le 7 (juin 1691) mourut la femme du Sr des Brosses Panetier bourgeois ; elle a laissé trois petits enfants. Elle s’appelait Neveu, fille de Mr Neveu docteur en médecine.
  • Le 12 (juin 1691) le fils de monsieur de Grée Poulain, doyen de messieurs les conseillers au siège présidial de cette ville, épousa la fille de la dame de la Chenaye Béritault.
  • Le 25 (juin 1691) le fils de monsieur Le Clerc, assesseur au siège présidial de cette ville épousa la fille du Sr du Laurens.
  • Le 23 (juin 1691) Mr Airault prêtre fils du feu Me Ayrault lieutenant criminel et de la dame Lefebvre, prit possession de la cure de St Michel du Tertre.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
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    La balle d’avoine, pour dormir dessus, et la catalogne pour se couvrir au lit

    Nous avions vu à 2 reprises des éléments concernant le lit : le fabricant de matelas, et le prix du lit selon les classes sociales. Mais la plupart du temps en Anjou, le lit est estimé garni et non au détail de chaque élément. Grâce à nos voisins du Maine, qui ont souvent le détail des prix, on sait que les éléments de la garniture sont en fait plus onéreux que le bois de lit lui-même.

    Voici un exemple, qui nous est communiqué par Elisabeth Vaillen, de Laval : Inventaire Pivert, 1700 (Archives de la Mayenne, série 3E)
    Attention, vous passez dans la retranscription de l’acte, donc en orthographe telle que dans l’acte.

  • Une catolene de sarges sufil blanche estimée 6 L
  • Une couette de lit aveq 2 petis oriliers et un traverslit le tout garnis de plume couvert de couesty fors un des oriliers qui n’est couvert que de toile pezant ensemble 40 livres pois de laize once estimé la livre à 15 s qui fait 35 L
  • Une couette de balle aveq un orillier ausy de balle 1 L
  • Une petite couette de balle et un orillier estimés ensemble à 1 L 10 s
  • Je passe à mes commentaires, dans mon orthographe actuelle. Si je précise ce point, c’est que je ne compte pas les emails quotidiens pour me dire d’un ton péremptoire : Madame sachez que tel lieu, tel patronyme, tel terme s’écrit ainsi. Mon site est entièrement fait de retranscriptions qui sont au contraire pures racines des termes.

    La catolene se comprend mieux phonétiquement, car autrefois les accents régionaux altéraient beaucoup les termes, donnant lieu à de très jolies et très diverses variantes. Ainsi les syllabes a e et o étaient souvent mélangées.
    Si on regarde bien la phrase, on sait qu’elle est en serge, et vous savez maintenant que le  »sarger » aliàs  »sargier » travaille la laine. Maintenant, si vous étudiez phonétiquement catolene, vous obtenez la catelogne ou

    catalogne : couverture de laine, sans doute appelée ainsi à cause de son origine. On écrit aussi chatalongue, castellongne, et à Avranches au 18e siècle on trouve castalloine (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997).

    Je ne compte plus les variantes orthographiques que j’ai rencontrées, toujours est-il qu’elle est le plus souvent présente.
    Donc, notre catolene est la couverture de laine sur fil. Je crois savoir que de nos jours nous avons la couverture toute laine (ou alpaga, ou cachemir ou autre), de coton, et enfin plus récemment de polaire. On peut regarder la catolene comme leur ancêtre, si je peux m’exprimer ainsi.

    Les lignes suivantes sont fort intéressantes, car on a dans les trois cas le terme couette mais l’une garnie de plume les deux autres de balle. Celle de plume est l’élément le plus coûteux. Et, comme la plume est légère, gageons qu’elle est dessus, et sert donc de couverture. C’est d’ailleurs ce que va nous démontrer la présence des autres couettes.

    Les deux dernières couettes sont dites de balle. Le terme balle a tant de sens, que celui qui nous concerne disparaît dans une multitude d’explications. Je connais son sens, entre autre parce que j’ai travaillé durant 2 ans dans l’un des plus grands moulins d’Europe sur le Rhin à Cologne. Cet immense moulin, sur 12 niveaux, est un souvenir merveilleux pour moi, car comme souvent en Allemagne on se déplaçait par Pater Noster, c’est à dire espèce d’ascenceur sans porte et qui ne s’arrête pas. Mais celui du moulin était aussi sans cloisons, et en demi-cercle. Fabuleux, tout bonnement fabuleux… Enfin, pas la première fois, car j’ai eu tout bonnement la trouille : pour une Française le Pater noster est toujours une découverte, mais celui-ci était une très impressionnante découverte, on voyait le vide des 12 étages en regardant par terre. En tant qu’employée chimiste au labo, au 12e étage, vue imprenable sur le Rhin et Cologne, je devais faire mes prélèvements quotidiens moi-même, avec le Pater Noster.

