Les boeufs pour mettre à l’eau le bateau : Le Pouliguen 1910

C’est Noël, et nous sommes nombreux à avoir chanté :

Entre le boeuf et l’âne gris, dors, dors, dors l’enfant Jésus …

Alors, en ce jour où le boeuf tient sa place dans toutes vos crèches, voici le plus inattendu des attelages de boeufs. Nous sommes dans les années 1910. Les boeufs sont sur la place du Pouliguen, au bas de la jetée et de son phare, à l’entrée du port du Pouliguen. Les curieux, estivants bien habillés, pour ne pas dire habillés mondainement, car à cette époque le Pouliguen n’est pas socialement accessible à tous, sont là, pour assister à la mise à l’eau du bateau du passeur, ce bateau qui assure la navette entre La Baule et le Pouliguen, pour les piétons un peu pressés, et surtout trop fatigués pour faire à pied le long détour par le pont si loin !!!

Cette carte postale figure dans l’excellent ouvrage « Le Pouliguen d’antan, à travers la carte postale ancienne » d’Yves Moreau, ouvrage qui m’a été offert par Mme Lucas, elle-même du Pouliguen.

Ici, les boeufs travaillent dans les années 1930 à la Turballe. Ce grand jardin bord de mer, venté, était peu propice à la culture et mon oncle (ici conduisant le boeuf) s’efforçait d’entretenir cette terre inculte en ces W.E., car dans la semaine il avait son commerce d’épicerie quincaillerie en gros FAGAULT rue Saint Michel à Guérande, et descendait en voiture à Belmont à la Turballe le W.E. Cette photo est donc un témoignage du travail des boeufs à la Turballe, dans les années 1930, et j’ignore tout après la guerre… Si vous savez si après la guerre on les utilisait encore, merci de faire signe.

Alors, je dédie ce Noël à ce boeuf de l’enfant Jésus, et à tous les boeufs qui oeuvrent toujours en France. Allez-voir le site sur tous ces boeufs actuels, il vaut la peine tant il est riche de données.

Et surtout chantez :

Entre le boeuf et l’âne gris, dors, dors, dors l’enfant Jésus

Joyeux Noël à tous

Odile

 

 

Renée Furet gérait même les travaux en l’absence de son époux : Angers 1598

Je vous montrai encore hier Renée Furet gérant les biens en l’absence de son époux, qui était une partie de l’année à Rennes comme conseiller au Parlement de Bretagne, et qu’elle ne suivait manifestement pas à Rennes, du moins pas souvent.

Ici elle se lance dans des travaux importants, car l’une des maisons doit être en assez mauvais état. Vous allez remarquer le métier de l’artisan qui va faire les travaux, car en fait il est dénommé avec 3 noms de métier, et je dois vous avouer que j’ai été surprise du 3ème nom, à savoir BLANCHISSEUR, car je croyais qu’on blanchissait le linge, et je découvre qu’à cette époque, le plâtre étant blanc, le plâtrier était dénommé blanchisseur.

Enfin, vous remarquez, comme je vous l’ai plusieurs fois montré pour des travaux, que l’on paie au fur et à mesure que le travail est fait. Ceci pour vous illustrer la différence actuelle, car le syndic nous réclame plus de 3 mois avant besogne !!!

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, 5E1 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle)

