Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

1690 : janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet

Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 2 janvier (1690) mourut monsieur Boylesve de la Mauricière ; il était extrêmement riche ; sa femme s’appelait Papin. Il avait deux filles ; l’aînée a épousé Mr de Genouillac conseiller au parlement de Paris, et l’autre est décédée laquelle avait épousé monsieur le comte de la Porte seigneur de la Thibaudière, dont il n’y a point d’enfant.
  • Le 10 (janvier 1690) Mr de Chantepie Leroyer, fils de feu Mr de Chantepie Leroyer, lieutenant en l’élection de cette ville, épousa la fille de Mr Coueffé, avocat et de la Delle Huchedé.
  • Le même jour (10 janvier 1690) la fille du feu Sr Crosnier Me chirurgien en cette ville épousa le Sr Lehoreau médécin à Nantes.
  • Le même jour (10 janvier 1690) la fille de Mr du Roger d’Angenay conseiller à la prévôté, épousa le Sr Drouet.
  • Le 11 (janvier 1690) monsieur Garsenlan auditeur des comptes en Bretagne, fils du Sr Garsenlan de la Perrière, cy-devant marchand en gros de bled, et de la dame Mestayer, épousa la fille de défunts monsieur de la Perrière Foussier conseiller au présidial de cette ville et de la dame Gardeau.
  • Dans ce mesme temps, mourut mademoiselle Poilpré. Son fils aîné a épousé la fille de feu Mr Muzard secrétaire de monsieur l’évêque d’Angers, et une fille a épousé le sieur Saget bourgeois. Elle s’appelait Gabrielle Bachelot.
  • Le 18 (janvier 1690) Mr Bonvallet veuf de la Delle Pasqueraye épousa la fille de Me Gilles Guilbault avocat.
  • Dans ce même temps, mourut la femme de monsieeur Gueniveau de Souvigné cy-devant procureur du Roy au siège de la prévôté de cette ville. Elle a laissé deux garçons ; elle tomba dans un petit ruisseau proche le clos des marchands ; elle s’appelait Girault.
  • Le 23 (janvier 1690) monsieur du Temple Erreau, procureur du Roy au siège de la prévôté de cette ville, fils de feu monsieur Erreau docteur régent ès loix et de la Delle Verdier, épousa la fille de feu monsieur Deroye conseiller au siège présidial et de la dame Talour.
  • Le 27 (janvier 1690) mourut le sieur Garciau commissaire au greffe civil du siège présidial de cette ville, âgé de 49 ans. Il a laissé plusieurs enfants ; l’aînée a épousé le Sr Paytrineau marchand de soie associé avec le Sr Geslin.
  • Le 29 (janvier 1689) Mr Voisin Sr du Sauzay, fils de monsieur Voysin, docteur régent ès loix, et de la feue Delle Toublanc, épousa la veuve du feu Sr Sourdrille de la Bachelotière, duquel mariage il y a quatre enfants. Elle s’appelle Boizourdy.
  • Le 31 (janvier 1690) le Sr Destriché de la Barre, épousa la fille du feu Sr de la Gallicheraye Coutard et de la dame Charon.
  • Le 2 février (1690) le Sr Dupas de la Grée épousa la fille du feu Sr Cadoz, clerc du palais.
  • Le 9 (février 1690) mourut monsieur Coutard de Narbonne, conseiller honoraire au siège de la prévôté de cette ville.
  • Le 15 (février 1690) mourut monsieur Martineau ; il avait autrefois été Me apothicaire en cette ville. Il n’a point laissé d’enfants.
  • Le 16 (février 1690) monsieur Voisin, docteur régent ès-loix, âgé de 74 ans, personne d’un mérite rare et distingué et d’une science très profonde. Il avait épousé la Delle Toublanc, dont il y a deux garçons ; le 1er a épousé la fille de Mr de la Porte Trochon, et l’autre Melle Boizourdy veuve de feu Mr de la Bachelotière Sourdrille de la ville de Château-Gontier.
  • Le 21 (février 1690) mourut monsieur Allard, banquier. Il a laissé plusieurs enfants d’un second mariage avec Melle Barbereau, et du premier avec Melle Lagouz, une fille unique mariée avec monsieur Delaunay, avocat.
  • Le 24 (février 1690) mourut monsieur Cordier avocat. Il a laissé un fils unique aussy avocat de son mariage avec Melle Saget. Il ne fréquentait point le barreau.
  • Le 16 mars (1690) mourut le Sr Doublard cy-devant marchand droguiste. Il avait épousé la dame Delorme, duquel mariage il a laissé 2 garçons qui sont avocats, dont l’aîné a épousé la fille du feu Sr Ponceau praticien au palais.
  • Le 17 (mars 1690) mourut la femme de monsieur Romain Sr du Perray bourgeois de cette ville. Elle s’appelait Lezineau ; elle n’a point laissé d’enfant.
  • Le 20 (mars 1690) mourut la femme du sieur Goussard marchand chapelier. Elle s’appelait Le Bannier.
  • Le 28 (mars 1690) mourut monsieur Gault Sr de Baubigné avocat au siège présidial de cette ville, fils de feu Mr Gault Sr de la Saunerie aussy avocat et de la Delle … Il était âgé de 39 ans ; il a épousé Melle Trioche de la Bétonnière.
  • Le 2 avril (1690) mourut la fille de monsieur Quelier de Marcé, lieutenant de prévôt de cette ville ; elle était veuve de feu Mr Legras de Laugeardière gentilhomme duquel mariage il n’y a point d’enfant.
  • Le 3 (avril 1690) mourut Mr Carré, fils de Mr Carré notaire royal en cette ville, mon cousin rémué de germain. Il avait épousé la fille du Sr Pouneau marchand à Saumur dont il n’y a point eu d’enfant. Il était âgé de 27 ans.
  • Le 9 (avril 1690) mourut le Sr Lemasson, fermier du temporel de l’abbaye de St Nicolas. Il avait épousé en premières noces madame Hodemon, tante de ma femme, laquelle était veuve du Sr Garsenlan et dont il n’y a point eu d’enfant, et en secondes il a épouse Madame Le Couz.
  • Le même jour (9 avril 1690) mourut mademoiselle Gontard âgée de 75 ans, femme de feu Mr Gontard avocat. Son fils aîné aussy avocat décédé, avait épouse Melle Primault dont il y a des enfants ; un autre aussy avocat a épousé Melle Chotard ; un autre est décédé archiprêtre de Juigné ; et une fille a épousé Mr Lebloy aussy avocat, laquelle est décédée et a laissé une fille.
  • Le 18 (avril 1690) mourut le Sr Deslandes, commis au greffe civil du siège présidial de cette ville. Il a été marié deux fois ; sa première femme fut frappée de Mr Leroyer de la Baronnière avocat, dont elle mourut, ce qui coûté plus de 3 000 livres ; elle s’appelait Antoinette Serrin, duquel mariage reste deux filles dont une a épousé la Sr Ragot. Il y a plusieurs enfants du second.
  • Le 19 (avril 1690) mourut monsieur Reimbault de la Foucherie, prêtre, curé de Beaupreau et chapelain en l’église de St Michel du Tertre. Il était très honnête homme et extrêmement zélé.
  • Le 4 (avril 1690) monsieur Boguais de la Boessière cy-devant avocat, se fit installer dans la charge d’assesseur de l’élection de cette ville. Il est neveu de ma femme.
  • Le mesme jour, monsieur Hiron se fit aussi installer dans la charge d’eleu, lesquelles deux charges sont de nouvelle création.
  • Le 1er may (1690) messieurs Poullain de la Forestrie et de la Mothe Marchand, furent élus échevins.
  • Le même jour mourut la veuve de feu monsieur Hunault de Marsillé ; elle s’appelait Billard.
  • Le 4 (mai 1690) mourut la femme du feu Sr Allard banquier ; elle s’appelait Desplantes Barbereau ; elle a laissé plusieurs enfants.
  • Le 5 (mai 1690) mourut Mr Jousselin docteur régent en médecine, âgé de 78 ans. Il était très habile dans sa profession. Il a laissé deux filles ; la première décédée avait épousé feu Mr de la Rousselière Thomas conseiller au présidial dont il y a des enfants ; et l’autre a épousé Mr Grandet aussy conseiller au présidial et à présent maire de cette ville.
  • Le 9 (mai 1690) Mr Boussac avocat fils de Mr Boussac aussy avocat et de la demoiselle Jamet, épousa la fille de défunt Mr de la Possardière Brichet aussy avocat et de la Delle Gaultier.
  • Le mesme jour (9 mai 1690) mourut Mr des Rousses Herbereau conseiller à la prévôté. Il avait épousé défunte Melle Esther Davy dont il y a plusieurs enfants.
  • Le 10 (mai 1690) mourut mademoiselle de la Barre Louvet.

  • Le 19 (mai 1690) monsieur de comte de Maillé de Bourmont et de Tourlandry mourut en se maison seigneuriale de St Jean des Mauvrais. Il était âgé de 36 ans ; il avait épousé en premières noces mademoiselle Teullin de Montrou dont il y a un enfant et en secondes madame …
  • Le 22 (mai 1690) le Sr Descamp Me chirurgien en cette ville, veuf de la dame Mezières, duquel mariage il y a deux enfants, épousa la fille du Sr Brunet marchand de dentelles.
  • Le 28 (mai 1690) mourut madame Janvier veuve ; elle a laissé quatre enfants dont l’aîné a été marchand de soie en cette ville, mais il tomba aussytost dans la disgrace ; il avait épousé défunte dame Roullier. Elle était âgée de 58 ans ; elle s’appelait…
  • Le 30 (mai 1690) monsieur Le Tourneux président en l’élection de cette ville, fils de Mr Le Tourneux docteur en médecine, et de la demoiselle Jarry, épousa la fille de monsieur Vaulaige Sr de Vaugirault et de la défunte Delle Talour.
  • Le 6 juin (1690) mourut la femme de feu monsieur de la Blanchardière Audouin conseiller au présidial ; elle s’appelait Goupil. Elle a laissé plusieurs enfants savoir un garçon prêtre, à présent curé de Gonnord, un autre cy-devant conseiller audit présidial, qui a épousé la fille de feu Mr Drouin notaire et une fille décédée qui a épousé Mr Bernard conseiller audit siège.
  • Le 7 (juin 1690) mourut le Sr Audouin marchand voiturier.
  • Le 8 mourut le Sr Defaye cy-devant huissier audiencier au présidial.
  • Le 9 (juin 1690) mourut le Sr Chouteau praticien. Il avait épousé en premières noces la fille du Sr Rigault de Cré dont il y a 3 enfants, et en secondes la fille du feu Sr Goubault Me chirurgien en cette ville, dont il n’y a point d’enfant.
  • Le 10 (juin 1690) monsieur Hameau du Marais, fils de Mr Hameau du Marais, bourgeois et de la Delle Grémont, se fit installer dans la charge de conseiller honoraire nouvellement créée par le Roy.
  • Le 13 (juin 1690) le fils de feu Mr de la Porte, receveur des consignations et cy-devant élu en l’élection de cette ville, épousa la fille de monsieur Rousseau de Pontigné conseiller au siège présidial de cette ville et de la défunte dame Butin.
  • Le 19 (juin 1690) le sieur Labbé de Château-Gontier épousa la fille du sieur Beguyer marchand.
  • Le 20 (juin 1690) mourut Mr Quelier de Marcé, lieutenant de prévôt.
  • Le 27 (juin 1690) mourut le Sr Coutard du Brossé marchand. Il avait épousé la fille du feu sieur Yvert, duquel mariage il y a plusieurs enfants.
    Le 29 (juin 1690) mourut le Sr Rodaye marchand de soie, âgé de 32 ans.
  • Le 26 (juin 1690) mourut monsieur du Chiron Davy, cy-devant conseiller au siège présidial de cette ville.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
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    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