    Donc la balle est un sous-produit des moulins, c’est l’enveloppe du grain. La couette de balle est une sorte de poche de toile remplie de balle. La balle donne son nom aux couettes remplies de balle, aussi voici en Anjou ce que donnent les dictionnaires :

    Ballière : couette de balle d’avoine (Charles Ménière, Glossaire angevin, 1880)
    Baline, balline : large poche remplie de balles d’avoine pour le lit (Henri Boré, Glossaire du patois angevin, 1988)
    Ballin : petite paillasse bourrée de balle d’avoine et de guinche pour un berceau cf. ballo, pissou (Cerle J. Ferry, Laval, Lexique du patois vivant, 2001).
    Ballée : en Anjou, matelas rembourré avec des balles d’avoine. On dit aussi balline, ballière (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997)

    Vous avez vu au passage le pissou, terme parlant. En effet, pour les enfants, on remplaçait aussitôt la balle d’avoine.
    La couette de balle est donc ce qui est dessous, et qui sera progressivement remplacée par le matelas de laine, puis de mousse, de ressorts…. Et bien entendu il s’agit le plus souvent de balle d’avoine, d’où le titre de mon billet. Elle a disparu avec la disparition du monde rural et l’urbanisation, et l’invention de la mousse de synthèse etc…, mais beaucoup s’en souviennent encore…, l’utilisent encore…
    Pour les autres termes, vous êtes grands, et au cas où vous souhaiteriez des définitions, voyez mon lexique des inventaires en Haut-Anjou.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    La balle d’avoine, pour dormir dessus, et la catalogne pour se couvrir au lit

    Nous avions vu à 2 reprises des éléments concernant le lit : le fabricant de matelas, et le prix du lit selon les classes sociales. Mais la plupart du temps en Anjou, le lit est estimé garni et non au détail de chaque élément. Grâce à nos voisins du Maine, qui ont souvent le détail des prix, on sait que les éléments de la garniture sont en fait plus onéreux que le bois de lit lui-même.

    Voici un exemple, qui nous est communiqué par Elisabeth Vaillen, de Laval : Inventaire Pivert, 1700 (Archives de la Mayenne, série 3E)
    Attention, vous passez dans la retranscription de l’acte, donc en orthographe telle que dans l’acte.

      Une catolene de sarges sufil blanche estimée 6 L
      Une couette de lit aveq 2 petis oriliers et un traverslit le tout garnis de plume couvert de couesty fors un des oriliers qui n’est couvert que de toile pezant ensemble 40 livres pois de laize once estimé la livre à 15 s qui fait 35 L
      Une couette de balle aveq un orillier ausy de balle 1 L
      Une petite couette de balle et un orillier estimés ensemble à 1 L 10 s

    Je passe à mes commentaires, dans mon orthographe actuelle. Si je précise ce point, c’est que je ne compte pas les emails quotidiens pour me dire d’un ton péremptoire : Madame sachez que tel lieu, tel patronyme, tel terme s’écrit ainsi. Mon site est entièrement fait de retranscriptions qui sont au contraire pures racines des termes.

    La catolene se comprend mieux phonétiquement, car autrefois les accents régionaux altéraient beaucoup les termes, donnant lieu à de très jolies et très diverses variantes. Ainsi les syllabes a e et o étaient souvent mélangées.
    Si on regarde bien la phrase, on sait qu’elle est en serge, et vous savez maintenant que le  »sarger » aliàs  »sargier » travaille la laine. Maintenant, si vous étudiez phonétiquement catolene, vous obtenez la catelogne ou catalogne : couverture de laine, sans doute appelée ainsi à cause de son origine. On écrit aussi chatalongue, castellongne, et à Avranches au 18e siècle on trouve castalloine (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997). Je ne compte plus les variantes orthographiques que j’ai rencontrées, toujours est-il qu’elle est le plus souvent présente.
    Donc, notre catolene est la couverture de laine sur fil. Je crois savoir que de nos jours nous avons la couverture toute laine (ou alpaga, ou cachemir ou autre), de coton, et enfin plus récemment de polaire. On peut regarder la catolene comme leur ancêtre, si je peux m’exprimer ainsi.

    Les lignes suivantes sont fort intéressantes, car on a dans les trois cas le terme couette mais l’une garnie de plume les deux autres de balle. Celle de plume est l’élément le plus coûteux. Et, comme la plume est légère, gageons qu’elle est dessus, et sert donc de couverture. C’est d’ailleurs ce que va nous démontrer la présence des autres couettes.