Le 8 mai 1598 après midy, en la cour du roy notre sire Angers endroit par devant nous François Revers notaire d’icelle personnellement establie damoiselle Renée Furet femme de noble homme Clement Allaneau sieur de la Grugerye conseiller du roy en sa cour de parlement à Rennes demeurant à Angers d’une part, et Georges Moreau terrassier, carreleur et blanchisseur[1] audit Angers paroisse monsieur St Julien d’autre part, soubzmectant lesdites parties respectivement confessent avoir fait et font entre elles le marché tel que s’ensuit, savoir est ledit Moreau avoir promis et promet de faire une ruatte[2] de l’orée du logis du sieur des Mothes Furet sur la rue Godeline de ceste ville d’Angers au corps de logis de derrière, réparer de carreau barreau et terrasse ladit logis de derrière toutes les chambres greniers et aultres lieux et endroits dudit logis, ensemble la gallerie par laquelle on va audit grenier tant en coulombages qu’en plancher ; relevera le foyer et contrefeu de la chambre adjacente ? dudit logis de tuffeau et ainchira les chambres de la gallerye dudit logis dessus et par le dessoubz et partous aultres endroits ; blanchira aussi l’entée dudit logis depuis son bout jusques l’autre ; et pour faire toutes lesquelles besoignes cy-dessus ledit Moreau fournyra de carreau terre barreau faign, chaux et de toutes aultres matières requises et nécessaires bonnes et marchandes ; et mettra les (f°2) bois desdites chambres en couleur jaulne et lequelle besoigne ledit Moreau rendra faite et parfaire bien et duement à ses despens dedans le 15 juign prochainement venant à peine de toutes pertes dommages et intérests. Et est fait le présent marché pour et moyennant la somme de 16 escuz deux tiers vallant 50 livres sur laquelle somme ladite Furet a présentement payé et advancé audit Moreau la somme de 2 escuz sol et le reste payable en besoignant payant et à fin de besoigne fin de payement, et aura en oultre ledit Moreau les belles mtières qui sortiront des endroits où il réparera pour en disposer comme bon luy semblera. Tout ce que dessus a esté stipulé accepté et accordé par lesdites parties respectivement, à ce tenier etc obligent etc à prendre etc et le corps dudit Moreau à tenir prison ferme comme pour deniers royaulx par deffault de faire et accomplir le contenu en ces présentes renonçant etc foy jugement et condemnation etc fait et passé Angers maison dudit sieur de la Grugerye en présence de noble homme François Pelé sieur de Landebry et Me René Layze procureur de Pouancé demeurant à Angers tesmoings, ledit Moreau a dit ne savoir signer »

[1] blanchisseur, adj. et subst. masc. : A – « (Ouvrier) qui blanchit (les toiles au sortir des mains du tisserand) » : B. –  « (Ouvrier) plâtrier » (http://www.atilf.fr/dmf/)

[2] ruette :  « Passage très étroit, ruelle » (idem)

 

Inventaire après décès des peaux et cuirs de PINSON tanneur : Armaillé 1662

Je descends des ALLANEAU et ceux qui me suivent depuis longtemps savent combien j’avais travaillé cette famille Allaneau.

Ici, une Allaneau a épousé un marchand tanneur PINSO, tout comme d’ailleurs je descends d’une autre Allaneau ayant épouse un autre marchand tanneur JALLOT car les tanneurs étaient nombreux dans la région, et surtout tous liés.

Vous avez déjà sur mon site et mon blog de tels inventaires, dont celui de mon ancêtre Julien Jallot en 1724. 

L’inventaire de Pinson que je vous mets ce jour est cependant fait 62 ans plus tôt, ce qui signifie en clair qu’il n’existe plus d’archives notariales de la région de Pouancé à cette date de 1662. Car bien entendu l’inventaire est fait sur place par des gens compétents en peaux et cuirs sous la plume d’un notaire local. Donc, si on retrouve encore l’inventaire qui suit c’est dans les papiers de famille aux Archives Départementales, sous la série E, qui donne parfois d’heureuses surprises, et même si ce sont des copies et non des originaux comme les séries notariales, on peut penser qu’il y a peu d’erreurs dans ce décompte des peaux.

Un tanneur est un petit bourgeois local, et vous allez voir que ses peaux et cuirs se montent à plus de 6 000 livres, ce qui est une petite fortune. Bien que je ne sois jamais parvenue à estimer le personnel d’un tanneur, je suis certaine que compte tenu des activités proprement commerciales que cela engendre pour acheter et vendre, en se déplaçant partout à cheval, et sur tous les marchés de la région, sur beaucoup de km, il est manifeste que le travail manuel, assez pénible, était effectué par des ouvriers, qui n’en portaient pas encore le nom, mais celui de domestiques.

Donc à Noëllet, on fabrique des longes (pour attacher les bêtes), des baudriers, différents cuirs pour les différentes chaussures. Et l’acte montre que pour ventre il avait en dépôt jusqu’à Craon chez des hôteliers ou autres. Le tanneur avait donc des points de vente relais, et ce, assez loin, à plus de 20 km.

Les experts pour évaluer les peaux et cuirs sont bien sûr ses concurrents, mais je reste persuadée qu’ils étaient tous solidaires, car même liés de famille. Voyez ma page sur Armaillé – et celle sur Noëllet.

Cet acte est aux Archives Départementales du Maine-et-Loire, E3616 – Voici sa retranscription (voir ci-contre propriété intellectuelle)

Je vous ai mis en GRAS ROSE les totaux intermédiaires.