    1689 : juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre

    Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 4 juillet (1689) mourut mademoiselle des Places Gaultier ; elle fut enterrée le lendemain dans l’église des R. Jacobins de cette ville.
  • Le 12 (juillet 1689) mourut la femme du défunt sieur Cordon, vivant marchand de soie en cette ville, âgée de 75 ans.
  • Le même jour (12 juillet 1689) Mr Lemasson avocat au siège présidial de cette ville et procureur du Roy en l’élection de Château-Gontier, épousa la fille du feu Sr Juffé, bourgeois dudit Château-Gontier.
  • Le 18 (juillet 1689) le fils de monsieur Desmazières Menier avocat plaida sa première cause.
  • Le 19 (juillet 1689) mourut monsieur Dupas, bourgeois. Il avait été longtemps à l’armée ; il a laissé un garçon et une fille.
  • Le 14 (juillet 1689) arrivèrent icy à quatre jours différents seize cent Suisses qui venaient des travaux de la Rochelle. Ils en partirent le 28 et les autres jours suivants ; il y en avait 800 aux Ponts-de-Cé. (Note de Marc Saché : Au moment de la déclaration de guerre à la Hollande par Louis XIV le maréchal de Lorge fut chargé de rendre compte de l’état de la place de La Rochelle, alors complètement démantelée. Sur les ordres du roi, Fery, directeur général des fortifications depuis la Loire jusqu’à l’Adour, fit travailler à une nouvelle enceinte plus grande qu’un tiers de l’ancienne. Les ouvrages furent commencés le 29 mars 1689 et le 29 septembre un état-major s’y établit sous le commandement de Marcognet, gouverneur de la place. Voir Arcère, Histoire de la ville de la Rochelle, 1757, t.II, p. 358)
  • Le 30 (juillet 1689) monsieur Desmauvrais Jollivet, fils de défunt monsieur Jollevet, avocat, et monsieur Gontard, fils de feu monsieur Gontard, aussy avocat, plaidèrent leur première cause.
  • Le 3 août (1689) mourut madame de Chenedé femme de monsieur de Chenedé, auparavant veuve de monsieur d’Héliand, chevalier, seigneur d’Ampoigné, duquel mariage il y a trois garçons et une fille, et du second mariage deux filles. C’était une des plus belles, des plus agréables et des plus spirituelles femme de la province ; elle était âgée de 43 ans ; elle m’honorait d’une amitié très particulière ; Elle fut enterrée le lendemain dans l’église St Michel du Tertre avec pompe. (Il s’agit de la femme de René Joachim Chénedé.)
  • Le 8 (juillet 1689) mourut monsieur de la Roche Goizeau. Son fils aîné est juge des traites, qui a épouse Melle du Brossé Minée.
  • Le 26 août (1689) mourut madame des Aunais Boylesve, femme de monsieur des Aunais Boylesve, auparavant veuve de feu monsieur de la Marée Cupif. Elle n’a jamais eu d’enfant ; elle s’appelait Bellet. C’était une femme d’une grande vertu ; elle a donnée tant aux hôpitaux, pauvres qu’à l’église 25 000 livres.
  • Le 4 septembre (1689) mourut le sieur Bouguerel, marchand ferron en cette ville. Il avait épousé la fille des défunts Sr Guiet aussy marchand ferron et de la dame Legendre.
  • Le même jour (4 septembre 1689) mourut la femme du feu Sr Buscher ; elle s’appelait … ; âgée de 97 ans.
  • Le même jour (4 septembre 1689) Mr Gontard du Pin, avocat, fils de défunt Mr Gontard aussy avocat et de la Delle Verdier, épousa la fille de Mr Chotard aussy avocat et de la Delle Romain.
  • Le 15 (septembre 1689) mourut Mr L’Epagneul Sr de la Plante. Il a amassé de grands biens dans les partis. On le dit riche de deux cent mil livres. Il est mort receveur des traites de Saumur. (Note de Marc Saché : Gilles Lépagneul de la Plante avait été receveur des traites aux Ponts-de-Cé. Comme toutes les personnes notables de la ville on le trouve agrégé, ainsi que trois fils, à la puissante Confrérie des bourgeois des trois états établie en l’église Saint-Laur. Voir Bibl. Angers, man. 765-anc.696, registre des réceptions des frères.)
  • Le 18 (septembre 1689) mourut monsieur des Ruaux Provost, bourgeois de cette ville.
  • Le 20 (septembre 1689) mourut la veuve de défunt Mr Brard, marchand de soie en cette ville. Elle s’appelait de la Plante Pierre.
  • Le 22 (septembre 1689) mourut à Chalonnes le sieur du Tertre Gault, bourgeois.
  • Le 24 (septembre 1689) mourut monsieur Gourreau. Il avait été cy-devant quelques années conseiller au siège présidial de cette ville, mais s’étant adonné à l’excès de vin et étant extrêmement incommodé de la goutte, il fut obligé de vendre sa charge. Il avait épousé la fille du Sr Périgault marchand de chaux à Chalonnes, duquel mariage il y a deux filles. (Note de Marc Saché : Jacques-Marin Gourreau de la Blanchardière était le fils de Jacques Gourreau, également conseiller au siège présidial (Voir Bibl. mun., man. 1120-anc.919, f°632)
  • Le 16 octobre (1689) monsieur du Pont Gourreau, veuf de la défunte dame de la Marre Bault, duquel mariage il y a plusieurs enfants, épousa la veuve du feu Sr des Cheminaux Herbereau président au grenier à sel de cette ville.
  • Le 8 novembre (1689) mourut mademoiselle Bachelot veuve du feu Sr Bachelot contrôleur au grenier à sel de cette ville ; elle s’appelait Panetier. Elle a laissé un garçon, marié avec la Delle Ganches de la Fourerie, et deux filles dont la cadette est religieuse aux Ursulines.
  • Le 23 (novembre 1689) il fut arrêté à l’hôtel de ville que les trente six mil livres que le Roy demande pour être déchargé des contributions aux ustanciles des soldats pendant le quartier d’hyver, seraient levés sur les exploitants les maisons de la ville et des faubourgs au sou la livre. Cela monte à trois sous trois deniers pour livre.
  • Le 29 (novembre 1689) mourut le sieur Bruneau, garçon, âgé de 58 ans.
  • Le 25 octobre (1689) mourut monsieur de la Rousselière Thomas, conseiller honoraire au siège présidial. Il avait épousé Melle Jousselin fille du Sr Jousselin docteur en médecine, dont il y a 4 garçons.
  • Le 1er décembre (1689) mourut la femme de Mr de l’Epinay Soreau avocat ; elle s’appelait Bertereau.
  • Dans ce même temps mourut monsieur de la Bachelotière Sourdrille, bourgeois. Il avait épousé la fille de Mr de Bazourdy, dont il y a 4 enfants.
  • Le 4 (décembre 1689) mourut le Sr Greteau ; il avait été cy-devant notaire royal en cette ville.
  • Dans ce même temps mourut la femme de monsieur Grézil, bourgeois ; elle s’appelait Nail. Il y a 3 ou 4 enfants de leur mariage.
  • Le 9 (décembre 1689) monsieur Eveillard conseiller aux requestes du parlement de Bretagne, fils de feu monsieur Eveillard président au siège de la prévôté de cette ville et de la dame Avril, épousa la fille de feu monsieur Chauvel de la Boulaye procureur du Roy au siège présidial et de la dame Grimaudet.
  • Le 10 (décembre 1689) mourut Mr des Sourcelles Cupif ; allant à la campagne, il tomba de cheval et s’étouffa.
  • Le 28 (décembre 1689) mourut Mr Muzard, secrétaire de monsieur l’évêque d’Angers, âgé de 55 ans ; il avait beaucoup de mérite.
  • Cette année a été abondaite en vin et en bleds.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet (blog, forum ou site, car alors vous supprimez des clics sur mon travail en faisant cliquer sur l’autre support, et pour être référencé sur Internet il faut des clics sur ma création) seul le lien ci-dessous est autorisé car il ne courcircuite pas mes clics.