    Les deux dernières couettes sont dites de balle. Le terme balle a tant de sens, que celui qui nous concerne disparaît dans une multitude d’explications. Je connais son sens, entre autre parce que j’ai travaillé durant 2 ans dans l’un des plus grands moulins d’Europe sur le Rhin à Cologne. Cet immense moulin, sur 12 niveaux, est un souvenir merveilleux pour moi, car comme souvent en Allemagne on se déplaçait par Pater Noster, c’est à dire espèce d’ascenceur sans porte et qui ne s’arrête pas. Mais celui du moulin était aussi sans cloisons, et en demi-cercle. Fabuleux, tout bonnement fabuleux… Enfin, pas la première fois, car j’ai eu tout bonnement la trouille : pour une Française le Pater noster est toujours une découverte, mais celui-ci était une très impressionnante découverte, on voyait le vide des 12 étages en regardant par terre. En tant qu’employée chimiste au labo, au 12e étage, vue imprenable sur le Rhin et Cologne, je devais faire mes prélèvements quotidiens moi-même, avec le Pater Noster.

    Donc la balle est un sous-produit des moulins, c’est l’enveloppe du grain. La couette de balle est une sorte de poche de toile remplie de balle. La balle donne son nom aux couettes remplies de balle, aussi voici en Anjou ce que donnent les dictionnaires :

    Ballière : couette de balle d’avoine (Charles Ménière, Glossaire angevin, 1880)
    Baline : large poche remplie de balles d’avoine pour le lit (Henri Boré, Glossaire du patois angevin, 1988)
    Ballin : petite paillasse bourrée de balle d’avoine et de guinche pour un berceau cf. ballo, pissou (Cerle J. Ferry, Laval, Lexique du patois vivant, 2001).
    Ballée : en Anjou, matelas rembourré avec des balles d’avoine. On dit aussi balline, ballière (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997)

    Vous avez vu au passage le pissou, terme parlant. En effet, pour les enfants, on remplaçait aussitôt la balle d’avoine.
    La couette de balle est donc ce qui est dessous, et qui sera progressivement remplacée par le matelas de laine, puis de mousse, de ressorts…. Et bien entendu il s’agit le plus souvent de balle d’avoine, d’où le titre de mon billet. Elle a disparu avec la disparition du monde rural et l’urbanisation, et l’invention de la mousse de synthèse etc…, mais beaucoup s’en souviennent encore…, l’utilisent encore…
    Pour les autres termes, vous êtes grands, et au cas où vous souhaiteriez des définitions, voyez mon lexique des inventaires en Haut-Anjou.
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    Testament de Claude Bellier, closier, Gené (49), 1708

    ses dettes passives et actives illustrent son mode de vie, en particulier on voit qu’ils font tous plus ou moins des journées rémunérées les uns chez les autres

    Un closier tient une closerie par bail à métayage aussi appelé bail à moitié car on partage par moitié les fruits entre le propriétaire et le preneur du bail. Une closerie est plus petite qu’une métairie en Haut-Anjou, et ne fait vivre qu’une famille, alors que pour tenir une métairie, plus grosse, il faut généralement au moins 2 hommes.

