Comptes de curatelle, Chauveau Jamet, Angers, 1614

Selon Lucien Bély in Dictionnaire de l’Ancien régime, PUF, 2003

Dans une société où la durée moyenne du mariage est très courte (moins de 10 ans), l’orphelin est une réalité sociale banale, bien illustrée dans la littérature (héritiers ruinés par un oncle avide, jeunes pupilles naïves que leur tuteur veut épouser pour n’avoir pas de compte à rendre)… et dans les archives judiciaires.

Alors qu’aujourd’hui les ménages peuvent aussi bien fêter leur 50 ou 60 ans de ménage (ou voler en éclat, mais c’est un autre chapitre), la durée moyenne de 10 ans stoppée par le décès de l’un des époux, m’impressionne. J’ai pourtant l’habitude de renconter les curatelles etc… mais je n’avais jamais envisagé le chiffre sous cet angle, assez parlant et pour tout dire

    stupéfiant ! 10 ans seulement (en moyenne de vie commune) !

Puis mon auteur (voir ci-dessus) retrace l’histoire du droit de la tutelle et curatelle. Or, en Anjou, pays de droit coutumier, la curatelle (aliàs tutelle en ces pays), dure jusqu’à la majorité, soit 25 ans ! Lorsqu’il y a mariage avant 25 ans, il y a émancipation, mais toujours un curateur aux causes jusqu’à 25 ans.

Enfin, le point le plus important à mes yeux, est le compte de curatelle, rendu à la fin de la curatelle. En effet, le pupille a droit de le contester, y compris en justice, et le curateur, (ou ses héritiers) sont responsables sur leurs biens…

Dans le cas qui suit, le curateur est décédé :

    ses enfants sont poursuivis en justice pour des omissions dans son compte de curatelle

    on comprend que le pupille était sans doute un neveu par leur mère (épouse du curateur décédé, décédée elle-même)

    que cette mère avait une soeur, décédée sans hoirs, dont la succession a donné lieu a quelques omissions (en effet, le pupille aliàs neveu, était aussi héritier de cette dame)

    que la somme omise est relativement importante, assez pour que la transaction estime les héritiers redevables d’une rente viagère de 32 livres par an

    et, cerise sur le gâteau, si la veuve du pupille lui survit, elle aura droit en quelque sorte à une pension de réversion, sous forme de la moitié de la rente viagère sa vie durant

En conclusion, les comptes de curatelle protégeaient bien les pupilles, puisque toute erreur ou omission dans la gestion peut donner lieu à une action en justice.

    Ici, l’action en justice s’arrête par une transaction, procédure simplifiée, sur le conseil des parents et amis, suivie d’un accord écrit chez notaire.

Et bien entendu, de telles transactions sont précieuses pour les liens filiatifs. Je ne descends pas de cette famille, mais d’autres profiteront de ces liens… Croyez bien qu’en 1614, date de la transaction, tous les futurs payants de la rente viagère sont nommés, car bien entendu aucun n’a envie de payer pour les autres…

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription de l’acte : Le 23 mai 1614 avant midy, sur les procès et différents meuz et intervenus entre honneste homme Jehan Chauveau demandeur d’une part et chacuns de honorables personnes Me Jehan et Marin les Jamets, Claude Cormier mari de Françoise Jamet et Julienne Jamet veufve de défunt Me Jehan Motin, enfants et héritiers de défunts honorable homme Me Pierre Jamet sieur des Rochettes et Julienne Chauveau, défendeurs et judiciairement demandeurs, lesdits Chauveau défendeurs pour raison desquels procès et différents lesdites parties auroient demander compromis des personnes de noble homme Me Guy Grudé sieur de la Chesnaye et Denys Nyvart sieru de la Gilberdrye par acte passé par devant Sereain notaire de ceste court le 8 mars dernier sur ce que ledit Chauveau disait que ledit défunt Me Pierre Jamet auroit esté pourvu son curateur qui auroit en son vivant reçu un prétendu compte de la gestion de sadite curatelle examiné par monsieur le juge de la prévôté, lequel compte ledit Chauveau auroit argué de différentes omissions et impertinences, qu’il aurait fournies à l’encontre de Renée Babin veufve du défunt Jamet ou les y auroit appointés en droit tant avecq ladite Babin que avec lesdits les Jamets et demandoit que les Jamets et Cormier esdits noms fussent raplacés de la valleur du logis situé au bourg de Saint Georges sur Loire comprins en son partage etc… (je vous fait grâce de 5 longues pages de détails)

par l’advis de leurs conseils et amis en la court du roy notre sire à Angers, endroit par devant nous Jehan Chevrollier notaire d’icelle furent présents

    ledit Jehan Chauveau marchand demeurant en ceste ville d’Angers paroisse de Saint Maurice,
    ledit Jehan Jamet sieur de Laubryaie dans celle de Candé
    et icelle paroisse ledit Me Marin Jamet sieur des Rochettes
    ledit Cormier sieur des Fontenelles mari de Françoise Jamet
    et Julienne Jamet demeurant en la paroisse de la Trinité de cette ville (soit 4 Jamet en tout)

lesquels demeurent establis soubzmis sous ladite court, lesdits les Jamet et chacun d’eux seul et pour le tout sans division ont sur les procès et différents transigé pacifié et accordé en encores transigent en la forme et manière que s’ensuit