    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

    1689 : Janvier, février, mars, avril, mai, juin

    Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le 15 janvier (1689) mourut monsieur du Roncerai Bernard président en l’élection et grenier à sel de cette ville. Il était fort honnête homme, aimé et regretté de tout le monde. Il avait épousé en premières noces défunte Melle de la Pinardière Bouteiller, duquel mariage il n’y a qu’un garçon, et en secondes noces mademoisellle Lebouvier auparavant veuve de défunt Mr ….
  • Le 20 (janvier 1689) mourut le Sr Faucheux beaupère du Sr Yvard notaire royal en cette ville.
  • Le 22 (janvier 1689) mourut la femme du Sr Carré cy-devant praticien au palais et à présent greffier en chef à la prévôté ; elle a laissé cinq petits enfants ; elle était sœur du Sr Balain confiseur.
  • Le 26 (janvier 1689) monsieur Deniau assesseur au siège de la prévôté de cette ville épousa la fille du Sr Curieux greffier à Beaufort.
  • Le 29 (janvier 1689) monsieur de l’Esperonnière, de la Roche Bardou, gentilhomme, fils de défunt monsieur de la Roche Bardou, lieutenant de la Vennerie et de la dame de Brie, épousa mademoiselle Constantin, fille de défunt monsieur Constantin grand prévôt d’Anjou et de la dame Peltier.
  • Le 2 février (1689) mourut monsieur Syette bourgeois de cette ville. Il avait épousé la fille de monsieur de la Jouannière Hardy avocat à Château-Gontier. Il a laissé 4 enfants.
  • Le 8 (février 1689) mourut monsieur Barbotin. Il avait été icy longtemps intéressé dans les Aydes. Il a depuis couru les commissions dans plusieurs provinces.
  • Le 9 (février 1689) mourut monsieur Camus chanoine en l’église d’Angers. Monsieur Ripoche doyen du chapitre St Julien a sa chanoinie.
  • Le 14 (février 1689) monsieur Dupont épousa la fille de monsieur Trochon de Richebourg et de la dame Coutard.
  • Le 15 (février 1689) monsieur Gilles Goüin fils de défunts Mr Gouin avocat au siège présidial et de la demoiselle Chevalier épousa la fille de défunts Poulain Me Vinaigrier et Peigné sa mère. Elle est fille unique et a, dit-on, 12 000 livres de bien. (Patience aux non initiés aux chiffres, les indicateurs arrivent sur ce blog, au fil des billets, demain le lit, en attendant vous avez là la fortune d’un avocat, et j’ose ajouter que la fille unique est fort intéressante, d’ailleurs elle l’est toujours, et cela n’a pas changé)
  • Le 17 (février 1689) mourut Mr Poisson marchand droguiste en cette ville.Il avait épousé en premières noces une des filles de feu Mr Dupont notaire et de la dame Camus dont il n’y a point d’enfant, et en secondes noces, il avait épousé la dame Esnault.
  • Le 18 (février 1689) mourut Mr Caternault notaire, garçon, âgé de 35 ans, fils de défunts Mr Caternault aussi notaire et de la dame Perrouin.
    Le même jour (février 1689) mourut monsieur Binet marchand cirier en cette ville.
  • Le 20 (février 1689) le fils de feus Mr Herbereau des Cheminaux et de la Delle Augeard épousa Delle Cantin.
  • Le même jour (février 1689) le sieur Goyer marchand épousa la fille du Sr Jory Me pâtissier.
  • Le même jour, le Sr Tellier épousa la fille du défunt Sr la Roche.
  • Le 2 mars (1689) Jacques Stuart, second du nom, roy d’Angleterre, arriva en cette ville sur les six heures du soir, avec très peu de suite. On lui présenta le dais et les clefs de la ville à la porte St Aubin, qu’il refusa. Les habitants étaient sous les armes ; toutes les compagnies le complimentèrent. Il soupa à l’hôtel de ville ; il en sortit sur les onze heures du soir. Il se mit sur l’eau pour se rendre à Nantes et de là à Brest. (Je découvre à travers ce journal que la Loire, que j’aime, et que je vois de mes fenêtres du haut de ma tour de béton, a vu passer tant de rois… Je savais quel trafic incroyable y régnait, mais jamais je n’avais oser imaginer que le port de Nantes avait vu tant de grand voyageurs étrangers pour Paris)
  • Le 8 (mars 1689) mourut la femme de monsieur de Chastelaye Pasquier conseiller au siège présidial de cette ville. Elle s’appelait Testard ; elle n’a point laissé d’enfant.
  • Le 12 (mars 1689) monsieur Le Tourneux, fils de monsieur Le Tourneux, médecin en l’université de cette ville, et de Melle Jarry, se fit installer dans la charge de président en l’élection cy-devant possédée par feu Mr du Roncerai Bernard.
  • Le 20 (mars 1689) monsieur de Chauvon Louet, fils de feu monsieur de Chauvon Louet et de la dame Grimaudet épousa la fille de monsieur Dupont Gourreau et de la feue mlle Bault.
  • Le 28 (mars 1689) monsieur de la Richelière Toublanc se fit installer dans la charge de conseiller au siège de la prévôté de cette ville cy-devant possédée par feu Mr Galard de Mongazon.
  • Le 30 (mars 1689) mourut mademoiselle Guilbault femme de monsieur Claude Guilbault avocat. Elle s’appelait Jeanne Tonnellier.
  • Monsieur l’Evêque d’Angers a permis de manger des œufs pendant ce carême jusques au dimanche des Rameaux, à cause de la rareté du poisson et des légumes.
  • Le 11 avril (1689) monsieur de Boizourdy, second avocat du Roy au siège présidial de cette ville, fils de monsieur Boizourdy et de la Delle … épousa la fille de feu monsieur de la Sablonnière Chotard et de la Delle …
  • Dans ce temps mourut monsieur de Girard Sr de Gastines. Il avait épousé en premières noces Melle … et en secondes noces une batarde de feu Mr l’abbé de Bégare.
  • Le 1er jour de may (1689) on élut pour maire de cette ville monsieur Grandet conseiller au présidial et un des acamédiciens. (François Grandet, sieur de la Plesse et de Mons, était frère du curé de Sainte-Croix, Joseph Grandet. Conseiller au Présidial, échevin perpétuel en 1689, il fut maire pendant 4 ans d e1689 à 1692. Il fit élever au bout de la rue de l’Hôpital la Porte Neuve ou Grandet, réparer les ponts, établir 2 nouvelles foires (Voir plus bas à l’an 1692) et installer une école d’équitation, toutes initiatives rappelées au revers de son jeton par la légende Porta. Collegio. Pontibus. Hippodromo. Nundinis. Il fut inhumé au cimetière de Faye, le 7 novembre 1730 (Voir C. Port, Dict. p. 290 ; Lehoreau, Cérémonial, vol. III, p. 73 ; Planchenault, Les Jetons angevins, pp. 287, 288, Gazette des Beaux-Arts, 1901) Note de Marc Saché.)
  • Le même jour (1er mai 1689) on élut pour échevins messieurs de la Varanne Tremblier conseiller et du Motay Davy bourgeois.
  • Le même jour (1er mai 1689) mourut monsieur Verdier conseiller honoraire au siège présidial, capitaine de ville, échevin perpétuel de ladite ville, docteur régent du droit français et un des Académiciens. C’était un des grands hommes de cette ville, très éclairé dans sa profession et que tout le monde de la Province consultait dans les grandes questions ; son mérité était honoré d’un chacun. (Jean Verdier, né à Angers en 1610 environ, était fils de Jean Verdier, lieutenant général au Présidial. Lui-même nommé conseiller en devint le doyen. Il se vit confier, lors de la création des chaires de droit français, en 1679, celle de la Faculté d’Angers. Autant que son Commentaire sur la Coutume d’Anjou, resté inédit, sa fidélité au parti de la cour pendant la première période de la France angevine lui avait valu cette faveur. Il fut un des premiers membres de l’Académie en 1685. L’acte de son inhumation, le 2 mai 1689, dans l’enfeu de la chapelle de Boistravers, fondée en l’église Sainte-Croix, s’accompagne de cette mention du curé Grandet : Il mourut, âgé de 74 ans, en cinq heures d’une apoplexie, le dernier jour d’avril, regretté de tous pour sa grande piété et science particulière. (Voir Etat-civil – Poquet de Livonnière, les Illustes, man. 1300-anc.1068 ; De Lens, l’Université d’Angers, Faculté des Droits, 1880, pp. 234, 236 ; Registre du Présidial, p.152 ; Debidour, la Fronde angevine, 1877, p. 97 et suivantes. – Note de Marc Saché.)
  • Le même jour (1er mai 1689) mourut monsieur Hunault docteur régent en médecine. Il était très habile dans sa profession et consulté de tout le monde ; Il était aussi un des Académiciens.
  • Le 6 (mai 1689) mourut madame de la Perrière Foussier, veuve de défunt monsieur de la Perrière Foussier conseiller au siège présidial de cette ville. Elle s’appelait Gardeau, fille de monsieur Gardeau mort prêtre et auparavant marchand et de défunte madame Guillot. J’avais l’honneur d’être son parent assez proche du côté de feu mon père. Elle fut enterrée le lendemain dans l’église de St Maurille.
  • Le 7 (mai 1689) monsieur Garsenlan, fils de Mr Garsenlan et de la dame Belote, se fit installer en la charge de conseiller au siège présidial de cette ville, possédée par monsieur Duplessis Moreau.
  • Le 10 (mai 1689) mourut la femme de défunt Mr Aubin de Cheveigné ; elle s’appelait Pasqueraye ; son fils est maître des eaux et forêts d’Anjou.
  • Le 21 (mai 1689) mourut Melle Guyonneau de la Frenaye femme de Mr Guyonneau de la Frenaye bourgeois de cette fille ; elle a laissé trois petites filles ; elle s’appelait Julienne Angouland, fille de défunts Mr Angouland vivant droguiste en cette ville et de la dame Guitton, mes oncle et tante. Elle était âgée de 48 ans.
  • Le 25 (mai 1689) mourut Delle Cormier femme de feu Mr Grandet, lieutenant de prévôt de cette ville. Elle a laissé plusieurs enfants ; le 1er est prêtre curé de Ste Croix de cette ville ; le 2e est lieutenant criminel à Château-Gontier, marié avec la fille de Mr de la Jouannière Hardy avocat audit Château-Gontier, le 3e est conseiller au siège présidial de cette ville et à présent Maire de ladite ville, marié avec la fille de Mr Jousselin, docteur en médecine ; une fille mariée avec Mr le marquis de Sasilly et une autre mariée avec Mr de la Blanchardière Gourreau conseiller au siège.
  • Le 28 (mai 1689) quarante gentilshommes du ressort et de la juridiction d’Angers, convoqués pour l’arrière ban, partirent pour se rendre à Monfaucon jusques à nouvel ordre, commandés par monsieur de Servien marquis de Sablé, grand sénéchal d’Anjou.
  • Le 31 (mai 1689) monsieur Garsenlan conseiller au siège présidial de cette ville, fils de Mr Garsenlan cy-devant marchand et de la dame Belote, épousa la fille de Mr Duplanti Frein, cy-devant assesseur en l’élection de cette ville et de la Delle Boisard.
  • Le 6 juin (1689) mourut monsieur Pinard greffier en chef en la maréchaussée de cette ville, âgé de 97 ans ; sa femme s’appelle Doostel, fille de défunt Mr Doostel greffier en chef de ladite maréchaussée et de Delle Louise Guitton, sœur de défunte Catherine Guitton ma mère. Le Sr Pinard a laissé deux filles, l’aînée mariée à monsieur de Montiron Hernault conseiller au siège présidial de cette ville, et l’autre morte depuis quelques années mariée avec Mr de la Chaize Herbereau cy-devant présidient au grenier à sel de cette ville, duquel mariage il y a une fille ; il est remarié avec Melle Sicault fille du feu monsieur Sicault lieutenant de la prévôté de cette ville.
  • Le 13 (juin 1689) monsieur René Brillet, fils de feus Mr Brillet et de la Delle Richard, épousa la fille de défunts Mr Gilles Gouin avocat au siège présidial et de la Delle Chevalier. (C’est la demoiselle aux 12 000 livres, la fille unique citér plus haut. Il fait une affaire, ce qui est d’ailleurs démontré par la suite de l’histoire de cette famille.)
  • Le 20 (juin 1689) messieur Martineau et Boulay plaidèrent leur première cause.
  • Le 22 (juin 1689) mourut la mère de la femme de Mr Du Bouchet, âgée de 99 ans ; elle s’appelait …
  • Le 26 (juin 1689) monsieur de Chatelaye Pasquier conseiller au siège présidial de cette ville, veuf de la dame Testard, duquel mariage il n’y a point d’enfant épousa mademoiselle de Cierzé.
  • Le même jour (26 juin 1689) mourut la femme de Mr Carré notaire ; elle s’appelait Anne Pelletier, veuve du Sr Mingon, âgée de 43 ans ; elle n’a jamais eu d’enfants ; elle avait été de la religion prétendue réformée ; elle est morte dans des sentiments fort chrétiens. Ledit Sr Carré est mon cousin germain.
  • Dans ce même temps (26 juin 1689) mourut la femme de monsieur des Rousses Herbereau, conseiller au siège de la prévôté de cette ville ; elle a laissé quatre enfants ; elle s’appelait Esther Davy.
  • Le 30 (juin 1689) mourut le sieur Coignard marchand de bled, fils du Sr Coignard cy-devant hôte de la maison du Gryphon (voir le commentaire ci-dessous) ; il avait épousé la fille de la veuve Menagé, dont il a laissé deux enfants ; il était âgé de 29 ans.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