    L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire
    Voici la retranscription de l’acte : Le 13 octobre 1708, devant Claude Bouvet notaire Royal Segré, Claude Bellier closier à la Petite Fenouillère à Gené, y demeurant, lequel détenu au lit malade, par la grâce de Dieu saint d’esprit pensée et entendement ainsi qu’il nous a apparu, et aux témoins cy-après nommés, craignant de mourir sans avoir testé et ordonné de ses dernières volontés, il nous les nommées, dictées en la forme et manière suivante en révoquants tous testaments et codiciles qu’il pourrait avoir cy-devant fait,
    l’âme étant à préférer au corps, il l’a recommande à Dieu le père le priant par les mérites de la mort et passion de son fils Jésus Christ et par l’intercession de la glorieuse vierge Marie et cour céleste du paradis, de lui pardonner ses offenses et la remettre au rang des bienheureux
    désire qu’après qu’il aura plû à Dieu séparer son âme d’avec son corps, sondit corps être inhumé au cimetière dudit Gené et y être conduit processionnellement par les sieurs curé et vicaire de ladite paroisse
    que le jour de sadite sépulture ou le lendemain il soit dit et célébré un service solemnel de 2 grandes messes chantées
    et soit fait pareil service le jour de l’anniversaire de sadite sépulture, il s’en rapporte à la volonté des ses exécuteurs testamentaires cy-après nommés
    veut et ordonne qu’il soit aussi dit et célébré 3 grandes messes chantées pour le repos des âmes de défunte Jacquine Quittet vivante sa femme, de René et Jacques les Belliers ses enfants, et de ladite défunte depuis peu décédée
    désire aussi ledit testateur être dit et célébré un trentain de messes basses incontinent après son décès dans l’église pour le repos de son âge parents et amis trépassés, pour honoraires desquels services et messes et trentain, il veut et entend que sesdits exécuteurs testamenaires prennent une somme suffisante sur le prix des meubles et autres biens qui resteront après son décès, lesquels il veut être consacré pour cet effet après que les dettes qu’il aurait pu contracteur pendant sa communauté avec ladite défunte Quittet et depuis auront été payées et acquitées
    et après avoir disposé de ses affaires spirituelles, il a aussi voulu mettre ordre aux temporelles
    déclare ledit Bellier testateur devoir à René Bellier son frère, métayer au Bois-Billé à Gené, 48 livres déduction faire de 11 livres qu’il a dit que sondit frère lui avait passé à compte sur celle de 60 livres qu’il lui devait auparavant pour bled que sondit frère luy aurait fourni
    plus, audit René Bellier 6 livres 14 sols restant à lui payer sur les taxes auxquelles il aurait été imposé aux rôles de la taille et capitation de l’année 1700
    plus, déclare ledit testateur devoir au sieur Perron tanneur à Angers 15 livres restant à payer sur l’obligation que lui et ladite défunte Quitter auraient contractée audit Sr Perron devant Nre
    plus, au nommé Menard chaudronnier demeurant au bourg d’Andigné 4 L pour marchandises de poislerie qu’il lui a vendue
    plus à Poitevin meunier au moulin des Pierres à La Chapelle-sur-Oudon 60 sols pour farine qu’il lui a vendue et livrée
    plus par Pierre Coudrier menuisier au bourg de Gené 59 sols pour besogne qu’il lui a faites (il a fait travailler Pierre Coudrier à la journée, et nous allons voir ci-dessous que lui-même travaille parfois à la journée pour d’autres)
    plus, déclare ledit testateur qu’il lui est dû par Pierre Brochet maçon demeurant à Gené 45 sols pour journées que lui et ses enfants auraient faites pour ledit Brochet lors de la construction d’un puits fait par ledit Brochet audit lieu de la Petite Fenouillère (il est closier de la Petite Fenouillère, mais son bail ne le met pas en demeure de payer les travaux du puits qui sont à la charge du propriétaire, par contre, il a travaillé à ces travaux avec le maçon et est payé à la journée, on ne sait malheureusement combien de journées la somme recouvre)
    plus celle de 6 livres par François Gernigon métayer à la ville à Gené tant pour argent prêté que pour fourniture de beurre et journées par lui faites à moins que ladite somme ne soit inserrés sur le taux dudit Gernigon sur lequel il aurait été taxé et cotté
    plus, par Jean Bedouet son neveu, métayer à la métairie du Bois à Chazé-sur-Argos, 4 livres 4 sols pour argent prêté depuis quelque temps
    plus, par Charles Gernigon métayer aux Marais à Gené 40 sols pour travail qu’il aurait fait pour lui
    plus, déclare aussi lui être dû par le nommé Chaillou maréchal en œuvres blanches demeurant au bourg d’Andigné 20 sols pour une pierre de faux qu’il ne lui a pas encore livrée
    plus, ledit Bellier nous a aussi déclaré qu’il est dû audit défunt René Bellier son fils tant par Gernigon que ses enfants métayers à la Grande Fenouillère à Gené 7 livres 14 sols par une part, et 60 sols par autre, et celle de 6 sols, pour journées et besogne faites par ledit défunt
    plus 30 sols dus à sondit défunt fils par monsieur du Chastelier du Rossay demeurant à Angers la Trinité pour besoigne de son métier de filassier qu’il aurait faite pour lui avec François Thibeau aussi filassier
    et pour exécuteurs testamentaires du présent son testament, il a choisi nommé et élu les personnes dudit René Bellier son frère, et de Marin Huau journalier son gendre, lesquels il a prié d’en vouloir bien prendre charge et auxquels il a affecté et affecte tous et chacuns ses biens meubles …
    fait et passé au lieu de la Petite Fenouillère maison dudit Bellier gisant au lit malade en présence de Laurent Lelièvre, Pierre Prezelin marchand, Louis Provost tailleur d’habits demeurants audit bourg de Gené témoins

    Pour moi, c’est merveilleux de lire ces détails de la vie, et tous ces échanges pratiques entre eux… qui nous restituent leur vie quotidienne.
    Ce qui m’a le plus frappé dans ce testament, c’est le paiement des journées de travail au puits avec le maçon, car en fait c’est le puits de la closerie qu’il occupe, mais on voit bien qu’il n’est pas tenu par le bail d’entrenir le puits et que les frais sont à la charge du propriétaire, et son closier se fait payer ses journées de travail sur ce puits.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Les bijoux de Françoise Bourigault veuve Chaillou, 1582

    ses hériters sont réunis en l’hostellerie où pend pour enseigne l’image Ste Barbe rue de la Poissonnerie à Angers pour faire ouvrir une boîte fermée à clef, confiée à Julien Chaillou par feu Jacques Chaillou… (Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E)