Le 18 janvier 1662 inventaire des peaux et cuirs demeurés après le décès de defunt honnorable homme Jacques Pinson vivant marchand tanneur trouvés en la tannerie dudit deffunt au lieu de la Basse Jaille paroisse d’Armaillé où seroit décédé ledit defunt, ledit inventaire fait à la requeste de honnorable femme Marguerite Pinson veuve de honnorable homme Mathurin Lenfentin, fille et unique héritière du premier mariage dudit defunt et de Marguerite Leroy ses père et mère, laquelle Pinson a déclaré accepter ladite succession de sondit père soubz bénéfice d’inventaire, et encores à la requeste de honnorable femme Claude Allaneau veuve en second mariage dudit defunt mère et tutrice de Claude, Françoise, Renée et Catherine les Pinson leurs enfants dudit second mariage. Auquel inventaire a esté vacqué par nous Pierre Bruneau advocat et notaire de la baronnie de Pouancé (f°2) en vertu de la permission à nous donnée par monsieur le lieutenant général de la sénéchaussée et siège présidial d’Angers en date du 21 décembre dernier, avec moy pour adjoint Me Julien Debediers aussi notaire de ladite baronnie de Pouancé et en présence de honneste personne Guillaume Cheussé et Guillaume Jallot marchands tanneurs demeurant en la paroisse de Nouellet et Guillaume Viel aussi marchand tanneur demeurant en la paroisse de Pommerieux experts convenus pour procéder audit inventaire. Auquel a esté vacqué comme ensuit : du mercredi 18 janvier 1662 (f°3) En la salle basse et entrée principale de ladite maison a esté trouvé de cuir sec et coupé estant en détail pour la somme de 118 L – Dudit lieu transportés en la tannerie où aurions trouvé nombre de virailles[1] et baudriers[2] prisés 85 L 203 – Item dans la haulte chambre où est décédé ledit defunt nombre de vaches[3] feillets et molleteris[4] 145 L 348 – Plus ung aultre lot de feillets de veulie et une vache le tout de courairie 24 L 372 – Item quantie de vaches gressées prisées 130 L 5 S 502 – Un nombre de vaches dans la coudrouère 120 L 622 – (f°4) et de ces lieux transportés où sont les eauges à une fort et moleterie avons trouvé 41 cuirs garnis qui sont en troisième prisés 18 L chacun soit 738 L 1 360 – Plus 4 longes non garnies 32 L 1392 – Item 24 cuirs en seconde prisés 16 L pièce dont il y a ung d’habillage 384 L 1 776 – Plus le nombre de 45 cuirs en première prisés 15 L chacun soit 675 L 2 451 – Item 16 cuirs à fort prest à tanner et une tranche prisée 19 L pièce et ladite tanche et collet à 13 L soit 357 L 2 808 – Item 23 peaux de tore et vache prisées 7 L pièce soit 161 L 2 969 – Et desdites auges transportés sur les pelaires qui sont dans la grange et une petite (f°5) pille montant 11 peaux de boeufs prisées 150 L 3 119 – Item 26 peaux de vache et tore 164 L 3259 – Item 40 peaux de boeufs et une pille 500 L 3 759 – Plus une autre petite pille dont il y en a 12 et ung long tant boeuf que vaches 130 L 3 889 – Item dans ledit peloire le nombre de 26 longes, feillets prisés 6 livres 6 sols pièce, doit 169 L 4 058 – Plus dans lesdits peloires 20 peaux de boeufs prisées 11 L pièce soit 220 L 4 278 – Item sur lesdits pelaires une autre (f°6) pille de 30 peaux de boeufs prisées 13 L pièce soit 345 L 4 623 – Dudit lieu transportés sur les peloires qui sont en la maison principale où a esté trouvé une pille de 30 peaux de boeufs proche la cheminée prisées 12 L 10 S pièce soit 390 L 5 013 – Item audit peloire 10 peaux fresches et une pille 120 L 5 133  – Plus 11 longes[5] à 7 L pièce soit 77 L 5 210 – Item une autre pille de peaux font il y en a 31 de boeufs qui est contre la porte dudit logis 465 L 5 675 – Plus une autre pille proche la porte dudit logis qui sont tant de boeufs que (f°7) vaches qui sont planées jusques au nombre de 35 à 11 L pièce soit 385 L 6 060 – Item 5 peaux de vache 25 L 6 085 L 5 S – Le présent inventaire monte et revient à la somme de 5 586 L 5 S – Décerné acte aux parties ce que lesdits experts ont parachevé, et attendu que le surplus des eauges qu’ils ne peuvent estimées que les faisant lever et nombrer pour icelles apréter au veron et que n’aiant lesdites parties des matières pour icelles traiter causeroit une notable perte a esté dit attendu les rigueurs de l’hiver à lever lesdites eauges et à (f°8) continuer ledit inventaire, et pareillement décerné acte auxdites parties de ce que lesdits experts ont dit concordément avoir veu en la ville de Craon en la maison de Jehan Guion hoste au Chaperon Rouge soubz la presse pour la somme de 160 L de cuir à vendre et lesdits Cheussé et Jallot de ce qu’ils ont dit avoir veu soubz la presse de la ville de Pouancé en la maison de noble homme Jehan Geslin conseiller au grenier à sel de Pouancé pour la somme de 80 L de cuir. Fait et arresté audit lieu de la Basse Jaille en présence desdites parties et en présence de Louis Fromont et Jehan Cochin demeurant audit lieu de la Basse Jaille »