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    NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905 CHAPITRE Xl. LE CUL-DE-SAC.

  • NANTES LA BRUME, Ludovic Garnica de la Cruz, 1905
  • chapitre 1 : le brouillard 2 : la ville 3 : la batonnier et l’armateur 4 : le peintre 5 : le clan des maîtres 6 : rue Prémion 7 : labyrinthe urbainchapitre 7, suite8 : les écailles 9 : emprises mesquines 10 : carnaval

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    A l’Elysée-Graslin, alias au beuglant. Les vitres qui séparaient la grande salle de l’entrée demi-cour garnie d’arbustes étaient fourrées de buées grises. L’éclairage réfléchi par le poli des tables de marbre sur les murailles peintes faisait saillir les dessins ineptes et crus. Et les chaises noires, et les canapés de cuir d’alentour étaient occupés par de nombreux curieux : jeunes gens à tournure d’étudiants, tapant du poing, hurlant à pleins poumons près de galants minois artificiels, potaches imberbes, insérés entre deux vieilles apprentisseuses, barbes vénérables, sirotant leur absinthe en s’égayant le tympan de luxures inabordables, sous-officiers tapageurs, belliqueux du mérite d’avoir un sabre et d’être un militaire pour ces dames. Oh ! les dames, un ramassis de tous les bouquets fanés, usés. Des cheveux rouges étincelants au bord de maquillages savants. Des yeux sillonnés de noir, des pattes d’oie mal déguisées, des rires menteurs qui se paient comptant. Leur pénible travail commence sous l’oeil paternel du bon agent de planton près de la caisse du patron de céans. La force publique veillant sur les préparatifs des heures de basse orgie au nom de la morale.
    Un chut prolongé coupa les conversations. Une femme corpulente, décolletée jusqu’au ventre et de rouge court-vêtue, nasillait une romance de Botrel. On entendait à peine le filet de voix de ce gros corps faisant des grâces :

      Et lon lon laine
      Et, lon lon la

    Puis elle disparut. Une gringalette prit sa place. Quel diable mouvementé ! Elle gesticulait des pieds, des mains, du croupion, de la gorge, piaillait à cris perçants, montrait son pantalon de dentelle rose. Elle regardait surtout les vieux d’un air narquois,. en reprenant le refrain :

      C’est un objet qui s’allonge
      Et se tire, tire…

    Et d’autres suivirent à tour de rôle. Des grandes, des moyennes, des vertes, des jaunes. Chacune y alla de sa petite ordure et s’éclipsa dans une tempête de trépignements. Une brune jura, insulta les assistants. Des duettistes chantaient faux, en camarades avec le piano ; plus osés se tâtaient partout devant le public s’excitant. 0n riait ; ils eurent du succès. Enfin le principal comique fit son entrée sur la scène, en même temps qu’un petit crevé, les épaules rondes, face comique et réjouie, coiffé d’un tube mat enveloppé d’une fourrure, faisait la sienne dans la salle.

  • Tiens, hurla le nouvel arrivant, c’est encore ce vieux cochon de cochon de soulaud qui va nous em… de ses saletés. Fous-le-camp, gros ventru, ou je te colle un verre dans la gueule.
  • Un murmure accueillit cette réflexion. Tranquillement l’autre enleva sa peau et commanda un bock.

  • Allons, vas-y tout de même, vieille canaille, qu’on entende ta voix !
  • Le garçon le prévint qu’on le flanquerait dehors S’il ne se modérait pas. Habitué à ces sortes d’avertissements, le type dégradé de la vadrouille infinissable, de la noce à toutes les vilenies, alluma sa pipe et répondit :

  • Jules, amène-moi une femme, n’importe laquelle, je paie un louis.
  • Pendant ce temps-là, le comique avait entamé ses chansonnettes émaillées de gros sel, d’égrillardes plaisanteries. Quand il vit la salle trépigner de bonne humeur, il reprit l’idiote rosserie, l’idéal de ce genre de foule avachie ? la fille du Remouleur. Les choeurs reprenaient le refrain d’un commun accord :

      Ah !qu’elle est gentille
      Ma fille…

    Une voix complaisante lançait les mots sous-entendus, les mots. ignobles que la rime appelait.

    Au fond, Charles et René humaient délicatement leurs chartreuses. Tandis que le peintre semblait se distraire, René restait triste et pensif.

  • Qu’as-tu donc, René, ça ne t’amuse pas d’entendre ces soi-disants hommes étaler, leur vaine matérialité ?
  • Charles, je m’ennuie. II me faut une femme.
  • Choisis, mon cher. Tiens, les deux en noir qui sont seules près le pilier de gauche.
  • Pas mal, en effet. Garçon ! Dites à ces dames de venir.
  • Sans se faire prier, elles s’attablèrent avec les jeunes gens. Ils causèrent. Banalités des conversations, de cette façon, salade de grossièretés assaisonnée de disances et de calomnies sur les camarades.
    Vers mihuit, ils sortirent ensemble. Dans l’étroite rue Corneille, à la lueur du gros oeil électrique du café ? ils se consultèrent.

  • Vous venez chez nous ? demandèrent les femme.
  • Ils acceptèrent. Chacun partit de son côté.

  • Où demeurez-vous ? demanda René à celle qui lui était échue.
  • Rue Lekain, à deux pas.
  • René la suivit en silence. C’était une chambre assez grande. Un lit de milieu garni de rideaux bleus, une armoire à glace, un large canapé. Elle alluma une haute lampe à pied, retira son manteau et se campa devant le jeune homme impassible. Elle dit :

  • Donne-moi des sous ?
  • René eut dégoût de cette demande, il répondit:

  • Combien veux-tu ?
  • Ce que tu voudras !
  • Dix francs.
  • Donne-moi un louis, je t’amuserai de jolis secrets que tu ne connais pas ?
  • Il lui donna les vingt francs. Elle sourit et les serra dans un noeud de son mouchoir où se cachaient déjà quelques autres.

  • Si j’étais riche, je ne te demanderai rien ! Tu es trop gentil.
  • Ils se couchèrent. René se regardait comme étonné d’être là, dans cette chambre froide sillonnée fantastiquement des lueurs, des pénombres et des ombres de la lampe à abat-jour rose grimpée sur la table de nuit. Il pensait à Lolette, à son petit intérieur à présent triste, ce qui lui donnait une grise mine d’amoureux.

  • A quoi penses-tu ? reprit la femme.
  • Pas à toi, bien sûr, répliqua René.
  • Dans le silence, il murmura : « J’ai honte ».

  • Hein, quoi ? Est-ce que tu es venu pour m’insulter ?
  • Ne te fâche pas, reprit René, en s’étalant sur le dos. J’ai grand besoin de ton talent promis pour m’échauffer.
  • La femme boudait. Il se rapprocha d’elle et la prit ses bras.

  • Tu as de jolis yeux ; on dirait deux agathes foncées.
  • René, avec sa douceur de tempérament, se faisait tendre, caressant. Il l’accabla de menues gentillesses comme à une amie que l’on revoie. Et l’autre se laissait câliner. Une joie franche l’enveloppait. A son tour elle frôla le jeune homme de ses doigts habiles. René donna son corps au plaisir, son corps car l’âme était loin, bien loin de cette bouche empuantant des relans d’alcool qui l’écoeurait. Ils s’aimèrent, selon l’expression imbécile qui désigne les accouplements matériels. Ils se trémoussèrent des positions grotesques malmenant leurs corps pour les faire vibrer de plaisir, comme un violoneux grinçant des airs sur un instrument monocorde.

    Non ! René n’était pas content de sa vie actuelle ! Il maudissait son oncle et ses opinions draconiennes. Son âme saignait des plaisirs qu’il cherchait. Il était devenu incapable de lire en paix un poème préféré. Son esprit en quête d’images luxurieuses le troublait aux dépens de sa santé. Il devenait méchant, solitaire, acariâtre. A la nuit, il se rendait invariablement à la Cigale. Au fond du café, il trouvait des grues patientes attendant sur les cuirs rouges les michets fortunés, parées comme les mariées d’un bal fantaisiste, d’un sabbat dont elles mèneraient la danse maudite. Il puisait dans le tas. Elles y passaient les unes après les antres, Se joignant à certains groupes, il courait de brasseries en brasseries, pataugeant dans l’immondice charnel de fossé en fossé.
    Comme il évitait de s’enivrer avec ces femmes, il se regardait crouler, la honte au coeur, dans un engrenage graisseux de stupre immonde. Il ne se sentait pas la force de fuir, et parfois il pleurait. Il apprenait une histoire secondaire de la ville, une histoire cachée, remplie de misères, de maladies, de souillures, de crimes, d’éclaboussures de morts, et le mensonge des jours étalant son infecte vérité en la nuit muette et complice.
    Un soir, il entraîna Charles. Le peintre s’efforçait, doucement de distraire son ami, de l’écarter du chemin antiesthéthique qu’il suivait.