    Comme toute succession collatérale, celle-ci fourmille d’héritiers, dont le lien, non précisé (hélas), s’avère sur 3 générations, et sur une famille qui bouge assez pour s’être étendue de Briollay à Thouarcé, Rablay, Angers etc…
    Dans ce qui suit, il y a un personnage clef qu’on connaît, il est marchand drappier à Angers :
    Julien CHAILLOU sans toute né vers 1510 †après octobre 1593 Fils d’Etienne Chaillou et de Thomine Quentin x1 (ctm du 12 novembre 1553 Dvt Lecomte Nre royal Angers) Françoise LEGOUZ °Angers St Pierre 19 novembre 1533 †entre janvier 1560 et juin 1579 Fille de Jean LE GOUZ hôte de Sainte Barbe et de Anne Grudé (elle-même fille de l’hôte de l’hostellerie de la côte de baleine en faubourg Bressigny) dont 12 enfants, dont Anne, l’aînée, qui suit x2 Jehanne BOESTEAU †avant octobre 1593 (succession Dvt Garnier Nre Angers, le 4 octobre 1593)

    Donc, au moment des faits, qui se situent en 1582, ce Julien Chaillou est âgé d’environ 72 ans, ce qui fait d’ailleurs que je le suppose un oncle de tous les Chailloux qui suivent dans cette affaire rocambolesque.
    Anne CHAILLOU (fille aînée des précédents) °Angers St Pierre 12 mars 1554 Filleule de Guillaume Bonnier Md et de Louise Saillant. Elle teste le 6 juin 1579 Dvt Hardy Nre Angers x François LE MESLE Sr de la Hamonaye, hoste de Sainte Barbe à Angers

    Sainte Barbe Musée de Blason et des Corporation. Selon une légende, elle était d’une grande beauté, aussi son père l’enferme dans une tour. Elle y devient chrétienne. Pour cela, son père la décapite lui-même, mais il meurt aussitôt foudroyé. D’où ses attributs : une tour à trois fenêtres, ciboire et hostie, ou canon et barils de poudre. Ici, elle porte le ciboire et la tour.

    La scène se passe à l’hôtellerie Sainte Barbe à Angers. Ajoutez un notaire (c’est utile pour rédiger l’acte) un serrurier (c’est utile pour ouvrir) un orfèvre (c’est utile pour estimer). Allons-y ! :

    Voici la retranscription de l’acte : Le 24 fevrier 1582 en présence de Me Jehan Legauffre notaire du roy notre sire à Angers et demeurant Angers et de présent estant en la maison et hostellerye où pend pour enseigne l’image Sainte Barbe rue de la Poissonnerie (la scène qui suit se passe à l’hôtellerie Sainte Barbe, qui est alors tenue par François Lemesle, gendre de Julien Chaillou. J’ai mis en caractères gras les personnages présents, qui seront ensuite cités lors de la choisie à la fin de l’acte, et manifestement chacun est représentant d’une branche et il y en a 5 branches puisque 5 lots, donc j’ai numéroté aussi de 1 à 5 pour faciliter la compréhension, tout en m’efforçant de faire les césures au bon endroit)
    et encore en présence de honorables personnes sire Simon Davy advocat au siège présidial de ceste ville d’Angers et y demeurant paroisse de St Maurille et Renée Legrand sa femme à ce présente et de luy auctorisée quant à ce, ladite Renée Legrand fille de défunt Alexandre Legrand, ledit Alexandre fils de défunte Guillemine Chaillou,
    Nicolas Jary mary de Marguerite Loiseau demeurant en la paroisse de St Lambert, René Loiseau demeurant en la paroisse de Rablay et encore lesdits Jary et Loiseau eux se disant procureurs et soy faisant fort de René Gaultier sergent royal et de Garys Loiseau femme dudit Gaultier et duquel Gaultier audit nom lesdits Jary et Loyseau ont dit avoir les droits et actions, lesdits les Loiseaux et femme et héritiers de defunte Jehanne Chaillou vivante femme de défunt Jehan Loyseau de Chemillé,
    François Chaillou demeurant à Thouarcé tant en son nom que au nom et comme spécialement fondé de procuration passée sous la cour de Thouarcé par devant Toussaint Chasteau notaire d’icelle le jour d’hier, de Jehan Bastard veuve de feu Jehan Chaillou héritière mobiliaire de défunt René Chaillou et tant audit nom que comme soy faisant fort de chacun de Me Jacques Chaillou prêtre, Jehan, Gilles, Jehan et Julienne les Chailloux, ladite Julienne fille mineure de défunt Louis Chaillou, et encore ledit François Chaillou au nom et comme se faisant fort de Gabriel Apvril et Jehanne Chaillou femme dudit Apvril,
    et honorable homme Gilles Réthoré sieur de la Chauvière demeurant en ladite paroisse de Thouarcé au nom et comme curateur ordonné par justice de la personne biens et choses desdits Jacques, Mathurin et Julienne les Chailloux, enfants mineurs de défunts Jacques Chaillou et Marie Réthoré,
    et Estienne Chaillou marchand demeurant en la paroisse de Rablay, (on apprend plus bas qu’il y a 5 branches de Chaillou, et je me suis efforcé de faire les césures comme le laissait paraître les choisies qui figures ci-dessous. Cela n’était pas aisé, et peut être remis en question, car dans ces actes notariés, écrits sans alinéas, il est difficile d’établir parfois le fil des différentes branches...)