[1] viraille : courroie, fouet de cuir (http://www.atilf.fr/dmf/)

[2] baudrier : cuir de grain de vache, luisant, poli et lissé, épais et teint. On en faisait des ceintures, des bandoulières, des collets de dogues (LACHIVER M. Dictionnaire du Monde rural)

[3] vache : peau de vache, corroyée et dont on fait des chaussures, des harnais etc… (LACHIVER M. Dictionnaire du Monde rural)

[4] mollèterie : sorte de cuir de vache servant de semelles aux chaussures légères (LACHIVER M. Dictionnaire du Monde rural)

[5] longe : corde ou forte lanière de cuir plus ou moins longue, destinée à attacher les animaux (LACHIVER M. Dictionnaire du Monde rural)

La saga des Fagault de Louplande à la Turballe, ou la petite histoire de la sardine

Voici la plus ancienne photo que j’ai des FAGAULT. Faute de légende et date, je ne peux faire que des hypothèses. Je suppose donc que René Fagault père est au milieu, et à vous de me dire qui sont à ses côtés.

Ils consultent un album photo de famille, et des livres de bord. Je ne possède rien de tout cela, même si j’ai des documents plus récents, en particulier le livre de bord de Belmont depuis 1907.

Après-demain, je vous mets le testament de Mélanie Dubois en 1912, et je vous demande de le relire attentivement pour me signaler d’éventuelles erreurs sur ma retranscription qui figure dans l’histoire de la famille FAGAULT que j’ai mise en ligne.

La saga des Fagault de Louplande (72) à Belmont (La Turballe, 44) ou la petite histoire de la conserve de sardines de la Turballe au Maroc

J’ai vécu souvent à Belmont à la Turballe chez mon oncle Yves Fagault. Je dédie ces lignes à Yolande Fagault Rivalland, qui descend des Fagault et vient de prendre contact sur mon blog. Voici ce que je sais des Fagault, et cela n’est pas rien, c’est la fabuleuse histoire de la sardine à la Turballe.

Car les Pellier avaient usine au Mans et à la Turballe, et ont attiré les Fagault du Mans à la Turballe !

J’ai déjà mis sur mon blog plusieurs informations concernant Belmont :

Voici en ligne, la saga de la famille FAGAULT ainsi que je la connais et que je la dédie à leur descendante. Moi, je suis une nièce « par alliance » comme on dit, mais j’ai tellement passé de vacances à Belmont que cette villa faisait partie de moi. Je suis l’aînée d’une famille nombreuse, et ma maman, débordée, envoyait les aînés chez sa soeur, qui elle, n’avait pas d’enfants, c’est ainsi que Belmont fait partie de ma vie. D’ailleurs me voici en 1938 dans la véranda de Belmont.

 

Puis, ce fut la guerre, et les Allemands, surveillant les côtes françaises, ne manquèrent pas d’occuper cette mini-tour crénelée et d’y installer un de leurs observatoires de la côte.

 

Yolande, après-demain, je vous mets la plus ancienne photo que j’ai des FAGAULT car je suis persuadée que votre grand père y est. Je l’ai supposée environ 1895, et vous allez pouvoir en juger.

 

Chapeau verni : la petite fabrique de monsieur Legué route de Clisson, Nantes 1851

Au début du 19ème siècle, la route de Clisson, partie nantaise, était « PARTIE RURALE » de Nantes, selon le vocabulaire utilisé lors des recensements. Elle commençait au cimetière Saint Jacques pour se terminer par une petite maison servant d’atelier pour fabriquer des chapeaux vernis.