  • René, tu railles les bourgeois, tu es plus coupable qu’eux en les imitant.
  • Mon oncle sera content. Je lui ai écrit ma vie, vie de crétin inepte.
  • Et Charles l’accompagnait pour lui plaire, un peu aussi pour veiller sur lui, pont le défendre même, René dans sa haine contre les grues, les insultait publiquement avec rage. Des disputes eurent lieu entre leurs défenseurs et le poète. Un soir, à la brasserie Moderne, il y eut bataille ; René esquinta de sa cravache son adversaire. Ce fut une grosse affaire. L’autre porta plainte. Mr de Lorcin fut obligé d’intervenir pour arrêter les poursuites. Un autre soir, il s’oublia au point de frapper en pleine rue, une rouleuse ivre qui le narguait, On l’emmena au poste. Il fut violent. Il passa la nuit sur la planche.
    Il entraîna donc le peintre vers une maison bariolée de vert. La patronne du lieu les fit, entrer dans petit salon entouré de banquettes capitonitées où des femmes en chemisettes transparentes étaient assises, exhibant leurs croupes pollutionnelles. Ils les prirent sur leurs genoux: Ils tâtaient comme bons fermiers en foire la bête la plus solide et la mieux faite. Quand ils eurent fini leur choix, il s’attabIèrent à quelque coutumière orgie.
    Par la porte entr’ouverte, ils entendirent des rires, des chansons, des voix d’hommes mêlées à celles de femmes ! René grommela.

  • Ils sont bien gais, ceux-là !
  • Allons, reprit Charles, qu’est-ce que cela peut te faire ?
  • Je connais ces voix Je veux voir.
  • René, je t’en prie, tu vas t’attirer des ennuis.
  • Têtu, René s’en alla frapper deux coups de poing à la porte voisine. Le silence se fit dans l’autre salon.

  • Ouvrez-donc ! vous n’êtes pas morts de peur, que diable ! On ne vous mangera pas
  • Une voix de femme demanda :

  • Qui est là ?
  • Le voisin parbleu qui vient faire votre connaissance. Ouvrez ou j’enfonce la porte.
  • Charles arriva juste au moment où la porte s’ouvrait. Il entra derrière son ami. Celui-ci se confondait en saluts.

  • Bonsoir M. Seniland, bonsoir M. Béthenie. Vous croyiez peut-être que vos dames venaient vous chercher ? Une belle affaire d’adultère, n’est-ce pas M.le Juge ?
  • Les deux interpellés restaient penauds, ayant une petite femme sur chaque genou, celles-ci riaient de leurs têtes.

  • Mazette, reprit René, vous n’y allez pas de main morte. Cinq pour deux. Nous sommes des dégénérés, nous, n’est-ce pas Charles ? Nous n’avons plus de moëlle. Voilà une petite aventure que vous ne raconterez pas à ce cher M. de Lorcin, mon vénérable oncle !
  • Remis de leur surprise, ils se levèrent furieux.

  • Monsieur, ces manières sont…
  • Ne nous fâchons pas, chers amis, continuons la fête ensemble.
  • Ils grondèrent des sons inarticulés et partirent fort ennuyés sous les regards moqueurs des filles. René offrit du champagne.

  • Et ce sont ces gens les plus rigides cerbères la vertu, ces gens à qui l’on confie le juste et l’injuste, en qui l’on met son entière confiance, nos pires ennemis à nous tous.
  • Une femme conclut.

  • Ce sont des habitués.
  • Le col relevé par dessus les oreilles, les mains dans le linceul des poches, René descendait la rue Crébillon. Un froid venteux battait la nuit silencieuse. Il ne songeait qu’à regagner son gîte, s’y terrer frileusement. Quelques rares voyous tremblotaient en guenilles sur les trottoirs. Une petite fillette de huit à neuf ans collée aux vitres du Terminus mendiait les passants.
    Le long de la Société Générale une femme l’accosta.

  • Monsieur, venez chez moi.
  • Non. Non.
  • Monsieur, j’ai été à Paris.
  • René trouva la phrase bizarre.

  • Que faire à Paris ?
  • Apprendre à travailler !
  • Ah !
  • Il la regarda. Ni belle, ni vilaine, ni bien, ni mal vêtue, bref, une raccrocheuse quelconque. Alors il se mit à rire.

  • A Paris on travaille donc mieux qu’ailleurs ?
  • Acceptez. ! Vous ne vous en repentirez pas.
  • Soit. Je vous suis.
  • La femme, heureuse de l’aubaine, pressa le pas. Son logis pauvre et nu manquait de propreté. Bas, savates éculées, morceaux de bois etc… traînaient par la place. L’air était glacial.

  • Fais du feu, dit René.
  • Il jeta un louis sur la table.
    Assis auprès de la cheminée, le jeune homme appuyait son front sur le plâtre. La chaleur l’engourdissait. La flamme sautillante cuisait, ses yeux. Son cerveau se pelotonnait chattement indifférent.
    La femme jeta de nouveau du bois dans l’âtre et resta accroupie sans rien dire. Elle avait revêtu un long peignoir blanc. Elle agitait ses mains maigres dans les lueurs fauves.
    L’engourdissement du froid passé, René s’étira, faisant craquer ses jointures. Et brutalement, nerveux, il prit la femme sous les aisselles l’attira entre ses genoux. Il sentit la chair chaude à travers le peignoir. Cette nudité le grisa. Il passa ses mains sur les seins tombants, arracha le peignoir

  • Fais-moi voir ce que tu as appris à Paris, lui souflla-t-il à l’oreille.
  • Docile, elle se mit à l’oeuvre.
    L’oeuvre, René ne croyait pas que l’on connût mieux les moyens de salir le vice à Paris qu’à Nantes. Cette femme n’avait probablement jamais quitté les rives de la Loire. Elle usait d’un stratagème à succès parmi les provinciaux admirateurs de toutes les saletés portant le cachet de la capitale. Mais il fut épouvanté de l’ignoble dégradation lubrique de cette goule. Il éprouva un tel dégoût de son contact qu’à une minute plus abjecte il la repoussa violemment, et lui cracha au visage. Elle tomba sur le sol avec un juron terrible.

    Ne voyant plus son ami. Charles se rendit chez lui. René atteint d’une mélancolie névrosée ne bougeait plus de son fauteuil. Des journées entières, il rêvait ou sommeillait, mangeant à peine ce que lui préparait Mine Demeux. La bonne femme cherchait en vain à le distraire de ses racontars faits-divers.

  • Je m’ennuie, lui disait René, je m’ennuie terriblement.
  • A Charles, il tint le même langage.

  • Je m’ennuie, répétait-il, d’une voix désespérée.
  • Travaille.
  • Je n’en ai pas la force. Ce sont maintenant pour moi de maudites souffrances. Des souffrances qui font le vide. Pas de chagrin véritable, pas de regrets. Je souffre de me sembler un exilé dans le néant. J’ai honte de me regarder nu dans ma glace. Je ne suis pourtant pas fou, j’ai honte de ma chair, de chacun de mes membres que ces femmes veni¬meuses ont touchés. Je crois sentir mon âme ombrer la glace d’une tristesse mortelle. Aimer, me soulagerait ! Qu’ai-je à offrir à une amante adorée ? Un coeur fané dans une loque souillée… Leur emprise à ces femmes s’étend sur mes pensers. Si je me clos entre mes murs, c’est pour ne pas les revoir, retourner à l’appel mielleux de leurs lèvres peintes. Oh ! finir cette vie fausse de lubricités imbéciles et de flasques plaisirs !
  • René eut une forte fièvre. Il garda le lit plusieurs jours. Charles fut le médecin expérimenté de sa guérison, de sa convalescence. De douces journées passées ensemble, de franches causeries d’art, les visites amicales des membres de leur cénacle artistique lui retracèrent la voie de la santé. Mussaud, toujours fougueux, voyait le triomphe définitif de l’amplitude de la chair saine et vigoureuse. Sa « Femme d’amour » était presque terminée. Dans une quinzaine de jours l’exposition aurait lieu rue Prémion. Ils en parlaient tous avec orgueil. Ils étaient prêts. Un dernier coup de main et l’on commencerait les préparatifs à l’atelier.
    Avec des ruses d’apaches sur le sentier de la guerre, ils cherchaient à savoir quel serait le tableau de Delange. Mais celui-ci souriait.

  • Attendez, attendez. Vous verrez.
  • René lui-même l’ignorait. Le tableau était renfermé sous clef dans la chambre du peintre et la clef ne quittait jamais la poche de son veston.
    C’étaient des jeunes, des très jeunes, pleins d’audace, de verve et d’aptitude sérieuse au talent. Par aux-mêmes ils voulaient arriver à percer la foule ambiante des médiocrités. A coup d’épaule se frayer à peu un chemin dans le hallier de l’envie. De Remirmont préparait un éclatant manifeste dont Charmel et Ormanne seraient les décorateurs.
    La vie d’antan avait repris sa place au foyer de l’existence où se réchauffait leur camaraderie. René écrivait ses poèmes avec enthousiasme et chantait ses ballades sur le vieux piano du café de Nantes.

  • Le joli minois, murmura-t-il.
  • Machinalement il le suivit. Elle avait un déhanchement particulier des reins, accentué par le poids d’un paquet noir au bras gauche. Sa croupe se balançait délicieuse au trottinement de ses bottines minces.
    René la détaillait des yeux. Un manteau court, foncé, empêchait de distinguer sa taille, mais ses cheveux blonds en nattes énormes dépassaient le collier de fourrures où ses oreilles se baignaient frileusement et retombaient sur ses épaules étroites. Un chapeau breton garni d’un ruban blanc terminait le charme qu’elle dégageait.
    Il la suivait tranquillement sans trop savoir pour¬quoi. Et le vent qui soufflait fort amena la neige dans ses dents. Les pilules blanches s’entrechoquaient par brassées, s’avalanchaient si brusques, si épaisses qu’en un instant les pavés et le trottoir se couvrirent d’un suaire Même. Des parapluies rares s’étirèrent. Les gens surpris fuyaient.
    René presssa le pas. Comme il marchait plus vite que le joli minois, il se rencontra bientôt à coté de lui. Elle le regarda un peu étonnée. Il eut alors une résolution subite.

