Répudiation de succession noble, Saulgé-l’Hôpital, 1603

Au début de mes recherches, j’ai eu l’immense chance de rencontrer Michel Nassiet, dont les travaux m’interpellaient d’autant que je faisais de curieuses constatations de pauvreté chez des nobles. Sa thèse et son ouvrage (hélas épuisé) Michel Nassiet Noblesse et Pauvreté, PUR, ont été et sont encore mes livres de chevet.

Grâce à vos travaux monsieur, j’ai pu oublier ce que j’avais sans doute mal compris ou mal appris au lycée autrefois, et qui m’avait laissé un incroyable cliché de riches et pauvres, dans lequel le moins qu’on puisse dire est que je mettais alors n’importe quoi.

Aujourd’hui, après plus de 15 ans de recherches hebdomadaires dans les notaires du Maine-et-Loire, des 16e et 17e siècles, qu’il me soit permis ici de vous remercier, et de vous offrir l’acte qui suit. Je vous le dédie, en guise de remerciements.

Oh, certes, il s’agit d’un acte mineur, que d’aucun jugerait bien anodin, voir inutile : une procuration. Pourtant, une procuration est parfois parlante, si elle exprime par bonheur la cause de la déchirure judiciaire.

Alors, j’entraîne aujourd’hui mes lecteurs, sur vos pas, Monsieur, à la découverte de la pauvreté, là où ils n’iraient sans doute pas la chercher. Ils sont 4 enfants puinés, nobles, face à une succession criblée de dettes, et compte tenu que les dettes dépasse leur part, qui est du tiers pour eux tous puinés, il la répudie, ce qui signifie en clair que les filles n’ont aucune chance de s’en sortir, et sont condamnées à la pauvreté.

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription de l’acte : Le 25 octobre 1603 après midy, en la cour royal d’Angers en droit par devant nous François Prevost notaire personnellement estably René Prevost écuyer sieur de la Saullaye demeurant paroisse de Noyal pays de Bretagne, évêché de St Brieuc, et damoiselles Orphraise et Renée Prevost demeurantes en la paroisse de Saulgé l’Hospital enfants puisnez de deffuntz Jehan Prevost vivant écuyer sieur de Saulgé et damoiselle Françoise Amoureuse, soubmettants lesdits Pierre Orphraise et René les Prevosts confessent etc avoir fait, nommé et constitué et par ces présentes font nomment et constituent (blanc) leurs procureurs généraux et spéciaux auxquels et à chacun d’eux ils sonnent pouvoir et mandement de comparoir pour eux et leurs personnes représenter en tous lieux et par devant tous juges qu’il appartiendra en affaires et procès desdits constituants meus et à mouvoir en demandant ou déffendant en première instance ou par appel et y prendre escripts… plaider et spécialement de comparoir pour eux constituants et damoiselle Charlotte Prevost leur sœur près messieurs les lieutenants généraux ou particuliers ou gens tenant la sénéchaussée et siège présidial d’Angers … et lieux qu’il appartiendra en l’assignation qui leur a esté baillée et instance preste au présidial d’Angers à la requeste de René Prevost écuyer leur frère aîné pour accepter ou répudier la succession et hérédité desdits défunts Jean Prevost et Françoise Amoureuse leur père et mère, en tant qu’eux constituants pourroient estre fondés en ladite succession et hérédité, et déclarer pour et au nom desdits constituants et de leurdite sœur dont ils se font fort en ce regard,

qu’ils ont cognoissance des sommes de deniers deus par ladite succession tant acquittées par ledit René Prevost leur aîné qu’à acquitter, lesquelles debtes ont esté à leur prière et requeste en leurs présence arrestées par Claude Prevost écuyer sieur de Bonneseaux et Jehan Amoureuse écuyer sieur de la Fuye leurs oncles, et peuvent monter ensemble la somme de 6 200 livres qui est plus du tiers que ne vault ladite succession et hérédité,

et que iceux constituants n’ont moyen de satisfaire

et pour ceste cause et autres veulent et entendent substituer esdites succession et hérédité desdits déffunts Prevost et Amoureuse leur père et mère, et dudit Claude François Prevost leur frère et (prénom illisible) leur sœur, les répudier comme de fait par ces présentes ils ont répudié et répudient pour leur regard au profit de qu’il appartiendra faire ladite répudiation par chacun desdits procureurs près lesdits sieurs … en tous lieux et mesme sera raporté à leurdit frère aîné de disposer de ladite succession et hérédité comme il verra estre à faire … promettant par foy etc sur l’obligation etc renonçant et spécialement lesdits Orphraise et Renée Prevost ont renoncé estant aux droit vélléin … si qua mulier et autres droits en faveur des femmes lesquels nous leur avons donné à entendre …

fait et passé en la maison seigneuriale de Saulgé paroisse de Saulgé l’Hôpital présent André Delespine marchand demeurant en la paroisse de Noyant près Doué et André Aubineau notaire de la cour de Saugé l’Hôpital y demeurant tesmoins

Cet acte est accompagné d’un autre, que je mets ce jour dans un second billet, par lequel René, celui qui est parti à Noyal, va aider ses soeurs à vivre, enfin à se nourrir, car c’est tout ce qu’il peut pour elles. Je serais intéressée si les gens de Noyal connaissent le sort de ce René Prevost, par leurs commentaires et ajouts. Merci à eux.

Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet Merci d’en discuter sur ce blog et non aller en discuter dans mon dos sur un forum ou autre blog.

Pauvreté de filles nobles, Saulgé-l’Hôpital, 1603

ATTENTION, ce jour deux actes sur la même famille, mais j’avais d’abord découvert celui ci, alors que le second est le plus parlant. Lisez donc d’abord l’autre acte de ce jour.
Et, demain, l’épouvantable inventaire après décès de leurs parents, totalement hallucinant de pauvreté dans des vieux murs de maison seigneuriale disparue aujourd’hui.

Dur, dur, autrefois, lorsqu’on n’était pas l’aîné dans les familles nobles, pire, lorsqu’on était une fille… Enfin, les 2 soeurs Prévost ont évité le couvent, mais pas la misère, car la rente viagère qu’elles vont toucher de leur frère, est bien maigre pour survivre dans une maison seigneuriale.

Cette maison seigneuriale devait être bien ancienne déjà en 1603, car je n’en ai trouvé aucune trace dans Célestin Port, et dans la base de M.H. Je la suppose disparue depuis longtemps. Néanmoins, vous allez voir, à la fin de l’acte, que le notaire royal d’Angers s’est déplacé pour passer l’acte dans cette maison seigneuriale. D’ailleurs, il est à signaler, que ce notaire d’Angers porte le même patronyme PREVOST, qui laisserait supposer qu’il est proche parent, sans doute issu d’une génération précédente formant branche cadette. En effet, j’imagine que c’est pour cette raison qu’il s’est déplacé, car cela fait tout de même 25 km d’Angers ! J’en viens même à me demander si ce notaire n’a pas intercédé pour obtenir une petite rente à ces 2 filles…

Ceci me rappelle ma jeunesse. Il y a 45 ans, je travaillais dans la métallurgie à l’usine de tréfilerie des alliages d’aluminium et des alliages de magnésium, à Montreuil-Belfroy, un peu au nord d’Angers, et je me souviens avoir promené ma grand’mère maternelle, angevine d’origine, faire son pélerinage angevin. Nous nous étions arrêtées à Brain-sur-Longuenée, à la sortie du village dans une ancienne maison bourgeoise peu entretenue. Là, les demoiselles de Montergon, vivaient, ou plutôt vivotaient. La salle était encombrée de meubles de leur ancien château, devenus encombrants dans une maison, en particulier la glace m’avait impressionnée, posée contre le mur et non scellée, elle allait du sol au plafond. Comme de nombreuses filles, et ce jusqu’à la seconde guerre mondiale, elles n’avaient appris qu’à broder… et à finir dans la misère faute de dot et/ou de mari.

Noyal, Côtes-d’Armor, arrondissement de Saint-Brieuc, et à 3 km de Lamballe

Saulgé-l’Hôpital, Maine-et-Loire, canton de Thouarcé, et à 8 km de Brissac

L’acte qui suit est extrait des Archives Départementales du Maine-et-Loire, série 5E36 – Voici la retranscription de l’acte : Le 25 octobre 1603 après midy, en la cour royal d’Angers en droit par devant nous François Prevost notaire personnellement estably René Prevost écuyer demeurant au lieu de la Roche Villefoux paroisse de Noyal pays de Bretagne, évêché de St Brieuc, soubmettant etc confesse avoir donné et par ces présentes donne à chacune de damoiselle Orphraise et Renée Prevost ses sœurs demeurantes à Saulgé présentes stipullantes et acceptantes la somme de 36 livres tz de pension viagère annuelle qu’il leur promet fournir et bailler ou faire fournir et bailler chacuns ans et à chacune d’elle leur vie durant seulement, sur les fruits de la terre fief appartenance et dépendance de Saulgé l’Hospital et sur la terre fief appartenance de la Saullaye paroisse de Martigné Briand, dépendant de la succession de défunts nobles personnes Jehan Prevost et Françoise Amont sa femme leur père et mère, et Claude et François Prevost leurs frères et Ysabeau Prevost leur sœur, lesquelles successions lesdites Orphraise et Renée auraient répudiées, ladite rente ou pension viagère de 36 livres tz à chacune desdites Orphraise et Renée extinguible à mesure et au mesme temps qu’elles décèderont et laquelle pension ou rente viagère ledit estably a donné et donne à sesdites sœurs pour aider à leur subvenir et entretenir pour l’amitié qu’il leur porte et pour autres causes à ce le mouvant
et a consenti ces présentes estre publiées et registrées par toutes formes …
fait en ladite maison seigneuriale de Saulgé-l’Hôpital présent Martin Delespine marchand demeurant en la paroisse de la Madelaine de Noyant près Doué, et Me André Aubineau notaire

Cliquez l’image pour l’agrandir. Cette image est la propriété des Archives Départementales du Maine-et-Loire. Je la mets ici à titre d’outil d’identification des signatures, car autrefois on ne changeait pas de signature.

Cet acte nous offre encore une ORPHRAISE, prénom ancien que j’ai plusieurs fois rencontré.

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