c’est à scavoir que lesdits Jametz et Cormier comme mari susdit pour demeurer quites de toutes les demandes dudit Chauveau cy-dessus et autres choses qui en pourroit dépendre ont promis sont et demeurent tenuz payer audit Chauveau stipulant et acceptant le prix de 32 livres de rente viagère pendant la vie dudit Chauveau seulement payable à deux termes en l’an savoir aux jours et festes de Saint Jean Baptiste et Noël par moitié, (c’est une somme relativement importante, qui montre que l’omission était importante, que j’estime de la valeur d’une maison oubliée dans la succession)

lesquels les Jamets et Cormier ont payée par advance audit Chauveau pour le terme de St Jean Baptiste la somme de 16 livres que ledit Chauveau a eue prise et receue en présence et à vue de nous en vingt marcz d’escu bons selon l’édit dont il s’est tenu à contant et en a quité et continueront à l’advenir par chacun desdits termes de Noël et de Saint Jean Baptiste pendant la vie dudit Chauveau après le décès duquel ladite rente de 32 livres demeurera éteinte et admortye

et en cas que Jehanne Veuillot femme dudit Chauveau le survive seront tenuz lesdits les Jametz de continuer pendant sa vie seulement la somme de 16 livres auxdits termes (sa veuve aura le droit à la moitié de la rente viagère sa vie durant, c’est beau, car ce bien était un bien de son époux !)

et moyennant ce que dessus lesdits les Jametz et Cormier demeurent quites de toutes choses et chacunes que ledit Chauveau leur eut pu demander à cause de la curatelle que fut faite par défunt leur père comme bien tenants des choses de Jehanne et Marguerite les Cheauveaux et raplacement desdits partages, rapports restitution de fruits desdits successions desdits défuntes Chauveau…

fait et passé audit Angers à notre tabler en présence de Michel Boulleau clerc et François Chevallier pasticier demeurant audit Angers
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Cession de droit de rachat sur Vieumont, Lassay, passée à Angers, 1614

Décidément, les Chesneau de Lassay sont encore à Angers :
Cette fois, je découvre que Guy, resté à Lassay, a non pas un, mais 2 frères qui sont installés à Angers au moins en 1614, à savoir Jean, dont est ici question, et François, avocat, que nous avions découvert dans les prédécents articles.

Rachat : droit perçu par le seigneur dominant, et qui se montait en général à une année de revenu, quand un fief ou une terre tenue en censive changeait de main autrement qu’en ligne directe ou que par vente. (M. Lachiver, Dict. du monde rural, 1997)

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription de l’acte : Le 21 avril 1614 avant midy, en la cour royal d’Angers en droit par devant nous Jehan Chevrollier notaire d’icelle furent présents personnellement establis et soubzmis chacuns de Me Jean Chesneau bachelier en théologie de l’université de ceste ville et y demeurant paroisse St Nicolas d’une part
et honorable homme Guy Chesneau sieur de Vieumont demeurant en la ville de Lassay pays du Mayne d’autre

lesquels ont fait et font par ces présente entre eux les cessions pactions et conventions qui s’ensuivent c’est à savoir que ledit Me Jehan Chesneau a par ces présentes quitté et transporté, ceddé, quitté et transporté audit Guy Chesneau son frère, le droit de rachapt qui lui estoit dû par Abraham Binet mari de Jehanne Lambert et Daniel Thibault mari de Judith Lambert héritiers de défunt Thienot Lambert leur père à cause de la saigneurie dudit lieu de Vieumont et fiefs qui en dépendent,
lequel droit droit de rachapt iceluy Guy Chesneau auroit cy-devant et dès le 29 octobre 1612 ceddé audit Me Jean Chesneau par la cession passée pardevant nous ledit jour duquel droit de rachapt iceluy Me Jean Chesneau a déclaré n’en avoir eu et receu aulcune chose et s’en pourra ledit Guy Chesneau faire payer ou en faire poursuite à l’encontre desdits Binet, Thibault, Robert Dugail, Vincent Sohier, François Dugué ou autres qu’il appartiendra comme iceluy Guy Chesneau eust fait ou peu faire auparavant ladite cession et transport qu’il en auroit faite audit Me Jean Chesneau pardevant nous et à ceste fin consent ledit céddant qu’il se face subrogé en ses droits par justice si besoing est pour dudit rachapt faire poursuite comme bon lui semblera
et est faite la présente retrocession pour et moyennant la somme de 75 livres quelle somme ledit Guy Chesneau a présentement payée comptant audit Me Jehan Chesneau qui a icelle somme eue prinse et receue en pièces de 16 solz et autre monnoye de présent ayant court, dont il s’est tenu à comptant et en a quité et quite ledit Guy Chesneau et ledit Guy Chesneau demeure tenu et obligé par ces présentes acquitter et garantir ledit Me Jehan Chesneau de tous fraiz et despens vers lesdits Dehaie, Sohier et Dugué, par sentence donnée au siège présidial de ? à quelque somme qu’ils puissent monter et revenir etc obligation etc renonçant etc foy jugement condamnation etc
fait et passé audit Angers en notre tablier ès présence de Me François Chesneau advocat au siège présidial d’Angers et y demeurant paroisse de St Maurille et Michel Boulleau clerc demeurant audit Angers

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