  • Mademoiselle; voulez-vous accepter l’abri de mon bras ?
  • Un appui plutôt qu’un abri, souria-t elle.
  • Les deux… si vous voulez.
  • Une rafale violente de neige les aveugla branlant les portes et les devantures. Ils se rapprochèrent. Elle se cramponna à son pardessus. Quand l’accalmie revint, il se trouva qu’elle se serrait contre lui et qu’ils marchaient côte-à côte.

  • Vous rentrez chez vous, mademoiselle ?
  • Non, monsieur, je suis en course.
  • Vous avez aussi oublié de vous précautionner contre la neige … Blottissez-vous le long de ma peau de chèvre, les poils vous garantiront à moitié.
  • La neige était certes glacée. Sur le visage elle glissait des filets d’eau trop fraîche. Ni l’un, ni l’autre n’avait cependant froid. La grosse main de René couverte de gants épais entourait la taille de la fille qui disparaissait presque sous son aisselle dans la forêt des poils bruns. Ils bavardaient pour dire quelques paroles. En un clin d’œil une paire d’amis s’entendant comme une paire de gants. Si bien qu’au moment précis du « où allez-vous » question et du « chez moi » réponse, il compléta laccord parfait « ensemble au restaurant ».
    Il dînèrent joyeusement dans un petit salon moelleusement chauffé. Et ce fut tout naturel qu’étant deux gentils mariés du hasard, ils allassent fêter leur nuit de noces dans un grand lit roux de hasard.
    Parmi les caresses de la petite, René recueillait les bribes d’amour qu’il avait perdues avec le départ de Lolette. La tendresse de son coeur aimant maltraité par les marchandes de voluptés lui monta en bouffées aux lèvres. Il aima de toute son âme, follement, franchement, comme elle se donna à lui follement et franchement. A ce corps exquis et frais, il goûta un raffinement de jouissances supérieures telles qu’il n’en avait connues depuis longtemps. Et ce fut une paix qui le berça dans ses heureux délires.
    Il baisa ses lèvres roses et ses yeux doux ; il croqua doucement la pointe de ses seins durs ; il frôla curieux la croupe ferme qui se balançait si délicieu¬sement dans la rue ; il voulut même voir le duvet mystérieux qu’il frisottait de ses doigts malins. Elle rougit et refusa, tenant sa main crispée sur sa chemise qu’elle maintint raide entre ses jambes. Alors il n’insista plus devant cette naïve pudeur. Au contraire, il aima davantage cette chair veloutée qu’il savoura les yeux fermés.
    Fatiguée, la mignonne s’endormit sur l’oreiller touffu de ses cheveux. René, devenu seul, songea malgré lui à celles qu’il avait fréquentées auparavant. Sans scrupules, sans hontes, elles exhibaient à tout venant leur nudité, excitant à l’appat la brute humaine. Il les compara à l’autre qui dormait près de lui. Ses caresses d’amour avaient conservé de candides naïvetés. Charmeuse créature, encore vierge d’âme — sinon de corps – faite pour le plaisir délicat, pour la chanson des sens. Je suis la chair qui aime.
    Au matin, elle disparut après une dernière caresse, chère inconnue qui n’avait laissé d’elle qu’un parfum de passion dans l’air attiédi. Partie sans laisser son nom, sans détourner la tête, vers d’autres coeurs à contenter, d’autres chairs à satisfaire. Toujours avec la même bonne humeur, la même joie, toujours l’ange qui va — où le vent le pousse — aux foyers froids que ses lèvres vont réchauffer. Grands enfants, voici la consolante volupté ! Accueillez-la respectueusement comme un hôte céleste. Elle est la distributrice des bonheurs humains, des heures d’oubli de peines, des réconforts de la défaite et des déceptions ! Paralytiques qui souffrez, approchez vous de cette piscine guérissante. Elle passe rapide comme la lueur phare tournant. Elle passe sur la vie, insconsciente peut-être de son rôle bienfaisant. Le jour, elle est courbée sur quelque ingrat travail qui la fait vivre le soir, elle donne au pauvre qui l’implore le sourire clair de ses yeux, le pollen rouge de ses lèvres, le manteau blond de ses caresses. Le brutal collectif ne comprendra rien à sa mission, il la salira de ses bavures, il la souffletera de ses mépris de maître à tournure de valet. Elle rougira parfois sous l’outrage, et des pleurs humideront ses cils délicats, attendant qu’un jour, elle aille mourir à l’hôpital d’une maladie terrible communiquée par un infâme scélérat, en récompense de ses baisers confiants et désintéressés.

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  • Le long des, marches du théâtre Graslin les camelots s’égosillaient. Ils couraient jusqu’au milieu la rue Crébillon. Ils harcelaient les promeneursde leur insupportable charivari. Entre les larges colonnes du péristyle, des hommes, des femmes, des enfants, vêtus de couleurs différentes s’engouffraient par les portes basses à tambour, ainsi que des abeilles rentrant se perdre sous le dôme de la ruche, Au reflet des lampes électriques rougeoyait l’affiche du spectacle : Louise, douzième représentation.
    En face, la place Graslin, ceinturée de cafés fulgurants s’agitait dans des moissons de clartés blêmes dont le respir éclaircissait la craie noire de la nuit. Sur le trottoir du café de la Cigale des grues à ramages froufoutaient, pavanaient des devantures excentriques, attrayantes de leurs yeux prometteurs à la foule presque uniquement composée d’hommes. D’aucunes se plongeaient, dans les rangs des promeneurs. Hardies commerçantes, elles en sortaient bientôt avec un mâle — ô combien ! — assailli et vaincu.
    René flegmatique, regardait le manège curieux de ces femmes, la foule bariolée de leurs chapeaux chamarrés de clinquants. Le cide se faisait au pied du théatre. Quelques sires infects discutaient alentours un braser ensanglantant de lumière leurs pantalons en loques. Parfois, silencieux, ils admiraient l’audace des cocottes, « leurs chouettes soeurs ».
    Un froid cinglait. Les pieds gelés, René se dirigea vers le cours de la République, frôlant les cafés remplis de joueurs de cartes, – les coeurs saignaient, les piques samblaient ricaner d’infinissables railleries. Devant le cabaret des arts, René songea à cette ridicule pléïade de province intitulant ainsi ses vagues auberges, pour s’y croire l’hôte vaniteux des arts, parce qu’elle désaltère Cabots, Silènes et Spartacus. Il bifurqua vers la rue de l’Héronnière. Brusquement le silence ; éclariage peu ou nil. Personne. Il tourne à droite. Le quartier du vice. Rue d’Ancin, étroite, formée d’escaliers. Les lanternes des maisons peinturlurées de jaune, de brun, de vert, l’habillaient comme une mariée. Une file d’enseignes : Au moulin rouge – un vieux moulin dressant lamentablement ses ailes ; le corps teinté de route, semblait un quartier de boeuf sanguinolent ; – à l’Ancre d’or, à la Patte de Chat, au Vert galant. Aux portes, aux fenêtres, les femmes larges, débraillées, fardées, les lèvres trop rouges, l’appelèrent.

  • Viens, mon chéri, viens donc nous voir.
  • Elles l’entouraient, le touchaient, lui prenaient le bras, le tiraient par son manteau. La plupart, des paquets de chairs gonflées, débordantes, d’autres maigres, phtisiques, les dents jaunes ; des vois brûlées d’alcool, sentant mauvais. Il se débattit, les repoussa. Elles n’insistèrent plus, jurèrent, l’insultèrent de canailleries obscènes. Une seule le poursuivit jusqu’au quai de la Fosse.

  • Je suis jeune, regarde, j’ai des voluptés fraîches, mon beau monsieur.
  • Il la fixa le front dur. Elle était joliette : ses yeux bleus avaient une sorte de mélancolie malheureuse si douce qu’il eut pitié. La curiosité le prit de causer avec elle. Il revint. Les autres s’étaient mises à leurs portes, ricanaient. Alors la victorieuse les traita de nms ignobles, d’un vocabulaire ordurier. Et René eut une nausée de se trouver parmi cette turpitude. Il s’enfuit à toutes jambes sans détourner la tête.
    Sur la Fosse, il respira plus à l’aise. Puis il se mit à rire de sa peur. Les buvettes étaient bruyantes ; les chansons giclaient dans la boue éternelle de la chaussée. Des ivrognes titubaient et s’affalaient le long des trottoirs. Il marcha devant lui. Les becs de gaz toussotaient des hoquets safrans. AU fond d’une rue, de grosses lanternes éclairaient les titres : Maison Girondine, A l’Espérance. Les portes étaient closes. Des ombres frappaient, sournoisement la porte s’entr’ouvrait et se refermait sur eux. René continua. Rue des Marins. A un coude de grosses lettres se détachaient : A la Tête noire. Un gigantesque tableau accroché au dessus de l’entrée servait d’enseigne parlante. C’était une négresse nue jusqu’à mi-corps, pendant des tétons énormes. René grimpa les marches de la rue. Une bande de matelots hurlants le dépassa. Ils cognèrent, puis s’enfournèrent dans la maison. L’aspect était lugubre. Une odeur de vice et de mort prenait à la gorge comme du soufre. Ce lui fut aussi la sensation d’âtre entre ces murs rapprochés, dans quelque cachot affreux, quelque effroyable coupe-gorge. Des mines patibulaires le couvaient de regards hostiles.
    Les femmes chuchotaient avec eux. René eut une frayeur atroce. Des frissons lui moitèrent la peau. Ses jambes tremblèrent. Il lui sembla que le ruisseau coulait des pourritures et du sang caillé. Il s’appuya au mur. Un homme vint vers lui. Une nouvelle bande de soldats fit irruption dans la ruelle. Ivres, ils insultèrent l’homme. Il y eut bataille, coups. René profita de la bagarre pour monter la rue, tremblant sous les appels des hôtes de A mon désir, Au grand I...! croyant sentir le froid d’un couteau entre les épaules. Il quitta ce quartier maudit de stupre abominablement autorisé.
    Les exploiteurs de la débauche ont planté leurs tentes au même endroit. L’air y est lourd des puanteurs de syphilis, de maladies exotiques apportées par les marins privés de femmes pendans les longues traversées et venant apaiser leur fringale dans d’immondes naufrages en ces puits de tares morales et physiques, de dégénérescence contagieuse.
    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Odile Halbert – Reproduction interdite sur autre endroit d’Internet seule une citation ou un lien sont autorisés.