En effet, le lieu-dit que nous nommons aujourd’hui « CHAPEAU VERNI », était en fait alors l’ultime maison de cette route de Clisson. Là, un certain LEGUÉ possédait une petite maison servant de fabrique de chapeaux vernis.

Mr Legué demeurait 8 rue du Château. Il n’avait pas boutique de chapelier, à cette époque où le chapelier était aussi fabricant. Les chapeliers étaient nombreux à Nantes, tous situés sur Vertais, sur ce que nous appelons maintenant l’île Beaulieu. En fait leur petite industrie était assez chimique, peu agréable pour le voisinage. Aussi quand vint l’art de fabriquer le chapeau verni (cf ci-dessous) Mr Legué eut l’idée d’aller les fabriquer « hors Nantes », enfin dans la partie rurale de Nantes. Il devint donc sous-traitant des chapeliers nantais. Et tout le monde portait alors chapeau.

Son atelier tournait dans les années 1850, mais semble bien avoir cessé le chapeau dans les années 1870, sans doute sous la concurrence.

Sans toute Mr Legué ignorait-il à quel point son petit atelier allait marquer Nantes. En effet, en 2019, la TAN (transports urbains) et GOOGLE ne connaissent que lui. Ou plutôt, ils connaissent le « chapeau verni »  mais pas Mr Legué. Alors, je me permets ici de rappeler la mémoire de ce monsieur Legué qui a laissé à Nantes un lieu-dit si bien connu.

Et voici ensuite cet art, ou plutôt « mode », du chapeau verni, techniquement :

chapeaux vernis, Paris 1835

Bulletin de la société d’encouragement pour l’industrie nationale, 15 avril 1835

Rapport fait par M. Labarraque, au nom du Comité des arts économiques, sur la fabrique de chapeaux et visières de casquettes vernis, du sieur Vincent, impasse Duris, à Belleville.

Messieurs, le sieur Vincent, fabricant de chapeaux et de visières de casquettes vernis, vous a adressé les produits de sa fabrication, et vous avez renvoyé leur examen à votre Comité des arts économiques.

Le Comité, dont j’ai l’honneur d’être l’organe, a dû considérer ce genre d’industrie sous deux points de vue : 1° s’il est nouveau ; 2° quelle est son utilité.

La fabrication du cuir verni est connue depuis longtemps, et, assez généralement, on a cru queles chapeaux et visières de casquettes vernis étaient faits avec du cuir ; cependant, et depuis plusieurs années, on a substitué au cuir le feutre plus ou moins bien fait, et au moyen de procédés fort simples, et dont nous croyons devoir vous donner un aperçu exact, puisque toutes les opérations ont été pratiquées en notre présence, les ouvriers sont parvenus à livrer des produits solides, durables, et à très bon marché. Le sieur Vincent ne se déclare pas inventeur de son industrie, mais il a simplifié le travail de manière à le rendre profitable à un très grand nombre de consommateurs.

Pour confectionner un chapeau verni, l’ouvrier prend une calotte de feutre qui a été faite avec la laine la plus commune, de la bourre de vache, ou autres poils d’une très médiocre valeur. Ce feutre est mouillé et placé sur une forme ou moule en tôle : cela fait, on enduit d’une forte couche de colle de farine le feutre qu’on étend et fixe convenablement pour lui faire prendre la tournure voulue, et on porte le moule à l’étuve. La dessication effectuée, et si le feutre offre assez de consistance, on le recouvre avec une couche d’huile de lin rendue très siccative, et le chapeau est encore remis à l’étuve. Cette dernière opération est répétée plusieurs fois ; ensuite le chapeau est enlevé de dessus le moule en tôle, placé sur un moule en bois, qui lui-même est adapté à un tour, où l’ouvrier passe la pierre ponce pour donner au chapeau un poli convenable ; cette opération exige du temps et de l’attention ; cependant l’ouvrier qui travaille aux pièces, a un prix excessivement faible, peut encore gagner plus de trois francs par jour. Pour terminer le chapeau, il ne faut plus qu’appliquer le vernis, et c’est le travail du sieur Vincent, qu’il a exécuté en présence des membres du Comité. Il a pris pour cela un chapeau poncé ; il l’a brossé et essuyé ; puis, avec un pinceau dit langue de morue, il a étendu le vernis avec soin pour qu’il fût d’égale épaisseur dans toutes les parties, et il a accroché le chapeau dans une étuve. Au bout de 24 heures, ce chapeau a été livré à la consommation.