    tous les susdits es noms et qualités que dessus, héritiers les tous de défunte Françoise Bourigault vivante femme de défunt Jehan Chaillou, en présence desquels et à leur requeste, honneste homme Julien Chaillou marchand demeurant en la paroisse de Briollay a représenté un boueste de fer d’un demy pied de long et de cinq doigts de large ou environ regarnie d’une bande de fer par-dessus et fermée à clef, (le pied varie partout, celui de Paris faisait 32,483 cm, ce qui donnerait une boîte de 16 cm de long, en fait elle devait être de la longueur des cuillers)
    laquelle ledit Julien Chaillou (ce Julien Chaillou, qui n’est pas cité dans les héritiers, est sans doute un oncle. On le connaît : il est fils d’Etienne CHAILLOU x Thomine QUENTIN, est né vers 1530 †après octobre 1593. Il épouse en 1 par ctm du 12 novembre 1553 Dvt Lecomte Nre royal Angers, Françoise LE GOUZ qui lui donne 12 enfants puis, après 1573 il se remarie à Jehanne BOESTEAU. Il a environ 50 à 55 ans en 1582.) a dit et déclaré que ledit défunt Jacques Chaillou de son vivant luy avait baillé en garde ladite boîte, déclarant et vérifiant ledit Julien Chaillou ne scavoir ce qui estait dedans ladite boîte et ce fait à la requeste et présence de tous les dessus dits nommmés et de nous notaire, a esté faict ouverture de ladite boite par Thomas Fronteau Me serrurier en ceste ville d’Angers y demeurant paroisse de St Pierre et icelle boîte ouverte les pièces (au sens d’objet) d’or et d’argent qui s’ensuivent lesquelles ont esté prisées et estimées en présence des dessus dits et à leur requeste par honneste homme Roullet Remon Me orfèvre en cette ville d’Angers (Raoul Remon †en 1598 ou 1599, orfèvre à Angers 1571-1597, fils de l’orfèvre Guillaume Remon et de Marie Landry, neveu de l’orfèvre Toussaint Colpin, mari de Catherine Villeneuve qui lui donne 12 enfants)
    Et premier huit cuillers d’argent ayant le manche avecque un racloir aussi d’argent le tout pesant ensemble 7 onces et ung gros, prisé à la raison de 6 escus et ung tiers le marc pour ce cy 3 écus 38 s 9 d
    Item une chesne d’or faicte à pas dasne pesant quatre onces moins ung gros et demy prisé à la raison de 4 escus l’once pour ce cy 30 écus et demy
    Item ung agnus dey (agnus dei : représentation artistique d’un agneau portant une croix) d’argent doré et ung petit pendant au travers appelé garantyère d’or le tout prisé ensemble un écu
    Item 4 anneaux d’or en ung desquels y a ung setrin (Strin : Espece de pierre precieuse. Nicot, Thresor de la langue française, 1606) et l’autre ung cristal gravé et l’autre une cornalyne (Cornaline, pierre precieuse ainsi nommée, Onyx. Nicot, Thresor de la langue française, 1606) et ung torsis (sans doute un tortis, couronne de fleurs) le tout pesant ensemble six gros et prisé à la raison cy-dessus 6 écus
    Item une pièce d’or appellée mouton à la grand lame lige prisé 1 écu 10 sols
    Item ung double ducat valant 6 livres 4 sols prisé 2 écus 4 s

    et au moyen de la représentation des choses susdites tous les susdits héritiers esdits nom et qualités que dessus en ont quitté et quittent et déchargtent ledit Julien Chaillou à ce présent et acceptant pour luy ses hoirs et ce fait les dessus dits héritiers esdits noms et qualités que dessus ont dict et déclaré avoir ledit jour d’hier retiré d’honneste femme Jehanne Mesnard veuve de défunt Jehan Chevalier vivant marchand et Me parcheminier en cette ville d’Angers scavoir est
    ung pot d’argent avec 2 salières faites en équerre aussi d’argent le tout pesant ensemble 2 marcs et demy prisé à raison de 6 écus le marc, 16 écus et outre les susdits esdit noms ont pareillement représenté les meubles ensuivant lesquels ils ont pareillement dit avoir retiré de ladite Menard
    et premier une soye de satin sans manche bordé de velour doublé de toile noire lequel a été prisé et estimé ung escu
    Item une voille quere de robe de demys estade fort voilée et usée prisée par tous les dessus et de leur consentement 20 sols