    Journal d’Etienne Toysonnier, Angers 1683-1714

    1688 : toute l’année, mais lacunes en octobre

    Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

  • Le premier janvier 1688 mourut monsieur Lefevre, chanoine de St Maurice, âgé de 72 ans.
  • Le 8, mourut Mr Pasqueraye, greffier en l’élection.
  • Le même jour (8 janvier 1688) mourut Mr Raboisseau, prêtre.
  • Le 12 (janvier 1688) monsieur Constantin grand prévôt d’Anjou épousa mademoiselle des Emereaux, fille de feu Mr Le Clerc des Emereaux et de la dame Charlot.
  • Le 13 (janvier 1688) le fils de Mr de la Porte Trochon, cy-devant grenetier en cette ville, et de la demoiselle … épousa la fille de Mr Mabit bourgeois et de la demoiselle Saget.
  • Le 18 (janvier 1688) le sieur Duperché apothicaire épousa la fille du sieur Chaudet Me apothicaire.
  • Le 4 février (1688) Mr du Temple Erreau, fils de défunts Mr Erreau, docteur régent ès loix, et de la dame Verdier, se fit recevoir dans la charge de procureur du Roy au siège de la Prévôté de cette ville, cy-devant remplie par Mr Avril, à présent major du château de cette ville.
  • Le 6 (février 1688) mourut la femme de Mr de la Gaulerie Brondeau, bourgeois de cette ville.
  • Le 8 (février 1688) mourut Mr Ferrand, docteur en médecine. Il était très habile homme. Il n’a pas profité de sa bonne fortune pour aimer trop son plaisir. (Note de Marc Saché : « Guillaume Ferrand, né à Angers le 3 janvier 1610, était fils de noble homme Guillaume F., docteur régent en médecine. Il prit son grade de docteur en la Faculté de Médecine en 1639 et épousé, le 3 juillet 1642, en la paroisse Saint-Martin, Renée Chotard. Il mourut le 8 février 1688, à l’âge de 79 ans et fut inhumé dans la chapelle Saint-Nicolas de Sainte-Croix, le surlendemain. Voir état-civil de Sainte-Croix et C. Port, Dictionnaire, t2, p.144)
  • lacunes … la fille du Sr Bridier qu’il a laissé avec 3 enfants.

  • Le 10 (mai 1688) le sieur Préjan marchand, fils du Sr Préjan aussy marchand et de la dame du Tertre, épousa la fille du Sr Yvard notaire cy-devant praticien au présidial et de la défunte dame Faucheux.
  • Le 11 (mai 1688) mourut la femme du feu sieur de la Hussaudaye Robert, bourgeois de cette ville ; elle s’appelait Boceau de la Bunoche.
  • Le 13 (mai 1688) mourut monsieur Guy Artaud prêtre, cy-devant archidiacre et chanoine en l’église de cette ville. Il avait été quelque temps conseiller au siège présidial. Il fut enterré le lendemain dans l’église de St Maurice.
  • Le 15 (mai 1688) mourut la femme de feu Mr Trochon marchand de draps de laine en cette ville ; elle a laissé plusieurs enfants ; son fils aîné aussy marchand avait épousé la défunte fille du feu Sr Angoulant, et de la défunte Guitton, ma tante ; Il s’est remarié avec la fille du feu Sr Hubert ; une autre fille a épousé le Sr Jouanneaux, cy-devant marchand de soie en cette ville ; elle s’appelait Blanche.
  • Le 17 (mai 1688) monsieur de la Roche Goizeau se fit installer dans la charge de juge des traites, cy-devant remplie par feu Mr de Pontlevoy Froger.
  • Le 26 (mai 1688) mourut la femme de Mr Lefort, avocat ; elle s’appelait mademoiselle Berthelot.
  • Le 29 (mai 1688) monsieur Cesbron avocat se fit installer dans la charge de conseiller au siège présidial de cette ville, cy-devant remplie par feu monsieur de Teildras Cupif.
  • Le 3 juin (1688) mourut le sieur Berger marchand cirier en cette ville, âgé de 45 ans, époux de Delle Paytrineau.
  • Le 12 (juin 1688) Mrs Delorme fils de Mr Guy Delorme avocat et Joseph Doublard, fils du Sr Doublard, cy-devant marchand droguiste en cette ville, plaidèrent leur première cause.
  • Le 14 (juin 1688) Mr Bouchard avocat épousa la fille du sieur Crosnier notaire et de la défunte dame Boumier.
  • Le 22 (juin 1688) le fils de Mr Hameau Sr du Marais et de la demoiselle Grémont, épousa dans la ville de Château-Gontier la fille de feu Mr d’Héliand Sr de la Gravelle président au présidial de Château-Gontier et de la dame Cazet.
  • Le 28 (juin 1688) mourut monsieur Pichard, avocat au siège présidial de cette ville. Il fut enterré le lendemain dans l’église de St Michel du Tertre.
  • Le 5 juillet (1688) Mr Camus receveur du grenier à sel de Saumur épousa la fille de Mr Chauveau Me apothicaire et de la défunte dame de la Roche. Ledit Sr Camus était veuf de la Delle Geslin, duquel mariage il n’y a point d’enfant.
  • Le 9 (juillet 1688) mourut madame Lanier veuve de défunt Mr Lanier cy-devant maître des requestes et qui avait été ambassadeur en Portugal ; elle s’appelait madame Liquet.
  • Le même jour (9 juillet 1699) mourut monsieur Lefebvre frère de feu Mr de la Guyberdrie Lefebvre. Il avait épousé la demoiselle Lejeune, dont il y a deux enfants ; le fils aîné a épousé une demoiselle de la ville de Beaufort, et la fille a épousé Mr de la Perdrillère.
  • Le 26 (juillet 1688) le Sr Bonvalet épousa la fille du Sr de la Barre Me chirurgien en cette ville et de la défunte dame Lecourt ?
  • Le 27 (juillet 1688) le Sr Behier commis aux traites à Saumur épousa la fille des défunts Sr Rouillard marchand et de la dame Angoulant.
  • Le 31 (juillet 1688) monsieur Baudry, fils de Mr Baudry, bourgeois, et de la Delle Bault de Baumont, se fit installer dans la charge de conseiller au présidial de cette ville, cy-devant possédée par feu Mr de Louzil Avril.
    Dans ce même temps, Mr de Cimbré Drouet épousa mademoiselle Butin, auparavant veuve de feu Mr … duquel mariage il n’y a point d’enfant.
  • Le 10 août (1688) mourut la femme de monsieur Boylesve de Goismard, conseiller au siège présidial de cette ville ; elle s’appelait de Chanzé Gaultier, fille de Mr de Chanzé Gaultier conseiller honoraire audit siège et de la dame de la Féaulté Renou. Il y a une fille de ce mariage.
  • Le 20 (août 1688) mourut monsieur Drouet sieur du Centré avocat au siège présidial de cette ville.
  • Le 7 septembre (1688) mourut la femme du défunt sieur Buret marchand Me apothicaire ; elle s’appelait Grudé. Elle a laissé trois enfants ; le Sr Buret marchand qui a épousé la dame … ; un autre qui a épousé la fille du Sr Richard de la ville de la Flèche, et une fille qui a épousa le Sr Chauveau Me apothicaire.
  • Le 12 (septembre 1688) mourut la femme de défunt monsieur Renard ; elle s’appelait Froger.
  • Le même jour (12 septembre 1688) mourut monsieur Moreau marchand Me apothicaire en cette ville.
  • Le 18 (septembre 1688) mourut monsieur des Cheminaux Herbereau.
  • Le 24 (septembre 1688) Mr Jacquelot gentilhomme veuf de la dame veuve de la Chapelle, épousa la fille de feu Mr Robert cy-devant messager de cette ville à Paris et de la dame Lecoq.
  • Le 26 (septembre 1688) mourut Mr Fortin, marchand de soie en cette ville.
  • Le 8 octobre (1688) Mr Legendre prêtre curé de St Maurille de cette ville fut tué par le fils de sa servante. Il fut arrêté deux jours après, saisi de sept mil livres en or qu’il luy avait volé. Il fut condamné le 16 ; il fut condamné de faire amande honorable et d’être rompu vif et expirer sur la roue ; ce qui fut exécuté le jour même.
  • Le 6 novembre (1688) mourut madame Berthelot âgée de 78 ans ; elle était mère de monsieur Bertelot de Boumois auditeur des Comptes en Bretagne ; elle s’appelait Gaudin.
  • Le 5 (novembre 1688) mourut monsieur du Plessis Berthelot, fils de monsieur de Boumois Berthelot, auditeur des Comptes en Bretagne ; il a épousé Melle de la Sablonnière Chotard, dont il y a un enfant.
  • Le 9 (novembre 1688) Le Douane, docteur en médecine, épousa la fille de Mr Chaillou, aussy docteur en médecine, et de la demoiselle Chauveau.
  • Le 14 (novembre 1688) mourut madame Toysonnier, veuve de feu monsieur Toysonnier greffier au siège de la prévôté de cette ville, mon oncle. Il n’y a point d’enfant de leur mariage ; elle s’appelait de Fontenelles Goupil.
  • La récolte des bleds et du vin a été cette année abondante, grâces à Dieu.
  • Journal de Maître Estienne TOYSONNIER, Angers, 1683-1714
    Numérisation par frappe du manuscrit : Odile Halbert, mars 2008. Reproduction interdite.
    Légende : en gras les remarques, en italique les compléments – Avec les notes de Marc Saché, Trente années de vie provinciale d’après le Journal de Toisonnier, Angers : Ed. de L’Ouest, 1930

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    NANTES LA BRUME, Ludovic GARNICA DE LA CRUZ, Paris, 1905 Chapitre X. CARNAVAL