… (je vous passe le § sur les visières) …

D’après ce que nous venons d’exposer, on voit que l’art de fabriquer des chapeaux et visières de casquettes vernis a été formé par des emprunts faits à d’autres métiers, et le sieur Vincent, simple ouvrier, a modifié ces opérations de manière à travailler vite, bien et avec économie, dans le but de livrer ses produits à très bas prix ; ce qui, suivant nous, est très appréciable, puisque ces objets sont d’une si grande utilisé à la classe la plus nombreuse de la société ; et, pour le démontrer, il suffit de dire qu’un chapeau rond en feutre verni est livré en fabrique pour la somme de 1,60 F, et à un moindre prix encore si la forme en est plus faible en toutes ses parties. Les visières de casquettes vernies se vendent, suivant leurs formes et grandeurs, depuis 0,90 F jusqu’à 2 F la douzaine. Ainsi, un homme du peuple, voiturier ou autre, exposé aux intempéries des saisons, peut être préservé de la pluie et coiffé proprement pour 32 sous, et la durée de son chapeau peut se calculer à plus de deux années, de sorte que, pour 5 centimes par mois, il peut suffire à cette partie de son habillement sans avoir besoin de recourir, par économie, à l’achat de vieux chapeaux de feutre, qui peuvent avoir précédemment servi à des individus affectés de maladies de peau. Le possesseur d’un chapeau verni apprendra que, pour lui rendre son lustre, il n’aura qu’à le laver avec un peu d’eau pour enlever la boue et la poussière, l’essuyer avec un linge et le frotter ensuite avec quelques gouttes d’huile.

Le sieur Vincent, en fabriquant des chapeaux vernis à très bas prix, seconde nos vues. Sa modestie, en outre, mérite nos éloges ; car, s’il a osé solliciter votre bienveillance, cela tient à une particularité que le Comité des arts économiques m’a prescrit de vous faire connaître, et je remplis ce devoir. L’autorité locale a cru devoir ordonner, dans l’intérêt de la santé publique, la fermeture de la fabrique du sieur Vincent, lequel s’est soumis et a réclamé auprès de M. le préfet de police. Le Conseil de salubrité a été chargé de l’examen de cette affaire ; il a délégué un de ses membres, qui, en présence de M. le maire de la commune de Belleville, a fait exécuter toutes les opérations auxquelles se livre le sieur Vincent ; il en a démontré leur inocuité, et il a eu le bonheur de rendre, jusqu’à plus ample informé, le travail à huit ou neuf ouvriers que la misère allait atteindre. Ce délégué du Conseil de salubrité a dû s’informer du prix des chapeaux, de leur utilité, et la Comité des arts économiques, dont il a l’honneur de faire partie, l’a engagé à vous les soumettre, parce qu’il a cru que le fabricant et l’objet fabriqué méritaient votre intérêt, ce que leur examen a démontré.

En conséquence, votre Comité des arts économiques a l’honneur de vous proposer de remercier le sieur Vinvent de l’envoi de ses produits, de renvoyer le présent rapport à la Commission des médailles, et d’en ordonner l’impression dans le Bulletin de la Société. Approuvé en séance le 15 avril 1835.

chapeaux vernis, beaucoup de brevets

dont :

274 – 28 janvier 1845. Application, aux chapeaux, d’un réseau imperméable : Brevet d’invention de 15 ans, pris le 22 octobre 1844, par Allié aîné, fabricant de chapeaux à Paris, 21 rue Simon-le-France

495 – 14 février 1845. Chapeau mi-feutre verni drapé : Brevet d’invention de 15 ans, pris le 2 décembre 1844, par Guyot-Brun, fabricant de chapeaux, à Paris, 14 rue des Vielles Etuves Saint Honoré.

700 – 19 mars 1845. Procédé de fabrication de chapeaux vernis dit chapeaux vernis sur tissu delaine, fil ou coton, dit chapeaux rouennais : Brevet d’invention de 10 ans, pris le 9 janvier 1845, par Papion frères, fabricants de chapeaux vernis, à la Villes en Bois à Rennes.

etc…

 

PS : la chimiste que je fus ajoute que j’ai de sérieux doute sur l’inocuité des vernis utilisés alors.