    Tous les meubles cy dessus mentionnez montent et reviennent ensemble à la somme de 62 escus et deux tiers d’escu 9 deniers tournois, (ce qui fait 188 livres 9 deniers, en 1582, somme que vous pouvez multiplier par 2 un siècle plus tard. Dans tous les cas, cela n’est pas une somme énorme, c’est surtout beau par la description qui en est faite...)
    et ce fait à la requête de tous lesdits héritiers esdits noms et qualités cy dessus mentionnez, et inventoriés et appréciez comme dict est, ont esté mis en 5 lots (s’ils partagent en 5 lots, c’est qu’il y a 5 branches au même niveau) par ledit Remon comme ensuit (pour faciliter la compréhension, j’ai akpité ici ce qui ressort de la choisie qui a immédiatement suivi et laissé mes éventuels commentaires comme d’habitude entre parenthèses et en italique afin de distinguée clairement ce qui est dans l’acte et ce que j’ajoute):
    la moitié de la chesne d’or – resté audit François Chaillou esdits noms
    l’autre moitié de la chesne – choisi par ledit Réthoré audit nom, 4e choisissant
    le pot d’argent avec l’argent de la petite garniture d’or – choisi par Etienne Chaillou, 1er choisissant
    les 2 salières, 2 cuillers d’argent et une petite cuiller en façon de racloire et ung anneau auquel il y a enchassé une cornaline et l’anneau auquel y a un strin – choisi par lesdits Davy et sadite femme, 3e choisissant
    6 cuillers d’argent et un anneau d’or auquel y a une pierre de cristal qui vaul le double ducat et le double ducat et la pièce à la grand l’une d’or, le soye de satin et la doublure de la quere de robe avec ladite boueste dont cy-dessus est fait mention choisi par Nicolas Jary et René Loyseau esdits noms, 2e choisissant

    et pour ce que les 1er et 2e lots sont plus forts que les 3 autres de la somme de 4 écus 2/3 et 10 sous, et partant celui qui aura aura le 1er lot paiera au 4e lot la somme de 2 écus et 25 sous et celui qui aura le 2e lot paiera savoir à celui qui aura le 3e lot 30 sous et à celui qui aura le 4e lot lot 7 sols et à celui qui aura le 5e lot ung escu et 43 sous

  • Il s’agit donc du partage de bijoux qui sont un bien CHAILLOU, entre 5 branches de Chailloux, mais à quel niveau se situait Françoise Bourigault veuve de Jean Chaillou ? était-ce une soeur, une cousine, une tante, une grand-mère, une chose est certaine, tous ces Chailloux sont issus d’un tronc commun.
  • La présence d’argenterie et de tels bijoux, atteste d’une certaine aisance sociale, car je les rencontre peu dans les inventaires après décès. Il s’agit donc de marchands aisés, comme Toysonnier aime à nous parler.
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    Testament d’Augustin Le Vavasseur, chaudronnier au Mesnil-Garnier (50), 1639

    fait à Corzé (49) où il est malade (Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E)

    Nos ancêtres se déplaçaient, et on les retrouve parfois dans les registres paroissiaux, mais aussi dans les actes notariés. Parmi ces déplacements, celui de nos voisins Normands, constituait une véritable route Normande, que j’appelle LA ROUTE DU CLOU, tant elle elle est liée à tous les métiers de la grosse forge et ses petits produits dérivés.
    Bien souvent, dans les métiers de la forge, on retrouve de véritables dynasties, tant le métier était spécialisé, aussi certains noms de famille sont pour ainsi dire réservés, il en est ainsi des Vavasseur, souvent issus de la forge. Je les retrouve à Riaillé etc….
    Parfois, le chemin de ces voyageurs, commerçants ou pélerins, s’arrêtait là où la maladie les emportait. Ce chaudronnier aura eu le temps de nous laisser ce bouleversant testament, qui comme tout testament commence par les affaires spirituelles, mais vous allez voir que les affaires temporelles d’Augustin sont importantes, y compris sur le plan généalogique. Donc, augustin Le Vavasseur meurt de l’épidémie, et j’ai ensuite mis en caractères gras sa recommendation de payer ceux qui porterons son corps en terre, cela signifie clairement qu’en période d’épidémie, les volontaires pour porter en terre au cimetière les morts d’épidémie, étaient courageux, et qu’il craignait qu’on ne le porte pas au cimetière.