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

    Des affiches multicolores avaient annoncé que le « Carnaval à Nantes n’est pas mort ». On croit toujours qu’il veut mourir. Chaque année assiste à son désossement. Les commerçants s’ingénient pourtant à le ranimer de leurs efforts. Mais la défiance et la jalousie sont telles que leur succès reste stérile. Quoique rnal secondés les organisateurs avaient fait de leur mieux.
    Dès le matin une vive animation s’entrecroisait les rues. Les baladeuses aux tas de confettis, aux rnains courbes soutenant des sacs jaunes, des chasse-belles-mères et autres fantaisies anodines, s’allaient caler sur le bord des carrefours, sur le centre de la place Graslin et de la place Royale, déjà encombrées de marchandes de violettes et d’oranges. Les cafés préparaient leurs tables, ornaient leurs devantures. La ruche nantaise terminait ses préparatifs de plaisirs. Le monde ouvrier surtout s’apprêtait au franc rire.
    Quand deux heures sonnèrent chacun son tour aux cadrans de la ville, les groupes se tassèrent rue Crébillon, place Royale et placé Graslin. Toutes les autres rues de la ville vomissaient ce sang de bonne humeur sur un même point. Chère aux Nantais, la bousculade commença parsemée de luttes en couleurs ; les confettis flottaient comme des poussières échappées des ailes de papillons variés. Les serpentins se rendaient visite de croisées en croisées. C’était un dôme de tapisserie claire en fils de satin brillamment entrelacés. En avant, les jolies filles aux dents blanches, aux yeux humides de rires, aux lèvres bavardes, en avant, dans les poussées formidables des tourbillons humains ! Hardi, les giffles aux indiscrets. Les confettis sont des diables curieux. Où vont-ils parfois se nicher ? C’est une marée de libéralités qui passe, n’est-il pas vrai ? Osez donc, c’est jour de liesse et l’on ne se fâche que pour la forme ! Carnaval, jour de mascaraderies, jour qui ne compte pas dans l’année de la sagesse ! Il faudra bien ce soir dénouer ses bandeaux bourrés de poussières et rêver d’avoir pu les laisser dénouer en rêve. Audacieux ou rosses, c’est une fusée de moqueries où le plus trompeur est trompé lui-même. Ouvrez le parapluie de l’inconstance sous le déluge des vaines promesses et des menteuses futilités ! Qui saura la vérité de ce regard, de ce geste matin effeuillant les papiers roses ? Qui pénétrera le secret rapide de ce front mince où vous avez posé les doigts ? Que dit sous les corsages la chanson des coeurs essoufflés ? Quel refrain répètent-ils à l’unisson ? Un rythme affolant d’ivresse se déploie au grand air, plane en des accords martelés de cris rauques, d’effarouchements crédules ou rusés. Un tambour de basque sonne la charge délirante de la folie des mots, de la débauche des esprits, des étincelles gauloises et, hardies. Ouvrières habilleuses, gamines, étudiants, calicots, barbes grises, surveillantes, et autres, les grelots battent la mesure du vaste chahut légendaire de vos tranquillités, de vos laisses habituelles et de vos paix sournoises.
    Parmi le fluctueux hurlement quelques travestis tachent le noir d’une ponctuation vive. Des groupes chantaient des airs populaires, les mêmes scies bornant l’horizon de leurs esprits fêtards. Et les filles criaient qu’on les pincait, qu’on les chatouillait fort, se débattaient comme des couleuvres prises au piège. Il y avait aussi des voleurs de baisers sur les nuques distraites et les fouilleurs de gorges discrètes. Il y avait encore des brutes malfaisantes qui amusaient bestialement à la façon des chiens en rut : la plaie honteuse des foules qui s’étale contagieusement comme un eczéma.
    Remuée par les pieds la peluche épaisse des confettis dissipait un nuage compact de poussière. Une pluie en flocons imitant les grains de tabac à priser s’infiltrait au fond des nez, des paupières et des gorges. La fontaine de la place Royale s’épanouissait d’eau, et le vent collant les confettis sur les torses sombres, ils semblaient couverts de pustules saignantes où suppurantes. Dans le bassin se noyaient les papiers ronds. Ça le transformait en un étang fardé de goëmon millicolore.
    La cavalcade trancha la foule de la beauté funambulesque ou ironique de ses chars et des voitures fleuries. Les humains, faisant abstraction de leur dignité d’êtres supérieurs, formaient le cortège du Bœuf Gras royalement entouré de sa cour de futurs bourreaux. L’énorme roi que l’on applaudissait, à qui l’on jetait des fleurs et des baisers, arrondissait ses gros yeux placides, ses yeux inquiets de tout ce bruit, de ces honneurs étranges. Peut-être son étroite cervelle devinait-elle le rire de la mort dans les cris de joie qui le saluaient ? Nul ne saura le drame effroyable qui se passe au creux de ses prunelles élargies ! Son indifférence n’est-elle que l’héroïque résignations à l’échafaud où le char enjolivé le conduit ? Qui sait, si dans son attitude impassible, il n’y a pas du mépris pour les lâches qui l’acclament, polir les tortionnaires qui demandent sa tête derrière le bouquet offert ? Royauté carnavalesque, mensonge stoïque, pauvre innocent, dont on mangera les reins, sublime captif, paré de chaînes d’or pour la plus sincère des fêtes, la mort ! Sur l’autel de la folie, il faut du sang, du sang comme un sanglot sauvage excitant la foule au charivari monstrueux.
    Les bouquets s’arquent-en-ciel. Les violettes parfument discrètement les corsages. Les oranges font la joie des enfants petits ou grands. Des voitures fleuries à la foule, et aux fenêtres pleuvent les lazzis, les saluts, les bombes. Le boa bariolé du cortège glisse lentement au bruit de ses écailles à travers les rues.
    Charles et René regardaient nonchalamment dans leur voiture ornée de fleurs jaunes la masse grouillante des curieux. On les interpellait, étonnés de les voir en dominos jaunes avec des masques verts. Dédaigneux, ils laissaient errer leurs yeux sur l’océan moutonné de têtes flottantes. Jouir de l’amusement insane de leurs concitoyens ; les hommes et les femmes riant bêtement de leurs jeux ridicules, comme un moutard qui rirait d’effeuiller les pétales d’une rose ! Inconsciemment grisés de bruit fantômale, ils gesticulaient au bout de la corde, la corde des pantins de foires aux pains d’épices.
    Puis le soir s’était affolé sur la gaieté ambiante. Les cafés blancs de lumières se gavaient de consommateurs. Au café de France, sur la place Graslin, les deux amis allèrent s’attabler. Il se déroula une trame plus fantaisiste. Un mendiant de circonstance chanta des airs abracadabrants et fit la quête pour les pauvres. Les sous tintaient. Renversant verres et soucoupes une sultane singeait la danse du ventre, s’accompagnant de gestes ignobles et provocateurs, ennivrée des souillures qu’elle devinait en l’âme de ses admirateurs. Une autre s’évanouissait pour exhiber ses seins et les faire caresser des voisins. Plus audacieuses les grues, fières de leurs travestissements, guettaient les mâles, les frôlaient d’impudences.

  • Allons, beaux museaux verts, leur dit-une clownesse, en portant les mains à son corsage, il y a ici de quoi travailler toute une nuit sans repos.
  • Si ça t’arrive souvent, ricana Charles, ils doivent être flasques.
  • Viens donc voir, mon petit. Flasques, tu sais, faudrait pas me le dire deux fois.
  • Charles haussa les épaules. La femme recommença son offre ailleurs.

    A la nuit, l’électricité vidait ses ventres lumineux sur les carpettes des rues. Un flot nouveau s’amoncela. Les chansons cascadèrent plus nombreuses, plus brutales, hurlées par des poumons enthousiastes. Vers le cours de la République, les groupes se pressaient. Entre les grilles d’entrée, deux grandes tentes abritaient les humains des étoiles. Ou les avait remplacées plus près du sol par des lampions en guirlandes. Des orchestres primitifs et surtout tapageurs gueulaient des chachuts enlevants, des valses populaires. Et ça sautait, ça tournait, ça broyait les pieds, déchirait les robes, renversait les chaises. Des bandes de filles bras dessus, bras dessous cherchaient des cavaliers.

  • Masques verts, venez avec nous. Nous sommes gentilles et nous savons de jolies farces.
  • Passez, passez, les belles.
  • Les familles venaient avec leurs jeunes filles chastes. Des voyous leur pinçaient le derrière en passant. Le père roulait des yeux terribles. Joli bal des familles au milieu d’une promiscuité de vice qui forme glue. Hors des tentes, dans l’ombre, des couples s’écartent, cherchent du secret pour de calmes marchés. Au centre, la statue du général Cambronne grommèle encore une fois à l’adresse de son entourage fantoche le fameux mot, le résumé philosophique de ce bal à toutes les laideurs.
    Minuit vomi dans la tempête des gosiers, le peintre et le poète entrèrent au grand théâtre.
    Le bal.
    Les costumes scintillaient leurs satins précieux et leurs dorures. Une gamme féerique de couleurs à jets indiscontinus d’éblouissements sonores. Glissaient au vent de l’insensé les chamarris diaprés. Ondulaient les groupes étincelants de velours d’or ou de soie, à travers les buées folâtres de la joie. Et des beaux inconnus passaient doucement au bras sur des chemins de miel et de charmeuses causeries. Dans une atmosphère de secrets, semblant les ailes de moulins illusoires, arlequins, gnômes, pierrelets, tournaient au froufou des satins et des moires. Les intimes grelots de passagères amourettes tintaient de jolis airs dévots dans le parfum des collerettes.
    Les dames du ballet esquissèrent de gracieux pas, plus gracieux qu’un vol d’anges, semant les lueurs dé leurs riches décors. Les galeries des spectrateur étaient combles. Badauds enfantins venus pour s’égayer des projections d’une lanterne magique, étalant une mêlée fluctueuse de va et vient, fragiles accoutumances de tableaux disparates ! Vieillards passionnés s’efforçant de cueillir sur la frivolité des trames de ces longues tapisseries en fête les flammes d’amour qui s’y consument ! Et ceux qui ont besoin d’oublier, d’emplir leurs crânes de fantastiques vêpres de démences ! Et ceux qui s’amusent de riens, ceux qui n’ont pas de pensées, ceux qui ne savent pas pourquoi ils sont à regarder leurs semblables grimacer.
    Est-ce encore une grimace sincère ? Une grimace oublieuse du passé, insoucieuse de l’avenir qui ne sait pas que le présent paie le fossoyeur de sa tombe ! Gens de plaisir, jetez-vous au creux de la fosse d’oubli des brassées de pleurs, des brassées de ris, des brassées de douleurs fraîches ; inapaisées ? Une heure de foi sublime s. v. p ! Adorez le bénévole dieu des farces sur les débris du vieux préjugé ! Raillez les cervelles ritournelles de sermons ! Puisez à la tiédeur des épaules des ferments de sève galante ! Sonnez aux portes de la gaieté un carillon funambulesque ! Mêlez devant l’éternité, le diable à polichinelle, l’inanité sublime au grotesque !

    Note d’Odile : Cette page est numérisée de l’ouvrage Nantes la Brume,1905. Vous verrez ici d’autres auteurs et thèmes du vieux Nantes. Vos souvenirs seront les bienvenus sur ce blog. Merci !

    Ludovic Garnica de la Cruz. Nantes la brume. 1905. Numérisation Odile Halbert, 2008 – Reproduction interdite.

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