    Voici la retranscription de l’acte : Le 20 octobre 1639 devant Christofle Davy notaire royal à Baugé résidant à Corzé furent présents établis et duement soubmis Augustin Le Vavasseur chaudronnier de la paroisse du Mesnil Garnier (dans la Manche, entre Coutances et St Lô, autrement dit vers la route des poîles et Villedieu) pays de Normandie, étant de présent au bourg de Corzé, étant de présent au lit malade, sain néanmoins en la grasse (grâce bien entendu, car je laisse toujours l’orthographe originale de l’acte, et ceci vaut à mon site d’être qualifié de site bourré de fautes d’orthographe.) de Dieu d’esprit et entendement, ne désirant décéder sans avoir ordonné de ses affaires spirituelles et temporelles, a fait le présent son testament de dernières volontés en la forme qui ensuit, et d’aultanct que les choses spirituelles sont à présent devant les temporelles il a recommandé son âme à Dieu à la glorieuse vierge Marie à tous les saintz et sainctes du Paradis, les suppliant intercédder pour luy vers sa grandeur, à ce qu’il luy plaise lors que son âme sera séparée d’avecq son corps (très jolie formule pour désigner le trépas, formule que je rencontre dans tous les testaments angevins) la recevoir en son paradis ;
    Item veult et entend que lors que son âme sera séparée d’avecq son corps sondit corps estre livré à la sépulture iceluy enterré au petit simetière audit Corzé, ou au grand simetière (je sais bien que c’est cimetière, mais une retranscription doit respecter l’original et non le corriger) à l’endroit qu’il plaira à monsieur le curé ;
    Item veult et entend que le jour de son enterrage (eh oui ! c’est l’enterrement) ou le lendemain il soit dit et célébré en l’église dudit Corzé ung service solempnel scavoir trois messes à haulte voix et à basse voix aultant, comme il y aura de prêtres habitués en ladite église avecq pareil service huit jours après ;
    Item veult et entend qu’il soit dit et célébré incessement après son décès en l’église de ladite paroisse du Mesnil Garnier ung trentain à haulte voix avecq pareil service à la fin ;
    Item veult et entend que ceulx qui porteront son corps à la sépulture ensemble ceulx qui le gouverneront en sa malladie soient payés et pour ce faire déclare qu’il donne à la confrairie du Rosaire établie en l’église dudit Corzé la somme de 60 sols à une fois payée pour participer aux prières qui seront célébrées ;
    Item veult et entend qu’il a donné et donne par ces présentes aux enfants de Laurent Cavalle et de défunt Germaine Le Vavasseur sa fille, la somme de 100 livres outre et parsus ce qu’il pourra avoir donné à sadite fille en advancement de droit successif lors de son mariage que pour leurs parts et portions qu’ils pourront prétendre en sa succession après son décès, sy mieulx n’ayment ses autres enfants (là, j’avoue avoir eu du mal à comprendre pourquoi il parle de Germaine sa fille, serait-ce un autre lit ?) consentir aux enfants de ladite Germaine Le Vavasseur sa fille partaigent avecq eux suivant la coustume de Normandie (sage précision, car nous sommes alors en pays de droit coutumier, lequel varie d’une province à l’autre, et les différences sont souvent importantes);
    Item veult et entend que toutes autres debtes qui se trouveront estre par luy instemment deues lors de son décès soient payées et acquitées
    et pour ses exécuteurs testamentaires il nomme Gervaise (autrefois utilisé pour Gervais, car l s’agit bien entendu d’un homme, je n’ai jamais rencontré de femme exécuteur testamentaire, pas plus que témoins dans les actes notariés d’ailleurs) Michel de ladite paroisse du Mesnil Garnier et Pierre Trouillard marchand audit Corzé, qu’il prie en prendre la charge, et exécuter fidèlement selon sa forme et teneur pour ce faire leur a dès à présent céddé quitté et délaissé tous et chacuns ses biens meubles et immeubles qu’il veut et entend estre convertis et employés jusqu’à parfaite et entière exécution d’iceluy, que ledit estably a voulu stipulé etc…
    Item déclare ledit testateur ne debvoir aulcune somme ne marchandie à Julien Le Vavasseur demeurant en ladite paroisse du Mesnil Garnier ;
    fait et passé au bourg dudit Corzé au devant de la maison Doucher ou est de présent ledit testateur en présence de Me Jehan Piron sergent royal demeurant au fauxbourg Sainct Michel du Tertre d’Angers, Vincent Minot aussi sergent royal

    J’ai mis la date en caractères gras, car nous sommes alors en épidémie, et elle emporte durant des mois une grande partie de la population. J’ai déjà mis sur mon site plusieurs dépouillements de cette épidémie, terrifiante, durant laquelle on n’avait parfois des familles entières atteintes et pas le temps de les enterrer au cimetière.
    Enfin, le don à sa fille Germaine est remarquable, car normalement tous les enfants ont la même chose, et la phrase, que j’ai fidèlement retranscrite, n’est pas clair, car s’il a d’autres enfants, cela pourrait signifier qu’elle est d’un autre lit… bref, sans doute un élément pour ceux qui en descendraient le cas échéant. On nomme toujours 2 exécuteurs testamentaires, et l’un d’eux est du Ménil Garnier, mais je ne pense pas qu’il soit venu après avoir été prévenu, car l’épidémie ne le permettait pas. Je pense qu’Augustin Le Vavasseur ne voyageait pas seul, et qu’il nomme son compagnon de voyage. Et bien sût le voyage était commercial et ils vendaient chaudrons et poîles…

    A demain, pour les émotions rocambolesques dignes de la chasse au trésor.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.